Texte intégral
R. Arzt-. F. Hollande, bonjour. Le rassemblement qui a donc eu lieu sur le plateau du Larzac ce week-end a été un succès. Est-ce que c'est un signe de renouveau ou d'une nouvelle vitalité de la contestation selon vous ?
- " En tout cas, je pense que c'est une mobilisation qui peut être utile et qui est d'ores et déjà positive parce que quand on voit des milliers de personnes de toutes générations, de toutes conditions, exprimer un idéal de solidarité, certains pourront dire même une utopie. Mais qu'importe les mots. En tout cas, une volonté de changer le monde. Moi, je ne m'en plains pas parce que je préfère une société active qu'une société passive. Deuxièmement, il y a des questions qui sont posées notamment par rapport à l'avenir de ce qu'on appelle la mondialisation, c'est-à-dire l'organisation de l'économie à l'échelle de la planète. Je pense que ça oblige toutes les formations politiques qui ont vocation à gouverner, à donner leur position. Et la mienne est connue, c'est celle du Parti socialiste, celle qui se pose sur les questions d'alimentation, notamment sur les pays les plus pauvres mais pour les nôtres. Les questions de médicaments, de santé, de développement économique, avoir une volonté de solidarité, de partage et en même temps d'avoir une organisation qui permette et dans les pays dits pauvres et dans les pays dits riches - et ça ne veut pas dire qu'il y ait que des riches loin de là - qui aient une économie qui travaille davantage en fonction des réalités humaines plutôt qu'en fonction simplement des profits. "
Autrement dit, vous approuvez, vous emboîtez le pas de J. Bové quand il demande un grand débat sur l'OMC en France ?
- " Oui, je ne suis pas sûr que nous aurions les mêmes réponses. Ca, c'est affaire de confrontation, mais je pense que la question du débat avant l'ouverture de ce qui s'appelle la session de l'OMC, qui va se tenir à Cancun. Je pense que ce débat est tout à fait nécessaire parce qu'il faut que l'opinion publique soit informée et il faut que chacune des grandes formations politiques donne son point de vue de façon à ce qu'il puisse y avoir même des objectifs communs qui soient posés dans notre pays. "
Et ce J. Bové alors. Personnalisons un peu les choses. Selon vous, en France, il est l'opposant numéro 1 au gouvernement ?
- " Mais chacun est dans son rôle. J. Bové est vu comme leader syndical, puisque je vous le rappelle qu'il est porte-parole de la Confédération paysanne. Il a voulu depuis longtemps mettre l'accent sur un certain nombre de thèmes, sur un certain nombre de démarches. Je pense que c'est respectable et je n'étais pas de ceux qui considéraient que sa place était en prison. Je crois que 200 000 personnes étaient au moins du même avis que le mien et celui des socialistes. Je pense néanmoins que ce sont aux partis politiques, et je pense notamment aux partis politiques de gauche, de donner une traduction qui relève de la contestation, du mouvement, des initiatives, de ce qu'on appelle les rassemblements. Et puis il y a ce qui relève de ce qui est la fonction d'un parti politique - le parti socialiste - qui est de fournir une alternative, et donc un choix le moment venu, c'est-à-dire au moment des élections, pour que les Français puissent eux-mêmes faire d'autres priorités que celles du gouvernement Raffarin. Ce qui s'est passé là est une très mauvaise nouvelle pour le gouvernement Raffarin parce que ça prouve que la contestation, ça prouve que la mobilisation contre sa politique demeure extrêmement forte. "
Et ça ne vous gêne pas vous, je veux dire la gauche d'avoir une extrême gauche qui est en train de s'installer ?
- " Pour moi, ce n'est pas l'extrême gauche. L'extrême gauche, ce sont des partis qui refusent pour l'instant de venir au gouvernement, de prendre leurs responsabilités. De ce point de vue, moi j'ai une contestation, une confrontation très nette engagée avec l'extrême gauche. En revanche, pour ce qui est mouvements, initiatives, à condition de donner un débouché politique. Tout cela contribue à mon avis au renouveau de la gauche. "
Ceux qui étaient donc au Larzac, ce sont donc des amis pour vous. Vous pouvez les appeler camarades.
- " Non, non. Je ne veux récupérer personne parce que ce n'est pas la bonne méthode. Moi, je n'ai fait qu'entendre ceux qui se réfléchissent et ensuite le Parti socialiste doit lui trouver une traduction, une forme et un débouché. C'est cela notre rôle. C'est de donner à la contestation, et par rapport à une société qui râle dont beaucoup ne veulent pas dans notre pays, eh bien donner une perspective et un espoir. C'est ça la responsabilité de la gauche. "
Vous luttez contre ces gens-là, à la fois ce que représente J. Bové et l'extrême gauche ou bien vous êtes obligés en quelque sorte de leur emboîter le pas ?
