Texte intégral
S. Paoli - Après que le Premier ministre a reçu, seul, les fédérations syndicales de l'enseignement, annoncé une hausse du budget 2004 de l'Education, l'embauche de 4 000 assistants d'éducation supplémentaires et retardé à 2005 le transfert des techniciens de l'Education nationale, la rentrée - celle des professeurs aujourd'hui, des élèves demain - est-elle assurée ? Ou les assemblées générales, organisées par l'intersyndicale, annoncent-elles la reprise du conflit du printemps dernier ?
Sera-ce une rentrée apaisée, comme vous l'avez déjà dit ? Sera-ce une rentrée "sous tension", comme le disait hier matin, sur notre antenne, G. Aschieri, secrétaire général de la FSU ?
- "Comme j'ai eu l'occasion de vous le dire déjà, je pense en effet que les enseignants sont partis en vacances, avec le sentiment légitime que les problèmes de fond qui les inquiètent vraiment n'étaient pas encore réglés. Quels sont ces problèmes de fond, indépendamment des grands dossiers qu'on a eu à gérer cette année, qui sont très difficiles, la décentralisation et les retraites ? Les vrais problèmes de fond, ce sont toujours les mêmes : c'est l'hétérogénéité des classes, c'est la question du collège unique, c'est le sentiment peut-être parfois d'une impuissance face à la question de l'échec scolaire, c'est aussi parfois le manque de motivation des élèves... Voilà ce qui inquiète véritablement les profs. D'ailleurs, toutes les enquêtes d'opinion le confirment. Ce sont des sujets auxquels j'ai commencé à m'attaquer très fortement l'année dernière, notamment en mettant en place les classes en alternance au collège, en mettant en place un plan de dédoublement de cours préparatoires et, plus généralement, un plan d'aide à la maîtrise de la lecture et de l'écriture à l'école primaire. Donc, nous allons continuer dans ce sens. Mais nous allons aussi ouvrir un grand débat sur les missions de l'école, sur le métier d'enseignement qui a beaucoup changé depuis trente ans, pour essayer de faire en sorte que les professeurs comprennent qu'on s'intéresse à eux et qu'ils sont bien la priorité nationale pour nous cette année."
Mais que leur dire ? Parce que le "malaise des enseignants", ce n'est pas simplement une formule, c'est tout de même aussi une réalité. Vous avez entendu le témoignage de cette femme, dans le journal de 8h00, qui se disait même prête à reprendre un mouvement de grève. Que lui dit ce matin le ministre de l'Education nationale ?
- "Mais que la grève n'est pas une solution ! Il ne faut pas s'imaginer qu'en un an, un ministre peut régler tous les problèmes de l'Education nationale, ce n'est pas vrai. Qu'est-ce qui fait qu'il y a un véritable malaise des enseignants aujourd'hui - et je maintiens la formule qui ne me paraît pas si mauvaise que cela, tout compte fait ? Evidemment, c'est le fait que les enseignants ont le sentiment parfois - et d'ailleurs en partie à juste titre - que la société dans laquelle nous vivons ne repose pas aussi sur les valeurs qui sont les leurs. Quelles sont leurs valeurs, pour l'essentiel ? Ce sont les valeurs républicaines, la laïcité, l'égalité, c'est aussi l'amour du savoir. Les enseignants sont des gens qui ont souvent quatre ou cinq ans à l'université, par passion pour une discipline - l'Histoire, la biologie, la philosophie, que sais-je... Et ils ont le sentiment souvent que nous vivons dans une société en voie de mondialisation, qui ne reconnaît plus ces valeurs, et qui fonctionne plutôt sur la société du spectacle, sur la société marchande. Lorsqu'on a parlé de décentralisation, le sentiment peut-être que l'Etat allait se retirer - ce qui était une erreur, ce n'était pas le but de la décentralisation, a pu les inquiéter. Il est évident aussi que la question des retraites les a pris de plein fouet, puisqu'en gros, on leur a annoncé ce qui était pas forcément une bonne nouvelle pour eux, qu'ils allaient travailler deux ans ou deux ans et demi de plus. C'est vrai que c'est difficile à comprendre et à avaler, même si cela me paraît complètement légitime. On a donc eu de vrais soucis. Mais il faut bien comprendre que les vraies difficultés, ce ne sont pas les retraites, ce n'est pas la décentralisation. C'est la motivation des élèves, c'est..."
