Texte intégral
Q - Etes-vous satisfait du projet de résolution déposé par les Etats-Unis à l'ONU pour créer une force multinationale en Irak ?
R - Nous sommes confrontés en Irak à une triple menace : une vague de violence et de terrorisme qui ne peut être réduite à la seule organisation Al Qaïda ; un regain de tensions et de divisions entre les différentes communautés qui laisse entrevoir le spectre de la guerre civile ; enfin, des interférences et des arrière-pensées régionales. Il faut casser ce cercle vicieux. La France veut contribuer à la recherche d'une solution qui soit à la hauteur des difficultés. C'est pourquoi nous abordons cette nouvelle étape dans un esprit constructif et ouvert. Le projet américain témoigne d'une volonté plus marquée de s'inscrire dans le cadre des Nations unies. Cela va dans le bon sens. Cependant, ce texte ne modifie pas fondamentalement le cadre actuel : il reste essentiellement inspiré par une logique de sécurité et ne prend pas suffisamment en compte la nécessité politique de redonner rapidement à l'Irak sa souveraineté en transférant à ses institutions le pouvoir exécutif. La France y voit la condition de la remise en marche de l'Irak. Enfin, le projet de résolution ne donne pas assez de responsabilités aux Nations unies dans le processus de transition politique.
Q - Que veut la France ?
R - La conviction de la France, c'est qu'il faut procéder sans délai à la dévolution du pouvoir politique aux Irakiens. C'est véritablement le point de départ : on ne fera rien sans les Irakiens. Il y a urgence car il faut un électrochoc pour convaincre le peuple irakien de se mobiliser de nouveau.
Q - La France va-t-elle coopérer avec les Etats-Unis pour améliorer le texte ?
R - Absolument. Nous allons faire des propositions, en liaison avec nos partenaires du Conseil de sécurité. Nous en avons parlé ces derniers jours avec nos amis britanniques et russes. Hier, à Dresde, nous avons constaté une très large convergence de vues avec le chancelier Schröder et mon collègue Joschka Fischer. Nous proposons une approche globale permettant de passer d'une logique d'occupation à une logique de souveraineté. Concrètement, il faut redonner dès maintenant aux Irakiens la maîtrise de leur propre destin : le Conseil de sécurité doit décider de restituer aux Irakiens leur souveraineté dans un délai très court. Cela doit être une affaire de quelques mois.
Q - Le conseil de gouvernement intérimaire peut-il devenir un organe dépositaire de la souveraineté du pays ?
R - Il faut transférer rapidement aux instances irakiennes actuelles la réalité du pouvoir, c'est-à-dire l'administration civile et financière du pays. Cela implique sans doute une réorganisation de ces différentes instances pour leur permettre de jouer le rôle d'un vrai gouvernement de transition. Au-delà, il faut traiter le problème de l'avenir de l'Irak et définir clairement un processus constitutionnel et électoral, assorti d'un calendrier précis et resserré. Cette phase de transition politique devra être établie en liaison avec les Nations unies ainsi qu'avec le soutien des pays de la région.
Q - En ce qui concerne la reconstruction et la sécurité, que proposez-vous ?
R - L'instauration d'une pleine transparence dans la gestion des ressources, notamment pétrolières, de l'Irak constitue un préalable. Mais il faut aller au-delà. Pour réussir la reconstruction, les autorités irakiennes de transition doivent retrouver la maîtrise des recettes du pays et la pleine compétence budgétaire.
S'agissant de la sécurité, elle est indissociable du volet politique et économique. S'il doit y avoir une force multinationale, elle doit donc être au service des nouvelles autorités irakiennes. Il faudra aussi un mandat clair des Nations unies, avec des rapports fréquents et réguliers au Conseil de sécurité. Encore une fois, les forces présentes sur le terrain doivent venir en appui du processus politique.
Q - En fonction de vos demandes, un compromis vous paraît-il possible avec les Américains ?
