Editoriaux de Mme Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte ouvrière dans "Lutte ouvrière" les 3, 11, 18, 25 et 31 mars 2003, sur son opposition à la guerre en Irak, sur les licenciements collectifs, sur les retraites et le service public.

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Média : Lutte Ouvrière

Texte intégral


Le 3 mars 2003
NON A LA GUERRE CONTRE L'IRAK, A BAS LA DICTATURE DES TRUSTS QUI LA VEULENT
Dans quelques semaines, quelques jours peut-être, l'armée du pays le plus puissant et le plus riche du monde, flanquée de quelques alliés, partira à l'assaut d'un pays pauvre. Les prétextes invoqués pour agresser l'Irak ont beau s'évanouir les uns après les autres, ce pays a beau ouvrir toutes ses portes devant les inspecteurs de l'ONU et détruire son armement sur leurs injonctions, les dirigeants américains affichent leur détermination à déclencher la guerre.
Tout le monde sait que la guerre sera meurtrière. Tout le monde sait que des centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants vont mourir sous les bombes ou de faim. Tout le monde sait que ce pays, déjà meurtri par la guerre du Golfe, ruiné par 12 ans de bombardements, appauvri par un embargo international, sera transformé en champ de ruines. Cela ne fait rien : la guerre aura lieu quand même, répètent les dirigeants américains.
Mais qui a intérêt à cette guerre ? Certainement pas les peuples, pas même celui des Etats-Unis. Car si la guerre fera des victimes surtout en Irak, elle en fera aussi parmi les soldats américains. Et, dans les manifestations contre la guerre aux Etats-Unis même, beaucoup ont évoqué le souvenir des "body bags", ces sacs dans lesquels avaient été rapatriés les corps des soldats morts au Vietnam, dans une guerre qui n'était pas la leur. L'état-major américain en aurait déjà commandé plusieurs milliers.
Oui, la guerre qui se prépare est une guerre abjecte, injustifiable, menée au détriment et contre la volonté des peuples. Et pourtant, on se prépare à la mener. On nous parle de démocratie mais on voit bien que les décisions, ce ne sont pas les peuples qui les prennent. Derrière les va-t-en guerre de l'équipe Bush, ceux qui décident, ce sont ces groupes capitalistes, les uns de l'industrie d'armement, les autres du pétrole, ceux aussi qui guignent les chantiers de reconstruction d'un pays qu'ils auront eux-mêmes détruit. Le gouvernement américain représente les intérêts de ces groupes, et rien d'autre.
En se désolidarisant dans une certaine mesure des dirigeants américains, Chirac s'est forgé une certaine popularité, en France comme sur le plan international. Mais il ne constitue pas un rempart contre la guerre, et il le sait. Pas seulement parce que les Etats-Unis disent et répètent qu'ils n'ont pas besoin de l'approbation de leurs alliés et encore moins de leur aide militaire pour déclencher leur guerre. Mais aussi parce que Chirac se situe dans la même optique que les Etats-Unis : il faut mettre au pas l'Irak. Chirac veut seulement donner plus de temps aux inspecteurs. Mais, pendant que ces derniers obligent l'Irak à détruire son armement, les Etats-Unis accumulent de plus en plus d'armes dans la région. Tout se passe comme si les deux camps qui se sont dessinés dans le monde impérialiste étaient des compères : pendant que les uns désarment la victime, les autres se préparent à l'égorger.
Complices, toutes les puissances impérialistes le sont, même si, dans la guerre à venir, c'est la plus puissante d'entre elles, les Etats-Unis, qui est la plus belliqueuse. L'histoire de l'impérialisme, c'est l'histoire de guerres pour imposer aux peuples du monde entier la loi des grands groupes industriels et financiers.
Combien de guerres, combien de morts, pour permettre aux groupes capitalistes français ou anglais de mettre la main qui sur l'Algérie ou la moitié de l'Afrique, qui sur les Indes ? Combien de guerres pour se disputer pétrole, matières premières et marchés ? La domination du capitalisme sur le monde, ce n'est pas seulement l'exploitation, le pillage, le chômage ou la misère pour la majorité afin qu'une minorité s'enrichisse, c'est aussi les guerres pour imposer tout cela.
