Texte intégral
R. Arzt-. Hier soir, sur France 2, une émission qui se déroulait à la Sorbonne a été interrompue pendant un quart d'heure, au moment où le ministre de l'Education Nationale était en train de s'exprimer. Il semble que ce soit le résultat d'une action conjointe d'enseignants et d'intermittents du spectacle. Si c'est bien un sabotage, qu'est-ce que vous en pensez-vous ? Vous condamnez, vous approuvez ?
- "En tous les cas, ce n'est pas moi. J'ai un alibi. Je pourrais vous dire au moins ça et puis pour tout vous dire, je n'ai pas vraiment vu la différence quand l'écran s'est rallumé, parce qu'on a vu un L. Ferry particulièrement arrogant, qui n'a toujours pas compris pourquoi il y a eu, dans certains départements, plus d'un mois et demi de grève au printemps dernier. Mais je crois que ce n'est que partie remise, parce que les problèmes de l'Education Nationale et les problèmes sociaux, notamment ceux des retraites, restent posés."
Mais sur ce genre d'action qui ressemble à une censure, sur le principe ?
- "Ecoutez, on verra exactement qui est responsable de quoi, et puis on verra surtout qu'il y aura un grand mouvement social lors de cette rentrée, et puis il y aura parfois des actions un peu radicales, mais il faut comprendre pourquoi les gens aujourd'hui sont exaspérés."
Pourquoi alors ? Quelle est votre réponse ? Qu'est-ce qui fait que le climat social peut aller vers d'autres mouvements sociaux ?
- "Je crois qu'on a tout simplement un gouvernement qui tient la barre pour ses propres réformes et qui le fait de façon hyper violente, qui veut appliquer en gros, de A à Z, le programme de refondation sociale, qui, après les retraites, veut passer en force sur la question de la Sécurité sociale, qui veut probablement accélérer un peu plus encore les procédures de licenciements. C'est pour ça que je crois qu'il n'y a pas de rentrée sociale à proprement parler, dans le sens où il n'y a pas eu de sortie, dans le sens où les intermittents du spectacle ont pris le relais de la mobilisation des grévistes sur la question des retraites du printemps. Et les intermittents du spectacle ont été relayés par la grande mobilisation du Larzac cet été."
Et qui arrive alors maintenant ? Quel autre domaine ?
- "Je crois qu'une fois de plus, la question de la Sécurité sociale va être posée, parce qu'on a un gouvernement qui essaie de déminer la rentrée. A écouter Mattei, il n'y a pas de réforme, mais il va quand même nous en annoncer une dans quelques semaines, sur la base d'un rapport qui a été directement inspiré par l'ancien responsable d'AXA, c'est-à-dire un assureur. Vous me direz : on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même !"
A propos du ministre Mattei, il y a le rapport de la mission d'expertise d'évaluation sur le système de santé. Il parle de cloisonnement administratif, de manque d'anticipation, de décalage avec la réalité à propos de la canicule. C'est un domaine, à votre avis, dans lequel il faudrait tout revoir, repenser l'organisation ?
- "Repenser effectivement de A à Z. Mais ça fait belle lurette qu'on le demande et je crois que ce rapport est un rapport qui est complètement décalé. C'est presque un rapport gouvernemental qui donne la nausée ! Parce que, à écouter le Gouvernement tout le monde est responsable, sauf le Gouvernement ! Donc, les urgentistes prennent trop de vacances ? Les infirmières prennent trop de RTT ? Et puis les Français sont responsables de ne pas être assez solidaires avec les personnes âgées ? Evidemment le Gouvernement ne pouvait pas prévoir la canicule, mais ce qu'il pouvait prévoir, et depuis longtemps encore, c'est la catastrophe sanitaire, parce qu'il était averti par les syndicats, par les corps professionnels, depuis plusieurs années. Donc, je le dis, je le répète : ce Gouvernement, comme les gouvernements précédents, en fermant des lits d'hôpitaux, en empêchant l'embauche de personnels, est responsable dans l'affaire de la canicule de "non-assistance à personnes en danger"."
Et la médecine libérale qui est mise en cause en partie, parce que beaucoup étaient en vacances parmi les médecins ?
- "Absolument. Mais on essaie de faire la bonne vieille recette : diviser pour mieux régner. On essaye d'opposer les différents corps professionnels, mais c'est tout le système de santé qui serait à revoir et je crois que les 80.000 emplois dans la santé, qui manquent actuellement, sont finançables. Il suffirait pour ça d'avoir l'audace de prendre sur les industries pharmaceutiques ou sur les actionnaires des cliniques privées : vous verriez qu'on aurait largement de quoi, sans prendre une journée de congé, de financer un nouveau système de santé."