R - Nous voulons trouver les voies d'un accord aux Nations unies. Mais il faut le faire sur des bases claires : nous ne voulons ni demi-mesures ni solutions ambiguës. Nous ne pouvons pas prendre le risque d'adresser un signal confus dans la période actuelle. Nous voyons bien à quel point la situation est dangereuse. La France est prête à prendre ses responsabilités en Irak, mais nous devons le faire dans un cadre qui garantisse toutes les chances de l'efficacité et du sursaut. Cela implique que nous tirions ensemble les leçons des derniers mois. Américains et Français sont d'accord pour dire que le statu quo n'est pas acceptable.
Q - Sachant que le chaos résulte d'une intervention militaire contre laquelle la France avait mis en garde, ne serait-il pas logique aujourd'hui de refuser de payer les pots cassés ?
R - Aujourd'hui, les conditions ne sont clairement pas réunies pour un engagement de la France. Mais personne ne peut être indifférent face à la situation actuelle en Irak et dans la région. Soyons lucides et responsables : dans un monde marqué par le danger et l'interdépendance, une partie de notre destin commun se joue aujourd'hui à Bagdad.
Q - La Russie n'exclut pas d'envoyer des troupes en Irak. La France est-elle de plus en plus isolée au Conseil de sécurité ?
R - Certainement pas. La concertation doit s'intensifier. La guerre est terminée. Aujourd'hui, on ne peut plus raisonner en termes de "camp de la guerre" ou "camp de la paix". Pour autant, nous ne renonçons pas à nos principes. Avec l'Allemagne, nous allons maintenir à chaque étape une étroite concertation pour définir une position commune. La coopération est permanente également avec la Russie ainsi qu'avec l'ensemble de nos partenaires du Conseil de sécurité. La question est de savoir répondre à la situation de façon efficace. Pour réussir la stabilisation et la reconstruction de l'Irak, il faut changer véritablement de logique pour obtenir des résultats. Il faut faire le choix d'une approche résolument politique.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 08 septembre 2003)
R - Nous sommes confrontés en Irak à une triple menace : une vague de violence et de terrorisme qui ne peut être réduite à la seule organisation Al Qaïda ; un regain de tensions et de divisions entre les différentes communautés qui laisse entrevoir le spectre de la guerre civile ; enfin, des interférences et des arrière-pensées régionales. Il faut casser ce cercle vicieux. La France veut contribuer à la recherche d'une solution qui soit à la hauteur des difficultés. C'est pourquoi nous abordons cette nouvelle étape dans un esprit constructif et ouvert. Le projet américain témoigne d'une volonté plus marquée de s'inscrire dans le cadre des Nations unies. Cela va dans le bon sens. Cependant, ce texte ne modifie pas fondamentalement le cadre actuel : il reste essentiellement inspiré par une logique de sécurité et ne prend pas suffisamment en compte la nécessité politique de redonner rapidement à l'Irak sa souveraineté en transférant à ses institutions le pouvoir exécutif. La France y voit la condition de la remise en marche de l'Irak. Enfin, le projet de résolution ne donne pas assez de responsabilités aux Nations unies dans le processus de transition politique.
Q - Que veut la France ?
R - La conviction de la France, c'est qu'il faut procéder sans délai à la dévolution du pouvoir politique aux Irakiens. C'est véritablement le point de départ : on ne fera rien sans les Irakiens. Il y a urgence car il faut un électrochoc pour convaincre le peuple irakien de se mobiliser de nouveau.
Q - La France va-t-elle coopérer avec les Etats-Unis pour améliorer le texte ?
