Déclaration de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur la politique actuelle du gouvernement et la nécessité pour le Parti socialiste d'élaborer des propositions alternatives et de travailler à l'union de l'opposition, dans la perspective des élections régionales et européennes de 2004, à Paris le 28 juin 2003.

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Circonstance : Conseil national du PS, à Paris le 28 juin 2003

Texte intégral


Chers camarades, je suis heureux de vous retrouver pour ce Conseil National, et je constate que la fréquentation, pour l'instant, est optimale.
Même si nous avons pris notre temps, c'est effectivement malgré ce qui pourrait être une fin de saison, à bien des égards, un moment important pour la vie politique et donc pour notre Parti.
La séquence qui vient de se dérouler aura eu un immense mérite, celui de permettre une clarification politique entre la gauche et la droite.
La droite est apparue ce qu'elle est bien, bien à droite, et le PS, comme la seule opposition possible.
Il reste, soyons lucides, que l'opinion a encore, à notre endroit, un rapport étrange, un mélange de ressentiment qui demeure par rapport aux jugements injustes souvent contradictoires, à l'égard de notre action passée.
Elle a aussi un doute qui persiste, sur l'existence d'une véritable alternative, et elle a une attente paradoxale parce que, au-delà du doute, elle veut qu'il y ait une alternative.
Il nous revient donc, et c'est tout l'enjeu de la période qui va maintenant s'ouvrir , de transformer une hostilité croissante à l'égard de la droite, en une adhésion renouvelée au Parti Socialiste.
Cela suppose un travail de fond et un travail d'organisation dans les mois qui viennent, qui trouvera une de ses manifestations dans le travail de préparation de politique des échéances de l'année prochaine.
Je veux revenir à la situation. Nous avons, devant nous, une droite dure, dure dans ses choix, on l'a vu sur la question des retraites. On le verra sur la question de la santé. Ce sera la même technique en l'occurrence, le même choix politique qui est celui de l'individualisation.
On le voit sur la question de l'emploi puisque pour la première fois, depuis 1993, il s'est détruit plus d'emplois qu'il n'en a été créé dans notre pays.
Le chômage a progressé de près de 150.000 depuis un an. Le gouvernement en est directement responsable. Je rappelle qu'ici l'école est finie pour 20.000 maîtres éducateurs en cette fin de scolarité.
La droite est dure dans ses choix fiscaux qu'elle assume, et encore il y a peu, à travers l'annonce assez irréaliste du Président de la République et d'ailleurs sur la baisse de l'impôt sur le revenu qui, lui, fait compliment : le MEDEF.
Monsieur SEILLIERE déclarait hier : enfin un gouvernement qui se préoccupe de la réalité du pays. Comprenez : la réalité des intérêts des entreprises.
La droite est dure également dans ses méthodes. Le refus d'une véritable négociation en matière de retraite, le refus aussi d'un véritable débat parlementaire.
Jean-Marc le dira, ce débat est long. Ce débat est difficile, ce débat est pénible et en même temps, il n'y aura pas eu un seul amendement un seul, venant de l'opposition qui aurait été accepté par le Gouvernement.
Il y a aussi dans les méthodes la mainmise du pouvoir sur les administrations. Nous le savions, mais quand même, que après une réunion ratée en Corse, qui a obligé le Premier Ministre et le Ministre de l'Intérieur à monter sur une chaise pour se faire plus grands qu'ils ne sont, il ait fallu renvoyer un préfet pour donner quitus à cette opération ratée, en dit long sur la conception de l'administration.
Mais cela ne s'arrête pas à l'administration, il y a aussi une mainmise dans l'ensemble de l'appareil judiciaire et ce qui se passe à Nice dans une certaine mesure en est l'illustration.
Enfin, il y a de la part du pouvoir la recherche de l'épreuve de force, épreuve de force à tout moment, sur tout sujet, y compris sur les moyens d'arrestation donnés aux forces de sécurité pour l'interpellation de José BOVÉ.
