Tribune de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, dans "Le Figaro" du 2 septembre 2003, sur les missions de maintien de la paix des militaires français en République démocratique du Congo et en Côte d'Ivoire et les perspectives de défense européenne.

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Les leçons d'Artémis
Depuis le 1er septembre, la mission Artémis a laissé place à la seconde task force de l'Organisation des Nations unies (Monuc). Cette force multinationale intérimaire d'urgence sous commandement français avait été déployée à Bunia, en juin dernier, à la suite d'une série de massacres interethniques dans cette région de la République démocratique du Congo. Aujourd'hui, elle a rempli sa mission. Seuls quelques éléments sont laissés sur place jusqu'au 15 septembre, pour prêter main-forte aux représentants de l'ONU si des circonstances exceptionnelles l'exigeaient.
Cette opération était une première. Elle est une totale réussite. Curieusement, l'attention a plus porté sur le Liberia que sur cette région. Il n'est donc pas inutile, aujourd'hui, de saluer d'abord le travail accompli par nos militaires dans des conditions extrêmement difficiles, et de rappeler le sens de cette mission dans le cadre de notre politique africaine mais aussi de la construction européenne.
Au Congo, il fallait qu'un coup d'arrêt soit donné au déferlement de la violence, à l'impunité des milices et aux menaces permanentes qu'elles faisaient subir aux populations de cette région, déjà si durement éprouvée. Cet objectif a été atteint par la fermeté de l'engagement des Européens et de toute la communauté internationale. La force multinationale d'urgence de Bunia, réunissant près de 2 000 hommes provenant de près de quinze pays, principalement européens, et du Canada, du Brésil et de l'Afrique du Sud, a permis, je l'ai constaté personnellement avec mon homologue belge, M. Flahaut, de rétablir à Bunia et dans ses environs des conditions de sécurité. Les populations civiles ont commencé à retrouver des conditions de vie acceptables. Elles ont repris leurs activités commerçantes et agricoles, signes de confiance dans l'avenir. Bien sûr, tous les problèmes de cette région ne sont pas réglés, et nous en avons pleinement conscience.
Pour autant l'Union européenne a prouvé sa capacité et sa volonté d'agir pour rétablir la stabilité dans un pays éprouvé. La France assurait le commandement de cette force européenne. Notre pays n'a pas ménagé ses efforts. Les moyens mobilisés dans le cadre d'Artémis provenaient des trois armées et du service de santé. Avions de combat, de transport, de surveillance et ravitailleurs, hélicoptères et blindés légers, artillerie et moyens du génie, antenne chirurgicale, ont été projetés, soit à partir de la métropole, distante de 6 000 km, soit à partir de certaines de nos bases permanentes en Afrique. Nous avons eu là une fois encore confirmation de l'efficacité et de la flexibilité procurées par ces forces prépositionnées.
Au même moment, nous étions également très fortement engagés - 4 000 hommes - en Côte d'Ivoire. Dans le cadre de la mission Licorne, nous apportons un soutien nécessaire à la force des Etats africains de la Cedeao. Avec eux nous confortons, en faisant respecter les zones de confiance, la sécurisation des populations et le processus de réconciliation nationale. Deux de nos soldats viennent de sacrifier leur vie à cette mission difficile mais indispensable.
La concomitance de ces deux engagements majeurs et le déploiement permanent de près de 5 000 hommes en Afrique démontrent l'importance que nous attachons à la stabilité et à la paix sur ce continent auquel nous lient autant le passé que l'avenir. Il ne s'agit pas de nous substituer à des institutions africaines mais de les accompagner. De plus en plus, nos partenaires africains mesurent les responsabilités qu'ils doivent assumer en faveur de la sécurité de leur continent. L'engagement de la Cedeao, en Côte d'Ivoire et au Liberia, en est l'illustration la plus récente. Par nos actions de coopération, de formation et d'entraînement, par notre appui à travers Licorne, nous favorisons la mise sur pied de forces interafricaines de maintien de la paix ; le programme Recamp a cet objet. Il démontre son utilité à travers la force de la Cedeao engagée en Côte d'Ivoire. Il porte donc ses fruits et peut conduire à un véritable engagement opérationnel. Il connaîtra en 2004 de nouveaux développements.
