Texte intégral
Je dois partir dans peu de temps pour aller signer avec Dominique Voynet, Ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, le contrat de plan entre l'Etat et la région Poitou-Charente. Vous me pardonnerez donc de ne rester avec vous que quelques instants et de ne vous dire que quelques mots qui me tiennent à coeur.
A tous et à toutes, je présente mes voeux les plus chaleureux, voeux de bonheur et de réussite, personnels et professionnels. Je vous souhaite en cette nouvelle année des satisfactions solides dans l'exercice de votre métier et de cette liberté d'informer qui en est la raison d'être.
Ces retrouvailles annuelles des Ministres que nous sommes avec les professionnels de l'information que vous êtes sont ordinairement l'occasion de porter un regard sur l'action conduite au cours de l'année écoulée et d'évoquer sa poursuite pour l'année à venir. Bilan et perspective, en somme, sur un temps moins court que celui de l'actualité quotidienne où nous sommes, les uns et les autres, immergés à notre manière sans toutefois, je l'espère, qu'elle nous submerge et nous fasse perdre le cap.
Il se trouve que l'événement et le symbole du passage à l'an 2000, sans qu'il soit pour cela besoin de céder à quelqu'illusion millénariste, portent à embrasser d'un regard plus large la période écoulée et celle à venir. S'agissant de l'école, l'exercice est particulièrement salutaire car c'est dans le temps long que se fonde et s'inscrit l'action telle que je la conçois.
Du passé, de l'histoire scolaire au long cours si étroitement mêlée à celle de la République, de l'héritage qui en résulte, il nous revient d'assumer la bonne part en prenant pleinement en charge cette promesse émancipatrice qui est au coeur de la mission de l'école. Avec des raisons intactes mais enrichies et précisées à la lumière du contexte d'aujourd'hui. En ajustant et rajustant ce qui doit l'être afin de mieux comprendre et maîtriser une mutation de civilisation qui excède les hasards du calendrier, qui fait du savoir la munition de base et qui justifie à mes yeux le choix d'une école plus juste et plus efficace, pour tous et pour chacun. A l'opposé du " laisser faire- laisser aller " qui ne profite qu'à quelques uns ou de ces nostalgies stériles plus promptes à réinventer le passé qu'à entrevoir l'avenir. A l'opposé de ces capitulations devant le désordre des choses qu'on voudrait nous faire prendre pour le comble de la modernité. Rien de plus vite périmé, comme vous le savez bien , que l'air du temps et l'action à courte vue. Rien de plus moderne, en réalité, que la volonté politique au service de quelques valeurs fortes.
Je ne vous cache donc pas que j'ai bien l'intention de continuer à dire ce que l'école doit être et doit faire pour assumer son rôle au bénéfice de tous les enfants que la nation lui confie, où qu'ils soient et d'où qu'ils viennent. Bien l'intention de continuer à en mobiliser les moyens avec tous les acteurs et les partenaires du système éducatif. Bien l'intention de faire en sorte que celui-ci soit mieux à même de donner à chacun le bagage qui lui est dû, ces connaissances et ces compétences qui lui permettront de comprendre le monde et d'y inscrire, avec les autres, son propre chemin.
C'est pourquoi j'entends tenir ferme le fil rouge qui, pour moi, fait le lien entre tous les chantiers que je conduis, entre tous les changements convergents qu'il m'a paru nécessaire d'encourager et d'impulser pour que l'école soit effectivement accueillante et profitable à tous les élèves. Non pas à quelqu'élève virtuel a priori conforme aux voeux de l'institution scolaire mais aux élèves réels, aux élèves incarnés, aux élèves tels qu'ils sont, avec ce pouvoir d'apprendre dont nul ne doit être exclu et ce désir de comprendre qui doit être stimulé chez chacun. Ce fil rouge, ce principe de cohérence finalement assez simple mais dont découlent, si l'on s'y tient, d'impérieuses obligations, c'est le droit à la réussite qui doit être garanti à chacun.
Ce droit à la réussite est le droit à la réussite des apprentissages car telle sont la responsabilité et la raison d'être de l'école. Il implique de ne pas en rabattre sur l'exigence scolaire et d'y adapter la diversification nécessaire des moyens mis en uvre. Telle est bien l'inspiration commune à l'action conduite dans les ZEP et les réseaux d'éducation prioritaire avec les contrats de réussite et les pôles d'excellence scolaire, au recentrage de la maternelle sur sa priorité, la maîtrise des langages, ainsi qu'à l'ensemble des actions conduites dans les premier et second degrés au bénéfice de la lecture et des langages, aux contrats éducatifs locaux comme à la réforme mise en place à cette rentrée pour le collège des années 2000.
