Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, à l'occasion d'une conférence de presse sur les relations franco-marocaines, la question du Sahara occidental et le sort d'Ingrid Bétancourt en Colombie, Tétouan le 25 juillet 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage officiel de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, au Maroc du 24 au 25 juillet 2003

Texte intégral

Je suis très heureux de pouvoir devant vous faire le bilan d'une série de rencontres importantes. Celle notamment, ce matin avec Sa Majesté le Roi Mohammed VI et l'ensemble des travaux de la Vème conférence intergouvernementale qui s'est tenue ce matin et qui a été précédée par un certain nombre de contacts hier, de manière à pouvoir déboucher sur des propositions concrètes. Le voyage que j'effectue aujourd'hui au Maroc s'inscrit donc dans le cadre d'un partenariat annuel, permanent entre les deux gouvernements mais aussi évidemment comme l'a dit M. le Premier ministre dans le cadre de la préparation de la visite d'Etat que le Président de la République française rendra au Maroc les 8 et 9 octobre prochains.
Sur les sujets de politique internationale, nous avons dégagé de grands consensus. Cette commune vision entre la France et le Maroc est ancienne. Et sur les grands sujets qui touchent aujourd'hui nos pays, nous avons des visions communes - et c'est pour cela, notamment, en ce qui concerne le terrorisme dont le Maroc a été particulièrement et cruellement victime le 16 mai dernier - que nous avons souhaité renforcer nos partenariats. D'ores et déjà, des missions d'experts se sont rendus sur place à la disposition des uns et des autres, et nous avons mis au point des coopérations renforcées de manière à pouvoir ensemble faire face à cet adversaire commun qu'est le terrorisme. Et visiblement, il apparaît aux yeux du monde que personne aujourd'hui n'est à l'abri de ce fléau. Nous comprenons bien aussi que ce fléau que nous combattrons en s'attaquant aux racines du mal, c'est-à-dire aux problèmes de développement, aux problèmes de pauvreté, à la justice sociale. Et c'est pourquoi nous avons souhaité renforcer notre coopération. Vous le savez, les interventions de l'Agence française du développement représentent à peu près le tiers des efforts financiers de coopération que mène la France pour le développement du Maroc. Nous avons décidé de doubler cette intervention, c'est-à-dire de permettre une enveloppe supplémentaire de 150 millions d'euros pour participer à des projets qui sont des projets qui s'inscrivent dans cette perspective de développement, notamment des infrastructures économiques mais aussi sociales.
Ce que nous sommes, ensemble, en train d'étudier c'est un partenariat pluriannuel de trois ans pour lesquels ces 300 millions d'euros de base de départ sur l'intervention AFD puisse servir à des financements qui sont ceux des grandes infrastructures, qui, pour le Maroc, sont très importantes quant à son développement. Je pense aux infrastructures ferroviaires pour le port de Tanger, je pense à certaines autoroutes, je pense à un certain nombre de grandes infrastructures également dans le domaine social, le logement ou dans le domaine de la santé. Ce que nous allons faire ensemble c'est de définir des priorités de projets et pour les trois ans qui viennent, avec cet argent mais aussi avec les formes de financement, marocaines évidemment et des différents partenaires, de faire en sorte qu'il puisse y avoir un programme de projets pluriannuels sur trois ans, de grands projets d'infrastructures et de développement qui puissent aussi mobiliser l'Union européenne. Le Maroc souhaite que la France puisse l'aider dans ces discussions avec l'Union européenne. C'est ce que fait la France et nous continuerons à agir de la sorte. C'est pour ça que cette conférence intergouvernementale est particulièrement importante. Les ministres vont prolonger la Déclaration commune qui définit la stratégie par un certain nombre de projets plus particuliers, plus concrets et très opérationnels. Nous voulons aussi au-delà évidemment des financements publics, pouvoir mobiliser des financements privés. C'est pour ça qu'avec M. Jettou, nous avons souhaité qu'un forum économique se tienne en parallèle à notre conférence et donc, nous mobilisons les entreprises pour qu'elles s'intéressent à ces projets et qu'elles participent dans le partenariat public-privé à ces grands projets structurants pour le Maroc. Les entreprises, la société civile, mais aussi les collectivités territoriales et nous souhaitons notamment, en ce qui concerne le logement, qu'il puisse y avoir un développement renforcé de la coopération entre les différentes collectivités territoriales de France qui s'intéressent au développement des collectivités territoriales du Maroc.
