Texte intégral
H. Lauret - Bonjour J. Barrot.
- "Bonjour."
On ne parle que de ça, G. Leclerc vient d'expliquer, d'exposer quels sont les éléments principaux de la situation, du débat. Et alors, je vous pose, moi, cette question ce matin J. Barrot, faut-il oui ou non baisser les impôts ?
- "Il faut continuer à baisser ce que l'on appelle les prélèvements, parce qu'il n'y a pas que l'impôt sur le revenu, parce que ça permet d'encourager tous ceux qui travaillent, qui font la croissance française, et puis aussi ça encourage aussi certaines consommations qui soutiennent l'activité. Cela étant, il faut être pragmatique. Nous sommes dans une période très difficile, avec une croissance mondiale faible, et la croissance européenne encore plus faible.."
Et la croissance française nulle, peut-être.
- "Oui, encore qu'il y a pire chez certains de nos voisins. Mais, nous sommes en effet très près d'une croissance proche de zéro, encore que nous ne sommes pas en récession. Tout ceci veut dire qu'il faut redynamiser cette Europe et évidemment notre pays. Le redynamiser, cela veut dire en effet, de l'investissement, les efforts de la recherche qui prépareront le retour d'une croissance plus forte, et puis bien sûr il faut valoriser le travail des Français. Il faut qu'on encourage plus les Français à donner le meilleur d'eux-mêmes, car la France est capable de garder une place compétitive, à deux conditions : la première c'est que l'on ne produise pas plus cher, beaucoup plus cher qu'ailleurs, et la deuxième, c'est que les salariés français puissent de plus en plus être mieux formés. A cet égard, l'accord qui devrait intervenir à l'automne entre le patronat et les syndicats sur la formation tout au cours de la vie, au profit notamment des salariés les moins formés, est capital."
Alors, J. Barrot, je comprends bien, il faut baisser le coût du travail dans ce pays, il faut remettre les Français un peu au travail, c'est tout de même ce que vous dites, d'ailleurs je crois que vous êtes favorable à la restauration d'un jour de travail, ne serait-ce que pour prouver la valeur symbolique....
- "Cela a une valeur pédagogique, ça veut dire qu'en effet on peut en effet prétendre avoir un des meilleurs dispositifs de protection sociale au monde, mais ça veut dire aussi derrière un peuple, une nation qui est performante au plan économique sur les marchés mondiaux, et c'est vrai qu'on ne peut pas avoir l'un sans l'autre."
Alors en ce moment faut-il, je vous répète la question, faut-il baisser les impôts ? De combien ? Vous êtes un ami du Premier ministre, tout le monde le sait, il est en train de rendre ses arbitrages, tout le monde le sait, on parle d'une enveloppe comprise entre 1,5 milliard et 2 milliards d'euros. Est-ce que vous confirmez d'abord, et est-ce que c'est l'impôt sur le revenu, le nôtre donc, qui sera concerné ?
- "Il faut d'abord rappeler que dans les baisses d'impôts et de prélèvements, il y aura la baisse des charges sociales qui continue, précisément pour amortir un peu, pour les entreprises, le surcoût des 35 heures. Et puis, il faut je crois penser que le Gouvernement va faire un effort sur le crédit impôt recherche car c'est là que se joue l'avenir."
C'est une des nouvelles priorités.
- "Mais je crois que c'est une très bonne priorité. Et puis il reste en effet ce problème de l'impôt sur le revenu. Il faut continuer certainement à donner un signal à tous ceux qui attendent cette baisse de l'impôt sur le revenu parce qu'ils trouvent que l'Etat leur confisque vraiment une trop grosse partie du fruit de leur travail, je pense aux cadres notamment, mais nous ne pouvons le faire qu'à un rythme très raisonnable cette année, parce que nous risquons en effet de financer à crédit cette baisse d'impôts."
C'est quoi un rythme raisonnable, précisément ? Est-ce qu'il faut consacrer ... ?
- "Entre 1 et 2 % je crois, d'autant plus qu'il y aura aussi à faire un geste du côté de ceux qui ne sont pas imposables pour que tout ça soit juste et probablement ce sera par cette fameuse prime pour l'emploi qui est un système, discutable, mais qui permet quand même.."
