Texte intégral
RTL (Le 7 mai 2003)
R. Elkrief-. Bonjour François Hollande. Vous n'avez pas bu trop de champagne hier soir. Votre motion a recueilli 62% des votes au parti socialiste ?
- " Non, j'ai bu un café pour venir ici. Mais je pense qu'il fallait avoir cette modestie, d'avoir ce souci du débat, de la confrontation des idées, parce que nous revenions d'un échec lourd. Il fallait le comprendre, l'analyser. Il fallait aussi le dépasser. C'est ce que nous avons fait depuis plusieurs mois. Et ce qui me fait le plus plaisir, au-delà du score qui peut être le mien, celui de la motion que je défendais, c'est quand même la participation à cette élection. Rendez-vous compte dans un parti qui avez gagné beaucoup de nouveaux adhérents ! Nous sommes aujourd'hui 130.000, ce qui est encore trop peu mais près de 70 %, peut être davantage, ont voté à ce scrutin. C'est du jamais vu dans aucune formation politique. Je crois que ça prouve que le Parti socialiste veut à la fois de la clarté sur la ligne que je conduisais et il veut de la cohérence, une majorité pour conduire le Parti socialiste. Cela veut dire aussi qu'il veut de la force, c'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait une gauche rassemblée pour être une alternative à la droite, parce qu'il va falloir, bien sûr, critiquer mais surtout proposer et donner de l'espoir. "
Je voudrais vous citer un de mes confrères du Nouvel Observateur qui dit : "Dijon sera un congrès conservateur". Il exprime un refus plutôt qu'une adhésion. C'est-à-dire un refus de ne pas être assez fort, de ne pas être justement assez cohérent peut être et donc des motions qui vous étaient présentées, qui étaient un peu concurrentes. Mais est-ce que c'est vraiment une adhésion à quelque chose qui est suffisamment clair et nouveau ?
- " C'est un vote exigeant. Ce n'est pas un vote pour ne rien changer, pour ne rien prendre en compte. C'est un vote pour renouveller, rénover et avancer. Renouveller parce que c'est le propre de toute génération qui, à un moment, doit prendre sa responsabilité, en l'occurence, c'est la mienne. C'est un vote pour rénover, parce qu'il s'est passé le 21 avril, pour tous les partis politiques, une crise qu'il faut regarder. Une prise de distance, un éloignement. Et donc, il faut rénover. "
Comment vous allez rénover ? Qu'est-ce que vous allez faire ? Vous avez une bande ? Des nouveaux ? Des nouvelles têtes ?
- " Ca, c'est le renouvellement. Il faudra le faire. Il ne s'agit pas simplement de changer. Oui, bien sûr, il faut être plus représentatif de la société. Je pense que c'est ça qui a été dit aux formations politiques: soyez à notre image. C'est à dire avec la diversité sociale, avec la diversité des couleurs, avec la diversité des préoccupations des parcours. Et puis, il faut un parti qui soit à l'initiative. Moi, je ne veux pas d'un parti, même si cela a été le cas depuis plusieurs mois, où on débat entre socialistes, sur des motions socialistes, avec des préoccupations socialistes. Ca, c'est normal. On doit s'intéresser et se préoccuper d'abord des Français. Quand je dis des Français, c'est aussi de l'Europe et du monde. C'est-à-dire qu'on doit être un parti qui prend l'iniative, qui est aux côtés de ceux qui souffrent. Un parti qui doit être aussi capable. Un parti qui doit aussi être capable d'être une alternative à la droite "
Vous savez ce qu'a dit Michel Rocard, chez nous au Grand Jury. Il a dit : "le PS est vieux, malade, et fragile", même s'il soutenait votre motion. Mais enfin quand même, il y a du travail.
- " Pour une part, il y a un vieillissement, pas un vieillisement simplement des âges, il y a un vieillissement des formes, des méthodes, des moyens de faire de la politique, ça c'est vrai. "Fragile". Mais à l'évidence, quand on voit qu'on a même pas été qualifié au second tour de l'élection. Nous sommes un parti fragile. C'est pour ça que je dis qu'il fallait un Parti socialiste fort, parce que dans une grande démocratie comme la nôtre, avec les problèmes qu'on a à affronter - problème de solidarité, problème de sécurité, problème de cohésion nationale, problèmes européens - il faut des partis politiques qui soient construits. Et ça, c'est aussi une responsabilité des citoyens. S'ils veulent que la politique évolue, change, il faut aussi qu'ils investissent.
Appel aux militants et appel aux sympathisants ?
- " C'est le message que je lance. Les Socialistes, ils ont pris leurs responsabilités. Je dois le dire quand même depuis 8 mois, ils ont débattu et ils ont voté. Maintenant, il y a eu beaucoup de nouveaux adhérents. Je suis tout à fait satisfait qu'il y ait de nouveaux adhérents, il faut qu'il y en ait d'autres. "
Justement. Vous avez eu cet échec le 21 avril. Vous nous parlez des Socialistes. Mais enfin, les Français, ils attendent un peu de voir si vous allez leur proposer des choses justement audibles et raisonnables et, qui en tous cas, les intéressent. Là, Jean-Pierre Raffarin se lance dans un certain nombre de réformes. Est-ce que vous allez les critiquer systématiquement alors que vous n'avez, parfois, pas osé les faire. Ou est-ce que vous allez avoir un regard un peu plus circonstancié ?
- " Moi, je dis, le rôle du Parti socialiste, de l'opposition, c'est d'alerter, de prévenir les Français. Depuis plusieurs mois, je le fais : sur les déficits budgétaires, sur les déficits sociaux, sur la situation de l'emploi. Parce que nous avons des informations, nous devons les communiquer aux Français et leur parler vrai. Deuxièmement, notre rôle, c'est de critiquer. Parce que nous sommes dans l'opposition. Il faut montrer ce qui va, ce qui ne va pas, tout en prenant nos responsabilités. Quand je venais à votre micro, il y a encore quelques semaines, vous me disiez : "alors, ce pas facile d'être de l'opposition, puisque vous êtes d'accord avec la position du président de la Répubique sur l'Irak". Mais parce que c'était notre devoir. "
Et sur les retraites par exemple...