La droite est dure également dans son discours. Dure à l'égard des grévistes, dure à l'égard des fonctionnaires, dure à l'égard même des adversaires de la droite puisque notre parti a été considéré comme ne recherchant pas l'intérêt de la France ou l'intérêt national.
C'est une stratégie cohérente qui se déroule devant nous. La droite veut placer essentiellement son discours sur son terrain, c'est-à-dire le terrain de son électorat et même de l'électorat de l'extrême-droite. Elle recherche la confrontation plutôt que la cohésion et s'il y a bien un esprit de mai c'est l'esprit de mai 2003 et en aucune façon l'esprit de mai 2002.
Le Président de la République entend, lui, se protéger. Je ne parle pas simplement de se protéger pénalement à travers un statut de circonstance mais se protéger aussi par son image. Il serait l'homme de la mansuétude à l'égard du mouvement social, considérant qu'il n'y a ni vainqueur ni vaincu. Il serait l'homme de la grâce éventuelle de José BOVÉ. Il serait essentiellement consacré aux sujets de consensus, que ce soit sur l'Irak hier, sur le développement durable aujourd'hui, la lutte contre le cancer, la protection contre les handicaps et même les baisses d'impôts. Tout cela est un leurre, nous le savons, qui ne durera pas.
Le chef de la droite c'est le chef de l'État. Ses contradictions, ses promesses non tenues, engagent tout son camp. Hier encore la palinodie sur la PAC, lorsque le Président de la République il y a peu disait qu'il n'y aurait pas de réforme pendant la période de son quinquennat, pour ensuite en faire une, en concéder une, qui a l'évidence a pris par surprise y compris le syndicat majoritaire qui ne sait pas s'il pourra déclencher encore une manifestation ou des mouvements faute d'en avoir eu l'autorisation de l'UMP.
Nous avons donc une droite qui veut être dure, qui entend séduire d'abord son électorat, voire au-delà, qui se protège à travers le Président de la République et qui pour autant est vulnérable. Elle est vulnérable par ses résultats et par les échéances qui sont devant elle.
Ses résultats nous les connaissons : croissance en berne, chômage en hausse, consommation en repli, déficit en plongeon et ses échéances sont délicates : le budget pour 2004 est impossible à présenter s'il veut être conforme à nos engagements européens. Le déficit de la sécurité sociale suppose un relèvement de la CSG et enfin le dossier des retraites reviendra à travers celui des retraites complémentaires.
Et nous avons devant nous un Gouvernement presque désemparé, sans pilote. J'entendais hier Jean-Pierre RAFFARIN évoquer la situation économique, le Premier Ministre en était à accuser les grèves pour expliquer le ralentissement économique et à espérer -rendez-vous compte !- dans les soldes pour la relance. En matière de gestion de l'économie on a connu quand même meilleur stratège !
Dans cette situation le rôle de notre parti -on le dit souvent mais c'est l'évidence- est d'incarner l'alternative. Il faut d'abord tirer toutes les leçons du débat sur les retraites. Je l'ai dit, le clivage gauche- droite s'est de nouveau installé. Par rapport à ce qu'était la situation au début de l'année, ne nous plaignons pas.
Il y a néanmoins un doute sur les propositions alternatives. Ce doute a été hélas entretenu par des déclarations intempestives. Ce doute est d'autant plus fort que nous étions il y a encore peu aux responsabilités. Ce doute peut être lui-même avivé par la division syndicale. Il nous revient donc de faire preuve de pédagogie, d'explication et de montrer, oui de montrer que sur la question des retraites d'abord nous avions engagé les principes mêmes d'une réforme et deuxièmement nous n'aurions pas fait celle que nous propose aujourd'hui le Gouvernement. La nôtre aurait été juste, la nôtre aurait été négociée, la nôtre aurait été financée.
On attend donc du Parti Socialiste -et c'est la leçon des derniers jours- de la cohésion parce que c'est la seule façon d'être crédible, et de l'anticipation parce que c'est la seule façon de pouvoir faire comprendre nos choix.
