Texte intégral
Q - Hubert Védrine, bonsoir.
R - Bonsoir.
Q - Je suis ravi de commencer l'année avec vous pour commenter une actualité internationale qui est à la fois très diverse et très chargée, avec la Russie. Alors, venons-en à l'événement qui a été marquant à la veille du 1er janvier, c'est la démission de Boris Eltsine en faveur de son Premier ministre, Vladimir Poutine, du moins jusqu'aux élections présidentielles
R - Si vous permettez, c'est le jeu de la Constitution. On ne peut pas dire qu'il a choisi de démissionner pour lui. La Constitution fait que s'il démissionne, c'est le Premier ministre en exercice qui assume l'intérim.
Q - A votre avis, est-ce que c'est un formidable coup politique, une formidable astuce politique ou est-ce que c'est le signe que la démocratie est très vivante en Russie ?
R - Les deux choses ne sont pas contradictoires. Il y a une chose qu'on ne peut pas dire contre Boris Eltsine, c'est qu'il ait violé les règles de démocratie, au contraire
Q - Il les a respectées, en l'occurrence.
R - Il les a respectées, il a respecté la Constitution et notamment l'article qui prévoit que si le président démissionne avant la fin de son mandat, c'est le Premier ministre qui assure l'intérim mais les élections présidentielles nouvelles doivent avoir lieu dans les trois mois. Toutes les constitutions démocratiques prévoient des clauses de ce type. L'intérim n'est pas forcément assurée par les Premiers ministres mais on ne peut pas dire qu'il n'ait pas respecté la démocratie, sur ce plan. Alors, je crois que ce sont les deux à la fois. Il a respecté la démocratie et en même temps, il a atteint ce qui était manifestement son objectif mais il ne peut pas faire l'élection, donc il ne faut pas juger non plus trop vite, prématurément. L'élection a lieu en mars.
Q - Bien sûr.
R - Il a mis le pied à l'étrier du successeur qu'il préférait, il l'avait d'ailleurs dit dès qu'il l'avait nommé Premier ministre. Il a donc réussi sa sortie en quelque sorte.
Q - Sauf que, au passage, le premier décret qu'a pris Vladimir Poutine, c'est l'immunité judiciaire à vie pour Boris Eltsine, c'est quand même un peu surprenant, non ?
R - Ca, c'est aux Russes d'en juger.
Q - Vous avez quand même une petite idée, une petite réaction à ce sujet ?
R - Mon idée, c'est que les deux choses sont liées, naturellement.
Q - Donc, c'est un formidable cynisme.
R - Le choix de Poutine et puis, le moment où il a démissionné, finalement sans aller au terme du mandat, ça fait partie d'un ensemble. Maintenant, c'est aux Russes d'en juger puisque c'est une démocratie. Les Russes ont les éléments et les éléments sont sur la table. Je crois qu'ils sont plus intéressés par l'avenir que par le passé d'ailleurs.
Q - Simplement un mot sur le passé, vous parliez du bilan de Boris Eltsine, ce personnage parfois incohérent, semblait-il, vous avez vu une cohérence dans ses à-coups successifs ?
R - Oui, il s'est comporté en démocrate, il y a des lignes de force dans son action. D'abord, il ne faut pas oublier Gorbatchev. C'est en effet Gorbatchev qui, le premier, a décidé que l'Union soviétique ne pouvait plus continuer comme elle était et c'est lui qui a renoncé à la force pour le maintien de l'emprise de l'URSS, notamment sur l'Europe de l'Est. Ca a commencé là et d'ailleurs, Eltsine est quelqu'un qui est apparu dans le courant et le mouvement gorbatchévien. Par la suite, ils ont été en désaccord et Eltsine l'a emporté. Il a contribué d'ailleurs à la fin de l'U.R.S.S. et il a pris la tête de la Russie. Mais sur Eltsine, il a été démocrate de bout en bout et d'autre part, il a maintenu un cap de coopération avec l'occident de bout en bout.
Q - Sauf qu'il n'a pas fait les réformes qu'espérait l'Occident.
R - Cela dépend. Parfois il les a faites et je ne suis pas sûr que ça ait été une bonne idée parce qu'on a appliqué aux décombres de l'Union soviétique une conception idéologique contestable sur le type de place nette qu'il fallait faire en Russie pour bâtir, ex nihilo, une économie ultra-libérale. Donc là, je crois qu'il y a une erreur, partagée par tout le monde. On ne peut pas le mettre au débit de Boris Eltsine qui, en matière de politique économique, a changé plusieurs fois. Si on pense ce qu'était la fin de l'URSS, les décombres de l'Union soviétique, bâtir une Russie moderne et un grand Etat, c'est une tâche qui s'étale sur des dizaines d'années, donc on ne peut pas juger le bilan de Boris Eltsine dans cette période, qui va de 92 à aujourd'hui. On attendait tout de lui, on est exigeant, on est mécontent de tout, on ne peut pas raisonner ainsi. C'est une aventure historique sans précédent. Comment faire, à partir des décombres de l'Union soviétique, un grand Etat moderne ? Je crois que le bilan de Boris Eltsine est honorable. Maintenant, il reste énormément de choses à faire en Russie.