- " ... Et quand il y a des problèmes intérieurs qui se posent et celui des retraites est majeur, il faut que nous soyons en capacité de proposer une politique différente. Alors, j'en viens aux retraites. Monsieur Raffarin communique beaucoup. Mais communiquer n'est pas donner de l'information. C'est même quelquefois ne pas dire la vérité. Et dans la lettre qu'il adresse aux Français par voie de presse, j'aurais souhaité qu'il donne les chiffres. Aujourd'hui, ce qui nous est proposé, c'est de travailler plus longtemps - c'est une option - pour gagner moins de retraite. "
Pour vous, il faut travailler moins longtemps et gagner plus, c'est ça ?
- " Je pense que parfois nous l'avons fait. "
Après, on a payé cher, peut-être ?
- " Pas nécessairement. On a gagné aussi en emplois. Je ne pense que pour les retraites, c'était ce qui était possible. Il faut avoir le courage de dire oui, des réformes sont nécessaires, oui en matière de retraites il y a des évolutions à prendre en compte, mais il faut que nous regardions d'abord le niveau de l'emploi. Il n'est pas normal qu'il y ait un taux d'emploi entre 50 et 60 ans qui soit si faible. C'est à dire que beaucoup de personnes qui veulent travailler jusqu'à 60 ans, - pas question de retraite - soient écartées du marché du travail. Et que dans cette perspective là, il faut une croissance forte, une économie qui créé de l'emploi. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. C'est quand même un des dispositifs les plus faibles de J.-P. Raffarin. Deuxième point essentiel : il faut tenir compte de la pénibilité du travail. Nous ne sommes pas dans les mêmes conditions. "
Ce sont des aménagements finalement que vous proposez ?
- " Non, non, ce ne sont pas des aménagements,c'est essentiel. Il faut que la durée d'activité corresponde à la réalité du travail occupé. Et puis, enfin, et c'est là que nous sommes dans la proposition alternative, il y a des ressources à trouver pour les retraites. Il n'est pas vrai que d'abord la proposition de Monsieur Raffarin est financée, au contraire, elle ne l'est pas. Et nous, nous disons : "oui, c'est un choix de société". Est-ce qu'on augmente un certain nombre de cotisations, de contributions, de prélèvements ? "
Ça toujours été la politique de la gauche : on augmente les cotisations.
- " Non, non, on nous a même fait le reproche de les baisser y compris dans notre propre famille politique. Non, non, il y a un moment où il faut dire : "qu'est-ce que vous préférez, nous, collectivement, vous les Français, Françaises, dont nous sommes : est-ce que vous préférez avoir moins de remboursements, moins de prestations, moins de retraites, et vous assurer de manière personnelle pour avoir une retraite par capitalisation, pour avoir une mutuelle ou une assurance privée ou pour avoir moins de service public mais plus d'accès au marché ou est-ce que vous préférez être couvert par la solidarité nationale ?" La proposition, au nom des socialistes, que je fais, c'est d'être couvert par la solidarité nationale, parce que c'est la conception que l'on a depuis maintenant cinquante ans de ce qu'est la protection sociale. "
Dernière chose : on dit que vous seriez candidat à l'élection présidentielle parce que maintenant, avec ce succès, peut être que cela peut vous donner quelques nouvelles idées ?
- " Moi, je suis candidat à l'élection - je vous donne l'information - de premier secrétaire du Parti socialiste. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 mai 2003)
CONFERENCE DE PRESSE ( 7 MAI 2003)
Mesdames, Messieurs,
Avec le vote qui est intervenu ces derniers jours dans les sections, dans les fédérations du Parti socialiste, le Parti dont j'ai la responsabilité aujourd'hui vient de franchir une étape importante.
Une étape importante parce qu'il devait surmonter des épreuves, des échecs et en même temps préparer l'avenir.
Une étape importante, parce que j'avais ouvert un débat militant qui était libre, authentique et parfois irrépressible.
Une étape importante, parce que nous sommes, un an après, à un moment où les résultats des uns permettent d'être comparés au bilan des autres.
À regarder le vote des militants socialistes, je dois dire que cette étape est franchie avec succès. Mais ce n'est qu'une première étape. Le succès, c'est un parti vivant, un parti qui est capable de se mobiliser au point de faire que la participation est, dans l'histoire du parti socialiste, la plus haute qui ait été jamais réalisée. D'autres congrès d'autres formations politiques en sont loin : l'UMP, où le taux de participation des adhérents au scrutin interne n'avait pas dépassé 30 %, les Verts ou les communiste (la participation y a été inférieure à 50 % -et parfois moins).
Que le Parti socialiste, à travers tous ses adhérents, ait été capable de s'intéresser au débat et surtout de voter à ce point -plus de 70 % - est un signe de vitalité qui est le succès de tous. C'est-à-dire de tous les adhérents, de tous les responsables et de toutes les motions.
Il y a peu d'exemples d'un parti qui ait fait cet effort de transparence, de pluralisme, de participation et de vote.
Étape franchie, parce que le PS est un parti cohérent. Beaucoup parlaient de surprise, attendaient une surprise dans le congrès... La surprise, c'est finalement qu'il y ait eu une majorité forte dans le cadre du congrès des socialistes. Pas simplement une majorité, mais une majorité large, une majorité sur une ligne politique -celle que j'ai proposée : le réformisme de gauche ; une majorité diverse à l'évidence, mais unie sur l'essentiel. Une majorité capable maintenant de faire avancer le Parti socialiste et, au-delà du Parti socialiste, toute la gauche.