Inauguré par les socialistes.
- "De majorer un peu les rémunérations du travail."
Il faut donc de toute manière reprendre le principe de la prime pour l'emploi et probablement même la décliner parce que la situation est difficile, c'est ça que vous êtes en train de dire ?
- "Il faut encourager cette valorisation du travail, qui est source de richesse, et avec la richesse, après, on peut résoudre nos problèmes. C'est ça qu'il faut que les Français comprennent. C'est vrai qu'il faut une grande pédagogie, une grande explication, je me réjouis d'ailleurs à cet égard qu'on prenne ce chemin de l'explication, du diagnostic, sur l'Assurance Maladie."
Alors justement, sur l'Assurance Maladie, si on a bien compris ce que dit le ministre J.-F. Mattei, c'est : on ne fait rien avant l'automne 2004 ; eh bien oui, parce qu'il faut discuter, il faut faire le diagnostic. Mais enfin, J. Barrot, vous avez été ministre de la Santé, le diagnostic tout le monde le connaît, c'est 15 milliards d'euros de déficit.
- "La première phase c'est tout de même une période relativement limitée, établie pour diagnostiquer mais aussi pour expliquer. Je ne crois pas, entre nous, pour avoir deux fois veillé à une Sécurité sociale en détresse, les Français ne mesurent pas combien ce dispositif est à la fois précieux et combien il est menacé dès lors qu'il y a un rythme d'augmentation de la dépense très important. Quand la dépense progresse de presque 7 % dans l'an, alors que les ressources ne progressent que de 2 %, évidemment c'est très vite des déficits très importants qui se créent."
J. Barrot pardon, la dépense progresse et puis on voit des drames tout à fait insolites..
- "Elle progresse trop vite. Qu'elle progresse c'est normal."
Oui, d'accord. elle progresse parce que les technologies modernes etc etc..
- "Oh oui, et puis parce que nous avons tous, et là il faut tous nous mettre en cause, dans nos comportements, vis-à-vis de l'Assurance Maladie, des comportements, parfois - je ne dis pas pour les grands malades, je ne dis pas pour nos personnes âgées - mais pour beaucoup d'entre nous qui sommes encore dans la période où c'est plutôt du soin pour maintien en forme, nous avons quelquefois des pratiques de consommateurs abusifs, et ça c'est évident. Vous voyez ce que fait le Chancelier allemand, un social-démocrate, il met un peu fin à une atmosphère de gratuité totale tous azimuts pour essayer de responsabiliser."
Alors justement, est-ce qu'il ne faut pas dire aux Français aujourd'hui, de la même manière tout à l'heure vous disiez, il faut expliquer à nos compatriotes qu'il faut retravailler un peu plus, il faut grosso modo se retrousser les manches, bien ! est-ce qu'il ne faut pas dire aussi à ces mêmes électeurs que ce n'est plus possible, la gratuité ce n'est plus possible, jusque y compris dans l'Assurance Maladie ?
- "C'est possible pour ceux qui en ont vraiment besoin, et ça doit être le cas, je parle des revenus les plus modestes, mais je parle aussi des affections qui sont lourdes et qui exigent des soins..."
A 100 %...
- "... Devant lesquels on doit être tous à égalité, mais par contre je suis convaincu qu'il y a des efforts de responsabilisation. On ne peut tenir ce langage aux Français que si, par ailleurs, on a une Assurance Maladie mieux gérée, avec la participation de tous, non seulement de l'Assurance Maladie obligatoire mais aussi tous ceux qui font des assurances complémentaires, mutuelles et autres. Il faut que ce soit une gestion, je dirais partagée entre tous, entre tous ceux qui de près ou de loin interviennent dans le monde de la santé. Et puis il faut du côté de l'offre de soins, c'est-à-dire de la qualité du soin, mais aussi de la "dispensation" du soin en France, se demander si on a pas quelquefois ici surabondance de médecins ou de soignants, et là déficit de soignants. Je crois que là il y a une remise en ordre qui permettra de justifier les efforts demandés aux Français."
