Texte intégral
Chers camarades, chers amis représentantes et représentants de partis, syndicats ou associations invités, mesdames et messieurs les journalistes, je vous souhaite à tous la bienvenue à Saint-Denis.
Je souhaite d'ailleurs associer à ces mots de bienvenue, Jack Ralite et Pascal Beaudet, les ancien et nouveau maire d'Aubervilliers, tant ce territoire est partagé avec nos amis albertivillariens, ainsi que Jacques Poulet, maire de Villetaneuse et président de la Communauté d'Agglomération à laquelle ce territoire appartient.
Chers camarades, il y a 33 ans, Jacques Monod, professeur au Collège de France, fondateur de l'Institut Pasteur et Prix Nobel publiait un essai sur la philosophie naturelle de biologie moderne intitulé "Le hasard et la nécessité". Cet essai qui fit et qui continue à faire référence reprenait et prouvait une vieille théorie du philosophe grec Démocrite qui affirmait que : "Tout ce qui existe dans l'Univers est le fruit du hasard et de la nécessité".
Ainsi, Jacques Monod démontre que les événements initiaux qui ouvrent la voie de l'évolution des êtres vivants sont fortuits et sans relation avec les effets qu'ils peuvent entraîner.
Mais que cet accident singulier tiré du règne du pur hasard entre dans celui de la nécessité, et des certitudes les plus implacables.
De fait, toute sélection, toute mutation s'appuient sur les produits du hasard et ne peuvent s'alimenter ailleurs : mais elles se réalisent dans un domaine d'exigences rigoureuses dont le hasard est banni.
Ainsi, Jacques Monod tranchait le débat entre l'inné et l'acquis, entre l'hérédité et l'apprentissage, entre le don et le milieu.
Mais pourquoi me direz-vous introduire ce 32ème congrès en faisant référence à cet essai "le hasard et la nécessité". C'est ce que je vais essayer de vous montrer. Je serai bref car je ne sais plus quel auteur disait (ou à peu près) que dix minutes d'intervention peuvent remuer le coeur, les tripes ou les méninges, mais qu'au delà toute intervention ne peut que faire remuer les fesses.
Cette remarque peut d'ailleurs être intégrée par les prochains intervenants.
Ainsi, puisque tout corps vivant est le fruit du hasard et de la nécessité, le Parti Communiste Français encore corps vivant ne devrait pas échapper à cette théorie.
Commençons par le hasard. Quand je vous ai souhaité la bienvenue tout à l'heure j'ai hésité entre vous souhaiter la bienvenue sur Saint-Denis ou à Saint-Denis ; le fait est que nous sommes bien ici par pur hasard. Il n'y a pas eu de volonté délibérée de la direction de tenir ce congrès à Saint-Denis mais bien la recherche tous azimuts d'un lieu, d'un bâtiment qui in-fine s'est trouvé par hasard être à Saint-Denis.
Mais comme à tout malheur, bonheur peut-être bon, à tout hasard, nécessité peut-être bonne.
Et par nécessité j'entends en quoi l'histoire de ce territoire pourrait influencer, animer, voire illuminer les travaux de notre congrès et déterminer le devenir du Parti.
Ainsi, vous êtes à Saint-Denis. Saint-Denis c'est : 88 000 habitants, plus de 50 000 emplois, de 30 000 étudiants, 2 000 commerces. C'est la ville des "Rois morts et du peuple vivant" disait le poète Jean Marcenac. C'est la plus grande ville de France (et d'Europe avec Cordoue) dont le maire est communiste.
C'est une ville dont l'histoire est étrangement et intimement liée à l'histoire de France, et aux mutations de la société française.
Au temps de la Gaulle, je cite l'historienne Anne Lombard-Jourdan : "la Plaine constituait entre les marécages et les hauteurs boisées, un espace sec et dégagé et offrait des terres propices à la culture. Cet endroit privilégié retient de bonne heure l'attention des hommes. Les premiers occupants y instituèrent un lieu de culte autour d'un tumulus, où leur Ancêtre était censé être enseveli. L'endroit fut dès lors considéré comme le centre du pays. Il fut connu plus tard sous le nom de la Montjoie. D'où bien sûr, Montjoie Saint-Denis.