Et les moyens !
- "Non, ça, c'est vraiment... Enfin, dites-le, vous avez raison de le dire, même si je ne suis pas d'accord avec cela !"
Donnez-nous votre point de vue... Mais apparemment, à les écouter, eux, la question qui les préoccupe, qui est au coeur du système, notamment pour la rentrée, c'est celle des assistants d'éducation : avec pas assez de monde... Pourquoi avoir attendu cette rentrée pour découvrir qu'il n'y a pas assez de monde ?
- "Mais on n'a pas du tout attendu ! On a, au contraire, trouvé, quand je suis arrivé, une situation qui était calamiteuse, qui m'était gentiment laissée par mon prédécesseur, qui aujourd'hui me donne des leçons mais qui n'a pas réglé le problème... Comme son directeur de cabinet me l'avait dit : "On te laisse une bombe à retardement, une grenade dégoupillée"."
Il vous avait vraiment dit cela ?!
- "Exactement, il peut le confirmer lui-même. Et d'ailleurs, son directeur adjoint m'a dit la même chose, et tous les anciens de son cabinet m'ont dit la même chose : "On te laisse une maison en bon état, sauf le problème des emplois-jeunes". C'était un problème qui était parfaitement prévisible. Vous savez comme moi que les contrats des emplois-jeunes, qui sont des contrats de droit privé, étaient prévus pour cinq ans. Donc on savait qu'ils arrivaient à terme exactement quand je suis arrivé au ministère. Donc, quand je suis arrivé, j'avais 20.000 emplois-jeunes qui disparaissaient, avec pas un euro de crédit pour les remplacer, pas de titularisation en vue, des départs en milieu d'année scolaire, c'est-à-dire au mois de janvier, et même pas les indemnités de chômage. Donc, rien n'avait été prévu, c'est donc facile aujourd'hui de donner des leçons. Ce que j'ai fait, c'est non pas supprimer les emplois-jeunes, mais remettre 20.000 assistants d'éducation. On a donc pris la loi cette année, et les décrets d'application de la loi le plus vite possible - c'est-à-dire au mois de juin..."
Mais cela ne permet tait pas d'être prêt pour la rentrée d'aujourd'hui...
- "Mais on est parfaitement prêt ! C'est une ânerie de dire que l'on n'est pas prêt ! On est parfaitement prêt. Il y aura 20.000 assistants d'éducation qui seront recrutés d'ici le mois de janvier et 16.000 d'ici la fin du mois de septembre."
Je vous dis cela, parce que vous avez vous-même dit que tout serait en place au 1er octobre...
- "Exactement..."
Mais ce n'est pas la rentrée, le 1er octobre !