J. Barrot, vous savez bien, on va vous faire le procès très rapidement, on va vous dire, mais vous êtes en train d'une manière ou d'une autre, très sournoisement d'ailleurs, de privatiser l'Assurance Maladie.
- "Ce sont des caricatures qui n'ont rien à vous avec la réalité. Nous tenons beaucoup à garder un régime qui est un régime national, universel, et ce n'est pas parce que nous demandons aux assureurs complémentaires, qui sont d'ailleurs très souvent des mutuelles, mais pas seulement des mutuelles, de pouvoir véritablement coopérer avec l'Assurance Maladie, que l'on privatise. Comme l'a dit J.-F. Mattei, ni privatisation, ni étatisation. Ça veut dire une délégation véritablement claire de gestion à tous ceux qui au jour le jour, aujourd'hui, s'occupent d'Assurance Maladie."
Reconnaissez J. Barrot qu'il faudra bien cotiser, il faudra bien que le patient que nous sommes cotise, d'une manière ou d'une autre.
- "Oui, mais les cotisations sont déjà significatives, ce qui importe c'est de faire bon usage de tout cet argent qui est mis au service de l'Assurance Maladie. C'est un dossier lourd, qui n'implique pas une recette miracle. Il faut rentrer dans ce dossier par plusieurs voies, c'est pour ça que c'est très intéressant que le Gouvernement commence par se doter d'une Commission d'orientation, comme celle qui a prévalu pour les retraites. C'est comme ça, quand on a vraiment, je crois, un diagnostic bien partagé, bien compris du pays, que l'on peut avancer."
Et préparer les Français, par exemple, à mettre fin à la gratuité totale. Il faudra, chaque ordonnance, je ne sais pas, payer 1 euro, 2 euro ?
- "Oui, là il faut mettre des techniques au point.."
Non, mais vous êtes favorable à ce genre de mesure ou pas ?
- "Mais les techniques il faut qu'elles soient justes et qu'elles soient bien comprises."
Etes-vous favorable J. Barrot ?
- "A priori, on peut penser que dans une consultation normale il n'est pas illogique.."
De payer quelque chose.
- "... Qu'il y ait un petit effort du patient. Mais, encore une fois, celui qui doit supporter des soins particulièrement lourds, peut, dans certains cas bien sûr être exonéré de cela, mais je crois que c'est la philosophie de la Sécurité sociale, à la sortie de la guerre il y avait en effet la volonté de ne pas absolument assurer une gratuité tous azimuts. Mais malgré tout, et ça c'est formidable, dans cette Sécurité Sociale à la française, de créer l'égalité de tous devant les soins très lourds."
Mais ça c'est un principe qui vaut pour l'ensemble de la classe politique. Personne ne remet ça en question.
- "Oui, mais il faut que chacun se prenne un peu en charge, et que dans le monde politique que chacun ait l'honnêteté de reconnaître que nous devons sauver un système qui est remarquable, mais qui exige manifestement plus de responsabilités à tous les niveaux."
Alors, vous avez été ministre de la Santé, tout le monde le sait, vous avez aussi été ministre des Affaires Sociales. La situation de l'emploi se dégrade, s'est légèrement dégradée, même s'il faut se méfier des statistiques, c'est vrai, mais la tendance est bien là et c'est tout à fait logique puisque la conjoncture, elle, s'est dégradée. Alors, est-ce qu'il ne faut pas reprendre dans ce pays une forme de traitement social du chômage, parce que précisément la situation est difficile et parce que, vous le disiez tout à l'heure, le coût du travail étant ce qu'il est, eh bien, comme à Boulogne, on l'a appris hier, la société Eramet, société française bien connue, est en train de quitter le territoire français et va s'installer en Chine. Est-ce que ce n'est pas quelque chose de fondamentalement préoccupant que cette désindustrialisation ?
