Interview de M. Gilles Lemaire, secrétaire national des Verts, à France Inter le 21 août 2003, sur l'ouverture des journées d'été des Verts, sur la responsabilité du gouvernement dans la gestion de la crise due à la canicule et sur la demande de démission de M. Mattei.

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Média : France Inter

Texte intégral

A. Ardisson - Vous ouvrez, aujourd'hui, les journées d'été des Verts, d'autres appellent cela Universités. Elles auront lieu jusqu'à dimanche, à Marseille. Est-ce que se sera aussi sportif que le dernier congrès qui a vu votre élection ? Vous semblez tellement aimer les affrontements idéologiques chez les Verts.
- "Non, pas les affrontements idéologiques, des affrontements d'idées, je préfère ce terme. Oui, près d'un milliers de nos adhérents vont se retrouver pour trois jours et demi de débats très riches."
Les grosses bagarres que vous avez ou que vous avez eus, ou que vous allez avoir dans la perspective des élections régionales portent sur les alliances. L'ancienne direction, aujourd'hui, opposition, lorgnerait selon vous trop vers le Parti socialiste. Même un peu étouffant, est-ce que ce partenaire ne vous est pas indispensable ?
- "Les Verts sont profondément d'accord sur quelques points essentiels et puis après, ils débattent "vertement" sur d'autres points. Les points essentiels d'accord, c'est le fait que ce qui nous réunit, l'écologie politique, correspond au projet, même s'il n'est pas complètement ficelé, mais au projet qui répond aux grandes questions, on y viendra peut être, qui font problème à notre société aujourd'hui : le réchauffement climatique, etc. Et, en même temps, nous sommes aussi d'accord sur le fait que nous voulons transformer, dès aujourd'hui, les politiques publiques pour que l'ensemble de la société profite des progrès qui ne sont pas réalisés et nous avons besoin de partenaires, et nous sommes tous d'accord au sein des Verts, pour dire que ces partenaires nous les trouveront à gauche. Donc, les débats que nous avons, sont des débats sur : quelle est la meilleure stratégie possible ? quel est le niveau d'exigence que nous avons par rapport au Parti socialiste ?
Et à travers ce débat, n'est-ce pas aussi : est-ce qu'on a envie de gouverner ou pas ?
- "Non, là, je crois aussi que l'ensemble des Verts est d'accord et a envie de transformer les politiques qui sont menées, que ce soit au niveau municipal, régional et très rapidement, je l'espère, au niveau national."
Il y aussi eu un psychodrame lié à l'invitation d'A. Waechter. Que voulez-vous faire avec lui ? Vous voulez le réintégrer ? Vous voulez unifier tous les mouvements écologistes ?
- "Les Verts sont très forts de leurs valeurs et de leurs convictions. J'ai la certitude que nous gagnons à dialoguer et à débattre avec l'ensembles de s partenaires potentiels. Dans les partenaires potentiels, il y a, je le disais, le Parti socialiste mais, il y a aussi le mouvement altermondialiste, il y a aussi d'autres partenaires à gauche, le Parti communiste, la LCR, d'autres mouvements ..."
A. Waechter n'est pas réputé être à gauche ?
- "Mais A. Waechter, nous somme en train de débattre avec le MEI pour savoir, si le MEI accepte notre stratégie politique d'alliance avec la gauche. Et là-dessous, ils ne sont pas fermés, le débat est en cours, et s'ils acceptent notre stratégie politique, rien n'empêche que nous passions des accords avec eux."
Pour parler du fond, je suppose que vos débats, qui devaient être centrés sur le nucléaire, vont l'être sur les effets de la canicule ?
- "Oui, tout à fait. Le nucléaire aura une place dans nos débats, parce qu'en fait derrière, il y a le projet de loi d'orientation sur l'énergie avec la question du renouvellement du parc des centrales nucléaires. Donc, ce débat aura lieu à nos journées d'été, puisque c'est un thème qui nous est très cher. Mais il y a également toutes les questions qui sont liées au réchauffement climatique et à l'ensemble des conséquences, que ce soit en termes sanitaires, et là, nous venons de vivre un drame qui me fait mal, personnellement, mais que ce soit en termes de politique agricole, que ce soit aussi en terme de préservation de l'environnement, les problèmes d'incendies de forêts et autres qui dans la région où nous tenons nos journées d'été, sont des problèmes cruciaux."