Tous les ans avaient lieu en juin les assemblées communautaires où les druides élisaient le druide suprême, rendait la justice et réglait les affaires importantes, tandis que se tenaient de grandes foires.
Je passe rapidement sur la mythologie du site qui veut qu'en 250 le premier évêque de Paris, Denis décapité avec ses compagnons Rustique et Eleuthère, vienne de Montmartre jusqu'à l'endroit où est bâti l'actuelle Cathédrale-Basilique.
Des traditions des foires gauloises, vont naître au Moyen-Age deux grandes foires celle de la Saint-Denis en octobre et celle du Landit en juin. Pendant plusieurs siècles cette dernière demeurera la plus importante manifestation économique et sociale française, rassemblant des marchands et des acheteurs venant de toute l'Europe, du Nord comme du Sud.
L'ouverture à la navigation du Canal de Saint-Denis en 1821 et la décision en 1844 de relier Paris à la frontière belge par le chemin de fer allait provoquer une mutation totale du territoire. A partir de là l'industrialisation de la Plaine va s'accélérer et ce site devient le plus grand bassin industriel d'Europe continental dans tous les domaines de la production : chimie, verrerie, parfumerie, pharmacie, sidérurgie, métallurgie, machine outil, orfèvrerie, entreprises de production énergétiques (EDF, GDF). Jeumont, Pouyet, Languepin, Caseneuve, Saint-Gobain, Christofle, Hotchkiss, Thomson, Delaunay Belleville, Gibbs, Panasonic, Pleyel, Siemens : la liste est longue d'entreprises disparues ou encore présentes qui auront marqué de leur empreinte, de leur vie et de notre ville. Si vous vous promenez dans la Plaine vous verrez que nous avons tenu à garder en mémoire ce passé. Les rues de l'Industrie, de la Métallurgie, des Cheminots, des Bretons, des Blés, de la Procession, de la Montjoie, sont là pour rappeler les différentes étapes de l'histoire Dionysienne.
Ce site va alors devenir un lieu non plus de passage des étrangers comme au temps des foires mais un lieu d'accueil d'ouvriers immigrés venant d'abord de l'Hexagone, les Auvergnats et les Bretons dont je suis un des derniers vestiges, puis de l'Europe : Espagnols, Portugais, Italiens et Yougoslaves, puis de l'Afrique du Nord et enfin de l'Afrique sub-saharienne.
Ces migrations successives qui font de Saint-Denis une ville riche de ses différences, seront toujours utilisées pour les travaux les plus pénibles, les plus dangereux et les plus mal payés.
Et puis au début des années 60 jusqu'au milieu des années 80, les délocalisations, la désindustrialisation vont faire leur ravage. En un peu plus de 20 ans près de 20 000 emplois industriels disparaissent laissant des centaines d'hectares de friches. Et au-delà des déstructurations et des traumatismes urbains la conséquence la plus grave de ces politiques délibérées réside dans les déstructurations et traumatismes humains, par centaines et par milliers.
A partir de 1985, un travail commun va être mené entre Saint-Denis, Saint-Ouen, Aubervilliers et le Conseil Général pour redonner vie et perspective à ce lieu. Aidé par un groupe d'architectes qui produisent un projet urbain définissant les grands partis d'aménagement et de développement, les élus, la population, les entreprises et leurs salariés se mobilisent pour que ce lieu redevienne un lieu de vie plurifonctionnel associant emplois, logements, lieux de formation, espaces et équipements publics ; un territoire à dimension humaine tournant le dos au gigantisme de la Défense et à l'anonymat des villes nouvelles. Il s'agit bien alors de reconstruire de la ville sur la ville.