Deuxièmement il faut offrir un débouché politique au mouvement social. Il y a ceux qui attendent tout du mouvement social. Or le mouvement social ne peut produire que ce qu'il est capable lui-même de générer : un blocage. Si l'on veut qu'il y ait un changement il faut que ce changement soit politique. C'est l'enjeu décisif de la confrontation que nous avons au sein même de la gauche par rapport à l'extrême gauche qui a fait son choix et qui espère toujours une grande manifestation plutôt qu'une bonne alternance.
C'est également un sujet de confrontation dans la gauche, par rapport à celles et ceux qui n'ont plus comme seul recours que d'espérer être à un moment les porte-parole et souvent les porteurs d'eau du mouvement social. Nous devrons donner un contenu et un prolongement politique à la contestation. Tout dépend de nous.
Tout dépend de nous d'abord au Parlement, puisque c'est là le lieu de l'explication politique entre la gauche et la droite. Nous avions fait le choix, Jean-Marc, avec le groupe socialiste, d'utiliser le temps du débat sur les retraites pour faire nos propositions et pas pour faire de l'obstruction. Nous ne sommes pas simplement là pour retarder, nous sommes là pour éclairer.
Nous devons également agir sur le terrain militant et c'est le sens de la campagne de communication que nous avions engagée avec Claude BARTOLONE.
Et puis enfin il faut faire l'élaboration de nos propositions. Si nous voulons anticiper nous avons à nous fixer l'agenda qui nous paraît être le plus adapté à la situation et aussi celui qui est lié à ce qu'est l'actualité des projets du Gouvernement.
Je propose 4 sujets sur lesquels le parti devrait mener un travail de réflexion, un travail de débat et de délibération au sein même du Conseil National.
Le premier est sur l'éducation. Nous sommes liés par nos engagements de congrès. Il doit y avoir des assises de l'éducation à notre initiative, nos universités d'été doivent entre être le point de départ. Yves DURAND fera là aussi des propositions pour que nous ayons des textes qui puissent être proposés au parti de manière à ce que nous ne soyons pas simplement dans la contestation, pas simplement dans l'apaisement par rapport à des catégories extrêmement heurtées par les choix du Gouvernement mais que nous soyons là aussi facteurs d'espérance.
Le deuxième sujet est celui de la protection sociale et de la santé. Là encore Manuel VALLS l'a dit, un groupe de travail avec Marysol TOURRAINE et Alain CLAEYS, va se constituer. Un texte sera préparé durant l'été et nous sera soumis à l'automne.
Le troisième sujet est celui de l'immigration. Nous avons bien sûr à répondre aux initiatives législatives du Gouvernement et elles sont proches puisque ce sera un des sujets de la session extraordinaire. Nous avons surtout à redéfinir notre politique en matière d'immigration. Malek BOUTI, là aussi, nous fera un rapport qui sera soumis au Conseil National.
Enfin, il y a le sujet de l'Europe. Il y a eu les travaux de la convention, des premiers résultats. Le pire a pu être évité sur un certain nombre de domaines, des progrès ont été enregistrés, des insuffisances nombreuses sont constatées. Nous avons nous-mêmes à faire notre réflexion, nos propositions, à interpeller le Gouvernement par rapport à la conférence intergouvernementale et à faire en sorte que lorsque le referendum se profilera nous ayons la réponse qui paraîtra à la fois la plus conforme à nos engagements européens et la plus adaptée aux propositions qui nous sont faites.
Enfin, je veux parler pour créer l'alternative de l'union. Nous devons être les porte-drapeau de l'union, être les champions de l'union, mais aussi, Chers Camarades, être capables de l'incarner seuls. Nous avons rencontré ces derniers jours nous amis Verts et communistes. J'ai cru comprendre que les Verts étaient pour l'union, mais dans l'autonomie, et que les communistes n'étaient pas prêts à l'union mais n'avaient pas d'autre alternative. Vous voyez le travail qui leur reste à faire.
Nous nous devons proposer à tous le rassemblement et l'union mais avancer librement, ne rien imposer aux autres mais ne pas attendre les autres. Nous avons à faire passer le message que l'union c'est le Parti Socialiste. C'est d'autant plus important que nous allons vers des élections et ce sera mon dernier point.