Alors, il faut que se manifeste l'opposition à la guerre infâme qui se prépare. Mais il faut aussi que l'on se souvienne qu'il n'y aura pas de paix sur cette planète, il n'y aura pas de relations fraternelles entre les peuples tant que le monde est soumis à la dictature d'une poignée de grands groupes capitalistes.

Arlette Laguiller
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 6 mars 2003)
Le 11 mars 2003
LICENCIEMENTS COLLECTIFS, MENACES DE GUERRE : DEUX ASPECTS DU CAPITALISME !
Les deux têtes de l'équipe gouvernementale, Chirac et Raffarin, se sont partagé les tâches.
Le premier pose au champion de l'opposition à la guerre en Irak. Cela ne l'engage à rien, car il est bien évident que Bush se passera de son autorisation, et de celle de quiconque, s'il décide, comme tout le laisse prévoir, d'attaquer l'Irak. Cette opposition est d'autant plus hypocrite que Chirac est d'accord sur le fond avec Bush : il n'a jamais protesté contre les bombardements américains qui se poursuivent depuis douze ans sur ce pays, ni contre l'embargo imposée par l'ONU, dont souffre évidemment bien plus la population pauvre que les riches ou que l'entourage du dictateur Saddam Hussein, et il se dit d'accord avec Bush sur le fait qu'il faudrait, d'après eux, désarmer l'Irak. Le président français ne diffère de celui des USA que sur la meilleure manière de mettre l'Irak au pas. Chirac, le champion de la reprise des essais nucléaires à Mururoa, au moment de son arrivée au pouvoir en 1995, a décidément aussi bonne mine que Bush, le chef de la plus grande puissance militaire du monde, en adversaire des "armes de destruction massive". Mais cette opposition toute formelle à la guerre qui se prépare peut valoir à Chirac une certaine popularité, par rapport à une opinion publique très majoritairement opposée à toute participation de la France à une guerre contre l'Irak.
De son côté Raffarin s'emploie, plus discrètement, à diriger l'offensive contre le niveau de vie du monde du travail que le Medef appelle de ses voeux, ou à y présider. Alors que la liquidation de Metaleurop vient d'être décidée, on attend encore la moindre action du gouvernement contre ceux que Chirac (assurément champion des bonnes paroles qui ne coûtent pas cher) qualifiait il n'y a pas si longtemps de "patrons voyous". Les annonces de plans de licenciements se poursuivent sans discontinuer, la dernière menace en date étant celle d'une "restructuration" du groupe Thales (ex-Thomson-CSF) qui pourrait entraîner la suppression de 10 000 emplois. Et alors que tout laisse prévoir une forte hausse du chômage dans les mois qui viennent, le gouvernement continue à préparer sa "réforme des retraites", qui consistera à faire cotiser les salariés (du privé comme du public) plus, et plus longtemps, pour une retraite de plus en plus maigre.
Les menaces de guerre en Irak et la situation faite aux travailleurs dans ce pays ne sont pas des problèmes sans rapport. Ce sont deux conséquences de la logique du système capitaliste, dans lequel les politiciens qui présentent ce système économique comme le meilleur possible s'emploient à dissimuler sous de grands discours, au nom du "droit" ou de la "lutte contre le mal", le fait qu'ils sont au service des privilégiés de ce monde.
C'est pourquoi critiquer la politique anti-ouvrière de Raffarin, et se féliciter de la politique étrangère de Chirac, comme le font le PS et le PCF, est un non-sens. Chirac et Bush sont au même titre les serviteurs d'une logique où ce sont les intérêts d'une toute petite minorité de privilégiés qui priment sur ceux de la grande masse de la population, et sur ceux des peuples des pays pauvres.
Le pétrole du moyen-orient et les bénéfices que les trusts américains peuvent tirer de la guerre ont bien plus d'importance aux yeux de Bush que les milliers de victimes civiles, mortes ou handicapées à vie, que sa croisade contre l'Irak ne manquera pas de provoquer. Comme les Chirac, les Raffarin, et le grand patronat dont ils défendent les intérêts, se moquent de jeter des milliers de travailleurs à la rue, de les réduire à la misère, de ruiner des régions entières, si cela peut accroître encore plus les profits capitalistes.