Q - On a eu raison de quand je dis "on", c'est-à-dire les occidentaux ont eu raison d'aider économiquement la Russie ?
R - Oui, les occidentaux n'ont pas aidé Gorbatchev
Q - A posteriori, il n'y a pas à le regretter ?
R - Je crois qu'on a eu raison de ne pas refaire avec l'U.R.S.S. vaincue de la guerre froide, les erreurs monstrueuses qui ont été faites avec l'Allemagne en 1918-1920, matrice d'où sont sorties toutes les horreurs du siècle ou en tout cas du demi-siècle. Donc, on a eu raison stratégiquement. En revanche, sur la politique économique qui a été conseillée, je crois qu'on s'est trompé et je crois qu'ils auraient intérêt à la corriger et nous aussi, dans nos conseils et dans notre aide.
Q - Alors, tournons-nous vers l'avenir, Vladimir Poutine, on le surnomme parfois "Terminator raisonnable", des informations que vous avez, cela vous semble assez bien coïncidé avec le personnage ?
R - Il ne faut pas se hâter de juger. Je ne pense pas qu'il faille le juger uniquement à travers l'affaire de la Tchétchénie, d'ailleurs sur l'affaire de la Tchétchénie, c'est-à-dire le rétablissement de l'autorité russe sur cette république autonome, il y a une unanimité complète de la classe politique et de l'opinion russe, puisque Soljenitsyne a approuvé tout à fait nettement, tous les dirigeants politiques aussi. Donc, je ne pense pas qu'il faille le juger que là-dessus. Je pense que c'est un homme d'une grande qualité. On voit à son itinéraire que c'est un homme intelligent, connaissant le monde moderne, ayant été en Occident, au titre du KGB, certes, mais ayant été en occident. Il y a un élément de changement de génération qui est très important mais il n'est que candidat pour le moment. Il n'est pas élu encore, il est président par intérim, il n'a d'ailleurs pas tous les pouvoirs du président au titre de la Constitution.
Q - Reconnaissez que ce candidat est un cynique parce qu'on évoquait tout à l'heure la manière dont son premier décret a été l'immunité judiciaire à vie pour Boris Eltsine et on se souvient qu'il n'y a pas très longtemps, il y a six mois, il a en quelque sorte aidé Boris Eltsine à étouffer des affaires de corruption qui risquaient de toucher les filles de Boris Eltsine.
R - Nous ne sommes pas russes, on ne peut pas juger à leur place. La démocratie russe, c'est quelque chose qui va se consolider, se bâtir à travers toute une série d'épisodes, comme cela a été le cas dans notre propre histoire. Alors maintenant, c'est à eux d'en juger. C'est aux Russes de juger ce qui est important pour eux. Est-ce que c'est de traiter la période Eltsine en tirant au clair ceci, cela, ou est-ce que c'est de bâtir la Russie de la suite ? Il me semble comprendre de l'état de l'opinion russe qu'elle est ardemment tournée vers la suite, c'est-à-dire une nouvelle amélioration de son niveau de vie et comment retrouver sa dignité, je crois que ce sont là les moteurs.
Q - Mais l'étape la plus proche, avant les élections de mars, la suite elle se construit, on est bien d'accord, sur l'écrasement de la Tchétchénie. Gorbatchev, vous le citiez tout à l'heure, disait je crois aujourd'hui, Vladimir Poutine ira jusqu'au bout en Tchétchénie. Autrement dit, sa première démarche, ça a été de se rendre en Tchétchénie, de se rendre près de Grozny, c'est un formidable pied-de-nez aux occidentaux, aux Européens, après la conférence d'Helsinki, non ?
R - Non, celle d'Istanbul, surtout.
Q - D'Istanbul, pardon.
R - C'était à celle d'Istanbul que nous avons obtenu, en particulier, nous les Français, en menaçant clairement de ne pas signer la nouvelle charte de sécurité qui devait être signée, nous avons réussi à créer un petit mouvement parmi les autres occidentaux - très, très réticents, il faut le dire - il faut dire que nous sommes le pays le plus exigeant sur ce plan par rapport aux Russes. Les autres occidentaux - à commencer par les Américains, très nettement, mais aussi les Allemands - ont une idée fixe qui consiste à ne rien faire par rapport à la Russie qui puisse donner des armes à un nationalisme extrême russe qui se retournerait vers l'occident, donc il y a une sorte de mise en perspective. C'est aussi notre vision stratégique, mais nous, Français, il nous semble que cela peut s'accompagner d'une vraie franchise par rapport aux Russes, d'une vraie amitié par rapport à ce pays qui repart de zéro et qui a tout à reconstruire et que par conséquent, on ne doit pas être complaisant, on doit dire les choses et nous le disons avec beaucoup de netteté. Je m'amuse constamment de voir des commentaires sur le silence des Européens et d'Occidentaux.