- "Ce n'est pas la rentrée ?! Mais comment voulez-vous que l'on recrute les assistants d'éducation pendant le mois de juillet et le mois d'août ? Vous savez le faire ? Moi, je ne sais pas le faire. Comme je le dis, je ne suis pas le magicien d'Oz. On les recrute le plus vite possible et on le fait très bien. Et en plus, il est évident que ce petit délai - qui n'est pas même pas un retard, puisque les décrets d'application sont sortis au mois de juin - n'existera qu'une fois, puisque c'est une nouvelle loi, un nouveau système qui est bien meilleur que l'ancien. Je vous signale d'ailleurs qu'il y a une enquête, qui est parue cette semaine, auprès des parents, qui a été faîte par la PEEP - mais ce ne sont pas les parents de la PEEP, c'est l'ensemble des parents d'élèves de France - qui disent à 62 % que le système des assistants d'éducation paraît meilleur ou à tout le moins équivalent au système des emplois jeunes. Donc ils sont très majoritaires à penser que c'est une bonne solution, ce qui est en effet est le cas, puisqu'on a affaire à des contrats de droit public, on a affaire à des salaires qui sont bien supérieurs à ceux des emplois-jeunes, on leur donne une formation et je leur ouvre les concours internes de l'Education nationale. On va donc mettre en place ces assistants d'éducation d'ici la fin du mois de septembre, aussi vite qu'il est possible - c'était impossible d'aller plus vite - et on aura 20.000 assistants d'éducation d'ici le mois de janvier, qui vont remplacer les 20.000 emplois-jeunes qui sont sortis. C'est donc un effort considérable. Et je puis vous assurer qu'y compris dans ma propre majorité politique, il y avait un certain nombre de gens qui disaient que puisque les socialistes ont fait une énorme bêtise sur ce sujet, avec les emplois-jeunes, laissons-les partir, ne les remplaçons pas. Ce n'est pas ce que j'ai souhaité, parce que je savais que ces aides-éducateurs rendaient vraiment des services dans les écoles et dans les collèges en particulier. J'ai donc voulu remplacer les emplois-jeunes par les assistants d'éducation, je n'ai donc pas supprimer les emplois-jeunes. J'ai trouvé un dossier ingérable, très mal préparé. Et si les professeurs veulent s'en prendre à quelqu'un, qu'ils s'en prennent au gouvernement précédent, qui aurait parfaitement pu, encore une fois, s'il l'avait souhaité, prévoir la titularisation de ces emplois ou le remplacement de ces emplois sous une forme ou sous une autre."
Autre sujet difficile : la feuille de paie et le décompte des jours de grève. Le Premier ministre était sur une ligne dure, vous apparemment sur une ligne beaucoup plus souple. Comment la discussion s'est-elle faite entre vous - si elle s'est faîte ?
- "Non, il n'y a jamais eu de vraie discussion sur le sujet. J'ai annoncé, dès le mois de juin, que je souhaitais évidemment qu'on applique l'arrêt Omont, c'est-à-dire qu'on prélève vraiment les jours de grève. Quand j'entendais la collègue enseignante, tout à l'heure, dire qu'elle ne comprenait pas qu'on prélève les jours de grève, je peux lui répondre qu'une immense majorité dans l'opinion ne comprendrait pas qu'on continue à faire comme cela s'est fait depuis dix ans, à procéder simplement pas des forfaits, en disant que voilà, quand il y a un mois et demi de grève, on prélève deux jours de grève. Ce n'est pas acceptable et c'est une forme de mépris pour la grève. En revanche, ce que j'ai toujours dit depuis le mois de juin, c'est que je ne voulais pas une application dure et revancharde de l'arrêt Omont, ce qui veut dire, en clair, que je décompterai pas ni les dimanches, ni les jours de vacances, ni les jours fériés. C'est donc une application souple de la législation actuelle - même d'ailleurs à la limite de la législation, puisque c'est favorable aux professeurs -, mais, en revanche, on ne peut pas ne pas appliquer le principe de l'arrêt Omont. Je vais vous dire pourquoi : prenez le cas très simple d'un professeur d'école qui aurait fait grève pendant trois semaines. Si on supprimait les jours de présence, automatiquement, étant présent en principe cinq jours par semaine, on lui supprime quinze jours. Prenez un professeur de fac, qui est présent dans son établissement une demi journée ou une journée par semaine. Pour la même grève, on va lui prélever seulement trois jours. Voilà le sens de l'arrêt Omont. Et prenez un agrégé de lycée entre les deux, qui a deux jours de présence devant les élèves par semaine : on va lui prélever seulement trois fois deux jours pour trois semaines de grève. Donc, le sens de l'arrêt Omont est de dire qu'on égalise les choses entre professeurs d'école, professeurs de lycée, professeurs d'université, et que le service des enseignants, évidemment, ne se réduit pas à la présence devant les élèves : les enseignants sont à 35 heures par semaine, comme tout le monde. Par conséquent, quand on fait grève par exemple le lundi et le vendredi, eh bien on prélève le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi et le vendredi. C'est ça, l'arrêt Omont, et je l'applique, encore une fois, de façon souple, puisque je ne décompte pas les dimanches, les jours fériés et les jours de vacances."