Face à ce cynisme des possédants et des politiciens à leur service, il est nécessaire que le monde du travail fasse entendre sa voix. C'est pourquoi Lutte Ouvrière s'associera à toutes les manifestations qui seraient organisées dans les jours qui viennent contre la guerre impérialiste qui se prépare, et contre les menaces que le gouvernement et le MEDEF font planer sur les conditions de vie de la population laborieuse. Et elle appelle les travailleurs à y participer massivement.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 17 mars 2003)
le 18 mars 2003

A BAS L'INTERVENTION EN IRAK ! A BAS LA GUERRE !
Le massacre programmé depuis des mois va donc se déclencher, si cela n'est pas déjà fait au moment où ce bulletin sera distribué. Les quelque 300 000 hommes rassemblés aux frontières de l'Irak vont envahir ce pays. Un déluge de bombes et d'obus va semer la mort dans sa population. Ce sera la réédition, douze ans plus tard, en pire sans doute, de cette première guerre du Golfe, dont on connaît le dramatique bilan : des centaines de milliers de victimes, auxquelles se sont ajoutées les souffrances et les morts provoquées par l'embargo qui a suivi.
On n'essaye même pas, cette fois, de nous faire croire que cette guerre sera chirurgicale, n'atteignant que des objectifs militaires. Qui le croirait d'ailleurs ? On ne cache plus qu'elle fera de nombreuses victimes, du côté irakien évidemment, et beaucoup moins mais un peu quand même au sein des troupes d'intervention. Pour seule justification, on nous dit que c'est le prix à payer. Mais à payer pour quoi ?
Pour établir en Irak un régime démocratique remplaçant la dictature de Saddam Hussein ? Qui peut croire à une telle fable ? Les régimes sur lesquels se sont appuyées les autorités américaines et leurs alliés pour préparer l'invasion de l'Irak ne sont pas plus démocratiques. Tous, aussi bien l'Arabie Saoudite que le Koweit, sont des régimes absolutistes et encore plus réactionnaires que l'Irak. Et cela ne dérange ni Bush, ni Blair, ni les dirigeants des autres grandes puissances, ni l'ONU.
Les dirigeants américains ne font pas mystère de leurs intentions quand ils déclarent qu'ils vont remplacer Saddam Hussein par un régime à leur dévotion, surveillé par un comité de surveillance composé de représentants américains. Ce ne sera pas pour assurer plus de libertés au peuple irakien, qui continuera à subir la misère sans pouvoir se défendre plus qu'avant. Et le peuple kurde ne trouvera pas plus de liberté non plus.
Tout le monde va souffrir de cette guerre, si ce n'est quelques dizaines de grands trusts. Ceux du pétrole, principalement. Et au-delà de ceux qui veulent mettre la main sur tout ce qui est profitable en Irak même, il y a tous ceux qui mettent le Moyen Orient en coupe réglée et qui veulent que leur ordre y règne.
Alors oui, cette guerre est injuste et révoltante.
Parce qu'elle va se traduire par le massacre de toute une population, déjà exsangue, qui n'est pourtant en rien responsable d'un dictateur mis en place par les grandes puissances elles-mêmes. Elle est odieuse parce qu'il s'agit, pour Bush et Blair qui l'ont décidée, et pour tous ceux, plus hypocrites qui leur laissent les mains libres, de remplacer une dictature par celle, non moins odieuse, des compagnies pétrolières et des trusts, appuyée sur les troupes d'occupation de la plus puissante armée du monde.
Cette guerre nous concerne tous. D'abord parce que ce sont les populations qui vont payer la note, y compris ici. La récession économique qu'elle entraînera conduira le gouvernement à réduire encore les crédits pour les dépenses sociales et collectives.
Mais n'oublions pas que les dirigeants de ces grandes puissances impérialistes, qu'ils soient parmi les belligérants ou qu'ils fassent semblant de s'en démarquer comme Chirac, sont des adversaires du monde du travail. Chirac en particulier se servira de la popularité qu'il s'est acquise en se démarquant de Bush pour nous faire accepter les mesures dirigées contre les travailleurs que le gouvernement Raffarin se prépare à prendre.