Ce qui est en cause, avec cette majorité large, c'est d'être capable maintenant d'être une force pour tous les socialistes. Parce que j'ai proposé un grand Parti socialiste l'objectif, c'est de créer une dynamique, pas simplement pour lui-même, mais pour toute la société et de créer un mouvement qui soit utile à la démocratie et à la France.
Je n'oublie pas que le 21 avril fut une crise de la politique, une crise de la démocratie et que, de ce point de vue, nous devons à la fois être exemplaires dans nos formes démocratiques et être capables de créer de nouveaux rapports avec les Français pour renforcer la citoyenneté et la politique.
Enfin, c'est un parti exigeant qui s'est affirmé dans le vote des militants. Exigeant pour la rénovation, exigeant pour le renouvellement des équipes comme des pratiques, exigeant pour l'action, exigeant pour la conviction. Le vote me confère une légitimité nouvelle puisqu'il y a eu, à travers la motion que j'ai présentée, une mobilisation et une adhésion.
Cette légitimité est au service de tous les socialistes et elle doit permettre au Parti dont j'aurai sans doute -nous verrons bien- la responsabilité encore pour trois ans d'être aux grands rendez-vous de la période. Ces rendez-vous s'appellent :
- Les leçons qu'il faut tirer des échecs d'hier,
- L'initiative qu'il faut prendre pour débattre avec les Français et dialoguer avec eux
- Être une alternative à la droite
Mais il y a une autre responsabilité : rassembler toute la gauche. La gauche attendait le congrès du Parti socialiste, espérait même que le congrès serait réussi ; il le sera. Nous avons à entraîner tous les autres.
C'est donc une première étape que nous venons de franchir, une étape qu'il fallait aborder avec modestie et avec force. Modestie, car nul n'ignore la période. Force, parce que chacun sait que nous avons à redonner l'espoir.
D'autres étapes nous attendent au lendemain du congrès. D'abord de continuer à faire que nos pratiques politiques changent. L'étape suivante, c'est aussi le rassemblement de la gauche. C'est enfin la préparation des échéances électorales, notamment celles de 2004 pour les élections régionales, locales et européennes.
Ce résultat, tel qu'il a été présenté, est une bonne nouvelle. Pas simplement une bonne nouvelle pour ceux qui l'ont emporté ou semble l'avoir emporté. C'est une bonne nouvelle pour les socialistes parce qu'ils ont prouvé leur vitalité, une bonne nouvelle pour la gauche tout entière qui prouve qu'elle a la capacité de rebondir. Et c'est surtout une bonne nouvelle pour la démocratie. C'est bien qu'il y ait des formations politiques dans notre pays qui fassent effort de réflexion, qui fassent mouvement pour comprendre et qui, ensuite, savent aussi se rassembler pour avancer.
C'est une bonne nouvelle pour la démocratie, mais une mauvaise nouvelle pour le gouvernement et pour la droite. Je pense que le meilleur service que nous aurions pu rendre à la droite c'est d'avoir un parti socialiste divisé. Nous aurons un Parti socialiste cohérent, rassemblé et une gauche mobilisée. Ce sera utile pour les combats qui s'ouvrent face au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a engagé une régression et qui mérite donc une forte opposition.
(source http://www.fhollande.net, le 9 mai 2003)
L'Express ( 15 mai 2003)
Bâtir un grand Parti socialiste
Votre motion est sortie largement majoritaire du vote des militants. Comment allez-vous faire pour que ce congrès ne soit pas la simple ratification de votre victoire ?
Après une épreuve comme celle du 21 avril 2002, nous pouvions tout redouter d'un congrès socialiste: surenchères, oubli de la culture de gouvernement, refuge dans l'incantation, basisme débridé, repli sur nous-mêmes... Il a fallu une lucidité, une vitalité mais aussi une exigence collective de renouvellement pour que les socialistes s'inscrivent dans le processus que je leur proposais ! Il était donc important qu'à l'ouverture du congrès il y ait une majorité large et forte, afin que la question posée dès l'entrée ne soit pas celle de la future direction ou de la future synthèse, mais celle de l'utilité du PS dans le débat public. Une étape est franchie. Il convient désormais d'établir avec les Français un dialogue approfondi, celui-là même qui nous a manqué ces dernières années : nous devons leur démontrer que nous avons tiré les leçons de notre échec, que nous jouons pleinement notre rôle d'opposition et que nous portons des idées nouvelles. Il s'agit de prendre la mesure du désenchantement civique et d'offrir une alternative crédible, car, si nous revenons aux responsabilités, nous ne pouvons pas être dans l'improvisation, dans la facilité ou la simplification.
Aujourd'hui, quels débats ouvrez-vous ?
D'abord, l'éducation: elle doit être au cur du projet des socialistes. C'est la clef de tout. La transmission du savoir, mais aussi la promotion sociale, la réussite économique, l'égalité, le civisme, la laïcité et la citoyenneté. Je souhaite que nous ouvrions ce débat avec tous les acteurs de l'école et que nous ne le terminions pas simplement par le rappel des priorités budgétaires - tout le monde sera d'accord pour mettre plus d'argent pour l'école ! - mais bien par une volonté commune d'agir ensemble pour faire de l'éducation un véritable choix de société. Ensuite, la solidarité nationale. Dès lors que nous refusons l'individualisation de la couverture sociale, la privatisation de la santé et des services publics comme la remise en question des retraites par répartition, il faut assumer les évolutions nécessaires, mais aussi redéfinir le champ de l'Etat providence. De ce point de vue, nous devons affirmer que le financement collectif (par les cotisations sociales et par l'impôt) de la solidarité nationale doit être la ressource essentielle.
Quel est votre calendrier ?