C'est un domaine où vous avez beaucoup de militants, le monde de la santé ?
- "On en a dans l'ensemble du monde du travail, y compris évidemment dans la santé."
Vous avez dit, et redit ces derniers temps, qu'il est nécessaire pour le mouvement social de trouver un débouché politique. Autrement dit, la Ligue communiste révolutionnaire a l'intention de construire un grand parti anticapitaliste. Vous en êtes où ?
- "C'est notre objectif. Ce sera un travail de longue haleine. Il faudra de la patience. C'est plus compliqué que de faire des combinaisons électorales à la gomme, c'est vrai, mais cette patience, on la revendique volontiers. Le mouvement social qui se développe depuis plusieurs années a, à la fois besoin d'une victoire contre la droite, mais il a effectivement besoin d'un nouveau débouché politique à gauche. Et là, il faut poser les choses clairement. Je crois qu'on a besoin de l'union dans l'action de toute la gauche sociale et politique pour résister à la droite. Mais quand il s'agit de proposer politiquement, eh bien, il ne faudra pas compter sur nous pour proposer avec des gens qui, pour le Parti socialiste, dans les conseils régionaux, continuent à distribuer des milliers d'euros à des groupes industriels qui licencient quand même, ou des gens, pour ce qui est toujours du cas du Parti socialiste, qui, au Parlement européen, votent la libéralisation des services publics, comme la Poste ou les transports."
On a remarqué qu'hier soir, les Verts avaient invité l'ensemble des formations de gauche, pour réfléchir à un programme d'alternative à la droite. Le PS, le PC, les Chevènementistes y sont allés et pas vous ?
- "Oui, on nous accuse de faire le jeu de la chaise vide. Je vois ça dans Libération ce matin, je crois qu'en guise de chaise, c'est un bon fauteuil qu'on nous propose. C'est un fauteuil ministériel. C'est vous dire à quel point cette réunion est décalée puisqu'il s'agit de faire une réunion pour préparer un éventuel futur gouvernement ! Je crois que c'est décalé parce qu'aujourd'hui on a besoin de toute la gauche sociale et politique rassemblée, sur des questions d'urgence sociale, notamment celle des licenciements. Donc nous, on a fait une autre proposition : on propose un tabouret à toutes ces organisations-là, pour s'asseoir autour d'une table, et discuter d'une grande initiative sur la question des plans sociaux, qui permettraient aux entreprises aujourd'hui qui subissent de plein fouet ces plans sociaux, de pouvoir se coordonner et arrêter de rester isolées face à un rouleau compresseur libéral."
Quel sentiment avez-vous à l'égard des dirigeants socialistes ? Du mépris, de la haine, de l'indifférence ?
- "Non, c'est, je dirais, une volonté de clarifier les choses. Une fois de plus, avec le Parti socialiste, c'est tout ou rien : soit vous venez directement sous la houlette du Parti socialiste au gouvernement, soit on vous envoie en gros des taloches régulièrement. Je crois qu'il suffirait simplement de comprendre que pendant cinq ans, si vous écoutiez L. Jospin, on a fait que répéter à la direction du PC et des Verts : "Vous pouvez descendre dans la rue, vous pouvez mobiliser, mais quand il s'agira de voter mes lois, vous voterez mes lois". Ce qui prouve tout simplement que deux orientations contradictoires ne peuvent pas coexister dans un même gouvernement. Donc je crois qu'à gauche, il y a une orientation sociale libérale, mais il y a aussi une orientation anticapitaliste. Et c'est aussi pour ça qu'on a un espoir à gauche."
Et c'est pour ça que vous allez faire - vous allez tenter en tout cas - une alliance avec Lutte ouvrière, le parti d'A. Laguiller, des listes communes pour les élections régionales et les élections européenne en 2004 ? Ils sont ouverts au dialogue, les gens de Lutte ouvrière ? Cela se présente bien, cette alliance ?
- "On vous dira ça dans les semaines qui vont venir. Nous, notre comité central, à une large majorité, a décidé d'ouvrir les négociations et de leur proposer effectivement cet accord. C'est notre congrès national qui tranchera cette question au mois de novembre prochain. Mais évidemment, à la gauche de l'ex-gauche plurielle, il n'y a que deux organisations : c'est Lutte ouvrière et la LCR, qui ont donc des responsabilités particulières. C'est de rendre utile et crédible le vote anticapitaliste. Parce que, s'il n'y a pas cette voix-là qui se fait entendre aux prochaines élections, pour les couches populaires, eh bien, je dirais que les revendications qui ont été défendues, aussi bien au Larzac, aussi bien au printemps dernier, ne seront pas reprises, en tous les cas par la gauche libérale d'une nouvelle mouture qui sera celle de l'ex-gauche plurielle."
