Interview de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président délégué de l'UMP, à RTL le 28 mars 2003, sur les répercussions du conflit en Irak en France, notamment lors de manifestations contre la guerre, et sur la mise en examen de son directeur de cabinet à la mairie de Marseille.

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Texte intégral

R. Elkrief Dès le début des affrontements, l'association "Marseille Espérance", qui regroupe les différentes religions à Marseille, a lancé un appel à la paix et à la tolérance. Il y a aussi des manifestations dont parfois on s'inquiète des dérapages, notamment antisémites ces derniers jours. Comment sentez-vous votre ville ? est-ce que vous n'êtes pas inquiet ?
- " D'abord, nous sommes ici, tous les Marseillais, contre la guerre et bien entendu, nous nous sommes tous réjouis depuis des mois de la prise de position, claire, nette, précise, sans ambiguïté, du président de la République J. Chirac. A partir de là, en tant que premier magistrat, il m'appartient de faire en sorte que dans cette ville - 800.000 habitants, deuxième ville de France, qui est une ville cosmopolite, qui est un port, avec la tradition de l'accueil de l'Etranger, avec un E majuscule - que tout se passe bien. Alors, certes, il y a "Marseille Espérance", les dignitaires religieux ont lancé un appel de Marseille, j'allais dire un "appel très laïc" pour des dignitaires religieux. D'ailleurs, d'autres manifestations ont eu lieu, et j'ai reçu aussi des manifestants. Et nous essayons de faire en sorte qu'il n'y ait pas de tensions dans la ville, pour l'instant. Mais je vous le dis en baissant la tête, et avec bien entendu beaucoup de modestie, tout se passe bien, mais il faut surveiller cela tous les jours. "
C'est ça. Vous savez, vous sentez que des tensions peuvent éclater, et vous êtes vigilant. Est-ce que vous avez mis des moyens supplémentaires?
- " Non, surtout ce qui facilite ce sont les prises de position, qui sont connues de l'ensemble des Marseillais, et l'attitude intransigeante du président de la République, la qualité du ministre des Affaires étrangères, et la présence à ses côtés du premier adjoint au maire de la ville de Marseille, Renaud Muselier, qui est secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Nous avons donc eu la possibilité de bien nous exprimer. "
Voilà pour les compliments. Néanmoins, vous, vous venez de l'UDF historiquement, un parti qui était plus atlantiste dans l'histoire politique française...
- " ... Oui, mais nous restons des alliés des Etats-Unis. Mais nous avons toujours dit que nous voulions, s'il devait y avoir intervention armée dans un pays, que ça passe par le Conseil de Sécurité, et par l'ONU. Et même si nous avons de la reconnaissance à l'égard des Américains pour ce qui s'est passé dans les deux dernières guerres importantes du siècle dernier, maintenant, nous ne pouvons pas accepter qu'un pays, tout seul, décide, par la force armée, d'envahir un pays, et d'écraser une population ! Nous ne l'acceptons pas. Et dans mon coeur, je dois vous dire que je suis très heureux que le président de la République ait pris cette
position "
Alors vous l'avez répété plusieurs fois ce matin, je me rappelle que le 4 décembre dernier, vous aviez dit que vous étiez favorable à la candidature de J. Chirac en 2007. Alors avec sa popularité d'aujourd'hui, et tous les compliments qu'il reçoit, j'imagine que vous conseillez plus que jamais de rester à l'Elysée ?
- " Ecoutez, moi j'étais pour le président de la République depuis très longtemps en sa faveur, avant les élections présidentielles, et le président de la République décidera lui-même ce qu'il y a lieu de faire. N'anticipez pas trop vite. D'ici à 2007, l'eau coulera sous les ponts. "
Marseille est aussi dans l'actualité pour d'autres raisons. Lundi soir dernier, votre directeur de cabinet, C. Bertrand, a été mis en examen pour "trafic d'influence". Le juge le soupçonne d'avoir voulu aider l'ancien directeur du Port autonome de Marseille, en tentant d'influer sur le cours de la justice, et cela se fait à partir d'écoutes téléphoniques. Cela veut dire que Marseille et les affaires, c'est reparti ?
- " Ca veut dire surtout que "trafic d'influence" - et mettez quelques points de suspension - sur des magistrats... "
... des guillemets...