Oui, nous allons être nous-mêmes responsables pour les élections régionales de l'alternative politique dans toutes les régions de France. Tous les candidats à la présidence, soit parce qu'ils sont sortants soit parce qu'ils ont vocation à l'être, seront des socialistes, et donc nous devons nous-mêmes incarner la perspective de l'union. C'est peut-être d'ailleurs la meilleure façon de la forcer.
J'en arrive donc à la préparation des échéances. Les élections de l'année prochaine constitueront un moment important. D'abord par leur enjeu propre, les régionales, parce qu'il y a là des compétences qui sont importantes et qui peut-être seront élargies ; les européennes, parce que ce sera à l'occasion même de la future constitution un choix de société européenne. Et puis ce seront des échéances importantes parce qu'elles se situent précisément au milieu du quinquennat et donc ce sont des élections intermédiaires qu'il faut politiser parce que de toute manière leur résultat sera interprété politiquement, d'autant plus si le Gouvernement décide d'envoyer ses ministres dans la conduite des listes de la droite aux élections régionales.
Il faut donc être prêts vite. Et c'est pourquoi le calendrier qui est fait, qui est proposé ce matin à la discussion du Conseil National, permet de désigner nos têtes de listes aux élections régionales dès le milieu du mois d'octobre et d'élaborer toutes nos listes aux élections régionales à la fin de l'année.
Pour ce qui concerne les européennes, il faut également, à partir d'une procédure différente, être prêts à pouvoir en décider également à la fin de l'année. Et je n'oublie pas le rôle des élections cantonales et sénatoriales.
Je veux dire, en termes de méthode -mais la méthode là rejoint la politique - que je ne pense pas souhaitable d'immobiliser le parti dans des questions de désignations. Ce que l'on attend du Parti Socialiste tout au long des prochains mois c'est d'être en mouvement, en mobilisation, en dynamique, pas simplement en chicane pour telle ou telle désignation. Ce qui suppose d'avoir d'abord entre nous, socialistes, la volonté de respecter toute notre diversité et de faire des listes qui fassent d'abord appel aux qualités des uns et des autres.
Je souhaite donc que nous ayons à cur les uns et les autres de faire que notre diversité soit une chance. Elle est une chance. Et que nous puissions constituer nos listes avec l'esprit même du rassemblement. Je souhaite aussi que nous nous mettions d'accord le plus vite possible sur le calendrier, la désignation et j'espère dans la plupart des régions sur les personnes qui auront à incarner l'idéal socialiste dans ces échéances.
Je souhaite aussi que notamment les chefs de file qui seront désignés pour les élections régionales soient associés bien sûr à la composition des listes régionales avec les fédérations mais soient également d'ores et déjà mandatés pour faire des propositions d'union.
Nous devons, je le rappelle, être les champions de l'union ; si l'union se fait, c'est autour de nous, si elle ne se fait pas, c'est à cause des autres, et c'est au chef de file, là aussi, d'être les correspondants de l'union dans toutes les régions.
J'en termine pour dire la chose suivante : nous avons un rapport au temps à établir. Nous devons, d'une part, gérer le temps ; quatre ans nous séparent des échéances décisives de 2007. Imposons notre rythme, ne nous faisons pas fixer notre propre agenda où on nous demande d'être prêts, surtout d'être capables d'être l'alternative dès à présent, nous le sommes, mais nous savons bien qu'il n'y aura pas, sauf événement exceptionnel, de dissolution de l'Assemblée Nationale.
Nous avons à fixer notre rythme, c'est nous qui donnons l'agenda, ce ne sont pas les autres, ce qui suppose d'avoir des étapes, des processus, et ce qui suppose également d'agir en anticipation de manière à ne jamais être pris de cours.
Gérer le temps, c'est aussi ne pas perdre du temps. J'ai conscience que beaucoup de frustrations surgissent et qu'il faut transformer ces frustrations dans la société en espérance et en adhésion.
Donc l'enjeu majeur, pour nous, est de définir notre identité de socialistes pour être capables de faire lever l'espérance et de permettre l'alternative.
Merci.

(source http://www.parti-socialiste.fr, le 4 août 2003)