On pense toujours, dans l'opposition ou au pouvoir, avoir l'éternité devant soi, or rien n'est plus faux ! L'année 2004 sera consacrée aux scrutins cantonal, régional et européen. En 2005, un référendum sera sans doute proposé pour la ratification de la future Constitution européenne. En 2006, nous aurons à choisir notre candidat(e) à la présidentielle de 2007. Nous devons donc préparer les échéances qui viennent, mener la riposte et la contradiction au gouvernement, sans oublier ce qui est la fonction essentielle d'un parti politique: avoir plus d'adhérents pour influencer davantage et, surtout, formuler un projet autour d'un idéal partagé. Enfin, dernier rendez-vous: le rassemblement de la gauche, qui est plus que jamais indispensable, mais dont les formes doivent changer. En 1997, nous l'avons fait dans la " chaleur " de la dissolution. Aujourd'hui, il faut créer une dynamique et une méthode nouvelles ! Je vais proposer la réunion de forums départementaux de toute la gauche, à l'automne, pour élaborer un projet commun dès les régionales, première étape vers des candidatures communes.
Comment ne pas donner l'impression que vous ressuscitez la gauche plurielle ?
La gauche plurielle était une compilation, une alliance de circonstances et non un rassemblement sur un contenu. Aujourd'hui, c'est le projet qui doit être central. Et il doit être élaboré au plus large, à travers des initiatives citoyennes, des rencontres et des débats. Nous devons innover, aller au-delà des partis politiques.
A travers un parti unique de la gauche ?
L'évoquer, c'est le compromettre ! Faisons déjà ce que nous pouvons mener à bien - une fédération, pourquoi pas ? Ce qui compte, c'est d'aller vers l'unité autour d'un projet et des alliances électorales qui lui correspondent, pas l'inverse. Il y a des inquiétudes et des colères multiples qui montent dans la société française (retraites, éducation, santé, chômage) : notre rôle, c'est de leur offrir un débouché politique. Vont-elles s'agréger, vont-elles converger ? Vont-elles s'essouffler dans la rancoeur ? Je n'en sais rien. En revanche, ce qui m'importe, c'est d'exercer notre droit de critique, d'alerte mais c'est surtout de proposer et de formuler des solutions. C'est la meilleure façon de servir la politique et les Français.
Quel visage allez-vous donner au PS qui sortira de Dijon ?
Je serai clair et ferme: ma majorité est diverse, mais unie sur une ligne que chacun a acceptée et devra respecter, ce qui suppose la disparition de tous les brics et les brocs des précédents congrès. C'est ma démarche et je m'y tiendrai. Je dois constituer une équipe de travail à la hauteur de la tâche qui nous attend: ce n'est pas une équipe où je ferai plaisir aux uns et aux autres. Il y aura le renouvellement indispensable et le rajeunissement nécessaire, sans exclure l'expérience au prétexte d'avoir figuré dans tel ou tel gouvernement. Je veux une présence effective du PS à travers une valorisation de l'acte militant, une mobilisation des élus et un parti au service des citoyens. Je compte relancer des groupes d'experts et confier des missions particulières à des personnalités: il sera possible d'animer le parti sans forcément appartenir à l'équipe de direction.
Comment s'opposer à une droite qui paraît donner peu de prise ?
A voir les conflits se multiplier, les prises ne manquent pas. Certes, la droite peut revêtir aujourd'hui une forme différente du passé. A l'évidence, sa communication a changé: hier, la brutalité assumée d'Alain Juppé; aujourd'hui, la rouerie travaillée de Jean-Pierre Raffarin. Les personnalités changent, mais leurs politiques convergent. Après bien des tâtonnements et des prudences, la droite révèle peu à peu son dessein: un Etat minimal, une solidarité réduite à de rares acquis, une " marchandisation " des grandes fonctions collectives : " Vous voulez des droits et des protections: payez-les-vous. " C'est Guizot revisité.
Vous avez longtemps attaqué Jacques Chirac: ne s'est-il pas dégagé du débat national, imposant une stature internationale ?
Jacques Chirac est totalement lié au Premier ministre et donc à son sort ! C'est lui qui l'a choisi, c'est lui qui a composé son gouvernement, toujours lui qui a fixé son carnet de route. La responsabilité du Premier ministre est aussi celle du chef de l'Etat. L'échec de l'un sera l'échec de l'autre, ils ne se protègent pas.
La droite évoque déjà un troisième mandat de Jacques Chirac...
Je ne suis pas sûr que ce soit habile, ni même décent, d'évoquer la prochaine élection alors que le mandat en cours n'a qu'un an... Voilà qui renvoie l'image du candidat permanent plutôt que celle du président réélu. Curieuse communication, dont la seule justification est d'avoir la paix dans sa propre famille.
Et vous ? Quel destin vous voyez-vous ?
J'ai longtemps tenu ma légitimité de Lionel Jospin. Il m'avait désigné pour lui succéder en 1997. Aujourd'hui, je viens de conquérir une majorité sur un projet qui est le mien. Mon objectif est de mettre la gauche en capacité de l'emporter en 2007. Il ne suffit pas d'avoir un bon candidat - nous l'avions en 2002 - ni même un bilan ou des idées: il faut une force susceptible d'être reconnue dans toute la société, beaucoup plus réactive, en prise directe avec les Français. Aujourd'hui, le Parti socialiste affiche une vitalité remarquable, mais aussi une insupportable fragilité : il est capable de faire tantôt 35 % des voix, tantôt 16 % ou 14 % ... Le PS sait gagner les élections. Mais il n'est pas parvenu, jusqu'à présent, à durer dans l'exercice même des responsabilités. Face à une droite unie dans la captation du pouvoir, je veux relever un défi : construire un grand Parti socialiste, à l'image des social-démocraties européennes, suffisamment fort pour réduire l'extrême droite et rassembler toute la gauche sans céder à la mauvaise conscience de l'extrême gauche. Pour le reste, je ne crois pas à l'autoproclamation; tout se mérite et tout se conquiert. La meilleure façon de s'accomplir, c'est de réaliser au mieux sa tâche présente.