Je ne vous infligerai pas le catalogue des chantiers ouverts jusqu'à aujourd'hui et des rendez-vous qui émailleront l'année à venir car je préfère ici mettre l'accent sur ce qu'ils ont en partage et sur ce qu'au bout du compte ils sont : les différentes facettes d'un même effort au service de la réussite scolaire car, comme vous le savez, l'école n'a pas pour fonction de lutter contre l'échec scolaire mais de réunir, pour tous et avec tous, les conditions de la réussite de chacun, ce qui, vous en conviendrez, témoigne d'une autre approche et d'une autre ambition.
Ce droit à la réussite, comme tous les droits fondamentaux, ne va pas sans devoirs : devoir, pour les enseignants, de bien donner (transmettre, organiser les apprentissages, susciter l'intérêt, éclairer le sens de l'effort scolaire) et devoir, pour les élèves, de bien prendre et acquérir.
Ce droit, pour n'être pas formel, implique de ne pas fermer les yeux et même de tenir attentivement compte de tout ce qui, dans la vie concrète et quotidienne des élèves, peut faire obstacle aux apprentissages et être, à un titre ou à un autre, facteur de détresse et de démobilisation scolaire.
L'école est donc dans son rôle quand elle se préoccupe de ceux dont les familles ne peuvent pas payer la cantine, de ceux pour lesquels les codes de l'institution ne vont pas de soi et quand elle se soucie de donner non seulement plus à ceux qui ont le moins mais de donner mieux et même le meilleur. Elle est dans son rôle quand elle se préoccupe de ceux que brise la maltraitance ou les violences du bizutage, des adolescentes menacées par une grossesse précoce, des conduites à risque où s'exprime le mal vivre de nombreux jeunes, de l'accueil des enfants malades et handicapés. Elle est dans son rôle quand, ainsi que j'ai décidé de le faire en liaison avec le Ministre de la Défense, elle se préoccupe de ces jeunes qui, encore scolarisés ou non, sont repérés comme étant en grande difficulté de lecture lors des tests effectués à l'occasion des journées d'appel et de préparation à la défense. Elle est dans son rôle quand, en sus des bourses attribuées aux familles dont les revenus sont les plus modestes, elle met en place, comme nous allons le faire cette année, 5000 bourses récompensant les élèves de milieu populaire qui ont eu les meilleurs résultats scolaires en 3ème, afin de les épauler plus efficacement dans leur parcours de réussite scolaire.
Point d'opposition, ici, entre " la périphérie " et " le centre ", entre l'éducatif, le social et le scolaire mais une articulation nécessaire si l'on a la volonté, au-delà de l'égalité abstraite, d'aller vers une égalité plus réelle face aux apprentissages.
Loin de se disperser, l'école fait son travail quand elle prend l'élève dans toutes ses dimensions, quand elle ne nie pas en lui l'enfant ou l'adolescent, quand elle reconnaît le droit de son âge à l'erreur, à l'imperfection, aux tâtonnements, aux dérapages, fussent-ils parfois irritants, quand les adultes savent y garder la tête froide face aux comportements adolescents et ne pas les confondre systématiquement avec d'inadmissibles violences.
Telle est, depuis le début, l'inspiration de l'action que je conduis et entends approfondir au cours de l'année à venir.
Dans les périodes de transition comme celle que nous vivons, où l'on sent bien ce qui n'est plus sans toujours parvenir à discerner ce qui doit être, il est d'autant plus important d'indiquer la direction et de s'y tenir, de fixer des règles du jeu et d'épauler en conséquence ceux qui ont, sur le terrain, dans les classes, les écoles et les établissements, la charge de faire vivre, jour après jour, l'école de la nation et le droit pour chacun d'y réussir.
Dans le monde où nous vivons, des pouvoirs planétaires s'affirment où la rentabilité financière à court terme tend à imposer sa loi au mépris des hommes et des femmes. Cela pose aux politiques que nous sommes et à l'ensemble des citoyens de nouvelles questions relatives au rôle de l'Etat, à la définition de la nation, à notre conception de l'Europe, à ce qu'il en est de notre pouvoir d'agir et d'infléchir le cours des choses, aux valeurs aussi qui sont les nôtres.
Ces questions, vous vous les posez aussi car, d'une certaine façon, la presse comme l'école s'interroge sur les conditions d'exercice de sa mission, sur ce devoir d'informer qui est aussi pouvoir de critiquer, sur cette liberté et cette indépendance nécessaires dont Chateaubriand disait, dès le siècle dernier, qu'elles sont " la parole à l'état de foudre ", quelque chose comme " de l'électricité sociale ".
Cette énergie, dans la tempête comme par temps calme, nous en avons besoin pour accomplir notre tâche et pour que fonctionne une société capable de juger et de décider en connaissance de cause. C'est pourquoi je formule aussi le voeu qu'elle s'affirme, se consolide, et vous remercie de suivre aussi attentivement nos chantiers quotidiens.