Q - Vous parlez, c'est vrai mais cela ne sert à rien
R - Il y a deux critiques qui s'additionnent. En tout cas, on ne peut pas parler de silence et depuis le mois de septembre, nous ne cessons de dire aux Russes qu'ils se fourvoient s'ils considèrent qu'ils remporteront une victoire purement militaire et une solution durable. C'est une affaire de type un peu coloniale, cette affaire de Tchétchénie. Voilà deux siècles et demi que les Russes n'arrivent pas à contrôler complètement la Tchétchénie. A l'heure actuelle, ils essayent militairement de reprendre le contrôle de Grozny et de la route vers la Géorgie. L'ensemble des Russes les soutiennent et aussi beaucoup de dirigeants occidentaux parce que le fait que ce soit devenu un des centres du terrorisme dans la région du Caucase, c'est vrai aussi, les deux choses sont vraies, la disproportion, l'inhumanité, la brutalité des moyens russes mais aussi le terrorisme, le racket, les centaines de personnes kidnappées, les otages forment un tout. Donc, je crois que ce que veulent les Russes, c'est reprendre le contrôle de l'essentiel de cette république autonome et ensuite, présenter une solution politique et je ne serais pas étonné que M. Poutine, dans ses fonctions de président par intérim, tente de bâtir une solution de ce type.
Q - Donc, vous pensez que d'ici aux élections, je crois que c'est le 24 mars, si je ne me trompe, disons d'ici au printemps prochain, Vladimir Poutine pourrait arriver à régler le problème militaire et esquisser une solution politique.
R - Comme je le disais à l'instant, je ne crois pas qu'il puisse régler perpétuellement parce qu'il y aura des guérillas, des partisans, etc Mais je pense que c'est son objectif et que c'est ça que soutiendra la société russe, qui n'est pas non plus, à mon avis, animée par l'idée de faire la guerre en Tchétchénie ad vitam aeternam, ce n'est pas leur but.
Q - Et ça, c'est quelque chose que vous pourriez approuver ? Une solution politique précédée par une tentative de règlement militaire.
R - Non, le règlement militaire, nous avons dit trente fois ce que nous en pensons. Nous pensons qu'on ne peut pas régler le problème de la Tchétchénie durablement sur cette base. Nous avons reconnu - quand je dis nous, ce sont tous les occidentaux - nous avons reconnu le fait qu'ils faisaient partie de la fédération de Russie et qu'ils avaient le droit de lutter contre le terrorisme mais il y a moyen et moyen. Ils sont devenus une démocratie. On ne peut pas dire que nous n'avons pas été d'une parfaite netteté, en tout cas sur le sujet et à mon avis, quelqu'un comme Poutine ou les autres candidats, vont intégrer cet élément et notre clarté, grâce notamment à ce que nous, Français, nous avons dit dans la réflexion à long terme sur les relations stratégiques Russie-Occident parce que, là-dessus, je ne crois pas qu'ils changent de cap. Donc, à un moment ou à un autre, ils seront obligés d'intégrer plus qu'ils ne l'ont fait jusqu'à maintenant, la façon dont nous déplorons et dont nous condamnons la façon dont ils ont traité l'affaire tchétchène.
Q - Un mot sur l'Afrique ; l'ex-président Bédié arrive de Côte d'Ivoire arrive en France, il est en France, il est arrivé en France avec un visa français. Il a été renversé donc par Robert Gueï, vous avez été surpris par ce coup d'Etat, on dit que c'est peut-être de la petite cuisine politique mais on dit que la Défense était mieux avertie que vous sur la fragilité du régime du président Bédié.
R - Non, je pense qu'on était tous sur le même plan, d'ailleurs c'est le porte-parole du Quai d'Orsay - parlant au nom de tout le monde - qui avait eu, à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, l'occasion de dire à quel point nous étions inquiets de la façon dont les choses évoluaient mal en Côte d'Ivoire, sur le plan social, sur le plan des rapports avec les institutions financières et sur le plan du traitement de l'affaire Ouattara, cet ancien Premier ministre qui voulait se présenter contre le président Konan-Bédié, a qui on déniait la nationalité. Il y avait un climat qui était mauvais, les affaires étaient mal traitées. Nous étions parfaitement conscients, j'en parlais moi-même, je crois, cinq jours avant le président Diouf au Sénégal, tout le monde était parfaitement conscient du fait que le climat était mauvais, que les choses tournaient mal. Je crois que, en revanche, personne, que ce soit les Français ou les Africains voisins ou chez les Ivoiriens, personne ne s'attendait à ce que cette revendication à propos de soldes non perçues, explose et entraîne un effondrement assez rapide. Cela prouve que, en effet le régime était mal au point. C'était un président légalement élu, donc ce point-là, le renversement de ce régime doit être condamné. Nous l'avons condamné tout de suite.