Aujourd'hui, l'implantation du Stade de France, le bon maillage des transports en commun, la proximité de Paris, de Roissy, de la Défense et du port de Gennevilliers, le développement économique qui fait de Saint-Denis le site où se construit le plus grand nombre de surfaces de bureaux et de logements d'Ile de France, nous permettent d'envisager avec les villes partenaires de Plaine Commune, de relever le défi d'une nouvelle mutation de ce territoire. Pour autant, nous sommes conscients que ce développement économique doit s'appuyer sur un développement local, social et durable et que Saint-Denis doit plus que jamais rester une ville populaire, solidaire et dynamique.
Les pratiques de démocratie dont nous nous sommes dotées à partir de 1990 et qui de semaine en semaine se déclinent en démarche quartier, rencontre bonjour voisin, visite de quartier, rencontre de la Mairie avec le personnel communal, atelier d'urbanisme, groupe de travail sur l'aménagement, les transports, les équipements et les manifestations culturelles et sportives, les fêtes de quartier, la fête de Saint-Denis comme celle des Tulipes, sont autant de moments, de lieux et d'outils pour associer la population au devenir de notre ville. Le budget participatif mis en place depuis deux ans en est une étape supplémentaire.
L'idée que le "vivre et faire ensemble" repose sur un projet collectif partagé qui respecte la spécificité, la personnalité et l'indépendance de chacun est l'idée directrice qui nous anime. Je veux voir dans le recul du Front National d'élection en élection, et dans notre progression de 7 % aux dernières législatives, le résultat de ce travail fondé sur des principes et des valeurs dans un rapport de proximité.
Nous avons la modestie de penser, à partir de ce que nous faisons ici, au quotidien, qu'il est possible d'être du côté des pauvres et aux côtés des intellectuels, d'inciter les chefs d'entreprises à investir sur ce territoire et de défendre les salariés de ces mêmes entreprises quand ils luttent ; de ne jamais céder au discours sécuritaire et d'exiger pour chacun le droit à la dignité et au respect ; d'être ouvert à tous et ferme sur nos valeurs, bref, d'être communistes.
Ainsi, cette ville est à la fois un lieu de naissance, celle de la nation française, ou celle de la tradition des foires, mais aussi un lieu de mutations et de ruptures, par le passage de l'art roman au gothique par la construction de la première cathédrale gothique par l'abbé Suger, ou celui du passage de la société rurale à la société urbaine. Peut-on y voir un signe ? qu'il n'y aurait pas que le hasard qui nous aurait amenés à tenir ce 32ème congrès sur ce territoire ? Je l'espère.
J'espère ainsi que cette terre d'histoire et de travail, cette terre de souffrances et de luttes, cette terre de ruptures et de mutations, cette terre d'innovations nourrisse les travaux de ce congrès pour l'aider à produire un projet communiste contemporain à la hauteur des exigences et des mutations de notre temps.
Encore devons-nous être conscients que cette exigence de mutation et de rupture a un double objet d'application : le Parti lui-même d'un côté, la société et les institutions de l'autre.
Dans un monde où la guerre en Irak est lourde de péril pour le devenir de notre planète, où chaque jour en Afrique des dizaines de milliers de personnes meurent de faim ou du sida, où la vie de la population palestinienne devient de jour en jour de plus en plus précaire, menacée où la guerre économique et monétaire font des ravages en Amérique du Sud, dans un monde où l'ensemble des systèmes politiques communisme réel, social démocratie, capitalisme libéral ou non, qui ont dominé le XXème siècle ont été incapables de résoudre concrètement les grands maux de notre temps : pauvreté, exclusion, guerre, famine, inégalités, chômage, désastre écologique, il est temps de contribuer à l'invention d'une perspective politique prête à relever ces défis.
Nous ne sommes pas seuls aujourd'hui à penser qu'un "autre monde est possible" , et le Forum Social Européen qui se tiendra à Saint-Denis et à Paris auxquels s'associeront des villes du Val de Marne et de Seine Saint-Denis, en novembre prochain sera l'occasion du rendez-vous de ceux qui veulent vraiment changer ce monde.