(http://www.education.gouv.fr, le 17 janvier 2000)
A tous et à toutes, je présente mes voeux les plus chaleureux, voeux de bonheur et de réussite, personnels et professionnels. Je vous souhaite en cette nouvelle année des satisfactions solides dans l'exercice de votre métier et de cette liberté d'informer qui en est la raison d'être.
Ces retrouvailles annuelles des Ministres que nous sommes avec les professionnels de l'information que vous êtes sont ordinairement l'occasion de porter un regard sur l'action conduite au cours de l'année écoulée et d'évoquer sa poursuite pour l'année à venir. Bilan et perspective, en somme, sur un temps moins court que celui de l'actualité quotidienne où nous sommes, les uns et les autres, immergés à notre manière sans toutefois, je l'espère, qu'elle nous submerge et nous fasse perdre le cap.
Il se trouve que l'événement et le symbole du passage à l'an 2000, sans qu'il soit pour cela besoin de céder à quelqu'illusion millénariste, portent à embrasser d'un regard plus large la période écoulée et celle à venir. S'agissant de l'école, l'exercice est particulièrement salutaire car c'est dans le temps long que se fonde et s'inscrit l'action telle que je la conçois.
Du passé, de l'histoire scolaire au long cours si étroitement mêlée à celle de la République, de l'héritage qui en résulte, il nous revient d'assumer la bonne part en prenant pleinement en charge cette promesse émancipatrice qui est au coeur de la mission de l'école. Avec des raisons intactes mais enrichies et précisées à la lumière du contexte d'aujourd'hui. En ajustant et rajustant ce qui doit l'être afin de mieux comprendre et maîtriser une mutation de civilisation qui excède les hasards du calendrier, qui fait du savoir la munition de base et qui justifie à mes yeux le choix d'une école plus juste et plus efficace, pour tous et pour chacun. A l'opposé du " laisser faire- laisser aller " qui ne profite qu'à quelques uns ou de ces nostalgies stériles plus promptes à réinventer le passé qu'à entrevoir l'avenir. A l'opposé de ces capitulations devant le désordre des choses qu'on voudrait nous faire prendre pour le comble de la modernité. Rien de plus vite périmé, comme vous le savez bien , que l'air du temps et l'action à courte vue. Rien de plus moderne, en réalité, que la volonté politique au service de quelques valeurs fortes.
Je ne vous cache donc pas que j'ai bien l'intention de continuer à dire ce que l'école doit être et doit faire pour assumer son rôle au bénéfice de tous les enfants que la nation lui confie, où qu'ils soient et d'où qu'ils viennent. Bien l'intention de continuer à en mobiliser les moyens avec tous les acteurs et les partenaires du système éducatif. Bien l'intention de faire en sorte que celui-ci soit mieux à même de donner à chacun le bagage qui lui est dû, ces connaissances et ces compétences qui lui permettront de comprendre le monde et d'y inscrire, avec les autres, son propre chemin.
C'est pourquoi j'entends tenir ferme le fil rouge qui, pour moi, fait le lien entre tous les chantiers que je conduis, entre tous les changements convergents qu'il m'a paru nécessaire d'encourager et d'impulser pour que l'école soit effectivement accueillante et profitable à tous les élèves. Non pas à quelqu'élève virtuel a priori conforme aux voeux de l'institution scolaire mais aux élèves réels, aux élèves incarnés, aux élèves tels qu'ils sont, avec ce pouvoir d'apprendre dont nul ne doit être exclu et ce désir de comprendre qui doit être stimulé chez chacun. Ce fil rouge, ce principe de cohérence finalement assez simple mais dont découlent, si l'on s'y tient, d'impérieuses obligations, c'est le droit à la réussite qui doit être garanti à chacun.
Ce droit à la réussite est le droit à la réussite des apprentissages car telle sont la responsabilité et la raison d'être de l'école. Il implique de ne pas en rabattre sur l'exigence scolaire et d'y adapter la diversification nécessaire des moyens mis en uvre. Telle est bien l'inspiration commune à l'action conduite dans les ZEP et les réseaux d'éducation prioritaire avec les contrats de réussite et les pôles d'excellence scolaire, au recentrage de la maternelle sur sa priorité, la maîtrise des langages, ainsi qu'à l'ensemble des actions conduites dans les premier et second degrés au bénéfice de la lecture et des langages, aux contrats éducatifs locaux comme à la réforme mise en place à cette rentrée pour le collège des années 2000.