Q - Y a-t-il eu un différend entre Matignon et l'Elysée sur la manière de réagir, c'est-à-dire vous, Matignon et le Quai d'Orsay disant, "On n'intervient pas dans les affaires intérieures de la Côte d'Ivoire " et l'Elysée, essayant de sauvant le président Bédié. Vrai ou faux ?
R - Ce qui compte, ce sont les décisions qui ont été prises.
Q - Vous pouvez peut-être me répondre s'il y a eu un différend ?
R - Il y a une évaluation en temps réel
Q - Différente des deux côtés
R - Avec un certain nombre de nuances, compte-tenu des informations que les uns ou les autres avaient mais je le répète, ce qui compte c'est ce qu'on a fait, au bout du compte. Ce qui a été fait, c'est que nous avons condamné le renversement du régime du président légalement élu, que nous ne nous sommes pas ingérés, que nous avons pris un certain nombre de dispositions concernant la sécurité des Français et des étrangers, qui sont nombreux en Côte d'Ivoire, et que depuis, nous avons mis en marche un processus qui a été intégré dans les accords de Lomé, à la demande de la France, il y a quelques années, et qui prévoit qu'en cas de renversement d'un régime légal par une action de force, on entame des consultations troïka européenne, troïka des pays ACP et les gouvernements du pays pour obtenir le plus vite possible un calendrier de retour à l'ordre démocratique et institutionnel normal, c'est-à-dire des élections. Je crois que ça a été géré sans aucun dérapage
Q - Au niveau de la décision, pas au niveau de l'évaluation.
R - Au niveau de la décision et des résultats. Je rappelle d'ailleurs que cela fait très, très, très longtemps que la France ne s'est pas ingérée en Afrique dans un conflit strictement intérieur. Il faut remonter à la fin des années 70.
Q - Cette tentation, elle existait un petit peu du côté de l'Elysée, cette fois-ci. Non ?
R - Ecoutez ; ce qui compte, c'est ce qui a été décidé finalement par le président de la République et par le Premier ministre.
Q - Non mais parce que le nouveau président le nouveau chef d'Etat s'est plaint des interventions de Michel Dupuch, qui est conseiller du président Chirac, voilà, vous savez.
R - Je le sais très bien, bien sûr, je sais très bien mais je le répète ; ce qui est important, c'est ce qui a été fait et ce qui n'a pas été fait.
Q - Un mot simplement parce que malheureusement, le temps est passé trop vite, le Proche-Orient, vous êtes plutôt optimiste sur la capacité des Israéliens et des Syriens d'arriver assez vite à un accord de paix ? Je sais que vous avez été au Proche-Orient récemment.
R - Oui, j'y suis allé plusieurs fois au cours des dernières semaines et j'y reviendrai dans les prochaines semaines. Je suis raisonnablement optimiste parce que je pense que les uns et les autres veulent une solution. Je pense d'abord que les peuples veulent la paix, que les dirigeants veulent une solution. La solution que veulent les différents dirigeants n'est pas tout à fait la même encore, il me semble que les Israéliens et les Syriens devraient pouvoir se mettre d'accord, pas en trois jours, enfin ils doivent pouvoir se mettre d'accord relativement vite parce que les problèmes d'évacuation du Golan, de garantie après, de frontières exactes et d'eau sont solubles. Je pense qu'entre les Israéliens et les Libanais, un accord devrait pouvoir être également trouvé autour de l'évacuation du sud Liban par l'armée israélienne. Ensuite, il y a la question des réfugiés palestiniens qui est encore là. Je suis raisonnablement optimiste et je crois que la France pourra jouer un rôle utile à partir du moment où les négociations seront nouées et que l'on commencera à regarder de près la question des garanties. En revanche sur la question israélo-palestinienne, je m'attends à ce que ça soit beaucoup plus compliqué. Je crois que là aussi, ils veulent une solution mais la solution que veulent les uns et la solution que veulent les autres sont encore très éloignées. Donc là, il faut que nous restions nous-mêmes très proches, très disponibles, très vigilants, très amicaux car je suis convaincu que nous aurons l'occasion d'aider à atteindre finalement l'objectif.
Q - Hubert Védrine, merci beaucoup. On n'a pas parlé de la future présidence française mais c'est dans six mois de l'Union européenne, donc revenez quand vous voulez pour qu'on en parle parce que j'imagine que vous préparez activement
R - On la prépare depuis des mois déjà.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 janvier 2000)
R - Bonsoir.
