Interview de M. Philippe Douste-Blazy, secrétaire général de l'UMP, à France 2 le 9 septembre 2003, sur la gestion des conséquences de la canicule à Toulouse et au niveau national et sur la politique budgétaire.

Prononcé le

Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

F. Laborde-. Avec P. Douste-Blazy ce matin, nous allons évidemment évoquer l'actualité de l'UMP mais aussi celle de l'élu et du maire de Toulouse, en revenant un peu sur la gestion du dossier canicule. Dans cette affaire, il y a eu ce rapport global, mais on voit bien que d'une commune à l'autre, d'une mairie à l'autre, d'une municipalité à l'autre, les choses n'ont pas été réglées exactement toujours de la même façon. Cas concret : Toulouse. Qu'avez-vous fait ? Comment avez-vous fait ?
- "D'abord, il y a un élément important, c'est que les chiffres à Toulouse et en Midi-Pyrénées étaient plutôt bons, parce que près de 10 % des personnes âgées de plus de 75 ans en Midi-Pyrénées, vivent avec leurs parents, en cohabitation familiale. En ruralité, en dehors de Toulouse, dans le Gers, dans les Hautes-Pyrénées, dans l'Aveyron, il y a là une sorte d'habitude. C'est important comme conclusion. Cela veut dire que nous avons un examen de conscience à faire : ne laissons pas les personnes âgées seules."
Là où il y a une culture familiale, régionale, traditionnelle forte, il y a effectivement une mortalité moins importante et c'est d'abord une responsabilité individuelle...
- "Tout simplement, les enfants et les petits-enfants ont vu le début de déshydratation, les débuts de signe clinique, donc les ont amenés à l'hôpital ou tout simplement ont fait boire les grands-parents. Deuxièmement, nous avons décidé qu'il y aurait, par étage, dans chaque service de gériatrie - qui s'occupe des personnes âgées - une pièce climatisée pour que les personnes âgées viennent au moins deux, trois, quatre heures, cinq heures par jour se rafraîchir et se reposer. Et puis je crois qu'en définitive, ce qui s'est passé, c'est la prévention qui n'a pas fonctionné. Lorsqu'on a un facteur température 40° pendant trois jours à la suite [...] et un degré d'hygrométrie très élevé, on sait qu'il va y avoir une catastrophe sanitaire pour les personnes âgées. C'est la première fois qu'il y a des canicules avec des personnes âgées dépendantes ; personne ne l'a dit, mais c'est la première fois. En 1945-46, la dernière fois, il n'y avait pas cela. Au XIXème siècle, encore moins. Donc il faut aujourd'hui prendre en considération ce sujet, et surtout, à ce moment-là, lorsqu'il y a ces facteurs, se servir de la télévision publique, se servir des médias télévisés pour donner des informations aux personnes âgées. Cela s'appelle l'éducation pour la santé, et malheureusement, notre pays, depuis très longtemps, est en retard culturel en termes d'éducation pour la santé. Que ce soit à l'école primaire, que ce soit pour les personnes âgées, ce pays n'est pas au niveau en termes d'éducation pour la santé. Quand j'étais ministre de la Santé, j'avais essayé de faire bouger les choses, B. Kouchner aussi, J.-F. Mattei va le faire aussi maintenant, mais il faut vraiment que l'on se développe à ce niveau."
Le rapport qui a été commandé par J.-F. Mattei est plutôt accablant pour l'Institut de veille sanitaire, au point que ce matin, dans la presse, son président, G. Brücker, dit que s'il le faut, il donnera sa démission et rendra son tablier. Les généralistes sont aussi mis en cause. Est-ce que ce n'est pas un peu injuste de pointer du doigt tel ou tel responsable ? Les généralistes, après tout, peuvent aussi partir en vacances...
- "D'autant plus que G. Brücker est un excellent professeur de santé publique, reconnu dans le monde de la santé publique. Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a un manque de coordination entre les différentes administrations - la direction générale de la santé, les urgentistes. Par exemple, le fait qu'il y ait un apport incroyablement important de personnes âgées aux urgences, n'a rien déclenché. C'est cela qui me paraît le plus important. C'est le système d'alertes qui doit être mis en place. L'Institut de veille sanitaire, il constate seulement, il analyse."
Quand les urgences sont totalement dépassées parce que les malades arrivent, que faut-il faire ?