Oui, et parce que la planète a besoin d'une mutation faite de ruptures économiques, sociales, environnementales et sociétales, notre Parti a besoin d'une vraie mutation tant sur le contenu, que sur le mode organisationnel et rompe sans équivoque avec des pratiques et des théories qui ont mené le communisme à l'échec.
C'est à ces conditions, et à ces conditions seulement que je pourrais terminer cette introduction dans les mêmes termes que Paul Lombard à Martigues.
Je le cite : "Comme Tours a marqué la naissance de notre Parti, je ne doute pas que Martigues marquera une étape historique dans son développement et son rayonnement".
Si l'on ne veut pas que cette formule incantatoire dans laquelle on remplacerait Martigues par Saint-Denis ne soit la énième - ce qui ne serait pas grave - mais surtout la dernière avant disparition, il nous appartient de donner à ce Congrès, le souffle créateur synonyme d'utopie, de désir et de perspectives et que réclament en silence des millions d'individus.
Chacun a je pense conscience que notre capacité à tirer toutes les leçons de notre histoire, à ne pas nous recroqueviller sur nous mêmes et à formuler quelques principes et perspectives fortes dépend aujourd'hui réellement le devenir de notre Parti.
Je le dis sans humour, sans provocation, et même avec beaucoup de sérieux, il nous appartient de définir sur quel chemin notre Congrès nous permettra d'avancer.
Entre d'un côté "la vie est ailleurs" de Kundera et "chronique d'une mort annoncée" de Garcia-Marquès et de l'autre "de beaux lendemains" de Russel Banks ou "l'Espoir" de Malraux, il nous revient de signifier quel titre de ces romans nous voulons associer à nos travaux.
C'est avec la volonté et l'état d'esprit que ce soit l'un des deux derniers qui y soit associé.
Je vous souhaite et nous souhaite un bon travail. Il y a nécessité d'y réussir.
(Source http://www.pcf.fr, le 4 avril 2003)
Je souhaite d'ailleurs associer à ces mots de bienvenue, Jack Ralite et Pascal Beaudet, les ancien et nouveau maire d'Aubervilliers, tant ce territoire est partagé avec nos amis albertivillariens, ainsi que Jacques Poulet, maire de Villetaneuse et président de la Communauté d'Agglomération à laquelle ce territoire appartient.
Chers camarades, il y a 33 ans, Jacques Monod, professeur au Collège de France, fondateur de l'Institut Pasteur et Prix Nobel publiait un essai sur la philosophie naturelle de biologie moderne intitulé "Le hasard et la nécessité". Cet essai qui fit et qui continue à faire référence reprenait et prouvait une vieille théorie du philosophe grec Démocrite qui affirmait que : "Tout ce qui existe dans l'Univers est le fruit du hasard et de la nécessité".
Ainsi, Jacques Monod démontre que les événements initiaux qui ouvrent la voie de l'évolution des êtres vivants sont fortuits et sans relation avec les effets qu'ils peuvent entraîner.
Mais que cet accident singulier tiré du règne du pur hasard entre dans celui de la nécessité, et des certitudes les plus implacables.
De fait, toute sélection, toute mutation s'appuient sur les produits du hasard et ne peuvent s'alimenter ailleurs : mais elles se réalisent dans un domaine d'exigences rigoureuses dont le hasard est banni.
Ainsi, Jacques Monod tranchait le débat entre l'inné et l'acquis, entre l'hérédité et l'apprentissage, entre le don et le milieu.
Mais pourquoi me direz-vous introduire ce 32ème congrès en faisant référence à cet essai "le hasard et la nécessité". C'est ce que je vais essayer de vous montrer. Je serai bref car je ne sais plus quel auteur disait (ou à peu près) que dix minutes d'intervention peuvent remuer le coeur, les tripes ou les méninges, mais qu'au delà toute intervention ne peut que faire remuer les fesses.