- "On ne peut jamais faire l'économie de tout traitement social du chômage, je pense à ceux qui sont des chômeurs de longue durée, à des jeunes qui ne peuvent pas mettre le premier pied dans la vie professionnelle. Il ne faut pas écarter le recours à des contrats aidés. Mais les solutions de fond elles sont à rechercher du côté, en effet, de la compétitivité des entreprises et, je m'excuse du terme, de la meilleure " employabilité " des Français et des Françaises. Cette " employabilité ", elle passe par la formation tout au cours de la vie, par l'adaptation. Ce qui est dramatique, ce sont les salariés qui en effet vont souffrir du déplacement d'une entreprise qui trouve des conditions de compétitivité, meilleures en Chine et qui quitte le territoire français, ça c'est une première détresse sociale. La deuxième c'est si ces salariés, faute de formation continue, ont encore plus de mal à se reclasser. Donc là nous avons un double défi, plus de compétitivité, et plus " d'employabilité "."
J. Barrot, d'un mot, faut-il oui ou non revaloriser les salaires des fonctionnaires ?
- "Il faudrait là aussi que l'on ait un système plus souple qui permette de faire varier les salaires sans avoir une grille uniforme. Il est certain que lorsque, dans la fonction publique comme dans l'entreprise, on demande un effort plus important, il faudrait qu'il soit sanctionné par une amélioration de la rémunération."
Il faudrait que.... mais est-ce qu'aujourd'hui le Premier ministre a raison d'envisager une hausse ?
- "Aujourd'hui, l'Etat est très impécunieux, mais puis-je vous dire, H. Lauret, que si notre dette était celle de 81, c'est-à-dire une dette minimale, nous n'aurions pas à débourser toute une partie des sommes du budget pour payer les intérêts, et nous pourrions aujourd'hui, même au milieu de la crise, nous pourrions procéder à ces revalorisations. La leçon, c'est qu'il faut nous désendetter dès que ça ira mieux, et l'engagement que nous devons prendre, pour l'Europe, c'est de faire ce qui n'a pas été fait pendant la période Jospin, c'est de profiter, la croissance revenue, des recettes supplémentaires, pour nous désendetter, pour être plus habile et plus capable de surmonter les crises."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 septembre 2003)
- "Bonjour."
On ne parle que de ça, G. Leclerc vient d'expliquer, d'exposer quels sont les éléments principaux de la situation, du débat. Et alors, je vous pose, moi, cette question ce matin J. Barrot, faut-il oui ou non baisser les impôts ?
- "Il faut continuer à baisser ce que l'on appelle les prélèvements, parce qu'il n'y a pas que l'impôt sur le revenu, parce que ça permet d'encourager tous ceux qui travaillent, qui font la croissance française, et puis aussi ça encourage aussi certaines consommations qui soutiennent l'activité. Cela étant, il faut être pragmatique. Nous sommes dans une période très difficile, avec une croissance mondiale faible, et la croissance européenne encore plus faible.."
Et la croissance française nulle, peut-être.
- "Oui, encore qu'il y a pire chez certains de nos voisins. Mais, nous sommes en effet très près d'une croissance proche de zéro, encore que nous ne sommes pas en récession. Tout ceci veut dire qu'il faut redynamiser cette Europe et évidemment notre pays. Le redynamiser, cela veut dire en effet, de l'investissement, les efforts de la recherche qui prépareront le retour d'une croissance plus forte, et puis bien sûr il faut valoriser le travail des Français. Il faut qu'on encourage plus les Français à donner le meilleur d'eux-mêmes, car la France est capable de garder une place compétitive, à deux conditions : la première c'est que l'on ne produise pas plus cher, beaucoup plus cher qu'ailleurs, et la deuxième, c'est que les salariés français puissent de plus en plus être mieux formés. A cet égard, l'accord qui devrait intervenir à l'automne entre le patronat et les syndicats sur la formation tout au cours de la vie, au profit notamment des salariés les moins formés, est capital."
Alors, J. Barrot, je comprends bien, il faut baisser le coût du travail dans ce pays, il faut remettre les Français un peu au travail, c'est tout de même ce que vous dites, d'ailleurs je crois que vous êtes favorable à la restauration d'un jour de travail, ne serait-ce que pour prouver la valeur symbolique....
