Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur l'engagement de la France et de l'Europe en faveur du développement des systèmes d'observation de la Terre, notamment le programme GMES, Washington le 31 juillet 2003.

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Circonstance : Sommet de "L'Observation de la Terre", organisé par le département d'Etat à Washington le 31 juillet 2003

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Monsieur l'Administrateur,
Monsieur le Conseiller scientifique,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes aujourd'hui réunis à Washington, j'en remercie les organisateurs, à l'occasion de ce sommet sur l'observation globale afin de nous concerter et, je l'espère, de décider de travailler ensemble pour pérenniser et amplifier, par la concertation internationale, l'effet de nos actions nationales, régionales ou communes, sur un sujet d'intérêt majeur pour chacun de nos pays comme pour la planète toute entière.
La diversité des intervenants, venus aussi bien des pays du Nord que des pays du Sud, et qui appartiennent aussi bien au secteur de l'environnement, qu'a celui des transports ou de l'agriculture, démontre la variété des communautés directement concernées par le sujet qui nous rassemble.
Ce Sommet s'inscrit à la suite d'une série de rencontres internationales qui ont renforcé notre prise de conscience des dégradations subies par notre planète et de l'urgence d'une coordination mondiale des politiques en faveur du développement durable.
En accueillant cette année à Evian, au titre de la présidence du G8, les huit pays les plus industrialisés, la France, selon les termes du Président Jacques Chirac, a souhaité témoigner de l'universalité de l'impératif écologique.
Il s'agit de prendre dès maintenant des mesures correctives fortes quant à l'action de l'homme, et notamment celles touchant aux gaz à effet de serre. Il est indispensable pour cela que soient mis en place des outils de surveillance de notre planète.
Parmi les plans d'action retenus à l'issue de ce sommet figure l'initiative "Science et technologie pour le développement durable". Cette initiative appelle, vous le savez, à la "coordination des stratégies globales d'observation". Nous sommes au coeur de notre sujet.
La science et la technologie ont un rôle particulier à jouer pour favoriser un développement cohérent de notre planète. Nous ne pouvons prendre des décisions en oubliant cette dimension. A ce titre, je souhaite me faire l'écho de la voix de l'Union Européenne qui a su prendre très tôt la dimension politique des enjeux liés à l'observation de la Terre.
C'est ainsi qu'elle a choisi de s'engager dans le programme GMES, Global Monitoring of Environment and Security. Saisissant l'occasion de la signature du nouveau traité de l'Union, elle s'apprête à prendre aujourd'hui de nouvelles responsabilités et une nouvelle compétence en matière de politique spatiale. C'est un nouveau défi qui s'offre à elle. Elle saura, j'en suis sûre, le relever.
La France a la volonté de jouer un rôle moteur dans ces initiatives, qu'il s'agisse de coopération Nord / Sud, de développement durable, ou de respect de l'environnement.
C'est pourquoi je souhaite que mon pays participe activement au renforcement de la coordination des différents systèmes globaux d'observation afin d'aider à préserver la planète pour le bien des générations présentes et à venir. C'est ce témoignage, de l'action et de la détermination de la France, que je souhaite porter ici.
Le Sommet Mondial sur le Développement Durable et le G8 d' Evian ne sont certes pas les premières manifestations des prises de consciences politiques de ces préoccupations. De nombreuses initiatives que je qualifierais de " techniques " existent tant au niveau mondial qu'au niveau local. Je pense notamment au GIEC, groupe d'experts sur le changement climatique, mais aussi à l'initiative IGOS, qui propose une approche coordonnée dans la définition de nos systèmes d'observation. Ces initiatives sont excellentes, mais chacun sent bien qu'il faut une volonté politique ferme et continue au plus haut niveau pour leur donner toute leur efficacité.
Renforcer nos coopérations dans ces domaines est un travail de longue haleine. Il se déroulera sur plusieurs années, mais il s'agit de nous y atteler dès aujourd'hui, car " notre planète est en feu ", et tout retard sera un lourd handicap.
Voici donc nos attentes pour ce sommet : marquer notre engagement politique, trouver des solutions conjointes afin d'optimiser nos investissements et assurer la pérennité de nos systèmes d'observation, élaborer une véritable politique d'échange des données qui nous permette des collaborations plus étroites et plus fructueuses dans un cadre bilatéral ou multilatéral.
La tâche est si vaste que seule une répartition du travail judicieusement réfléchie peut nous permettre d'aboutir dans les délais impartis pour répondre à des questions de dimension planétaire et qui exigent une détermination durable.
Optimiser nos investissements et assurer la pérennité de nos systèmes d'observation
Il est urgent, en effet, de nous coordonner afin d'organiser nos forces pour leur donner plus d'impact.
L'Europe a très tôt pris conscience de cet impératif qui répond à une responsabilité politique vis-à-vis de nos concitoyens. En lançant, sur la base des travaux préparatoires du CNES, l'initiative GMES, l'Union européenne et l'ESA n'ont pas souhaité remplacer les accords existants, mais renforcer leur efficacité.
Cette initiative vise avant tout à améliorer la fourniture d'informations pour répondre aux besoins des politiques environnementales en exploitant pleinement les capacités de surveillance comme celles de l'observation de la Terre depuis l'espace.