Vous savez que les dirigeants de l'UMP, ne cachent pas leur espoir, que vous, et d'autres, vous soyez un obstacle au retour des socialistes au pouvoir, l'équivalent de ce qu'a été l'extrême droite pour cette droite ?
- "Eh bien, j'invite la droite à être prudente !"
C'est-à-dire ?
- "Parce qu'au printemps dernier, la véritable opposition à ce Gouvernement, elle était dans la rue. Il y avait évidemment tout le peuple de gauche réuni : des militants, des sympathisants, des électeurs de toute la gauche et pas simplement de la gauche anticapitaliste. Eh bien, nous ,dans cette opposition-là, on est à l'aise dans des poissons dans l'eau. Donc le Gouvernement peut compter sur nous pour être résolus. Et c'est notre adversaire en cette rentrée. Ensuite la comparaison avec l'extrême droite s'arrête là ! Et tous ceux qui à droite s'amusent à comparer José Bové à Le Pen tiennent pour moi des propos qui sont indécents."
José Bové justement. Son combat est parallèle au vôtre ? Je veux dire distinct ? Ou bien complémentaire ?
- "Je crois qu'ils sont complémentaires. Il faudra qu'un jour ou l'autre cette radicalisation sociale qui apparaît depuis plusieurs années dans le mouvement antimondialisation, et en même temps la radicalisation politique qui se traduit, entre autres, par la percée électorale de l'extrême gauche, devront peut-être un jour se retrouver, parce que je crois qu'on devrait être condamnés à s'entendre !"
Ce matin, vous ne travaillez pas, vous ne distribuez pas le courrier ?
- "C'est la journée à laquelle j'ai droit pendant ma semaine. Je travaille à 80 % à la Poste. Cela me permet de venir discuter sur vos ondes."
Ce que vous n'auriez pas pu faire un autre jour ? Vous n'auriez pas eu l'autorisation ?
- "Non. Si vous voulez ouvrir une petite discussion d'un quart d'heure, je vais vous expliquer ce que sont malheureusement les 35 heures à la Poste, et vous verrez que le lundi et le mardi sont les journées où il y a de moins en moins de courrier. Mais ça ne correspond pas aux besoins des usagers, simplement à des exigences comptables."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 septembre 2003)
- "En tous les cas, ce n'est pas moi. J'ai un alibi. Je pourrais vous dire au moins ça et puis pour tout vous dire, je n'ai pas vraiment vu la différence quand l'écran s'est rallumé, parce qu'on a vu un L. Ferry particulièrement arrogant, qui n'a toujours pas compris pourquoi il y a eu, dans certains départements, plus d'un mois et demi de grève au printemps dernier. Mais je crois que ce n'est que partie remise, parce que les problèmes de l'Education Nationale et les problèmes sociaux, notamment ceux des retraites, restent posés."
Mais sur ce genre d'action qui ressemble à une censure, sur le principe ?
- "Ecoutez, on verra exactement qui est responsable de quoi, et puis on verra surtout qu'il y aura un grand mouvement social lors de cette rentrée, et puis il y aura parfois des actions un peu radicales, mais il faut comprendre pourquoi les gens aujourd'hui sont exaspérés."
Pourquoi alors ? Quelle est votre réponse ? Qu'est-ce qui fait que le climat social peut aller vers d'autres mouvements sociaux ?
- "Je crois qu'on a tout simplement un gouvernement qui tient la barre pour ses propres réformes et qui le fait de façon hyper violente, qui veut appliquer en gros, de A à Z, le programme de refondation sociale, qui, après les retraites, veut passer en force sur la question de la Sécurité sociale, qui veut probablement accélérer un peu plus encore les procédures de licenciements. C'est pour ça que je crois qu'il n'y a pas de rentrée sociale à proprement parler, dans le sens où il n'y a pas eu de sortie, dans le sens où les intermittents du spectacle ont pris le relais de la mobilisation des grévistes sur la question des retraites du printemps. Et les intermittents du spectacle ont été relayés par la grande mobilisation du Larzac cet été."
Et qui arrive alors maintenant ? Quel autre domaine ?
- "Je crois qu'une fois de plus, la question de la Sécurité sociale va être posée, parce qu'on a un gouvernement qui essaie de déminer la rentrée. A écouter Mattei, il n'y a pas de réforme, mais il va quand même nous en annoncer une dans quelques semaines, sur la base d'un rapport qui a été directement inspiré par l'ancien responsable d'AXA, c'est-à-dire un assureur. Vous me direz : on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même !"