- "Cela a une valeur pédagogique, ça veut dire qu'en effet on peut en effet prétendre avoir un des meilleurs dispositifs de protection sociale au monde, mais ça veut dire aussi derrière un peuple, une nation qui est performante au plan économique sur les marchés mondiaux, et c'est vrai qu'on ne peut pas avoir l'un sans l'autre."
Alors en ce moment faut-il, je vous répète la question, faut-il baisser les impôts ? De combien ? Vous êtes un ami du Premier ministre, tout le monde le sait, il est en train de rendre ses arbitrages, tout le monde le sait, on parle d'une enveloppe comprise entre 1,5 milliard et 2 milliards d'euros. Est-ce que vous confirmez d'abord, et est-ce que c'est l'impôt sur le revenu, le nôtre donc, qui sera concerné ?
- "Il faut d'abord rappeler que dans les baisses d'impôts et de prélèvements, il y aura la baisse des charges sociales qui continue, précisément pour amortir un peu, pour les entreprises, le surcoût des 35 heures. Et puis, il faut je crois penser que le Gouvernement va faire un effort sur le crédit impôt recherche car c'est là que se joue l'avenir."
C'est une des nouvelles priorités.
- "Mais je crois que c'est une très bonne priorité. Et puis il reste en effet ce problème de l'impôt sur le revenu. Il faut continuer certainement à donner un signal à tous ceux qui attendent cette baisse de l'impôt sur le revenu parce qu'ils trouvent que l'Etat leur confisque vraiment une trop grosse partie du fruit de leur travail, je pense aux cadres notamment, mais nous ne pouvons le faire qu'à un rythme très raisonnable cette année, parce que nous risquons en effet de financer à crédit cette baisse d'impôts."
C'est quoi un rythme raisonnable, précisément ? Est-ce qu'il faut consacrer ... ?
- "Entre 1 et 2 % je crois, d'autant plus qu'il y aura aussi à faire un geste du côté de ceux qui ne sont pas imposables pour que tout ça soit juste et probablement ce sera par cette fameuse prime pour l'emploi qui est un système, discutable, mais qui permet quand même.."
Inauguré par les socialistes.
- "De majorer un peu les rémunérations du travail."
Il faut donc de toute manière reprendre le principe de la prime pour l'emploi et probablement même la décliner parce que la situation est difficile, c'est ça que vous êtes en train de dire ?
- "Il faut encourager cette valorisation du travail, qui est source de richesse, et avec la richesse, après, on peut résoudre nos problèmes. C'est ça qu'il faut que les Français comprennent. C'est vrai qu'il faut une grande pédagogie, une grande explication, je me réjouis d'ailleurs à cet égard qu'on prenne ce chemin de l'explication, du diagnostic, sur l'Assurance Maladie."
Alors justement, sur l'Assurance Maladie, si on a bien compris ce que dit le ministre J.-F. Mattei, c'est : on ne fait rien avant l'automne 2004 ; eh bien oui, parce qu'il faut discuter, il faut faire le diagnostic. Mais enfin, J. Barrot, vous avez été ministre de la Santé, le diagnostic tout le monde le connaît, c'est 15 milliards d'euros de déficit.
- "La première phase c'est tout de même une période relativement limitée, établie pour diagnostiquer mais aussi pour expliquer. Je ne crois pas, entre nous, pour avoir deux fois veillé à une Sécurité sociale en détresse, les Français ne mesurent pas combien ce dispositif est à la fois précieux et combien il est menacé dès lors qu'il y a un rythme d'augmentation de la dépense très important. Quand la dépense progresse de presque 7 % dans l'an, alors que les ressources ne progressent que de 2 %, évidemment c'est très vite des déficits très importants qui se créent."
J. Barrot pardon, la dépense progresse et puis on voit des drames tout à fait insolites..
- "Elle progresse trop vite. Qu'elle progresse c'est normal."
Oui, d'accord. elle progresse parce que les technologies modernes etc etc..