Une dernière chose, en peu de mots s'il vous plaît, parce que, peut-être, on y reviendra avec les auditeurs d'Inter : le grand débat sur l'école, c'est quand ?
- "Il commence dès maintenant, c'est-à-dire que je mets en place, je mettrai en place, avec le Premier ministre, la Commission nationale sur l'école qui sera présidée par C. Thélot, dont, je crois que chacun reconnaît qu'en matière d'évaluation du système, il est quand même parfaitement crédible et légitime. C'est un homme de très grande qualité. Donc, cette Commission nationale, comprendra aussi, s'ils le souhaitent, tous les anciens ministres de l'Education nationale. Je souhaite qu'ils participent à cette Commission nationale, qu'on les entende. On peut polémiquer, ici ou là, avec tel ou tel, cela fait partie du jeu politique. Mais je pense que leurs compétences est à nulle autre pareille. Et que s'ils le souhaitent, ils seront considérés comme invités permanents, ou comme membres de droit de la Commission. Je pense que c'est une très bonne chose que ces anciens ministres s'investissent aussi dans ce débat, même si, encore une fois, les désaccords politiques nous amènent à polémiquer de temps à autre, mais cela fait partie du jeu. Et puis, à partir de la fin du mois d'octobre, nous aurons, j'ai demandé au Haut conseil de l'évaluation, présidé par C. Forestier, qui justement l'ancien directeur de cabinet de J. Lang, d'établir un diagnostic sur l'école, qui ne sera pas encore partagé évidemment, mais qui servira de document de base à la discussion. Et donc, le débat aura lieu au cours du mois de novembre. Bien sûr, dans tous les établissements de France, mais aussi ailleurs que dans les établissements, notamment dans les arrondissements, sur le terrain. Parce que je pense que ce débat doit être largement ouvert aussi aux non spécialistes, donc aux parents, aux chefs d'entreprise, et pas forcément aux spécialistes uniquement du système éducatif, même si, bien sûr, la présence, la participation des enseignants est l'essentiel pour moi."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 1 septembre 2003)
Sera-ce une rentrée apaisée, comme vous l'avez déjà dit ? Sera-ce une rentrée "sous tension", comme le disait hier matin, sur notre antenne, G. Aschieri, secrétaire général de la FSU ?
- "Comme j'ai eu l'occasion de vous le dire déjà, je pense en effet que les enseignants sont partis en vacances, avec le sentiment légitime que les problèmes de fond qui les inquiètent vraiment n'étaient pas encore réglés. Quels sont ces problèmes de fond, indépendamment des grands dossiers qu'on a eu à gérer cette année, qui sont très difficiles, la décentralisation et les retraites ? Les vrais problèmes de fond, ce sont toujours les mêmes : c'est l'hétérogénéité des classes, c'est la question du collège unique, c'est le sentiment peut-être parfois d'une impuissance face à la question de l'échec scolaire, c'est aussi parfois le manque de motivation des élèves... Voilà ce qui inquiète véritablement les profs. D'ailleurs, toutes les enquêtes d'opinion le confirment. Ce sont des sujets auxquels j'ai commencé à m'attaquer très fortement l'année dernière, notamment en mettant en place les classes en alternance au collège, en mettant en place un plan de dédoublement de cours préparatoires et, plus généralement, un plan d'aide à la maîtrise de la lecture et de l'écriture à l'école primaire. Donc, nous allons continuer dans ce sens. Mais nous allons aussi ouvrir un grand débat sur les missions de l'école, sur le métier d'enseignement qui a beaucoup changé depuis trente ans, pour essayer de faire en sorte que les professeurs comprennent qu'on s'intéresse à eux et qu'ils sont bien la priorité nationale pour nous cette année."