Je ne vous infligerai pas le catalogue des chantiers ouverts jusqu'à aujourd'hui et des rendez-vous qui émailleront l'année à venir car je préfère ici mettre l'accent sur ce qu'ils ont en partage et sur ce qu'au bout du compte ils sont : les différentes facettes d'un même effort au service de la réussite scolaire car, comme vous le savez, l'école n'a pas pour fonction de lutter contre l'échec scolaire mais de réunir, pour tous et avec tous, les conditions de la réussite de chacun, ce qui, vous en conviendrez, témoigne d'une autre approche et d'une autre ambition.
Ce droit à la réussite, comme tous les droits fondamentaux, ne va pas sans devoirs : devoir, pour les enseignants, de bien donner (transmettre, organiser les apprentissages, susciter l'intérêt, éclairer le sens de l'effort scolaire) et devoir, pour les élèves, de bien prendre et acquérir.
Ce droit, pour n'être pas formel, implique de ne pas fermer les yeux et même de tenir attentivement compte de tout ce qui, dans la vie concrète et quotidienne des élèves, peut faire obstacle aux apprentissages et être, à un titre ou à un autre, facteur de détresse et de démobilisation scolaire.
L'école est donc dans son rôle quand elle se préoccupe de ceux dont les familles ne peuvent pas payer la cantine, de ceux pour lesquels les codes de l'institution ne vont pas de soi et quand elle se soucie de donner non seulement plus à ceux qui ont le moins mais de donner mieux et même le meilleur. Elle est dans son rôle quand elle se préoccupe de ceux que brise la maltraitance ou les violences du bizutage, des adolescentes menacées par une grossesse précoce, des conduites à risque où s'exprime le mal vivre de nombreux jeunes, de l'accueil des enfants malades et handicapés. Elle est dans son rôle quand, ainsi que j'ai décidé de le faire en liaison avec le Ministre de la Défense, elle se préoccupe de ces jeunes qui, encore scolarisés ou non, sont repérés comme étant en grande difficulté de lecture lors des tests effectués à l'occasion des journées d'appel et de préparation à la défense. Elle est dans son rôle quand, en sus des bourses attribuées aux familles dont les revenus sont les plus modestes, elle met en place, comme nous allons le faire cette année, 5000 bourses récompensant les élèves de milieu populaire qui ont eu les meilleurs résultats scolaires en 3ème, afin de les épauler plus efficacement dans leur parcours de réussite scolaire.
Point d'opposition, ici, entre " la périphérie " et " le centre ", entre l'éducatif, le social et le scolaire mais une articulation nécessaire si l'on a la volonté, au-delà de l'égalité abstraite, d'aller vers une égalité plus réelle face aux apprentissages.
Loin de se disperser, l'école fait son travail quand elle prend l'élève dans toutes ses dimensions, quand elle ne nie pas en lui l'enfant ou l'adolescent, quand elle reconnaît le droit de son âge à l'erreur, à l'imperfection, aux tâtonnements, aux dérapages, fussent-ils parfois irritants, quand les adultes savent y garder la tête froide face aux comportements adolescents et ne pas les confondre systématiquement avec d'inadmissibles violences.
Telle est, depuis le début, l'inspiration de l'action que je conduis et entends approfondir au cours de l'année à venir.
Dans les périodes de transition comme celle que nous vivons, où l'on sent bien ce qui n'est plus sans toujours parvenir à discerner ce qui doit être, il est d'autant plus important d'indiquer la direction et de s'y tenir, de fixer des règles du jeu et d'épauler en conséquence ceux qui ont, sur le terrain, dans les classes, les écoles et les établissements, la charge de faire vivre, jour après jour, l'école de la nation et le droit pour chacun d'y réussir.
Dans le monde où nous vivons, des pouvoirs planétaires s'affirment où la rentabilité financière à court terme tend à imposer sa loi au mépris des hommes et des femmes. Cela pose aux politiques que nous sommes et à l'ensemble des citoyens de nouvelles questions relatives au rôle de l'Etat, à la définition de la nation, à notre conception de l'Europe, à ce qu'il en est de notre pouvoir d'agir et d'infléchir le cours des choses, aux valeurs aussi qui sont les nôtres.
Ces questions, vous vous les posez aussi car, d'une certaine façon, la presse comme l'école s'interroge sur les conditions d'exercice de sa mission, sur ce devoir d'informer qui est aussi pouvoir de critiquer, sur cette liberté et cette indépendance nécessaires dont Chateaubriand disait, dès le siècle dernier, qu'elles sont " la parole à l'état de foudre ", quelque chose comme " de l'électricité sociale ".
Cette énergie, dans la tempête comme par temps calme, nous en avons besoin pour accomplir notre tâche et pour que fonctionne une société capable de juger et de décider en connaissance de cause. C'est pourquoi je formule aussi le voeu qu'elle s'affirme, se consolide, et vous remercie de suivre aussi attentivement nos chantiers quotidiens.
(http://www.education.gouv.fr, le 17 janvier 2000)