A propos de la gestion de cette crise par le Gouvernement, faites-vous partie des procureurs ? Parce que, même au sein des Verts, il y a eu plusieurs attitudes. Il y en a qui ont réclamé, toute de suite, la démission du ministre de la Santé et il y en a d'autres qui ont dit que c'était idiot de demander cela.
- "Les Verts, en tant que tels, ont demandé la démission de M. Mattei, il y a eu quelques voix dissonantes, je vous l'accorde."
Celle de N. Mamère.
- "Oui, celle de Noël. Mais les Verts ont demandé la démission de M. Mattei. Alors pourquoi ? Ce n'est pas parce que nous en avons personnellement par rapport à telle ou telle personne, mais, c'est que ce Gouvernement a d'abord nié la crise, puis a tenté de la minimiser, et dans un dernier temps, reporte les responsabilité sur ses services. Je trouve que l'attitude de M. Mattei qui est de reporter sur la Direction générale de la Santé, qui ne l'aurait pas informé, est une attitude, je vais utiliser un mot fort, une attitude lâche. Et je pense que là, le Gouvernement doit marquer et reconnaître ses responsabilités dans sa capacité de réaction rapide par rapport à un problème qui est un problème majeur de Santé publique et la démission de M. Mattei pour moi, s'impose."
Mais vous avez entendu les sondages, ce matin, les Français, dans leur majorité, sont très partagés sur cette responsabilité du Gouvernement ?
- "Oui, parce qu'enfin, c'est vrai qu'il y a une réaction parmi nos concitoyens qui peut être une réaction de fatalisme, en disant : bon ce sont des problèmes qui nous dépassent. Ce problème de canicule que nous venons de vivre, il faut que l'ensemble des personnes qui nous écoutent sachent que, déjà, les experts de l'ONU, depuis plus d'une dizaine d'années, tirent les sonnettes d'alarme auprès des gouvernements et auprès des instances internationales en disant : "il faut se préoccuper du réchauffement climatique, la façon dont nous consommons, la façon dont nous produisons, la façon dont nous organisons nos transports, a des effets sur le réchauffement climatique." Nous devons prendre des mesures qui, d'ailleurs, auront leurs effets à 10 ans, 20 ans, 30 ans, mais nous devons les prendre si nous voulons préserver l'avenir de la planète pour nous et pour nos enfants."
Mais, dans l'immédiat, qu'a fait ce Gouvernement de plus ou de moins que les précédents auxquels vous participiez ?
- "Ce qu'il a fait de moins, c'est de dire : mais il n'y a pas de problème, dans un premier temps. C'est les déclarations de M. Mattei depuis son lieu de vacances, c'est ensuite M. Raffarin qui en a rajouté une louche de son lieu de vacances également. C'est une réunion qui a eu lieu il y a combien de jours ? Trois-quatre jours, simplement. Première réunion du Gouvernement avec les ministres concernés, pour voir les mesures qui étaient à prendre. Donc la première critique que l'on peut faire c'est que le Gouvernement a été incapable de réagir en temps et en heure, il faut qu'il reconnaisse ses responsabilités. J'espère que J. Chirac, aujourd'hui, dans son intervention, le reconnaîtra."
Une dernière chose, vos positions, vous l'avez dit tout à l'heure, sont assez proches de celles de J. Bové. 200 000 personnes sur le plateau du Larzac, c'est une concurrence politique ?
- "Non, ce n'est pas une concurrence politique du tout, parce qu'en plus, je n'ai pas une vision de la politique qui sépare les partis politiques et les grands mouvements. Les Verts étaient présents au rassemblement, étaient à l'aise au sein de ce rassemblement, les thèmes qui y étaient débattus, les concernent, les intéressent, les passionnent même. Les revendications qui étaient mises en avant sur le plateau du Larzac sont les mêmes revendications que celles que portent les Verts. Donc nous souhaitons que ce mouvement continue à jouer un rôle de pression fort et à alimenter le débat politique publique. Et nous souhaitons dialoguer avec ce mouvement pour trouver, avec lui, les réponses politiques aux questions qu'il pose."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 août 2003)