Mais que leur dire ? Parce que le "malaise des enseignants", ce n'est pas simplement une formule, c'est tout de même aussi une réalité. Vous avez entendu le témoignage de cette femme, dans le journal de 8h00, qui se disait même prête à reprendre un mouvement de grève. Que lui dit ce matin le ministre de l'Education nationale ?
- "Mais que la grève n'est pas une solution ! Il ne faut pas s'imaginer qu'en un an, un ministre peut régler tous les problèmes de l'Education nationale, ce n'est pas vrai. Qu'est-ce qui fait qu'il y a un véritable malaise des enseignants aujourd'hui - et je maintiens la formule qui ne me paraît pas si mauvaise que cela, tout compte fait ? Evidemment, c'est le fait que les enseignants ont le sentiment parfois - et d'ailleurs en partie à juste titre - que la société dans laquelle nous vivons ne repose pas aussi sur les valeurs qui sont les leurs. Quelles sont leurs valeurs, pour l'essentiel ? Ce sont les valeurs républicaines, la laïcité, l'égalité, c'est aussi l'amour du savoir. Les enseignants sont des gens qui ont souvent quatre ou cinq ans à l'université, par passion pour une discipline - l'Histoire, la biologie, la philosophie, que sais-je... Et ils ont le sentiment souvent que nous vivons dans une société en voie de mondialisation, qui ne reconnaît plus ces valeurs, et qui fonctionne plutôt sur la société du spectacle, sur la société marchande. Lorsqu'on a parlé de décentralisation, le sentiment peut-être que l'Etat allait se retirer - ce qui était une erreur, ce n'était pas le but de la décentralisation, a pu les inquiéter. Il est évident aussi que la question des retraites les a pris de plein fouet, puisqu'en gros, on leur a annoncé ce qui était pas forcément une bonne nouvelle pour eux, qu'ils allaient travailler deux ans ou deux ans et demi de plus. C'est vrai que c'est difficile à comprendre et à avaler, même si cela me paraît complètement légitime. On a donc eu de vrais soucis. Mais il faut bien comprendre que les vraies difficultés, ce ne sont pas les retraites, ce n'est pas la décentralisation. C'est la motivation des élèves, c'est..."
Et les moyens !
- "Non, ça, c'est vraiment... Enfin, dites-le, vous avez raison de le dire, même si je ne suis pas d'accord avec cela !"
Donnez-nous votre point de vue... Mais apparemment, à les écouter, eux, la question qui les préoccupe, qui est au coeur du système, notamment pour la rentrée, c'est celle des assistants d'éducation : avec pas assez de monde... Pourquoi avoir attendu cette rentrée pour découvrir qu'il n'y a pas assez de monde ?
- "Mais on n'a pas du tout attendu ! On a, au contraire, trouvé, quand je suis arrivé, une situation qui était calamiteuse, qui m'était gentiment laissée par mon prédécesseur, qui aujourd'hui me donne des leçons mais qui n'a pas réglé le problème... Comme son directeur de cabinet me l'avait dit : "On te laisse une bombe à retardement, une grenade dégoupillée"."
Il vous avait vraiment dit cela ?!
- "Exactement, il peut le confirmer lui-même. Et d'ailleurs, son directeur adjoint m'a dit la même chose, et tous les anciens de son cabinet m'ont dit la même chose : "On te laisse une maison en bon état, sauf le problème des emplois-jeunes". C'était un problème qui était parfaitement prévisible. Vous savez comme moi que les contrats des emplois-jeunes, qui sont des contrats de droit privé, étaient prévus pour cinq ans. Donc on savait qu'ils arrivaient à terme exactement quand je suis arrivé au ministère. Donc, quand je suis arrivé, j'avais 20.000 emplois-jeunes qui disparaissaient, avec pas un euro de crédit pour les remplacer, pas de titularisation en vue, des départs en milieu d'année scolaire, c'est-à-dire au mois de janvier, et même pas les indemnités de chômage. Donc, rien n'avait été prévu, c'est donc facile aujourd'hui de donner des leçons. Ce que j'ai fait, c'est non pas supprimer les emplois-jeunes, mais remettre 20.000 assistants d'éducation. On a donc pris la loi cette année, et les décrets d'application de la loi le plus vite possible - c'est-à-dire au mois de juin..."