- " ... il faudrait vraiment nous accorder beaucoup de pouvoirs, à mon directeur de cabinet, à moi-même ou à des élus de peuple à Marseille, d'avoir de l'influence sur le TGI de Marseille et sur les juges... "
... le Tribunal de Grande Instance.
- " Ca, ce serait nouveau ! Ensuite, ce qui est moins agréable, c'est - comment dirais-je - cette médiatisation excessive à partir d'un événement judiciaire, qui aurait dû être d'ailleurs mieux contrôlé. Mais vous savez je suis habitué à ce genre de Scud. C'est un nouvel avatar, d'une longue série. Alors je vais vous dire ce que ça m'inspire : ça m'inspire d'abord qu'en tant qu'homme, je fais une confiance absolue à mon directeur de cabinet, qui est mis en examen sur trafic d'influence, parce qu'il a dit, dans une écoute - on va revenir sur les écoutes -... "
... oui, dans une conversation téléphonique.
- " Bon, "je vais voir ce que je peux faire". Mais enfin ! "je vais voir ce que je peux faire", vous savez que les élus du peuple, c'est ce que nous disons dix fois par jour. Dix fois par jour, on nous demande d'intervenir sur des choses diverses et variées. Et, par humanité, parce que les gens sont dans le désarroi quand ils nous demandent quelque chose, nous répondons avec gentillesse, et bien entendu dans le domaine de la justice, nous n'intervenons jamais, et mon directeur de cabinet n'est jamais intervenu. Je vais vous dire ce que ça m'inspire ! D'abord en tant qu'homme : confiance absolue en mon directeur de cabinet. En tant que responsable politique, je n'ai pas l'intention de me laisser impressionner par ce genre de manoeuvre ! et j'utiliserai toutes les procédures légales pour défendre le droit à une justice impartiale ! "
Ca veut dire concrètement ?
- " Non mais je n'ai pas fini ! En tant que Marseillais, au moment où nous sommes présélectionnés pour la Coupe de l'America... "
... on va y revenir...
- " ... c'est un mauvais coup pour l'image de la ville, alors que tous les news, même Aujourd'hui, Le Point en particulier, parlent justement de l'essor de Marseille ! Et en tant que parlementaire, je vais vous dire aussi et j'en aurai fini : il y a un énorme problème, qui n'est pas réglé dans notre droit, et dans notre démocratie : c'est celui de l'impunité d'un juge, en cas d'erreur ! Car le juge ne se gêne pas pour traîner quelqu'un devant les médias, d'une manière extraordinaire et si cette personne a un non-lieu, et si cette personne a une relaxe, eh bien lui le juge, il continue, parce qu'il n'y a pas de système de responsabilité du juge, contre toute tentation de galéjade judiciaire. "
Ca veut dire quoi ? que vous pourriez proposer une sorte de sanction contre les juges qui se trompent ?
- " Oui ! d'abord je suis en train de demander aux présidents de la Commission des Lois, de l'Assemblée Nationale et du Sénat, s'il était normal que, puisqu'on a écouté mon directeur de cabinet, on m'écoute moi aussi en même temps pendant un an ! Parce que nous nous téléphonons tous les jours "
... les écoutes téléphoniques bien sûr
- " les écoutes téléphoniques. Deuxièmement, c'est vrai que ces juges qui se trompent, et dont on constate qu'ils se sont trompés - ça m'est arrivé déjà plusieurs fois dans ma vie politique - eh bien ils continuent leur carrière, comme si de rien n'était ! Alors tout le monde est en responsabilité dans ce pays et les juges d'instruction peut-être, ils pourraient l'être, eux aussi, un jour. Voilà ce que j'avais à vous dire. "
Voilà un message donc ce matin de Jean-Claude Gaudin sur cette affaire, qui aura des suites, qu'on va suivre évidemment. Un dernier mot, extrêmement bref, sur Marseille sélectionnée pour l'America's Cup. Ca vous a fait plaisir j'imagine.
- " Eh bien la semaine se termine beaucoup mieux qu'elle a commencé pour moi. Effectivement, c'est une nouvelle qui démontre que mes collaborateurs avaient fait un excellent dossier de préparation, que mon adjointe aux affaires maritimes et à la mer, Madame Gamère, n'est pas allée pour rien, par deux fois, à Auckland, et que nous sommes très heureux d'être dans les huit villes, et la seule ville de France qui a été sélectionnée. Et je dis tout de suite au maire de Sète, que nous verrons comment nous pourrons faire ensemble un certain nombre de choses. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 31 mars 2003)