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Propos recueillis par Christophe Barbier et Elise Karlin
(Source http://www.psinfo.net, le 15 mai 2003)
R. Elkrief-. Bonjour François Hollande. Vous n'avez pas bu trop de champagne hier soir. Votre motion a recueilli 62% des votes au parti socialiste ?
- " Non, j'ai bu un café pour venir ici. Mais je pense qu'il fallait avoir cette modestie, d'avoir ce souci du débat, de la confrontation des idées, parce que nous revenions d'un échec lourd. Il fallait le comprendre, l'analyser. Il fallait aussi le dépasser. C'est ce que nous avons fait depuis plusieurs mois. Et ce qui me fait le plus plaisir, au-delà du score qui peut être le mien, celui de la motion que je défendais, c'est quand même la participation à cette élection. Rendez-vous compte dans un parti qui avez gagné beaucoup de nouveaux adhérents ! Nous sommes aujourd'hui 130.000, ce qui est encore trop peu mais près de 70 %, peut être davantage, ont voté à ce scrutin. C'est du jamais vu dans aucune formation politique. Je crois que ça prouve que le Parti socialiste veut à la fois de la clarté sur la ligne que je conduisais et il veut de la cohérence, une majorité pour conduire le Parti socialiste. Cela veut dire aussi qu'il veut de la force, c'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait une gauche rassemblée pour être une alternative à la droite, parce qu'il va falloir, bien sûr, critiquer mais surtout proposer et donner de l'espoir. "
Je voudrais vous citer un de mes confrères du Nouvel Observateur qui dit : "Dijon sera un congrès conservateur". Il exprime un refus plutôt qu'une adhésion. C'est-à-dire un refus de ne pas être assez fort, de ne pas être justement assez cohérent peut être et donc des motions qui vous étaient présentées, qui étaient un peu concurrentes. Mais est-ce que c'est vraiment une adhésion à quelque chose qui est suffisamment clair et nouveau ?
- " C'est un vote exigeant. Ce n'est pas un vote pour ne rien changer, pour ne rien prendre en compte. C'est un vote pour renouveller, rénover et avancer. Renouveller parce que c'est le propre de toute génération qui, à un moment, doit prendre sa responsabilité, en l'occurence, c'est la mienne. C'est un vote pour rénover, parce qu'il s'est passé le 21 avril, pour tous les partis politiques, une crise qu'il faut regarder. Une prise de distance, un éloignement. Et donc, il faut rénover. "
Comment vous allez rénover ? Qu'est-ce que vous allez faire ? Vous avez une bande ? Des nouveaux ? Des nouvelles têtes ?
- " Ca, c'est le renouvellement. Il faudra le faire. Il ne s'agit pas simplement de changer. Oui, bien sûr, il faut être plus représentatif de la société. Je pense que c'est ça qui a été dit aux formations politiques: soyez à notre image. C'est à dire avec la diversité sociale, avec la diversité des couleurs, avec la diversité des préoccupations des parcours. Et puis, il faut un parti qui soit à l'initiative. Moi, je ne veux pas d'un parti, même si cela a été le cas depuis plusieurs mois, où on débat entre socialistes, sur des motions socialistes, avec des préoccupations socialistes. Ca, c'est normal. On doit s'intéresser et se préoccuper d'abord des Français. Quand je dis des Français, c'est aussi de l'Europe et du monde. C'est-à-dire qu'on doit être un parti qui prend l'iniative, qui est aux côtés de ceux qui souffrent. Un parti qui doit être aussi capable. Un parti qui doit aussi être capable d'être une alternative à la droite "
Vous savez ce qu'a dit Michel Rocard, chez nous au Grand Jury. Il a dit : "le PS est vieux, malade, et fragile", même s'il soutenait votre motion. Mais enfin quand même, il y a du travail.
- " Pour une part, il y a un vieillissement, pas un vieillisement simplement des âges, il y a un vieillissement des formes, des méthodes, des moyens de faire de la politique, ça c'est vrai. "Fragile". Mais à l'évidence, quand on voit qu'on a même pas été qualifié au second tour de l'élection. Nous sommes un parti fragile. C'est pour ça que je dis qu'il fallait un Parti socialiste fort, parce que dans une grande démocratie comme la nôtre, avec les problèmes qu'on a à affronter - problème de solidarité, problème de sécurité, problème de cohésion nationale, problèmes européens - il faut des partis politiques qui soient construits. Et ça, c'est aussi une responsabilité des citoyens. S'ils veulent que la politique évolue, change, il faut aussi qu'ils investissent.
Appel aux militants et appel aux sympathisants ?
- " C'est le message que je lance. Les Socialistes, ils ont pris leurs responsabilités. Je dois le dire quand même depuis 8 mois, ils ont débattu et ils ont voté. Maintenant, il y a eu beaucoup de nouveaux adhérents. Je suis tout à fait satisfait qu'il y ait de nouveaux adhérents, il faut qu'il y en ait d'autres. "
Justement. Vous avez eu cet échec le 21 avril. Vous nous parlez des Socialistes. Mais enfin, les Français, ils attendent un peu de voir si vous allez leur proposer des choses justement audibles et raisonnables et, qui en tous cas, les intéressent. Là, Jean-Pierre Raffarin se lance dans un certain nombre de réformes. Est-ce que vous allez les critiquer systématiquement alors que vous n'avez, parfois, pas osé les faire. Ou est-ce que vous allez avoir un regard un peu plus circonstancié ?
- " Moi, je dis, le rôle du Parti socialiste, de l'opposition, c'est d'alerter, de prévenir les Français. Depuis plusieurs mois, je le fais : sur les déficits budgétaires, sur les déficits sociaux, sur la situation de l'emploi. Parce que nous avons des informations, nous devons les communiquer aux Français et leur parler vrai. Deuxièmement, notre rôle, c'est de critiquer. Parce que nous sommes dans l'opposition. Il faut montrer ce qui va, ce qui ne va pas, tout en prenant nos responsabilités. Quand je venais à votre micro, il y a encore quelques semaines, vous me disiez : "alors, ce pas facile d'être de l'opposition, puisque vous êtes d'accord avec la position du président de la Répubique sur l'Irak". Mais parce que c'était notre devoir. "
Et sur les retraites par exemple...