Mais cela ne permet tait pas d'être prêt pour la rentrée d'aujourd'hui...
- "Mais on est parfaitement prêt ! C'est une ânerie de dire que l'on n'est pas prêt ! On est parfaitement prêt. Il y aura 20.000 assistants d'éducation qui seront recrutés d'ici le mois de janvier et 16.000 d'ici la fin du mois de septembre."
Je vous dis cela, parce que vous avez vous-même dit que tout serait en place au 1er octobre...
- "Exactement..."
Mais ce n'est pas la rentrée, le 1er octobre !
- "Ce n'est pas la rentrée ?! Mais comment voulez-vous que l'on recrute les assistants d'éducation pendant le mois de juillet et le mois d'août ? Vous savez le faire ? Moi, je ne sais pas le faire. Comme je le dis, je ne suis pas le magicien d'Oz. On les recrute le plus vite possible et on le fait très bien. Et en plus, il est évident que ce petit délai - qui n'est pas même pas un retard, puisque les décrets d'application sont sortis au mois de juin - n'existera qu'une fois, puisque c'est une nouvelle loi, un nouveau système qui est bien meilleur que l'ancien. Je vous signale d'ailleurs qu'il y a une enquête, qui est parue cette semaine, auprès des parents, qui a été faîte par la PEEP - mais ce ne sont pas les parents de la PEEP, c'est l'ensemble des parents d'élèves de France - qui disent à 62 % que le système des assistants d'éducation paraît meilleur ou à tout le moins équivalent au système des emplois jeunes. Donc ils sont très majoritaires à penser que c'est une bonne solution, ce qui est en effet est le cas, puisqu'on a affaire à des contrats de droit public, on a affaire à des salaires qui sont bien supérieurs à ceux des emplois-jeunes, on leur donne une formation et je leur ouvre les concours internes de l'Education nationale. On va donc mettre en place ces assistants d'éducation d'ici la fin du mois de septembre, aussi vite qu'il est possible - c'était impossible d'aller plus vite - et on aura 20.000 assistants d'éducation d'ici le mois de janvier, qui vont remplacer les 20.000 emplois-jeunes qui sont sortis. C'est donc un effort considérable. Et je puis vous assurer qu'y compris dans ma propre majorité politique, il y avait un certain nombre de gens qui disaient que puisque les socialistes ont fait une énorme bêtise sur ce sujet, avec les emplois-jeunes, laissons-les partir, ne les remplaçons pas. Ce n'est pas ce que j'ai souhaité, parce que je savais que ces aides-éducateurs rendaient vraiment des services dans les écoles et dans les collèges en particulier. J'ai donc voulu remplacer les emplois-jeunes par les assistants d'éducation, je n'ai donc pas supprimer les emplois-jeunes. J'ai trouvé un dossier ingérable, très mal préparé. Et si les professeurs veulent s'en prendre à quelqu'un, qu'ils s'en prennent au gouvernement précédent, qui aurait parfaitement pu, encore une fois, s'il l'avait souhaité, prévoir la titularisation de ces emplois ou le remplacement de ces emplois sous une forme ou sous une autre."
Autre sujet difficile : la feuille de paie et le décompte des jours de grève. Le Premier ministre était sur une ligne dure, vous apparemment sur une ligne beaucoup plus souple. Comment la discussion s'est-elle faite entre vous - si elle s'est faîte ?