- "Oh oui, et puis parce que nous avons tous, et là il faut tous nous mettre en cause, dans nos comportements, vis-à-vis de l'Assurance Maladie, des comportements, parfois - je ne dis pas pour les grands malades, je ne dis pas pour nos personnes âgées - mais pour beaucoup d'entre nous qui sommes encore dans la période où c'est plutôt du soin pour maintien en forme, nous avons quelquefois des pratiques de consommateurs abusifs, et ça c'est évident. Vous voyez ce que fait le Chancelier allemand, un social-démocrate, il met un peu fin à une atmosphère de gratuité totale tous azimuts pour essayer de responsabiliser."
Alors justement, est-ce qu'il ne faut pas dire aux Français aujourd'hui, de la même manière tout à l'heure vous disiez, il faut expliquer à nos compatriotes qu'il faut retravailler un peu plus, il faut grosso modo se retrousser les manches, bien ! est-ce qu'il ne faut pas dire aussi à ces mêmes électeurs que ce n'est plus possible, la gratuité ce n'est plus possible, jusque y compris dans l'Assurance Maladie ?
- "C'est possible pour ceux qui en ont vraiment besoin, et ça doit être le cas, je parle des revenus les plus modestes, mais je parle aussi des affections qui sont lourdes et qui exigent des soins..."
A 100 %...
- "... Devant lesquels on doit être tous à égalité, mais par contre je suis convaincu qu'il y a des efforts de responsabilisation. On ne peut tenir ce langage aux Français que si, par ailleurs, on a une Assurance Maladie mieux gérée, avec la participation de tous, non seulement de l'Assurance Maladie obligatoire mais aussi tous ceux qui font des assurances complémentaires, mutuelles et autres. Il faut que ce soit une gestion, je dirais partagée entre tous, entre tous ceux qui de près ou de loin interviennent dans le monde de la santé. Et puis il faut du côté de l'offre de soins, c'est-à-dire de la qualité du soin, mais aussi de la "dispensation" du soin en France, se demander si on a pas quelquefois ici surabondance de médecins ou de soignants, et là déficit de soignants. Je crois que là il y a une remise en ordre qui permettra de justifier les efforts demandés aux Français."
J. Barrot, vous savez bien, on va vous faire le procès très rapidement, on va vous dire, mais vous êtes en train d'une manière ou d'une autre, très sournoisement d'ailleurs, de privatiser l'Assurance Maladie.
- "Ce sont des caricatures qui n'ont rien à vous avec la réalité. Nous tenons beaucoup à garder un régime qui est un régime national, universel, et ce n'est pas parce que nous demandons aux assureurs complémentaires, qui sont d'ailleurs très souvent des mutuelles, mais pas seulement des mutuelles, de pouvoir véritablement coopérer avec l'Assurance Maladie, que l'on privatise. Comme l'a dit J.-F. Mattei, ni privatisation, ni étatisation. Ça veut dire une délégation véritablement claire de gestion à tous ceux qui au jour le jour, aujourd'hui, s'occupent d'Assurance Maladie."
Reconnaissez J. Barrot qu'il faudra bien cotiser, il faudra bien que le patient que nous sommes cotise, d'une manière ou d'une autre.
- "Oui, mais les cotisations sont déjà significatives, ce qui importe c'est de faire bon usage de tout cet argent qui est mis au service de l'Assurance Maladie. C'est un dossier lourd, qui n'implique pas une recette miracle. Il faut rentrer dans ce dossier par plusieurs voies, c'est pour ça que c'est très intéressant que le Gouvernement commence par se doter d'une Commission d'orientation, comme celle qui a prévalu pour les retraites. C'est comme ça, quand on a vraiment, je crois, un diagnostic bien partagé, bien compris du pays, que l'on peut avancer."
Et préparer les Français, par exemple, à mettre fin à la gratuité totale. Il faudra, chaque ordonnance, je ne sais pas, payer 1 euro, 2 euro ?
- "Oui, là il faut mettre des techniques au point.."
Non, mais vous êtes favorable à ce genre de mesure ou pas ?
- "Mais les techniques il faut qu'elles soient justes et qu'elles soient bien comprises."