- " ... Et quand il y a des problèmes intérieurs qui se posent et celui des retraites est majeur, il faut que nous soyons en capacité de proposer une politique différente. Alors, j'en viens aux retraites. Monsieur Raffarin communique beaucoup. Mais communiquer n'est pas donner de l'information. C'est même quelquefois ne pas dire la vérité. Et dans la lettre qu'il adresse aux Français par voie de presse, j'aurais souhaité qu'il donne les chiffres. Aujourd'hui, ce qui nous est proposé, c'est de travailler plus longtemps - c'est une option - pour gagner moins de retraite. "
Pour vous, il faut travailler moins longtemps et gagner plus, c'est ça ?
- " Je pense que parfois nous l'avons fait. "
Après, on a payé cher, peut-être ?
- " Pas nécessairement. On a gagné aussi en emplois. Je ne pense que pour les retraites, c'était ce qui était possible. Il faut avoir le courage de dire oui, des réformes sont nécessaires, oui en matière de retraites il y a des évolutions à prendre en compte, mais il faut que nous regardions d'abord le niveau de l'emploi. Il n'est pas normal qu'il y ait un taux d'emploi entre 50 et 60 ans qui soit si faible. C'est à dire que beaucoup de personnes qui veulent travailler jusqu'à 60 ans, - pas question de retraite - soient écartées du marché du travail. Et que dans cette perspective là, il faut une croissance forte, une économie qui créé de l'emploi. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. C'est quand même un des dispositifs les plus faibles de J.-P. Raffarin. Deuxième point essentiel : il faut tenir compte de la pénibilité du travail. Nous ne sommes pas dans les mêmes conditions. "
Ce sont des aménagements finalement que vous proposez ?
- " Non, non, ce ne sont pas des aménagements,c'est essentiel. Il faut que la durée d'activité corresponde à la réalité du travail occupé. Et puis, enfin, et c'est là que nous sommes dans la proposition alternative, il y a des ressources à trouver pour les retraites. Il n'est pas vrai que d'abord la proposition de Monsieur Raffarin est financée, au contraire, elle ne l'est pas. Et nous, nous disons : "oui, c'est un choix de société". Est-ce qu'on augmente un certain nombre de cotisations, de contributions, de prélèvements ? "
Ça toujours été la politique de la gauche : on augmente les cotisations.
- " Non, non, on nous a même fait le reproche de les baisser y compris dans notre propre famille politique. Non, non, il y a un moment où il faut dire : "qu'est-ce que vous préférez, nous, collectivement, vous les Français, Françaises, dont nous sommes : est-ce que vous préférez avoir moins de remboursements, moins de prestations, moins de retraites, et vous assurer de manière personnelle pour avoir une retraite par capitalisation, pour avoir une mutuelle ou une assurance privée ou pour avoir moins de service public mais plus d'accès au marché ou est-ce que vous préférez être couvert par la solidarité nationale ?" La proposition, au nom des socialistes, que je fais, c'est d'être couvert par la solidarité nationale, parce que c'est la conception que l'on a depuis maintenant cinquante ans de ce qu'est la protection sociale. "
Dernière chose : on dit que vous seriez candidat à l'élection présidentielle parce que maintenant, avec ce succès, peut être que cela peut vous donner quelques nouvelles idées ?
- " Moi, je suis candidat à l'élection - je vous donne l'information - de premier secrétaire du Parti socialiste. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 7 mai 2003)
CONFERENCE DE PRESSE ( 7 MAI 2003)
Mesdames, Messieurs,
Avec le vote qui est intervenu ces derniers jours dans les sections, dans les fédérations du Parti socialiste, le Parti dont j'ai la responsabilité aujourd'hui vient de franchir une étape importante.
Une étape importante parce qu'il devait surmonter des épreuves, des échecs et en même temps préparer l'avenir.
Une étape importante, parce que j'avais ouvert un débat militant qui était libre, authentique et parfois irrépressible.
Une étape importante, parce que nous sommes, un an après, à un moment où les résultats des uns permettent d'être comparés au bilan des autres.
À regarder le vote des militants socialistes, je dois dire que cette étape est franchie avec succès. Mais ce n'est qu'une première étape. Le succès, c'est un parti vivant, un parti qui est capable de se mobiliser au point de faire que la participation est, dans l'histoire du parti socialiste, la plus haute qui ait été jamais réalisée. D'autres congrès d'autres formations politiques en sont loin : l'UMP, où le taux de participation des adhérents au scrutin interne n'avait pas dépassé 30 %, les Verts ou les communiste (la participation y a été inférieure à 50 % -et parfois moins).
Que le Parti socialiste, à travers tous ses adhérents, ait été capable de s'intéresser au débat et surtout de voter à ce point -plus de 70 % - est un signe de vitalité qui est le succès de tous. C'est-à-dire de tous les adhérents, de tous les responsables et de toutes les motions.
Il y a peu d'exemples d'un parti qui ait fait cet effort de transparence, de pluralisme, de participation et de vote.
Étape franchie, parce que le PS est un parti cohérent. Beaucoup parlaient de surprise, attendaient une surprise dans le congrès... La surprise, c'est finalement qu'il y ait eu une majorité forte dans le cadre du congrès des socialistes. Pas simplement une majorité, mais une majorité large, une majorité sur une ligne politique -celle que j'ai proposée : le réformisme de gauche ; une majorité diverse à l'évidence, mais unie sur l'essentiel. Une majorité capable maintenant de faire avancer le Parti socialiste et, au-delà du Parti socialiste, toute la gauche.