Q - Je suis ravi de commencer l'année avec vous pour commenter une actualité internationale qui est à la fois très diverse et très chargée, avec la Russie. Alors, venons-en à l'événement qui a été marquant à la veille du 1er janvier, c'est la démission de Boris Eltsine en faveur de son Premier ministre, Vladimir Poutine, du moins jusqu'aux élections présidentielles
R - Si vous permettez, c'est le jeu de la Constitution. On ne peut pas dire qu'il a choisi de démissionner pour lui. La Constitution fait que s'il démissionne, c'est le Premier ministre en exercice qui assume l'intérim.
Q - A votre avis, est-ce que c'est un formidable coup politique, une formidable astuce politique ou est-ce que c'est le signe que la démocratie est très vivante en Russie ?
R - Les deux choses ne sont pas contradictoires. Il y a une chose qu'on ne peut pas dire contre Boris Eltsine, c'est qu'il ait violé les règles de démocratie, au contraire
Q - Il les a respectées, en l'occurrence.
R - Il les a respectées, il a respecté la Constitution et notamment l'article qui prévoit que si le président démissionne avant la fin de son mandat, c'est le Premier ministre qui assure l'intérim mais les élections présidentielles nouvelles doivent avoir lieu dans les trois mois. Toutes les constitutions démocratiques prévoient des clauses de ce type. L'intérim n'est pas forcément assurée par les Premiers ministres mais on ne peut pas dire qu'il n'ait pas respecté la démocratie, sur ce plan. Alors, je crois que ce sont les deux à la fois. Il a respecté la démocratie et en même temps, il a atteint ce qui était manifestement son objectif mais il ne peut pas faire l'élection, donc il ne faut pas juger non plus trop vite, prématurément. L'élection a lieu en mars.
Q - Bien sûr.
R - Il a mis le pied à l'étrier du successeur qu'il préférait, il l'avait d'ailleurs dit dès qu'il l'avait nommé Premier ministre. Il a donc réussi sa sortie en quelque sorte.
Q - Sauf que, au passage, le premier décret qu'a pris Vladimir Poutine, c'est l'immunité judiciaire à vie pour Boris Eltsine, c'est quand même un peu surprenant, non ?
R - Ca, c'est aux Russes d'en juger.
Q - Vous avez quand même une petite idée, une petite réaction à ce sujet ?
R - Mon idée, c'est que les deux choses sont liées, naturellement.
Q - Donc, c'est un formidable cynisme.
R - Le choix de Poutine et puis, le moment où il a démissionné, finalement sans aller au terme du mandat, ça fait partie d'un ensemble. Maintenant, c'est aux Russes d'en juger puisque c'est une démocratie. Les Russes ont les éléments et les éléments sont sur la table. Je crois qu'ils sont plus intéressés par l'avenir que par le passé d'ailleurs.
Q - Simplement un mot sur le passé, vous parliez du bilan de Boris Eltsine, ce personnage parfois incohérent, semblait-il, vous avez vu une cohérence dans ses à-coups successifs ?
R - Oui, il s'est comporté en démocrate, il y a des lignes de force dans son action. D'abord, il ne faut pas oublier Gorbatchev. C'est en effet Gorbatchev qui, le premier, a décidé que l'Union soviétique ne pouvait plus continuer comme elle était et c'est lui qui a renoncé à la force pour le maintien de l'emprise de l'URSS, notamment sur l'Europe de l'Est. Ca a commencé là et d'ailleurs, Eltsine est quelqu'un qui est apparu dans le courant et le mouvement gorbatchévien. Par la suite, ils ont été en désaccord et Eltsine l'a emporté. Il a contribué d'ailleurs à la fin de l'U.R.S.S. et il a pris la tête de la Russie. Mais sur Eltsine, il a été démocrate de bout en bout et d'autre part, il a maintenu un cap de coopération avec l'occident de bout en bout.
Q - Sauf qu'il n'a pas fait les réformes qu'espérait l'Occident.
R - Cela dépend. Parfois il les a faites et je ne suis pas sûr que ça ait été une bonne idée parce qu'on a appliqué aux décombres de l'Union soviétique une conception idéologique contestable sur le type de place nette qu'il fallait faire en Russie pour bâtir, ex nihilo, une économie ultra-libérale. Donc là, je crois qu'il y a une erreur, partagée par tout le monde. On ne peut pas le mettre au débit de Boris Eltsine qui, en matière de politique économique, a changé plusieurs fois. Si on pense ce qu'était la fin de l'URSS, les décombres de l'Union soviétique, bâtir une Russie moderne et un grand Etat, c'est une tâche qui s'étale sur des dizaines d'années, donc on ne peut pas juger le bilan de Boris Eltsine dans cette période, qui va de 92 à aujourd'hui. On attendait tout de lui, on est exigeant, on est mécontent de tout, on ne peut pas raisonner ainsi. C'est une aventure historique sans précédent. Comment faire, à partir des décombres de l'Union soviétique, un grand Etat moderne ? Je crois que le bilan de Boris Eltsine est honorable. Maintenant, il reste énormément de choses à faire en Russie.