Cette remarque peut d'ailleurs être intégrée par les prochains intervenants.
Ainsi, puisque tout corps vivant est le fruit du hasard et de la nécessité, le Parti Communiste Français encore corps vivant ne devrait pas échapper à cette théorie.
Commençons par le hasard. Quand je vous ai souhaité la bienvenue tout à l'heure j'ai hésité entre vous souhaiter la bienvenue sur Saint-Denis ou à Saint-Denis ; le fait est que nous sommes bien ici par pur hasard. Il n'y a pas eu de volonté délibérée de la direction de tenir ce congrès à Saint-Denis mais bien la recherche tous azimuts d'un lieu, d'un bâtiment qui in-fine s'est trouvé par hasard être à Saint-Denis.
Mais comme à tout malheur, bonheur peut-être bon, à tout hasard, nécessité peut-être bonne.
Et par nécessité j'entends en quoi l'histoire de ce territoire pourrait influencer, animer, voire illuminer les travaux de notre congrès et déterminer le devenir du Parti.
Ainsi, vous êtes à Saint-Denis. Saint-Denis c'est : 88 000 habitants, plus de 50 000 emplois, de 30 000 étudiants, 2 000 commerces. C'est la ville des "Rois morts et du peuple vivant" disait le poète Jean Marcenac. C'est la plus grande ville de France (et d'Europe avec Cordoue) dont le maire est communiste.
C'est une ville dont l'histoire est étrangement et intimement liée à l'histoire de France, et aux mutations de la société française.
Au temps de la Gaulle, je cite l'historienne Anne Lombard-Jourdan : "la Plaine constituait entre les marécages et les hauteurs boisées, un espace sec et dégagé et offrait des terres propices à la culture. Cet endroit privilégié retient de bonne heure l'attention des hommes. Les premiers occupants y instituèrent un lieu de culte autour d'un tumulus, où leur Ancêtre était censé être enseveli. L'endroit fut dès lors considéré comme le centre du pays. Il fut connu plus tard sous le nom de la Montjoie. D'où bien sûr, Montjoie Saint-Denis.
Tous les ans avaient lieu en juin les assemblées communautaires où les druides élisaient le druide suprême, rendait la justice et réglait les affaires importantes, tandis que se tenaient de grandes foires.
Je passe rapidement sur la mythologie du site qui veut qu'en 250 le premier évêque de Paris, Denis décapité avec ses compagnons Rustique et Eleuthère, vienne de Montmartre jusqu'à l'endroit où est bâti l'actuelle Cathédrale-Basilique.
Des traditions des foires gauloises, vont naître au Moyen-Age deux grandes foires celle de la Saint-Denis en octobre et celle du Landit en juin. Pendant plusieurs siècles cette dernière demeurera la plus importante manifestation économique et sociale française, rassemblant des marchands et des acheteurs venant de toute l'Europe, du Nord comme du Sud.
L'ouverture à la navigation du Canal de Saint-Denis en 1821 et la décision en 1844 de relier Paris à la frontière belge par le chemin de fer allait provoquer une mutation totale du territoire. A partir de là l'industrialisation de la Plaine va s'accélérer et ce site devient le plus grand bassin industriel d'Europe continental dans tous les domaines de la production : chimie, verrerie, parfumerie, pharmacie, sidérurgie, métallurgie, machine outil, orfèvrerie, entreprises de production énergétiques (EDF, GDF). Jeumont, Pouyet, Languepin, Caseneuve, Saint-Gobain, Christofle, Hotchkiss, Thomson, Delaunay Belleville, Gibbs, Panasonic, Pleyel, Siemens : la liste est longue d'entreprises disparues ou encore présentes qui auront marqué de leur empreinte, de leur vie et de notre ville. Si vous vous promenez dans la Plaine vous verrez que nous avons tenu à garder en mémoire ce passé. Les rues de l'Industrie, de la Métallurgie, des Cheminots, des Bretons, des Blés, de la Procession, de la Montjoie, sont là pour rappeler les différentes étapes de l'histoire Dionysienne.