En ce qui concerne l'Afrique, la mission Artémis au Congo comporte un autre enseignement majeur : la prise de conscience croissante de nos responsabilités sur ce continent, en tant qu'Européens. C'est la première fois que nous nous sommes engagés, collectivement en tant qu'Européens, sur le continent africain, dans une mission de sécurisation. Cette évolution très significative des priorités de la politique de sécurité commune de l'Union doit être relevée : elle constitue un fait porteur d'avenir.
L'opération Artémis montre aussi que l'Europe change également au plan opérationnel ; l'évolution est rapide, plus que les observateurs ne veulent souvent le croire. La capacité d'action militaire de l'Union n'est plus un projet ; elle s'affirme de plus en plus comme une réalité. L'Union européenne a été capable de projeter une force constituée dans un délai qui n'a pas dépassé quinze jours entre la résolution des Nations unies et le déploiement des premières unités sur le terrain.
Cette action démontre que les mécanismes de décision que l'Union européenne a déclarés opérationnels lors du Conseil européen de Laeken en décembre 2001 prouvent qu'ils sont effectivement adaptés à une prise de décision rapide et efficace. Sous l'autorité du Conseil, l'action coordonnée du comité politique et de sécurité, du comité militaire et de l'état-major européen, l'implication de Javier Solana, ont permis la mise sur pied en un temps record d'une chaîne de commandement et d'une force adaptées à la mission.
A cet égard, l'évolution est spectaculaire. Faut-il en effet rappeler que la mission Concordia, première opération prise en charge par l'Union européenne, en tant que telle, a débuté le 31 mars dernier en Macédoine, prenant ainsi la suite d'une force de l'Otan dont l'Union poursuit les objectifs dans les mêmes termes ? Depuis la mi-mars, les accords qui règlent l'ensemble des relations entre l'Union européenne et l'Otan permettent aux deux institutions de coopérer de façon efficace, transparente et complémentaire.
La construction de l'Europe de la défense, loin d'affaiblir l'Otan, contribue à une implication plus déterminée des Européens dans la gestion des crises. Là où l'Alliance en tant que telle n'est pas engagée, l'Europe de la défense est désormais apte à exercer, de façon autonome, des responsabilités accrues qui impliquent désormais non seulement la prévention et la gestion des crises, le rétablissement de la paix, mais également certains aspects de la lutte contre le terrorisme.
Le Conseil européen d'Helsinki avait décidé que 2003 serait le rendez-vous pour les capacités européennes d'action rapide. Nous y sommes. Il est vrai que des efforts importants doivent encore être effectués collectivement pour réduire nos lacunes dans certains domaines clés comme le transport stratégique, le renseignement, les drones et les armes guidées de précision, mais notre volonté est bien d'exercer toutes nos responsabilités de sécurité et de défense. C'est dans cette perspective que nous poursuivons avec nos partenaires européens et l'Otan les travaux qui pourraient conduire l'Union européenne à prendre, au début de 2004, la responsabilité de la force de stabilisation en Bosnie, force actuellement constituée par des contingents européens dans le cadre de l'Otan.
Après Concordia et Artémis, l'Europe s'affirme, jour après jour, comme une réalité militaire et de défense, prête à assumer pleinement ses responsabilités.
La sécurité en Afrique, condition de son développement, est, sans ambiguïté, inscrite désormais dans le champ des priorités que les Européens abordent collectivement dans le cadre de leur politique extérieure et de sécurité commune.
* Ministre de la Défense.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr le 03 septembre 2003)|N|N|N|N|Texte Intégral21480|Les événements que nous venons de traverser ont entraîné une prise de conscience nationale des bouleversements induits par la révolution de la longévité. Pourtant, nous ne sommes qu'à l'aube d'un phénomène démographique durable. Seule une réponse globale permettra de relever ce défi collectif.