A propos du ministre Mattei, il y a le rapport de la mission d'expertise d'évaluation sur le système de santé. Il parle de cloisonnement administratif, de manque d'anticipation, de décalage avec la réalité à propos de la canicule. C'est un domaine, à votre avis, dans lequel il faudrait tout revoir, repenser l'organisation ?
- "Repenser effectivement de A à Z. Mais ça fait belle lurette qu'on le demande et je crois que ce rapport est un rapport qui est complètement décalé. C'est presque un rapport gouvernemental qui donne la nausée ! Parce que, à écouter le Gouvernement tout le monde est responsable, sauf le Gouvernement ! Donc, les urgentistes prennent trop de vacances ? Les infirmières prennent trop de RTT ? Et puis les Français sont responsables de ne pas être assez solidaires avec les personnes âgées ? Evidemment le Gouvernement ne pouvait pas prévoir la canicule, mais ce qu'il pouvait prévoir, et depuis longtemps encore, c'est la catastrophe sanitaire, parce qu'il était averti par les syndicats, par les corps professionnels, depuis plusieurs années. Donc, je le dis, je le répète : ce Gouvernement, comme les gouvernements précédents, en fermant des lits d'hôpitaux, en empêchant l'embauche de personnels, est responsable dans l'affaire de la canicule de "non-assistance à personnes en danger"."
Et la médecine libérale qui est mise en cause en partie, parce que beaucoup étaient en vacances parmi les médecins ?
- "Absolument. Mais on essaie de faire la bonne vieille recette : diviser pour mieux régner. On essaye d'opposer les différents corps professionnels, mais c'est tout le système de santé qui serait à revoir et je crois que les 80.000 emplois dans la santé, qui manquent actuellement, sont finançables. Il suffirait pour ça d'avoir l'audace de prendre sur les industries pharmaceutiques ou sur les actionnaires des cliniques privées : vous verriez qu'on aurait largement de quoi, sans prendre une journée de congé, de financer un nouveau système de santé."
C'est un domaine où vous avez beaucoup de militants, le monde de la santé ?
- "On en a dans l'ensemble du monde du travail, y compris évidemment dans la santé."
Vous avez dit, et redit ces derniers temps, qu'il est nécessaire pour le mouvement social de trouver un débouché politique. Autrement dit, la Ligue communiste révolutionnaire a l'intention de construire un grand parti anticapitaliste. Vous en êtes où ?
- "C'est notre objectif. Ce sera un travail de longue haleine. Il faudra de la patience. C'est plus compliqué que de faire des combinaisons électorales à la gomme, c'est vrai, mais cette patience, on la revendique volontiers. Le mouvement social qui se développe depuis plusieurs années a, à la fois besoin d'une victoire contre la droite, mais il a effectivement besoin d'un nouveau débouché politique à gauche. Et là, il faut poser les choses clairement. Je crois qu'on a besoin de l'union dans l'action de toute la gauche sociale et politique pour résister à la droite. Mais quand il s'agit de proposer politiquement, eh bien, il ne faudra pas compter sur nous pour proposer avec des gens qui, pour le Parti socialiste, dans les conseils régionaux, continuent à distribuer des milliers d'euros à des groupes industriels qui licencient quand même, ou des gens, pour ce qui est toujours du cas du Parti socialiste, qui, au Parlement européen, votent la libéralisation des services publics, comme la Poste ou les transports."
On a remarqué qu'hier soir, les Verts avaient invité l'ensemble des formations de gauche, pour réfléchir à un programme d'alternative à la droite. Le PS, le PC, les Chevènementistes y sont allés et pas vous ?
- "Oui, on nous accuse de faire le jeu de la chaise vide. Je vois ça dans Libération ce matin, je crois qu'en guise de chaise, c'est un bon fauteuil qu'on nous propose. C'est un fauteuil ministériel. C'est vous dire à quel point cette réunion est décalée puisqu'il s'agit de faire une réunion pour préparer un éventuel futur gouvernement ! Je crois que c'est décalé parce qu'aujourd'hui on a besoin de toute la gauche sociale et politique rassemblée, sur des questions d'urgence sociale, notamment celle des licenciements. Donc nous, on a fait une autre proposition : on propose un tabouret à toutes ces organisations-là, pour s'asseoir autour d'une table, et discuter d'une grande initiative sur la question des plans sociaux, qui permettraient aux entreprises aujourd'hui qui subissent de plein fouet ces plans sociaux, de pouvoir se coordonner et arrêter de rester isolées face à un rouleau compresseur libéral."