Ce site va alors devenir un lieu non plus de passage des étrangers comme au temps des foires mais un lieu d'accueil d'ouvriers immigrés venant d'abord de l'Hexagone, les Auvergnats et les Bretons dont je suis un des derniers vestiges, puis de l'Europe : Espagnols, Portugais, Italiens et Yougoslaves, puis de l'Afrique du Nord et enfin de l'Afrique sub-saharienne.
Ces migrations successives qui font de Saint-Denis une ville riche de ses différences, seront toujours utilisées pour les travaux les plus pénibles, les plus dangereux et les plus mal payés.
Et puis au début des années 60 jusqu'au milieu des années 80, les délocalisations, la désindustrialisation vont faire leur ravage. En un peu plus de 20 ans près de 20 000 emplois industriels disparaissent laissant des centaines d'hectares de friches. Et au-delà des déstructurations et des traumatismes urbains la conséquence la plus grave de ces politiques délibérées réside dans les déstructurations et traumatismes humains, par centaines et par milliers.
A partir de 1985, un travail commun va être mené entre Saint-Denis, Saint-Ouen, Aubervilliers et le Conseil Général pour redonner vie et perspective à ce lieu. Aidé par un groupe d'architectes qui produisent un projet urbain définissant les grands partis d'aménagement et de développement, les élus, la population, les entreprises et leurs salariés se mobilisent pour que ce lieu redevienne un lieu de vie plurifonctionnel associant emplois, logements, lieux de formation, espaces et équipements publics ; un territoire à dimension humaine tournant le dos au gigantisme de la Défense et à l'anonymat des villes nouvelles. Il s'agit bien alors de reconstruire de la ville sur la ville.
Aujourd'hui, l'implantation du Stade de France, le bon maillage des transports en commun, la proximité de Paris, de Roissy, de la Défense et du port de Gennevilliers, le développement économique qui fait de Saint-Denis le site où se construit le plus grand nombre de surfaces de bureaux et de logements d'Ile de France, nous permettent d'envisager avec les villes partenaires de Plaine Commune, de relever le défi d'une nouvelle mutation de ce territoire. Pour autant, nous sommes conscients que ce développement économique doit s'appuyer sur un développement local, social et durable et que Saint-Denis doit plus que jamais rester une ville populaire, solidaire et dynamique.
Les pratiques de démocratie dont nous nous sommes dotées à partir de 1990 et qui de semaine en semaine se déclinent en démarche quartier, rencontre bonjour voisin, visite de quartier, rencontre de la Mairie avec le personnel communal, atelier d'urbanisme, groupe de travail sur l'aménagement, les transports, les équipements et les manifestations culturelles et sportives, les fêtes de quartier, la fête de Saint-Denis comme celle des Tulipes, sont autant de moments, de lieux et d'outils pour associer la population au devenir de notre ville. Le budget participatif mis en place depuis deux ans en est une étape supplémentaire.
L'idée que le "vivre et faire ensemble" repose sur un projet collectif partagé qui respecte la spécificité, la personnalité et l'indépendance de chacun est l'idée directrice qui nous anime. Je veux voir dans le recul du Front National d'élection en élection, et dans notre progression de 7 % aux dernières législatives, le résultat de ce travail fondé sur des principes et des valeurs dans un rapport de proximité.
Nous avons la modestie de penser, à partir de ce que nous faisons ici, au quotidien, qu'il est possible d'être du côté des pauvres et aux côtés des intellectuels, d'inciter les chefs d'entreprises à investir sur ce territoire et de défendre les salariés de ces mêmes entreprises quand ils luttent ; de ne jamais céder au discours sécuritaire et d'exiger pour chacun le droit à la dignité et au respect ; d'être ouvert à tous et ferme sur nos valeurs, bref, d'être communistes.