- "Non, il n'y a jamais eu de vraie discussion sur le sujet. J'ai annoncé, dès le mois de juin, que je souhaitais évidemment qu'on applique l'arrêt Omont, c'est-à-dire qu'on prélève vraiment les jours de grève. Quand j'entendais la collègue enseignante, tout à l'heure, dire qu'elle ne comprenait pas qu'on prélève les jours de grève, je peux lui répondre qu'une immense majorité dans l'opinion ne comprendrait pas qu'on continue à faire comme cela s'est fait depuis dix ans, à procéder simplement pas des forfaits, en disant que voilà, quand il y a un mois et demi de grève, on prélève deux jours de grève. Ce n'est pas acceptable et c'est une forme de mépris pour la grève. En revanche, ce que j'ai toujours dit depuis le mois de juin, c'est que je ne voulais pas une application dure et revancharde de l'arrêt Omont, ce qui veut dire, en clair, que je décompterai pas ni les dimanches, ni les jours de vacances, ni les jours fériés. C'est donc une application souple de la législation actuelle - même d'ailleurs à la limite de la législation, puisque c'est favorable aux professeurs -, mais, en revanche, on ne peut pas ne pas appliquer le principe de l'arrêt Omont. Je vais vous dire pourquoi : prenez le cas très simple d'un professeur d'école qui aurait fait grève pendant trois semaines. Si on supprimait les jours de présence, automatiquement, étant présent en principe cinq jours par semaine, on lui supprime quinze jours. Prenez un professeur de fac, qui est présent dans son établissement une demi journée ou une journée par semaine. Pour la même grève, on va lui prélever seulement trois jours. Voilà le sens de l'arrêt Omont. Et prenez un agrégé de lycée entre les deux, qui a deux jours de présence devant les élèves par semaine : on va lui prélever seulement trois fois deux jours pour trois semaines de grève. Donc, le sens de l'arrêt Omont est de dire qu'on égalise les choses entre professeurs d'école, professeurs de lycée, professeurs d'université, et que le service des enseignants, évidemment, ne se réduit pas à la présence devant les élèves : les enseignants sont à 35 heures par semaine, comme tout le monde. Par conséquent, quand on fait grève par exemple le lundi et le vendredi, eh bien on prélève le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi et le vendredi. C'est ça, l'arrêt Omont, et je l'applique, encore une fois, de façon souple, puisque je ne décompte pas les dimanches, les jours fériés et les jours de vacances."
Une dernière chose, en peu de mots s'il vous plaît, parce que, peut-être, on y reviendra avec les auditeurs d'Inter : le grand débat sur l'école, c'est quand ?
- "Il commence dès maintenant, c'est-à-dire que je mets en place, je mettrai en place, avec le Premier ministre, la Commission nationale sur l'école qui sera présidée par C. Thélot, dont, je crois que chacun reconnaît qu'en matière d'évaluation du système, il est quand même parfaitement crédible et légitime. C'est un homme de très grande qualité. Donc, cette Commission nationale, comprendra aussi, s'ils le souhaitent, tous les anciens ministres de l'Education nationale. Je souhaite qu'ils participent à cette Commission nationale, qu'on les entende. On peut polémiquer, ici ou là, avec tel ou tel, cela fait partie du jeu politique. Mais je pense que leurs compétences est à nulle autre pareille. Et que s'ils le souhaitent, ils seront considérés comme invités permanents, ou comme membres de droit de la Commission. Je pense que c'est une très bonne chose que ces anciens ministres s'investissent aussi dans ce débat, même si, encore une fois, les désaccords politiques nous amènent à polémiquer de temps à autre, mais cela fait partie du jeu. Et puis, à partir de la fin du mois d'octobre, nous aurons, j'ai demandé au Haut conseil de l'évaluation, présidé par C. Forestier, qui justement l'ancien directeur de cabinet de J. Lang, d'établir un diagnostic sur l'école, qui ne sera pas encore partagé évidemment, mais qui servira de document de base à la discussion. Et donc, le débat aura lieu au cours du mois de novembre. Bien sûr, dans tous les établissements de France, mais aussi ailleurs que dans les établissements, notamment dans les arrondissements, sur le terrain. Parce que je pense que ce débat doit être largement ouvert aussi aux non spécialistes, donc aux parents, aux chefs d'entreprise, et pas forcément aux spécialistes uniquement du système éducatif, même si, bien sûr, la présence, la participation des enseignants est l'essentiel pour moi."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 1 septembre 2003)