Quel sentiment avez-vous à l'égard des dirigeants socialistes ? Du mépris, de la haine, de l'indifférence ?
- "Non, c'est, je dirais, une volonté de clarifier les choses. Une fois de plus, avec le Parti socialiste, c'est tout ou rien : soit vous venez directement sous la houlette du Parti socialiste au gouvernement, soit on vous envoie en gros des taloches régulièrement. Je crois qu'il suffirait simplement de comprendre que pendant cinq ans, si vous écoutiez L. Jospin, on a fait que répéter à la direction du PC et des Verts : "Vous pouvez descendre dans la rue, vous pouvez mobiliser, mais quand il s'agira de voter mes lois, vous voterez mes lois". Ce qui prouve tout simplement que deux orientations contradictoires ne peuvent pas coexister dans un même gouvernement. Donc je crois qu'à gauche, il y a une orientation sociale libérale, mais il y a aussi une orientation anticapitaliste. Et c'est aussi pour ça qu'on a un espoir à gauche."
Et c'est pour ça que vous allez faire - vous allez tenter en tout cas - une alliance avec Lutte ouvrière, le parti d'A. Laguiller, des listes communes pour les élections régionales et les élections européenne en 2004 ? Ils sont ouverts au dialogue, les gens de Lutte ouvrière ? Cela se présente bien, cette alliance ?
- "On vous dira ça dans les semaines qui vont venir. Nous, notre comité central, à une large majorité, a décidé d'ouvrir les négociations et de leur proposer effectivement cet accord. C'est notre congrès national qui tranchera cette question au mois de novembre prochain. Mais évidemment, à la gauche de l'ex-gauche plurielle, il n'y a que deux organisations : c'est Lutte ouvrière et la LCR, qui ont donc des responsabilités particulières. C'est de rendre utile et crédible le vote anticapitaliste. Parce que, s'il n'y a pas cette voix-là qui se fait entendre aux prochaines élections, pour les couches populaires, eh bien, je dirais que les revendications qui ont été défendues, aussi bien au Larzac, aussi bien au printemps dernier, ne seront pas reprises, en tous les cas par la gauche libérale d'une nouvelle mouture qui sera celle de l'ex-gauche plurielle."
Vous savez que les dirigeants de l'UMP, ne cachent pas leur espoir, que vous, et d'autres, vous soyez un obstacle au retour des socialistes au pouvoir, l'équivalent de ce qu'a été l'extrême droite pour cette droite ?
- "Eh bien, j'invite la droite à être prudente !"
C'est-à-dire ?
- "Parce qu'au printemps dernier, la véritable opposition à ce Gouvernement, elle était dans la rue. Il y avait évidemment tout le peuple de gauche réuni : des militants, des sympathisants, des électeurs de toute la gauche et pas simplement de la gauche anticapitaliste. Eh bien, nous ,dans cette opposition-là, on est à l'aise dans des poissons dans l'eau. Donc le Gouvernement peut compter sur nous pour être résolus. Et c'est notre adversaire en cette rentrée. Ensuite la comparaison avec l'extrême droite s'arrête là ! Et tous ceux qui à droite s'amusent à comparer José Bové à Le Pen tiennent pour moi des propos qui sont indécents."
José Bové justement. Son combat est parallèle au vôtre ? Je veux dire distinct ? Ou bien complémentaire ?
- "Je crois qu'ils sont complémentaires. Il faudra qu'un jour ou l'autre cette radicalisation sociale qui apparaît depuis plusieurs années dans le mouvement antimondialisation, et en même temps la radicalisation politique qui se traduit, entre autres, par la percée électorale de l'extrême gauche, devront peut-être un jour se retrouver, parce que je crois qu'on devrait être condamnés à s'entendre !"
Ce matin, vous ne travaillez pas, vous ne distribuez pas le courrier ?
- "C'est la journée à laquelle j'ai droit pendant ma semaine. Je travaille à 80 % à la Poste. Cela me permet de venir discuter sur vos ondes."
Ce que vous n'auriez pas pu faire un autre jour ? Vous n'auriez pas eu l'autorisation ?
- "Non. Si vous voulez ouvrir une petite discussion d'un quart d'heure, je vais vous expliquer ce que sont malheureusement les 35 heures à la Poste, et vous verrez que le lundi et le mardi sont les journées où il y a de moins en moins de courrier. Mais ça ne correspond pas aux besoins des usagers, simplement à des exigences comptables."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 septembre 2003)