Q - On a eu raison de quand je dis "on", c'est-à-dire les occidentaux ont eu raison d'aider économiquement la Russie ?
R - Oui, les occidentaux n'ont pas aidé Gorbatchev
Q - A posteriori, il n'y a pas à le regretter ?
R - Je crois qu'on a eu raison de ne pas refaire avec l'U.R.S.S. vaincue de la guerre froide, les erreurs monstrueuses qui ont été faites avec l'Allemagne en 1918-1920, matrice d'où sont sorties toutes les horreurs du siècle ou en tout cas du demi-siècle. Donc, on a eu raison stratégiquement. En revanche, sur la politique économique qui a été conseillée, je crois qu'on s'est trompé et je crois qu'ils auraient intérêt à la corriger et nous aussi, dans nos conseils et dans notre aide.
Q - Alors, tournons-nous vers l'avenir, Vladimir Poutine, on le surnomme parfois "Terminator raisonnable", des informations que vous avez, cela vous semble assez bien coïncidé avec le personnage ?
R - Il ne faut pas se hâter de juger. Je ne pense pas qu'il faille le juger uniquement à travers l'affaire de la Tchétchénie, d'ailleurs sur l'affaire de la Tchétchénie, c'est-à-dire le rétablissement de l'autorité russe sur cette république autonome, il y a une unanimité complète de la classe politique et de l'opinion russe, puisque Soljenitsyne a approuvé tout à fait nettement, tous les dirigeants politiques aussi. Donc, je ne pense pas qu'il faille le juger que là-dessus. Je pense que c'est un homme d'une grande qualité. On voit à son itinéraire que c'est un homme intelligent, connaissant le monde moderne, ayant été en Occident, au titre du KGB, certes, mais ayant été en occident. Il y a un élément de changement de génération qui est très important mais il n'est que candidat pour le moment. Il n'est pas élu encore, il est président par intérim, il n'a d'ailleurs pas tous les pouvoirs du président au titre de la Constitution.
Q - Reconnaissez que ce candidat est un cynique parce qu'on évoquait tout à l'heure la manière dont son premier décret a été l'immunité judiciaire à vie pour Boris Eltsine et on se souvient qu'il n'y a pas très longtemps, il y a six mois, il a en quelque sorte aidé Boris Eltsine à étouffer des affaires de corruption qui risquaient de toucher les filles de Boris Eltsine.
R - Nous ne sommes pas russes, on ne peut pas juger à leur place. La démocratie russe, c'est quelque chose qui va se consolider, se bâtir à travers toute une série d'épisodes, comme cela a été le cas dans notre propre histoire. Alors maintenant, c'est à eux d'en juger. C'est aux Russes de juger ce qui est important pour eux. Est-ce que c'est de traiter la période Eltsine en tirant au clair ceci, cela, ou est-ce que c'est de bâtir la Russie de la suite ? Il me semble comprendre de l'état de l'opinion russe qu'elle est ardemment tournée vers la suite, c'est-à-dire une nouvelle amélioration de son niveau de vie et comment retrouver sa dignité, je crois que ce sont là les moteurs.
Q - Mais l'étape la plus proche, avant les élections de mars, la suite elle se construit, on est bien d'accord, sur l'écrasement de la Tchétchénie. Gorbatchev, vous le citiez tout à l'heure, disait je crois aujourd'hui, Vladimir Poutine ira jusqu'au bout en Tchétchénie. Autrement dit, sa première démarche, ça a été de se rendre en Tchétchénie, de se rendre près de Grozny, c'est un formidable pied-de-nez aux occidentaux, aux Européens, après la conférence d'Helsinki, non ?
R - Non, celle d'Istanbul, surtout.
Q - D'Istanbul, pardon.
R - C'était à celle d'Istanbul que nous avons obtenu, en particulier, nous les Français, en menaçant clairement de ne pas signer la nouvelle charte de sécurité qui devait être signée, nous avons réussi à créer un petit mouvement parmi les autres occidentaux - très, très réticents, il faut le dire - il faut dire que nous sommes le pays le plus exigeant sur ce plan par rapport aux Russes. Les autres occidentaux - à commencer par les Américains, très nettement, mais aussi les Allemands - ont une idée fixe qui consiste à ne rien faire par rapport à la Russie qui puisse donner des armes à un nationalisme extrême russe qui se retournerait vers l'occident, donc il y a une sorte de mise en perspective. C'est aussi notre vision stratégique, mais nous, Français, il nous semble que cela peut s'accompagner d'une vraie franchise par rapport aux Russes, d'une vraie amitié par rapport à ce pays qui repart de zéro et qui a tout à reconstruire et que par conséquent, on ne doit pas être complaisant, on doit dire les choses et nous le disons avec beaucoup de netteté. Je m'amuse constamment de voir des commentaires sur le silence des Européens et d'Occidentaux.