R - Absolument. Nous allons faire des propositions, en liaison avec nos partenaires du Conseil de sécurité. Nous en avons parlé ces derniers jours avec nos amis britanniques et russes. Hier, à Dresde, nous avons constaté une très large convergence de vues avec le chancelier Schröder et mon collègue Joschka Fischer. Nous proposons une approche globale permettant de passer d'une logique d'occupation à une logique de souveraineté. Concrètement, il faut redonner dès maintenant aux Irakiens la maîtrise de leur propre destin : le Conseil de sécurité doit décider de restituer aux Irakiens leur souveraineté dans un délai très court. Cela doit être une affaire de quelques mois.
Q - Le conseil de gouvernement intérimaire peut-il devenir un organe dépositaire de la souveraineté du pays ?
R - Il faut transférer rapidement aux instances irakiennes actuelles la réalité du pouvoir, c'est-à-dire l'administration civile et financière du pays. Cela implique sans doute une réorganisation de ces différentes instances pour leur permettre de jouer le rôle d'un vrai gouvernement de transition. Au-delà, il faut traiter le problème de l'avenir de l'Irak et définir clairement un processus constitutionnel et électoral, assorti d'un calendrier précis et resserré. Cette phase de transition politique devra être établie en liaison avec les Nations unies ainsi qu'avec le soutien des pays de la région.
Q - En ce qui concerne la reconstruction et la sécurité, que proposez-vous ?
R - L'instauration d'une pleine transparence dans la gestion des ressources, notamment pétrolières, de l'Irak constitue un préalable. Mais il faut aller au-delà. Pour réussir la reconstruction, les autorités irakiennes de transition doivent retrouver la maîtrise des recettes du pays et la pleine compétence budgétaire.
S'agissant de la sécurité, elle est indissociable du volet politique et économique. S'il doit y avoir une force multinationale, elle doit donc être au service des nouvelles autorités irakiennes. Il faudra aussi un mandat clair des Nations unies, avec des rapports fréquents et réguliers au Conseil de sécurité. Encore une fois, les forces présentes sur le terrain doivent venir en appui du processus politique.
Q - En fonction de vos demandes, un compromis vous paraît-il possible avec les Américains ?
R - Nous voulons trouver les voies d'un accord aux Nations unies. Mais il faut le faire sur des bases claires : nous ne voulons ni demi-mesures ni solutions ambiguës. Nous ne pouvons pas prendre le risque d'adresser un signal confus dans la période actuelle. Nous voyons bien à quel point la situation est dangereuse. La France est prête à prendre ses responsabilités en Irak, mais nous devons le faire dans un cadre qui garantisse toutes les chances de l'efficacité et du sursaut. Cela implique que nous tirions ensemble les leçons des derniers mois. Américains et Français sont d'accord pour dire que le statu quo n'est pas acceptable.
Q - Sachant que le chaos résulte d'une intervention militaire contre laquelle la France avait mis en garde, ne serait-il pas logique aujourd'hui de refuser de payer les pots cassés ?
R - Aujourd'hui, les conditions ne sont clairement pas réunies pour un engagement de la France. Mais personne ne peut être indifférent face à la situation actuelle en Irak et dans la région. Soyons lucides et responsables : dans un monde marqué par le danger et l'interdépendance, une partie de notre destin commun se joue aujourd'hui à Bagdad.
Q - La Russie n'exclut pas d'envoyer des troupes en Irak. La France est-elle de plus en plus isolée au Conseil de sécurité ?
R - Certainement pas. La concertation doit s'intensifier. La guerre est terminée. Aujourd'hui, on ne peut plus raisonner en termes de "camp de la guerre" ou "camp de la paix". Pour autant, nous ne renonçons pas à nos principes. Avec l'Allemagne, nous allons maintenir à chaque étape une étroite concertation pour définir une position commune. La coopération est permanente également avec la Russie ainsi qu'avec l'ensemble de nos partenaires du Conseil de sécurité. La question est de savoir répondre à la situation de façon efficace. Pour réussir la stabilisation et la reconstruction de l'Irak, il faut changer véritablement de logique pour obtenir des résultats. Il faut faire le choix d'une approche résolument politique.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 08 septembre 2003)