Cette guerre n'est pas la nôtre. Et nous devons l'affirmer en manifestant, sur les lieux de travail et en participant à toutes les initiatives protestant contre cette guerre ignoble.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 19 mars 2003)

le 25 mars 2003
UN PEUPLE SAIGNE AU PROFIT DES TRUSTS DU PETROLE !
Il est manifeste, après plusieurs jours de guerre en Irak, que les envahisseurs américains ne sont pas accueillis en libérateurs. Les troupes d'invasion ont pourtant commencé par le sud de l'Irak dont la population a particulièrement souffert de la dictature de Saddam Hussein. Mais si la population hait le dictateur, cela ne signifie pas pour autant qu'elle veut que l'Irak se transforme en semi-colonie anglo-américaine. En outre, la population chiite de cette région a toutes les raisons de garder le souvenir de la guerre du Golfe, il y a douze ans. Saddam Hussein avait, à l'époque, écrasé leur révolte avec la complicité des troupes américaines. Les Etats-Unis avaient fait alors la démonstration qu'ils préféraient encore Saddam Hussein à l'insurrection armée de la population.
L'état-major américain a si peu d'illusion sur les sentiments de la population qu'il a décidé de contourner la grande ville de Bassorah plutôt que tenter de l'occuper. Il craint manifestement que les combats de rue soient difficiles au point de retarder l'avance de l'armée vers Bagdad.
Au fil des jours, disparaît aussi le mythe d'une guerre "propre", distillé par la propagande américaine, avec des "bombardements chirurgicaux" des seuls sites stratégiques. Si un avion britannique a pu être abattu, par mégarde, par un missile américain, on imagine bien que les bombes n'épargnent pas les habitations civiles autour des bâtiments officiels ! Les premières images d'enfants blessés ou de civils morts ont commencé à révéler la réalité de la guerre, le sang, les souffrances. Mais, au-delà des victimes filmées par la télévision, combien d'autres morts et blessés ? Combien d'autres encore à venir ? Et combien d'hommes, de femmes, d'enfants, de vieillards entassés dans leurs caves, tremblant de peur, à Bagdad, à Mossoul et dans les villes qui subissent la puissance de feu des deux armées les plus équipées de la planète ?
Les armées d'invasion comptent, de leur côté, leurs premières victimes, des soldats morts dans cette sale guerre, victimes parfois des ratés de leur propre matériel. Bush vient de les avertir que la guerre risque d'être plus dure. Il méprise en réalité presque autant la vie de ses propres soldats que la vie de ceux d'en face. Les communiqués de l'état-major américain se vantent de la rapidité avec laquelle les troupes avancent vers Bagdad. Mais une fois cette ville de 5 millions d'habitants atteinte, combien de morts pour la prendre ?
Et tout cela pour quoi ? Pour chasser le dictateur qu'est Saddam Hussein ? Mais tous les pays des alentours qui servent de bases arrières aux troupes américaines sont dominés par des rois, des émirs, qui ne valent pas mieux que Saddam Hussein !
Cette guerre n'est certainement pas une guerre pour la démocratie ou pour la liberté du peuple irakien. C'est une guerre de brigandage que ne masque même pas une caution de l'ONU. Une guerre impérialiste, pour contrôler le Moyen-Orient et ses puits de pétrole. Du profit en plus pour les trusts de l'armement ou du pétrole que la population d'un pays déjà pauvre devra payer par du sang et des destructions aujourd'hui, par une misère plus grande pour les années à venir. Pensons-y en faisant le plein dans une station d'essence portant la marque d'un de la douzaine de trusts du pétrole qui se partagent le monde !
Dans les manifestations qui se sont déroulées un peu partout, on a vu des pancartes traitant Bush de fou furieux. Mais la folie sanguinaire n'est pas le fait d'un seul homme, ni même d'une équipe dirigeante, mais celle de tout un système. Un système impérialiste où quelques dizaines de groupes financiers mettent la planète en coupe réglée avec les gouvernements et les armées pour exécutants. Un système fou qui, au lieu d'utiliser les richesses accumulées par le travail des hommes pour améliorer la vie, les utilise pour détruire.
Alors, il faut continuer à protester contre cette guerre le plus massivement, le plus largement possible. Mais il faudra surtout mettre fin à cette organisation sociale dont les profiteurs n'étanchent pas seulement leur soif de profit avec la sueur des exploités, mais aussi avec le sang des peuples.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 27 mars 2003)
NE LES LAISSONS PAS FAIRE !