Ainsi, cette ville est à la fois un lieu de naissance, celle de la nation française, ou celle de la tradition des foires, mais aussi un lieu de mutations et de ruptures, par le passage de l'art roman au gothique par la construction de la première cathédrale gothique par l'abbé Suger, ou celui du passage de la société rurale à la société urbaine. Peut-on y voir un signe ? qu'il n'y aurait pas que le hasard qui nous aurait amenés à tenir ce 32ème congrès sur ce territoire ? Je l'espère.
J'espère ainsi que cette terre d'histoire et de travail, cette terre de souffrances et de luttes, cette terre de ruptures et de mutations, cette terre d'innovations nourrisse les travaux de ce congrès pour l'aider à produire un projet communiste contemporain à la hauteur des exigences et des mutations de notre temps.
Encore devons-nous être conscients que cette exigence de mutation et de rupture a un double objet d'application : le Parti lui-même d'un côté, la société et les institutions de l'autre.
Dans un monde où la guerre en Irak est lourde de péril pour le devenir de notre planète, où chaque jour en Afrique des dizaines de milliers de personnes meurent de faim ou du sida, où la vie de la population palestinienne devient de jour en jour de plus en plus précaire, menacée où la guerre économique et monétaire font des ravages en Amérique du Sud, dans un monde où l'ensemble des systèmes politiques communisme réel, social démocratie, capitalisme libéral ou non, qui ont dominé le XXème siècle ont été incapables de résoudre concrètement les grands maux de notre temps : pauvreté, exclusion, guerre, famine, inégalités, chômage, désastre écologique, il est temps de contribuer à l'invention d'une perspective politique prête à relever ces défis.
Nous ne sommes pas seuls aujourd'hui à penser qu'un "autre monde est possible" , et le Forum Social Européen qui se tiendra à Saint-Denis et à Paris auxquels s'associeront des villes du Val de Marne et de Seine Saint-Denis, en novembre prochain sera l'occasion du rendez-vous de ceux qui veulent vraiment changer ce monde.
Oui, et parce que la planète a besoin d'une mutation faite de ruptures économiques, sociales, environnementales et sociétales, notre Parti a besoin d'une vraie mutation tant sur le contenu, que sur le mode organisationnel et rompe sans équivoque avec des pratiques et des théories qui ont mené le communisme à l'échec.
C'est à ces conditions, et à ces conditions seulement que je pourrais terminer cette introduction dans les mêmes termes que Paul Lombard à Martigues.
Je le cite : "Comme Tours a marqué la naissance de notre Parti, je ne doute pas que Martigues marquera une étape historique dans son développement et son rayonnement".
Si l'on ne veut pas que cette formule incantatoire dans laquelle on remplacerait Martigues par Saint-Denis ne soit la énième - ce qui ne serait pas grave - mais surtout la dernière avant disparition, il nous appartient de donner à ce Congrès, le souffle créateur synonyme d'utopie, de désir et de perspectives et que réclament en silence des millions d'individus.
Chacun a je pense conscience que notre capacité à tirer toutes les leçons de notre histoire, à ne pas nous recroqueviller sur nous mêmes et à formuler quelques principes et perspectives fortes dépend aujourd'hui réellement le devenir de notre Parti.
Je le dis sans humour, sans provocation, et même avec beaucoup de sérieux, il nous appartient de définir sur quel chemin notre Congrès nous permettra d'avancer.
Entre d'un côté "la vie est ailleurs" de Kundera et "chronique d'une mort annoncée" de Garcia-Marquès et de l'autre "de beaux lendemains" de Russel Banks ou "l'Espoir" de Malraux, il nous revient de signifier quel titre de ces romans nous voulons associer à nos travaux.
C'est avec la volonté et l'état d'esprit que ce soit l'un des deux derniers qui y soit associé.
Je vous souhaite et nous souhaite un bon travail. Il y a nécessité d'y réussir.
(Source http://www.pcf.fr, le 4 avril 2003)