- " Non, non. Moi, je n'essaie pas de confondre les gens. Pour moi, il y a des mouvements positifs, ce n'est pas l'extrême gauche. Deuxièmement, Il y a une extrême gauche qui veut récupérer et qui veut surtout empêcher qu'il puisse y avoir une traduction politique au niveau gouvernemental et là, c'est un débat à voir. Donc, le rôle du Parti socialiste, c'est surtout de s'adresser aux Français, aux citoyens et d'éviter d'apparaître comme récupérant ou tout à fait passifs, mais au contraire d'être là pour traduire politiquement et de donner un espoir. C'est ce que nous devons construire ensemble pendant les mois qui viennent. Parce que quand on veut changer le monde, ce qui était quand même la grande aspiration dans le Larzac, il faut aussi changer son propre pays. Et puis, si je voulais faire une comparaison, il y a 30 ans les premiers militants du Larzac luttaient contre un camp militaire. C'est F. Mitterrand en 1981 qui leur donnait la consécration. Et bien, ce sera la même chose, là. Beaucoup de ces militants du Larzac veulent une société différente et ce sera à la gauche de leur donner, le moment venu, cette traduction de cet espoir. "
Votre forme de position aujourd'hui pour l'illustrer, est-ce que vous entrez dans la polémique qui est en train de naître sur un manque de préparation et d'action du gouvernement face à la canicule ?
- " Je pense que cette situation est très grave. Avec la sécheresse et la canicule, les conditions s'aggravent pour les agriculteurs parce qu'ils souffrent beaucoup en ce moment, très grave aussi pour les personnes âgées. Et donc, face à cette situation là, j'ai trouvé comme beaucoup, que le Gouvernement avait été passif et inerte. Qu'il ait fallu attendre des incidents dans les centrales nucléaires, qu'il ait fallu attendre des pics de pollution pour qu'il y ait enfin des réunions, c'est quand même un comble parce qu'il n'y a eu aucune consigne particulière en matière de production d'ozone, de production de l'air. Il n'y a pas eu de mesures spécifiques pour l'eau. Il n'y a pas eu de dispositif de précaution pour les centrales nucléaires. Il n'y a pas eu de dispositif de solidarité pour le fourrage en matière alimentaire et donc, je trouve que, là, il y a eu un défaut de réaction du Gouvernement : pas de cellule de crise, pas de décisions fortes et j'allais dire pas de ministres présents et c'est vraiment dommage parce que ça traduit le fait que l'écologie, que la qualité de la vie, que le principe de précaution sont souvent dans les discours et pas dans les faits. "
Que l 'inspecteur Navarro, autrement dit Roger Hanin, adhère au Parti communiste, vous le regrettez ?
" Non, écoutez, je laisse l'inspecteur Navarro faire ses enquêtes comme
il l'entend. "
Oui, enfin, il est quand même assez rude pour le Parti socialiste. Il ne veut même plus vous donner ce nom, il trouve que vous n'avez pas de charisme, vous personnellement.
- " Moi, je n'ai pas à commenter ce que dit Roger Hanin. Je ne suis même pas sûr qu'il soit adhérent au Parti socialiste. En tout cas, il ne l'est plus depuis longtemps. J'allais dire tout ça me passe un peu au-dessus de la tête. "
Vous n'avez pas eu d'explication avec lui ?
- " Non, aucune. Je ne le connais pas d'ailleurs. "
Sauf à la télévision évidemment.
- " Comme tout le monde. "
A l'intérieur du Parti socialiste, on l'a entendu cet été, A. Montebourg notamment, dire que le parti manquait de vigueur. Il a proposé d'ailleurs de donner du Viagra à la direction.
- " Oui, enfin écoutez, je ne suis pas sûr que ce soit les meilleures comparaisons. Nous n'avons pas besoin de ce type de matériel pharmaceutique. Mais ce qu'il faut c'est que tous les socialistes, quelle que soit leur position dans le parti, se rassemblent. Je l'ai fait d'ailleurs dans le congrès, pour mener ce travail d'opposition parce que je crois que les citoyens en ont besoin. Et, surtout d'une opposition qui veut traduire en actes bientôt ce qui sera sa proposition ou sa restriction. Parce que je crois que nous avons besoin sur chaque sujet, nous l'avons vu sur l'écologie, les principes de précaution, sur le budget - il y aurait beaucoup à dire -, sur les choix fiscaux Nous avons besoin d'autres politiques. Nous avons nous-mêmes des comparaisons à établir, à travers de ce que nous avions fait hier, et surtout sur ce que nous devons faire demain. La question de la proposition, de la réflexion alternative, c'est maintenant la question essentielle pour les socialistes. "
Toute dernière question, vous allez avoir une université d'été du parti socialiste à La Rochelle dans 15 jours. Est-ce que le militant Lionel Jospin sera présent ?
- " Il ne m'a pas laissé penser qu'il le serait. Je pense qu'il le sera dans d'autres réunions le moment venu. Là, il s'agit de notre question de rentrée où toute la question va être - non pas la présence de Lionel Jospin - sur chaque sujet, d'apporter les choix, les réponses des socialistes sur chaque domaine de l'action publique : budget, sécurité sociale, éducation, culture. Il faut montrer qu'il y a par rapport à la politique de J.-P. Raffarin une autre politique, une autre pratique. "
(Source : http://www,partisocialiste,fr, le 07 octobre 2003)