Q - Vous parlez, c'est vrai mais cela ne sert à rien
R - Il y a deux critiques qui s'additionnent. En tout cas, on ne peut pas parler de silence et depuis le mois de septembre, nous ne cessons de dire aux Russes qu'ils se fourvoient s'ils considèrent qu'ils remporteront une victoire purement militaire et une solution durable. C'est une affaire de type un peu coloniale, cette affaire de Tchétchénie. Voilà deux siècles et demi que les Russes n'arrivent pas à contrôler complètement la Tchétchénie. A l'heure actuelle, ils essayent militairement de reprendre le contrôle de Grozny et de la route vers la Géorgie. L'ensemble des Russes les soutiennent et aussi beaucoup de dirigeants occidentaux parce que le fait que ce soit devenu un des centres du terrorisme dans la région du Caucase, c'est vrai aussi, les deux choses sont vraies, la disproportion, l'inhumanité, la brutalité des moyens russes mais aussi le terrorisme, le racket, les centaines de personnes kidnappées, les otages forment un tout. Donc, je crois que ce que veulent les Russes, c'est reprendre le contrôle de l'essentiel de cette république autonome et ensuite, présenter une solution politique et je ne serais pas étonné que M. Poutine, dans ses fonctions de président par intérim, tente de bâtir une solution de ce type.
Q - Donc, vous pensez que d'ici aux élections, je crois que c'est le 24 mars, si je ne me trompe, disons d'ici au printemps prochain, Vladimir Poutine pourrait arriver à régler le problème militaire et esquisser une solution politique.
R - Comme je le disais à l'instant, je ne crois pas qu'il puisse régler perpétuellement parce qu'il y aura des guérillas, des partisans, etc Mais je pense que c'est son objectif et que c'est ça que soutiendra la société russe, qui n'est pas non plus, à mon avis, animée par l'idée de faire la guerre en Tchétchénie ad vitam aeternam, ce n'est pas leur but.
Q - Et ça, c'est quelque chose que vous pourriez approuver ? Une solution politique précédée par une tentative de règlement militaire.
R - Non, le règlement militaire, nous avons dit trente fois ce que nous en pensons. Nous pensons qu'on ne peut pas régler le problème de la Tchétchénie durablement sur cette base. Nous avons reconnu - quand je dis nous, ce sont tous les occidentaux - nous avons reconnu le fait qu'ils faisaient partie de la fédération de Russie et qu'ils avaient le droit de lutter contre le terrorisme mais il y a moyen et moyen. Ils sont devenus une démocratie. On ne peut pas dire que nous n'avons pas été d'une parfaite netteté, en tout cas sur le sujet et à mon avis, quelqu'un comme Poutine ou les autres candidats, vont intégrer cet élément et notre clarté, grâce notamment à ce que nous, Français, nous avons dit dans la réflexion à long terme sur les relations stratégiques Russie-Occident parce que, là-dessus, je ne crois pas qu'ils changent de cap. Donc, à un moment ou à un autre, ils seront obligés d'intégrer plus qu'ils ne l'ont fait jusqu'à maintenant, la façon dont nous déplorons et dont nous condamnons la façon dont ils ont traité l'affaire tchétchène.
Q - Un mot sur l'Afrique ; l'ex-président Bédié arrive de Côte d'Ivoire arrive en France, il est en France, il est arrivé en France avec un visa français. Il a été renversé donc par Robert Gueï, vous avez été surpris par ce coup d'Etat, on dit que c'est peut-être de la petite cuisine politique mais on dit que la Défense était mieux avertie que vous sur la fragilité du régime du président Bédié.
R - Non, je pense qu'on était tous sur le même plan, d'ailleurs c'est le porte-parole du Quai d'Orsay - parlant au nom de tout le monde - qui avait eu, à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, l'occasion de dire à quel point nous étions inquiets de la façon dont les choses évoluaient mal en Côte d'Ivoire, sur le plan social, sur le plan des rapports avec les institutions financières et sur le plan du traitement de l'affaire Ouattara, cet ancien Premier ministre qui voulait se présenter contre le président Konan-Bédié, a qui on déniait la nationalité. Il y avait un climat qui était mauvais, les affaires étaient mal traitées. Nous étions parfaitement conscients, j'en parlais moi-même, je crois, cinq jours avant le président Diouf au Sénégal, tout le monde était parfaitement conscient du fait que le climat était mauvais, que les choses tournaient mal. Je crois que, en revanche, personne, que ce soit les Français ou les Africains voisins ou chez les Ivoiriens, personne ne s'attendait à ce que cette revendication à propos de soldes non perçues, explose et entraîne un effondrement assez rapide. Cela prouve que, en effet le régime était mal au point. C'était un président légalement élu, donc ce point-là, le renversement de ce régime doit être condamné. Nous l'avons condamné tout de suite.