Etes-vous favorable J. Barrot ?
- "A priori, on peut penser que dans une consultation normale il n'est pas illogique.."
De payer quelque chose.
- "... Qu'il y ait un petit effort du patient. Mais, encore une fois, celui qui doit supporter des soins particulièrement lourds, peut, dans certains cas bien sûr être exonéré de cela, mais je crois que c'est la philosophie de la Sécurité sociale, à la sortie de la guerre il y avait en effet la volonté de ne pas absolument assurer une gratuité tous azimuts. Mais malgré tout, et ça c'est formidable, dans cette Sécurité Sociale à la française, de créer l'égalité de tous devant les soins très lourds."
Mais ça c'est un principe qui vaut pour l'ensemble de la classe politique. Personne ne remet ça en question.
- "Oui, mais il faut que chacun se prenne un peu en charge, et que dans le monde politique que chacun ait l'honnêteté de reconnaître que nous devons sauver un système qui est remarquable, mais qui exige manifestement plus de responsabilités à tous les niveaux."
Alors, vous avez été ministre de la Santé, tout le monde le sait, vous avez aussi été ministre des Affaires Sociales. La situation de l'emploi se dégrade, s'est légèrement dégradée, même s'il faut se méfier des statistiques, c'est vrai, mais la tendance est bien là et c'est tout à fait logique puisque la conjoncture, elle, s'est dégradée. Alors, est-ce qu'il ne faut pas reprendre dans ce pays une forme de traitement social du chômage, parce que précisément la situation est difficile et parce que, vous le disiez tout à l'heure, le coût du travail étant ce qu'il est, eh bien, comme à Boulogne, on l'a appris hier, la société Eramet, société française bien connue, est en train de quitter le territoire français et va s'installer en Chine. Est-ce que ce n'est pas quelque chose de fondamentalement préoccupant que cette désindustrialisation ?
- "On ne peut jamais faire l'économie de tout traitement social du chômage, je pense à ceux qui sont des chômeurs de longue durée, à des jeunes qui ne peuvent pas mettre le premier pied dans la vie professionnelle. Il ne faut pas écarter le recours à des contrats aidés. Mais les solutions de fond elles sont à rechercher du côté, en effet, de la compétitivité des entreprises et, je m'excuse du terme, de la meilleure " employabilité " des Français et des Françaises. Cette " employabilité ", elle passe par la formation tout au cours de la vie, par l'adaptation. Ce qui est dramatique, ce sont les salariés qui en effet vont souffrir du déplacement d'une entreprise qui trouve des conditions de compétitivité, meilleures en Chine et qui quitte le territoire français, ça c'est une première détresse sociale. La deuxième c'est si ces salariés, faute de formation continue, ont encore plus de mal à se reclasser. Donc là nous avons un double défi, plus de compétitivité, et plus " d'employabilité "."
J. Barrot, d'un mot, faut-il oui ou non revaloriser les salaires des fonctionnaires ?
- "Il faudrait là aussi que l'on ait un système plus souple qui permette de faire varier les salaires sans avoir une grille uniforme. Il est certain que lorsque, dans la fonction publique comme dans l'entreprise, on demande un effort plus important, il faudrait qu'il soit sanctionné par une amélioration de la rémunération."
Il faudrait que.... mais est-ce qu'aujourd'hui le Premier ministre a raison d'envisager une hausse ?
- "Aujourd'hui, l'Etat est très impécunieux, mais puis-je vous dire, H. Lauret, que si notre dette était celle de 81, c'est-à-dire une dette minimale, nous n'aurions pas à débourser toute une partie des sommes du budget pour payer les intérêts, et nous pourrions aujourd'hui, même au milieu de la crise, nous pourrions procéder à ces revalorisations. La leçon, c'est qu'il faut nous désendetter dès que ça ira mieux, et l'engagement que nous devons prendre, pour l'Europe, c'est de faire ce qui n'a pas été fait pendant la période Jospin, c'est de profiter, la croissance revenue, des recettes supplémentaires, pour nous désendetter, pour être plus habile et plus capable de surmonter les crises."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 3 septembre 2003)