Ce qui est en cause, avec cette majorité large, c'est d'être capable maintenant d'être une force pour tous les socialistes. Parce que j'ai proposé un grand Parti socialiste l'objectif, c'est de créer une dynamique, pas simplement pour lui-même, mais pour toute la société et de créer un mouvement qui soit utile à la démocratie et à la France.
Je n'oublie pas que le 21 avril fut une crise de la politique, une crise de la démocratie et que, de ce point de vue, nous devons à la fois être exemplaires dans nos formes démocratiques et être capables de créer de nouveaux rapports avec les Français pour renforcer la citoyenneté et la politique.
Enfin, c'est un parti exigeant qui s'est affirmé dans le vote des militants. Exigeant pour la rénovation, exigeant pour le renouvellement des équipes comme des pratiques, exigeant pour l'action, exigeant pour la conviction. Le vote me confère une légitimité nouvelle puisqu'il y a eu, à travers la motion que j'ai présentée, une mobilisation et une adhésion.
Cette légitimité est au service de tous les socialistes et elle doit permettre au Parti dont j'aurai sans doute -nous verrons bien- la responsabilité encore pour trois ans d'être aux grands rendez-vous de la période. Ces rendez-vous s'appellent :
- Les leçons qu'il faut tirer des échecs d'hier,
- L'initiative qu'il faut prendre pour débattre avec les Français et dialoguer avec eux
- Être une alternative à la droite
Mais il y a une autre responsabilité : rassembler toute la gauche. La gauche attendait le congrès du Parti socialiste, espérait même que le congrès serait réussi ; il le sera. Nous avons à entraîner tous les autres.
C'est donc une première étape que nous venons de franchir, une étape qu'il fallait aborder avec modestie et avec force. Modestie, car nul n'ignore la période. Force, parce que chacun sait que nous avons à redonner l'espoir.
D'autres étapes nous attendent au lendemain du congrès. D'abord de continuer à faire que nos pratiques politiques changent. L'étape suivante, c'est aussi le rassemblement de la gauche. C'est enfin la préparation des échéances électorales, notamment celles de 2004 pour les élections régionales, locales et européennes.
Ce résultat, tel qu'il a été présenté, est une bonne nouvelle. Pas simplement une bonne nouvelle pour ceux qui l'ont emporté ou semble l'avoir emporté. C'est une bonne nouvelle pour les socialistes parce qu'ils ont prouvé leur vitalité, une bonne nouvelle pour la gauche tout entière qui prouve qu'elle a la capacité de rebondir. Et c'est surtout une bonne nouvelle pour la démocratie. C'est bien qu'il y ait des formations politiques dans notre pays qui fassent effort de réflexion, qui fassent mouvement pour comprendre et qui, ensuite, savent aussi se rassembler pour avancer.
C'est une bonne nouvelle pour la démocratie, mais une mauvaise nouvelle pour le gouvernement et pour la droite. Je pense que le meilleur service que nous aurions pu rendre à la droite c'est d'avoir un parti socialiste divisé. Nous aurons un Parti socialiste cohérent, rassemblé et une gauche mobilisée. Ce sera utile pour les combats qui s'ouvrent face au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui a engagé une régression et qui mérite donc une forte opposition.
(source http://www.fhollande.net, le 9 mai 2003)
L'Express ( 15 mai 2003)
Bâtir un grand Parti socialiste
Votre motion est sortie largement majoritaire du vote des militants. Comment allez-vous faire pour que ce congrès ne soit pas la simple ratification de votre victoire ?
Après une épreuve comme celle du 21 avril 2002, nous pouvions tout redouter d'un congrès socialiste: surenchères, oubli de la culture de gouvernement, refuge dans l'incantation, basisme débridé, repli sur nous-mêmes... Il a fallu une lucidité, une vitalité mais aussi une exigence collective de renouvellement pour que les socialistes s'inscrivent dans le processus que je leur proposais ! Il était donc important qu'à l'ouverture du congrès il y ait une majorité large et forte, afin que la question posée dès l'entrée ne soit pas celle de la future direction ou de la future synthèse, mais celle de l'utilité du PS dans le débat public. Une étape est franchie. Il convient désormais d'établir avec les Français un dialogue approfondi, celui-là même qui nous a manqué ces dernières années : nous devons leur démontrer que nous avons tiré les leçons de notre échec, que nous jouons pleinement notre rôle d'opposition et que nous portons des idées nouvelles. Il s'agit de prendre la mesure du désenchantement civique et d'offrir une alternative crédible, car, si nous revenons aux responsabilités, nous ne pouvons pas être dans l'improvisation, dans la facilité ou la simplification.
Aujourd'hui, quels débats ouvrez-vous ?
D'abord, l'éducation: elle doit être au cur du projet des socialistes. C'est la clef de tout. La transmission du savoir, mais aussi la promotion sociale, la réussite économique, l'égalité, le civisme, la laïcité et la citoyenneté. Je souhaite que nous ouvrions ce débat avec tous les acteurs de l'école et que nous ne le terminions pas simplement par le rappel des priorités budgétaires - tout le monde sera d'accord pour mettre plus d'argent pour l'école ! - mais bien par une volonté commune d'agir ensemble pour faire de l'éducation un véritable choix de société. Ensuite, la solidarité nationale. Dès lors que nous refusons l'individualisation de la couverture sociale, la privatisation de la santé et des services publics comme la remise en question des retraites par répartition, il faut assumer les évolutions nécessaires, mais aussi redéfinir le champ de l'Etat providence. De ce point de vue, nous devons affirmer que le financement collectif (par les cotisations sociales et par l'impôt) de la solidarité nationale doit être la ressource essentielle.
Quel est votre calendrier ?