- "C'est un sujet considérable. Pour avoir dirigé un service d'urgences longtemps à Toulouse, lorsque vous avez un service d'urgences et lorsque votre service d'urgences est plein, vos trente lits sont pleins, vous téléphonez à tous les services de l'hôpital pour qu'on vous prenne ceux qui vont mieux. Si on ne vous les prend pas, vous ne pouvez pas accueillir de nouveaux arrivants, donc c'est une saturation. Il faut en effet que dans chaque service d'urgences, à côté des services d'urgences, il y ait un sas, un autre service de vingt lits qui permette à ceux qui vont mieux de sortir des urgences, et alors il y aura moins de saturation."
Après ce dossier médical, passons à l'aspect budgétaire. On s'est rendu compte récemment, notamment à l'occasion des universités d'été de l'UMP à Moliets dans les Landes, qu'il y avait un peu de tension, d'inquiétude ou de questionnement autour du fameux pacte de stabilité et l'idée que la France n'est pas très vertueuse en matière de budget - ça dérape, on va trop loin - et on a appris hier qu'il y aurait peut-être une annulation de crédits. Est-ce que la France va essayer de revenir dans les rails de l'Europe ?
- "D'abord, l'UMP est fondamentalement européenne, et le Gouvernement, et surtout le parti également. Etre Européen aujourd'hui, c'est comprendre qu'il y a peu de croissance internationale et c'est vouloir créer de l'emploi. Comment crée-t-on de l'emploi ? Par la croissance. Comment gagne-t-on un petit point de croissance ? Tout simplement, en diminuant les impôts et en donnant un peu plus d'argent dans la poche de nos concitoyens. Ils consomment un peu plus et ils font repartir la machine. Ou alors, tout simplement, ils ont envie de prendre des initiatives et les chefs d'entreprise créent des emplois. C'est la seule solution. Donc, évidemment, il faudrait que dans le pacte de stabilité et de croissance à venir, il y ait une petite modification."
C'est-à-dire qu'on laisse un peu plus de liberté en fonction de la conjoncture économique ?
- "Autant de rigueur et encore plus de rigueur qu'avant sur les dépenses de fonctionnement, le nombre de fonctionnaires, les dépenses de l'Etat ; encore plus de rigueur en période de croissance. En 1999-2000, regardez José Maria Aznar, le Premier ministre espagnol : il a profité de la croissance extraordinaire pour diminuer ce déficit à zéro. Et maintenant, il peut faire un peu de déficit. Nous, on ne l'a pas fait à l'époque ; les socialistes n'ont pas jugé bon de le faire. Mais maintenant que nous sommes en période de croissance basse, c'est là où il faut accepter de faire un peu de déficit pour ne pas faire rentrer le pays dans la récession. On parle beaucoup de l'Europe politique, de l'Europe puissance. C'est pour quoi l'Europe puissance ? C'est pour peser dans le monde comme les Etats-Unis. Les Etats-Unis sont à 4 % de déficit. Il faut aussi jouer dans le monde [où] nous sommes. Encore une fois, avec le pacte de stabilité, nous sommes aussi rigoureux et autant rigoureux que les autres, et J.-P. Raffarin peut-être encore plus que les autres ; il ne peut pas entraîner notre pays en récession."
Sur cette question-là, il n'y a pas des divergences entre l'UMP, l'UDF ? Vous avez dit récemment que vous souhaitiez le dialogue, le rapprochement ? Est-ce que cela ne peut pas être une faille ou une petite fracture entre les familles, entre ces sensibilités-là ?
- "Nous avons reçu à l'UMP, il y a 48 heures, le fondateur de l'UDF, V. Giscard d'Estaing. Et nous avons pu parler avec lui. Et d'ailleurs, il a profité de ces Journées européennes de la jeunesse, où il y avait 2 000 jeunes, pour expliquer que le pacte de stabilité, c'est un pacte en effet rigoureux. Il ne s'ait pas pour nous de laisser dériver les dépenses de fonctionnement. Donc oui, baisser les impôts ; oui, augmenter le revenu, y compris de ceux qui ne paient pas d'impôt, par la prime pour l'emploi. Mais en même temps, être Européen aujourd'hui, c'est faire, comme l'a dit V. Giscard d'Estaing, aussi de la croissance."
Est-ce que dans les crédits qu'on va annuler - cela a été annoncé -, il y aura des annulations de crédits militaires ? On se rend compte que c'est le budget de la Défense qui a quand même le plus augmenté...
- "C'est le Premier ministre et le chef de l'Etat, puisqu'il est le chef des armées, qui vont décider cela. Mais on voit bien que ce n'est pas de l'austérité, ce n'est pas du laxisme ; c'est du courage politique, c'est-à-dire faire des choix et faire des économies. Il faut le faire."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 septembre 2003)