Q - Y a-t-il eu un différend entre Matignon et l'Elysée sur la manière de réagir, c'est-à-dire vous, Matignon et le Quai d'Orsay disant, "On n'intervient pas dans les affaires intérieures de la Côte d'Ivoire " et l'Elysée, essayant de sauvant le président Bédié. Vrai ou faux ?
R - Ce qui compte, ce sont les décisions qui ont été prises.
Q - Vous pouvez peut-être me répondre s'il y a eu un différend ?
R - Il y a une évaluation en temps réel
Q - Différente des deux côtés
R - Avec un certain nombre de nuances, compte-tenu des informations que les uns ou les autres avaient mais je le répète, ce qui compte c'est ce qu'on a fait, au bout du compte. Ce qui a été fait, c'est que nous avons condamné le renversement du régime du président légalement élu, que nous ne nous sommes pas ingérés, que nous avons pris un certain nombre de dispositions concernant la sécurité des Français et des étrangers, qui sont nombreux en Côte d'Ivoire, et que depuis, nous avons mis en marche un processus qui a été intégré dans les accords de Lomé, à la demande de la France, il y a quelques années, et qui prévoit qu'en cas de renversement d'un régime légal par une action de force, on entame des consultations troïka européenne, troïka des pays ACP et les gouvernements du pays pour obtenir le plus vite possible un calendrier de retour à l'ordre démocratique et institutionnel normal, c'est-à-dire des élections. Je crois que ça a été géré sans aucun dérapage
Q - Au niveau de la décision, pas au niveau de l'évaluation.
R - Au niveau de la décision et des résultats. Je rappelle d'ailleurs que cela fait très, très, très longtemps que la France ne s'est pas ingérée en Afrique dans un conflit strictement intérieur. Il faut remonter à la fin des années 70.
Q - Cette tentation, elle existait un petit peu du côté de l'Elysée, cette fois-ci. Non ?
R - Ecoutez ; ce qui compte, c'est ce qui a été décidé finalement par le président de la République et par le Premier ministre.
Q - Non mais parce que le nouveau président le nouveau chef d'Etat s'est plaint des interventions de Michel Dupuch, qui est conseiller du président Chirac, voilà, vous savez.
R - Je le sais très bien, bien sûr, je sais très bien mais je le répète ; ce qui est important, c'est ce qui a été fait et ce qui n'a pas été fait.
Q - Un mot simplement parce que malheureusement, le temps est passé trop vite, le Proche-Orient, vous êtes plutôt optimiste sur la capacité des Israéliens et des Syriens d'arriver assez vite à un accord de paix ? Je sais que vous avez été au Proche-Orient récemment.
R - Oui, j'y suis allé plusieurs fois au cours des dernières semaines et j'y reviendrai dans les prochaines semaines. Je suis raisonnablement optimiste parce que je pense que les uns et les autres veulent une solution. Je pense d'abord que les peuples veulent la paix, que les dirigeants veulent une solution. La solution que veulent les différents dirigeants n'est pas tout à fait la même encore, il me semble que les Israéliens et les Syriens devraient pouvoir se mettre d'accord, pas en trois jours, enfin ils doivent pouvoir se mettre d'accord relativement vite parce que les problèmes d'évacuation du Golan, de garantie après, de frontières exactes et d'eau sont solubles. Je pense qu'entre les Israéliens et les Libanais, un accord devrait pouvoir être également trouvé autour de l'évacuation du sud Liban par l'armée israélienne. Ensuite, il y a la question des réfugiés palestiniens qui est encore là. Je suis raisonnablement optimiste et je crois que la France pourra jouer un rôle utile à partir du moment où les négociations seront nouées et que l'on commencera à regarder de près la question des garanties. En revanche sur la question israélo-palestinienne, je m'attends à ce que ça soit beaucoup plus compliqué. Je crois que là aussi, ils veulent une solution mais la solution que veulent les uns et la solution que veulent les autres sont encore très éloignées. Donc là, il faut que nous restions nous-mêmes très proches, très disponibles, très vigilants, très amicaux car je suis convaincu que nous aurons l'occasion d'aider à atteindre finalement l'objectif.
Q - Hubert Védrine, merci beaucoup. On n'a pas parlé de la future présidence française mais c'est dans six mois de l'Union européenne, donc revenez quand vous voulez pour qu'on en parle parce que j'imagine que vous préparez activement
R - On la prépare depuis des mois déjà.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 janvier 2000)