La première étape de cette réponse globale constituera l'objet du plan interministériel Vieillissement et Solidarités" que le gouvernement entend présenter au mois d'octobre.
Le dossier du vieillissement et ses corollaires (perte d'autonomie, besoins en termes de santé et d'accompagnement, besoins de nouvelles formes de solidarité entre les générations) appellent des réponses rapides et concrètes pour faire face aux insuffisances constatées lors de la canicule. A l'imprécision des données quantitatives, il faut ajouter l'incertitude des données qualitatives. Les faits bruts soulèvent énormément de questions auxquelles il est de notre responsabilité d'apporter des réponses étayées.
La première tâche est d'établir un diagnostic partagé, en lien notamment avec les professionnels et les usagers, sur les modes d'organisation et de fonctionnement des dispositifs et des structures d'accueil de personnes âgées. La qualité de l'accompagnement au quotidien n'est pas exclusivement liée à des questions de moyens financiers. Il faut envisager les difficultés dans toutes ses dimensions, et d'abord dans sa dimension humaine.
C'est pourquoi, sous l'autorité de François FILLON ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ainsi que de M. Hubert FALCO, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, des groupes de travail thématiques établiront un audit de nos dispositifs et de nos établissements, à la lumière des besoins exprimés par les uns et les autres. Ils porteront en particulier sur les sujets suivants : l'amélioration de l'accompagnement et de la prise en charge des personnes âgées à domicile d'une part, en établissement d'autre part. La question de la simplification des dispositifs de même que celle de la coordination des intervenants devra également être abordée. De la même manière, les difficultés liées à la faible attractivité du secteur - et donc aux pénuries de recrutement- devront être examinées. D'autres acteurs (infirmières, médecins, experts ) seront associés à ces réflexions.
Ce travail sera mené tout au long du mois de septembre. Il s'enrichira au fur et à mesure des analyses plus fines dont nous disposerons sur ce qui s'est précisément passé au cours du mois d'août.
Ces travaux serviront de base aux décisions qui seront arrêtées. Notre rencontre de ce jour a pour objet de lancer ces travaux par un premier recensement des de vos observations et de vos constats.
Au-delà, il convient d'apporter des réponses à la hauteur des enjeux. Le gouvernement s'est attaché à mener à bien la réforme des retraites et à refondre la politique familiale en matière d'accueil du jeune enfant.
Je m'engage, avec la même énergie, à traiter dans les prochains mois la question de la dépendance, du fait de l'âge ou du handicap. La réforme s'impose :
- réforme de la décision publique, dans le cadre de la réforme de l'Etat, pour mieux asseoir une culture de la prévention
- réforme dans l'organisation pour simplifier le fonctionnement des institutions et améliorer la qualité du service, ce qui suppose sans doute d'aller plus loin encore dans la décentralisation ; cela sera un des points du débat
- réflexion sur les nouveaux moyens indispensables à une politique ambitieuse de prise en charge de la dépendance.
Il ne s'agit pas, comme pour l'APA, d'inventer un dispositif sans songer à son financement. Il nous faut au contraire réfléchir à des sources de financement qui, dans un esprit de justice sociale, fassent appel à la solidarité entre les générations.
Enfin, chacun aura constaté la dimension strictement humaine des situations que nous avons connues.
Là encore, la réponse à apporter ne pourra être que collective (rôle de la famille, du voisinage, du gardien d'immeuble, des services sociaux, des élus locaux, de l'Etat ). Elle suppose qu'en lien avec les collectivités locales en particulier, une véritable politique du lien entre générations soit généralisée afin de lutter contre l'isolement.
J'ai la volonté d'engager les moyens nécessaires là où ils seront utiles mais je refuse de m'en tenir là : je veux qu'ensemble nous combattions ce qui m'est apparu aussi comme le signe d'un affaiblissement du lien social dans notre pays, par un surcroît de fraternité.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 27 août 2003)