Les technologies spatiales offrent un angle d'approche tout à fait particulier pour ces études. La France est l'un des acteurs principaux de leur développement et son engagement s'appuie sur une politique nationale forte, que nous souhaitons voir s'épanouir dans un cadre européen. Puis-je rappeler qu'à la fin des années 70, la France a proposé un programme européen de météorologie qui a conduit quelques années plus tard à la création d'Eumetsat.
Aujourd'hui, la constellation SPOT, en particulier sa dernière version, le satellite SPOT 5 lancé en 2002, est reconnue comme l'un des instruments majeurs pour la gestion de l'environnement continental à des échelles locales et régionales.
Je salue la présence à mes côtés des représentant des deux organismes fondateurs de ces actions : M. d'Escatha, président du CNES et M. Beysson, président de Météo France.
Dans ses relations bilatérales, la France travaille en étroite coopération avec les États-Unis, et je citerai ici la réussite de la mission altimétrique Topex/Poséidon et ses successeurs Jason.
La France travaille aussi étroitement avec l'Inde et le Japon.
Mais nos travaux, même bilatéraux, s'inscrivent constamment dans une volonté européenne.
A titre d'exemple, le programme ORFEO / Pleiades / Cosmo Skymed, qui se développe actuellement dans le cadre d'une coopération avec l'Italie, sera une contribution majeure des deux pays au programme européen de gestion des risques et d'observation de la Terre GMES.
Je vois donc dans GMES la contribution européenne à cette initiative mondiale sur l'observation de la Terre.
Je souhaite rappeler ici que l'observation globale n'est pas le privilège de technologies spatiales et qu'il nous faut aussi veiller à la pérennisation des réseaux terrestres. Le CNRS, avec l'Institut des Sciences de l'Univers et de l'Environnement, prend désormais en compte la dimension " systèmes d'observation " dans sa programmation.
C'est ainsi que la France fournit une partie de la flotte du programme international océanographique ARGO, au travers de l'Ifremer.
Je salue ici avec plaisir la présence dans la délégation française de son Président Directeur général M. Minster.
Ces observations, pour une utilité maximale, doivent faire partie d'ensembles cohérents à la fois dans le temps et sur de vastes territoires, afin de pouvoir les incorporer dans des modèles numériques réellement prédictifs. Ces derniers permettent alors de construire des descriptions de l'état présent, des suivis des changements du passé, et des prévisions du futur. Ce sont ces systèmes qui fourniront les produits et les services dont nous avons besoin - à l'image des systèmes qui existent en France et en Europe pour la météorologie.
Initier ces collaborations ne suffit pas. Il faut les pérenniser afin de les rendre utiles : il faut donc résoudre le problème récurrent du financement pérenne d'opérations qui ne sont pas de la recherche proprement dite, mais qui en constituent le fondement, comme c'est le cas pour les systèmes d'observation expérimentaux de l'océan.
Elaborer une politique d'échange de données qui nous permette des collaborations plus étroites dans le cadre bilatéral ou multilatéral
La question de l'échange des données me paraît centrale.
Pour que ces systèmes soient gérables, il faut qu'ils se développent dans une coordination mondiale, incluant des partages de tâches, un échange des données d'observation, des mécanismes de validation et de comparaison des produits. Ces échanges doivent s'inscrire dans des principes acceptés de tous.
C'est ainsi que l'initiative GMES, dont je parlais il y a un instant, se développe toujours avec le souci d'une coordination aussi proche que possible avec les partenaires mondiaux pour que l'ensemble de notre planète bénéficie des progrès que nous aurons pu réaliser.
En créant un cadre international dans lequel puissent se développer ces échanges de données, nous faciliterons les opérations bilatérales d'implantation de réseaux globaux ou régionaux.
Je voudrais revenir à l'intervention de Monsieur Djombo sur le point de vue des pays du Sud. Vous connaissez l'engagement de la France en faveur du renforcement des collaborations Nord-Sud. Le partage des savoirs comme des savoir-faire demeure une des voies les plus durables de la maîtrise du développement par les sociétés elles-mêmes. C'est ainsi que nos collaborations doivent s'ouvrir selon deux axes : collaboration scientifique, d'une part ; partage des moyens et soutien opérationnel, d'autre part.
Les possibilités de travail qui s'ouvrent à nous seront riches de succès, j'en suis sûre. Je pense à nos collaborations avec l'Inde, avec la Chine, ou encore avec les pays du Maghreb. Je tiens aussi à mentionner le projet AMMA, une grande campagne coopérative internationale pour étudier la mousson africaine à laquelle vont participer plusieurs dizaines de scientifiques africains, des européens et plusieurs établissements français.
J'en ai la conviction : de la coordination de nos politiques dépend l'amélioration de la prévention des risques, de la surveillance de la Terre, de la préservation de ses grands équilibres, dans le respect du développement des pays les moins favorisés.
En un mot, il s'agit de mieux observer pour mieux comprendre et pour ensuite mieux anticiper.
Ce Sommet doit nous permettre d'instituer l'International Ad hoc Working Group dans lequel la France s'impliquera activement.
Mais nous devons déjà voir plus loin : portons nos regards vers la conférence ministérielle qui se tiendra à Tokyo au printemps prochain, avec l'objectif de franchir une nouvelle étape.
J'appelle enfin de mes vux, comme mes collègues ministres européens, la tenue en Europe fin 2004 du deuxième Sommet sur l'Observation de la Terre.
Je vous remercie de votre attention
(source http://www.recherche.gouv.fr, le 4 août 2003)