Ce sont des sujets opérationnels qui sont mis en place, et naturellement dans ce programme qui concernera l'année 2004, 2005 et 2006, la visite que le Président de la République tiendra au mois d'octobre ici une visite d'Etat donc, permettra de définir les modalités de cette intervention. Vous voyez les choses sont simples et claires. Il y a une profonde amitié historique entre le peuple marocain et le peuple français. Il y a de grandes proximités stratégiques sur la vision du monde. Il y a de grands efforts de coopération bilatérale qui sont développés. Nous voulons faire un pas supplémentaire pour, ensemble, porter des projets communs qui sont notamment structurants pour l'espace euro-méditerranéen qui est pour nous un espace d'équilibre nécessaire au monde moderne.
Je vous remercie.
Question : Est-ce que lors de l'audience que vous a accordée le Roi ce matin, il a été question de la question du Sahara occidental et plus particulièrement des derniers développements que connaît ce dossier au Conseil de sécurité, à un moment où certains médias marocains mettent en cause l'attitude inamicale des Américains, et là encore est-ce qu'on assiste à une évolution des rapports entre Paris et Washington sur ce dossier ? (N. Marmié-AP)
M. Raffarin : Ce dossier a fait l'objet des discussions avec Sa Majesté le Roi et aussi avec M. le Premier ministre, et les deux ministres des Affaires étrangères en ont parlé lors de leur entretien bilatéral. La position de la France reste inchangée sur le fond, elle est, vous le savez, très claire. Nous avons étudié avec nos amis marocains les modalités de discussions pour faire en sorte que ce dossier puisse être traité de manière positive dans le respect de cette stratégie à la fin juillet, donc ces jours prochains, à l'ONU.
Q : Quelle est votre analyse des propositions de M. Baker ? (R. Habib-Al-Hayat)
M. Raffarin : Nous sommes, comme toujours, très proches des positions marocaines. Il y a eu des propositions qui ont été faites, un travail important qui a été fait par M. Baker. Ce que nous souhaitons c'est que dans le respect des positions de la France, voisines de celles du Maroc, dans les discussions qui ont lieu à l'ONU, on puisse éviter une situation de blocage.
Q : Le Monde daté de samedi indique que l'avion médicalisé qui a été destiné à la Colombie transportait également des membres de la DGSE ? Qu'est ce que vous avez à dire là-dessus ? (AFP)
M. Raffarin : Nous sortons de la relation franco-marocaine. C'est du franco-français, donc je veux bien répondre à cette question. Puisque la réalité est toute simple, je réponds bien volontiers à cette question. La réalité est en effet très simple et cette décision a été prise en toute transparence entre les différentes autorités de l'Etat au plus haut niveau. Nous avons mis à disposition de ce projet, qui était à la demande de la famille Bétancourt, un avion militaire. Il s'agissait d'un projet médical. Pour nous, il s'agissait de répondre à une demande d'assistance et donc, pour ce faire nous avons des avions militaires médicalisés qui sont à cette fin mis en place sous l'autorité des plus hauts responsables de notre pays. C'est ce qui a été fait sur ce dossier à la demande de la famille d'Ingrid Bétancourt et ceci avec une vocation d'aide humanitaire en toute liaison avec l'ensemble de nos partenaires mais évidemment avec la confidentialité que ce genre de mission impose.
Q : M. le Premier ministre, quand peut-on anticiper une rencontre au sommet entre le Président Bouteflika et Sa Majesté le Roi du Maroc ? Et comment vont les relations entre l'Algérie et le Maroc et quel est le rôle de la France dans le rapprochement des deux ? (R. Habib, Al-Hayat)
M. Jettou : Le rôle de la France est toujours positif et il encourage à aller dans ce sens. D'ailleurs, nous-mêmes, nous avons pris beaucoup d'initiatives et nous continuons à en prendre pour que les relations entre le Maroc et l'Algérie reviennent à la normale, à ce qu'elles doivent être : des relations entre deux pays frères qui sont condamnés à vivre ensemble dans ce Grand Maghreb que nous appelons de nos vux. La rencontre entre Sa Majesté et M. Bouteflika sera tenue dès que les conditions favorables seront réunies.
Q : Sur la question du Sahara, est-ce que la France envisage des contre propositions pour débloquer la situation et les propositions américaines ? (presse marocaine)
M. Raffarin : Nous sommes dans une phase de consultations, de concertation, et donc pour nous il ne s'agit pas d'une remise en cause de notre position, il s'agit simplement de discuter avec nos amis marocains d'une part, avec l'ensemble des partenaires de l'ONU d'autre part, des aménagements pour faire en sorte que nous parvenions à une décision de l'ONU. C'est pour nous une phase d'intenses négociations et de concertation actuellement.
(Source http://www.ambafrance-ma.org, le 7 août 2003)