(31/03/2003)
L'agression impérialiste contre l'Irak ne peut pas occulter la guerre sociale menée en France par le patronat et le gouvernement contre les salariés. Les licenciements collectifs se multiplient dans les grandes entreprises. Le nombre de chômeurs s'accroît de mois en mois. 10 % de chômeurs bientôt, 1 salarié sur 10, sans même parler de ceux, à peu près autant, qui n'ont qu'un emploi précaire mal payé et qui, tout en travaillant, vivent aussi mal que les chômeurs.
Attaque aussi contre les retraites. C'est la retraite des travailleurs du secteur public qui est dans la ligne de mire du gouvernement. Mais ne nous y trompons pas : si le gouvernement actuel parvient à imposer aux travailleurs du service public ce que Balladur avait imposé aux travailleurs du privé, 40 ans de cotisation au lieu de 37 ans et demi, le patronat exigera d'aller au-delà pour tous, jusqu'à 42 ans de cotisation, voire plus. Et le gouvernement fera comme le patronat lui demandera de faire.
L'attaque contre les services publics et leurs travailleurs nous concerne également tous. Lorsque le gouvernement proclame que c'est sur les "dépenses de l'Etat" qu'il faut faire des économies, ce n'est évidemment pas les aides et les subventions au patronat qu'il va réduire, ni le budget militaire. C'est au budget de la Santé et de l'Education nationale qu'il s'en prend. L'insuffisance des crédits et des effectifs crée déjà une situation catastrophique dans les hôpitaux, dans les maternités, dans les écoles des quartiers populaires. Ce sont les travailleurs, les chômeurs, les pauvres ou leurs enfants à qui on impose de payer la facture des subventions et des dégrèvements d'impôts et de cotisations sociales accordés au grand patronat.
Plusieurs confédérations syndicales et la majorité des syndicats du secteur public appellent pour le 3 avril à une journée de grèves et de manifestations sur les retraites, mais aussi sur "l'emploi, les salaires et la défense du secteur public". Cet appel est plein d'arrières-pensées de la part des dirigeants syndicaux qui, sur la question des retraites, reculent et acceptent par avance la politique gouvernementale. Même les confédérations qui revendiquaient l'annulation des mesures Balladur, le retour aux 37 ans et demi de cotisation pour tous, sur la base des 10 meilleures années, sont en train d'abandonner cette revendication au profit des négociations.
Mais sur cette question, il n'y a rien à négocier ! Négocier, c'est cautionner le mensonge du gouvernement et du patronat qui osent prétendre que le système actuel des retraites par répartition va droit dans le mur si on n'augmente pas la durée ou le montant des cotisations tout en réduisant le montant des retraites. C'est un mensonge grossier car, avec l'augmentation incessante de la productivité, obtenue par une exploitation croissante des travailleurs, par l'aggravation des cadences et de l'intensité du travail, il y aurait largement de quoi payer des retraites convenables. L'unique objectif de la "réforme" gouvernementale est de voler un peu plus les travailleurs et les retraités pour accroître les profits patronaux.
Malgré les arrières-pensées des dirigeants syndicaux, il faut cependant que la manifestation soit la plus massive et la plus large possible. Une seule manifestation ne suffira pas mais, si la participation est nombreuse, cela contribuera à redonner confiance dans la lutte. Il faut montrer au patronat et au gouvernement que, s'ils s'en prennent aux intérêts vitaux des travailleurs, ils n'auront pas seulement affaire à des dirigeants syndicaux prêts à toutes les compromissions, mais à la réaction de l'ensemble des travailleurs.
Réagir aux attaques est une nécessité vitale. Si le ralentissement économique se poursuit, c'est aux travailleurs qu'ils essaieront d'en faire payer le prix en multipliant les licenciements, en abaissant les salaires, en augmentant les prélèvements, comme la CSG. Lorsque les profits étaient au sommet, seuls les actionnaires se sont enrichis. C'est à eux seuls, et pas aux travailleurs, de payer pour les aléas de leur économie.
Arlette Laguiller

(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 4 avril 2003)