On pense toujours, dans l'opposition ou au pouvoir, avoir l'éternité devant soi, or rien n'est plus faux ! L'année 2004 sera consacrée aux scrutins cantonal, régional et européen. En 2005, un référendum sera sans doute proposé pour la ratification de la future Constitution européenne. En 2006, nous aurons à choisir notre candidat(e) à la présidentielle de 2007. Nous devons donc préparer les échéances qui viennent, mener la riposte et la contradiction au gouvernement, sans oublier ce qui est la fonction essentielle d'un parti politique: avoir plus d'adhérents pour influencer davantage et, surtout, formuler un projet autour d'un idéal partagé. Enfin, dernier rendez-vous: le rassemblement de la gauche, qui est plus que jamais indispensable, mais dont les formes doivent changer. En 1997, nous l'avons fait dans la " chaleur " de la dissolution. Aujourd'hui, il faut créer une dynamique et une méthode nouvelles ! Je vais proposer la réunion de forums départementaux de toute la gauche, à l'automne, pour élaborer un projet commun dès les régionales, première étape vers des candidatures communes.
Comment ne pas donner l'impression que vous ressuscitez la gauche plurielle ?
La gauche plurielle était une compilation, une alliance de circonstances et non un rassemblement sur un contenu. Aujourd'hui, c'est le projet qui doit être central. Et il doit être élaboré au plus large, à travers des initiatives citoyennes, des rencontres et des débats. Nous devons innover, aller au-delà des partis politiques.
A travers un parti unique de la gauche ?
L'évoquer, c'est le compromettre ! Faisons déjà ce que nous pouvons mener à bien - une fédération, pourquoi pas ? Ce qui compte, c'est d'aller vers l'unité autour d'un projet et des alliances électorales qui lui correspondent, pas l'inverse. Il y a des inquiétudes et des colères multiples qui montent dans la société française (retraites, éducation, santé, chômage) : notre rôle, c'est de leur offrir un débouché politique. Vont-elles s'agréger, vont-elles converger ? Vont-elles s'essouffler dans la rancoeur ? Je n'en sais rien. En revanche, ce qui m'importe, c'est d'exercer notre droit de critique, d'alerte mais c'est surtout de proposer et de formuler des solutions. C'est la meilleure façon de servir la politique et les Français.
Quel visage allez-vous donner au PS qui sortira de Dijon ?
Je serai clair et ferme: ma majorité est diverse, mais unie sur une ligne que chacun a acceptée et devra respecter, ce qui suppose la disparition de tous les brics et les brocs des précédents congrès. C'est ma démarche et je m'y tiendrai. Je dois constituer une équipe de travail à la hauteur de la tâche qui nous attend: ce n'est pas une équipe où je ferai plaisir aux uns et aux autres. Il y aura le renouvellement indispensable et le rajeunissement nécessaire, sans exclure l'expérience au prétexte d'avoir figuré dans tel ou tel gouvernement. Je veux une présence effective du PS à travers une valorisation de l'acte militant, une mobilisation des élus et un parti au service des citoyens. Je compte relancer des groupes d'experts et confier des missions particulières à des personnalités: il sera possible d'animer le parti sans forcément appartenir à l'équipe de direction.
Comment s'opposer à une droite qui paraît donner peu de prise ?
A voir les conflits se multiplier, les prises ne manquent pas. Certes, la droite peut revêtir aujourd'hui une forme différente du passé. A l'évidence, sa communication a changé: hier, la brutalité assumée d'Alain Juppé; aujourd'hui, la rouerie travaillée de Jean-Pierre Raffarin. Les personnalités changent, mais leurs politiques convergent. Après bien des tâtonnements et des prudences, la droite révèle peu à peu son dessein: un Etat minimal, une solidarité réduite à de rares acquis, une " marchandisation " des grandes fonctions collectives : " Vous voulez des droits et des protections: payez-les-vous. " C'est Guizot revisité.
Vous avez longtemps attaqué Jacques Chirac: ne s'est-il pas dégagé du débat national, imposant une stature internationale ?
Jacques Chirac est totalement lié au Premier ministre et donc à son sort ! C'est lui qui l'a choisi, c'est lui qui a composé son gouvernement, toujours lui qui a fixé son carnet de route. La responsabilité du Premier ministre est aussi celle du chef de l'Etat. L'échec de l'un sera l'échec de l'autre, ils ne se protègent pas.
La droite évoque déjà un troisième mandat de Jacques Chirac...
Je ne suis pas sûr que ce soit habile, ni même décent, d'évoquer la prochaine élection alors que le mandat en cours n'a qu'un an... Voilà qui renvoie l'image du candidat permanent plutôt que celle du président réélu. Curieuse communication, dont la seule justification est d'avoir la paix dans sa propre famille.
Et vous ? Quel destin vous voyez-vous ?
J'ai longtemps tenu ma légitimité de Lionel Jospin. Il m'avait désigné pour lui succéder en 1997. Aujourd'hui, je viens de conquérir une majorité sur un projet qui est le mien. Mon objectif est de mettre la gauche en capacité de l'emporter en 2007. Il ne suffit pas d'avoir un bon candidat - nous l'avions en 2002 - ni même un bilan ou des idées: il faut une force susceptible d'être reconnue dans toute la société, beaucoup plus réactive, en prise directe avec les Français. Aujourd'hui, le Parti socialiste affiche une vitalité remarquable, mais aussi une insupportable fragilité : il est capable de faire tantôt 35 % des voix, tantôt 16 % ou 14 % ... Le PS sait gagner les élections. Mais il n'est pas parvenu, jusqu'à présent, à durer dans l'exercice même des responsabilités. Face à une droite unie dans la captation du pouvoir, je veux relever un défi : construire un grand Parti socialiste, à l'image des social-démocraties européennes, suffisamment fort pour réduire l'extrême droite et rassembler toute la gauche sans céder à la mauvaise conscience de l'extrême gauche. Pour le reste, je ne crois pas à l'autoproclamation; tout se mérite et tout se conquiert. La meilleure façon de s'accomplir, c'est de réaliser au mieux sa tâche présente.
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Propos recueillis par Christophe Barbier et Elise Karlin
(Source http://www.psinfo.net, le 15 mai 2003)