Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur les compétences et les missions du Conseil français du culte musulman pour favoriser l'intégration de l'islam dans la République tout en respectant la laïcité, Paris le 3 mai 2003.

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Circonstance : Assemblée générale du Conseil Français du Culte Musulman à Paris le 3 mai 2003

Texte intégral

Monsieur le ministre de l'Intérieur, mon cher Nicolas,
Monsieur le recteur,
Messieurs les présidents des fédérations,
Mesdames et messieurs les membres du Conseil français du culte musulman,
Merci de cet accueil. Il ne pouvait pas y avoir plus bel accueil que l'accueil au nom de la République. J'avais, comme N. Sarkozy, beaucoup d'émotion en venant aujourd'hui. Vous y ajoutez cette solennité et je vous en remercie beaucoup, parce qu'en effet, c'est un grand jour pour l'Islam et pour la République. En cette fin de semaine se constitue le bureau du Conseil français du culte musulman, après des élections et je souhaite le souligner qui se sont fort bien déroulées, avec un fort taux de participation, au début du mois dernier.
Vous ouvrez, nous ouvrons une page nouvelle dans l'Histoire des relations entre la République et celle qui est aujourd'hui la deuxième religion de France. L'Islam en France va pouvoir devenir l'Islam de France, sortir de l'obscurité dans laquelle il était confiné depuis trop longtemps.
Vous le savez, le gouvernement que je dirige, a relancé la politique d'intégration. Il y a quelques jours, j'ai réuni, pour la première fois depuis treize ans, un comité interministériel consacré à cette question. Et parmi les thèmes abordés, il y a la question des représentations, c'est à dire la façon dont certains groupes sont perçus par l'ensemble de la population. Le Conseil français du culte musulman a toute sa place dans cette volonté de changer les représentations. Pour que la représentation que nos concitoyens peuvent se faire de cette religion de votre religion change, il fallait qu'elle ait des représentants. La visibilité, la transparence sont fondamentales dans une société de l'information, il faut le comprendre.
Cette action pour la visibilité de l'Islam, pour sa transparence, est très importante. Je voudrais saluer tout particulièrement l'action de N. Sarkozy, sur l'engagement... []. Et je partage cette légitime émotion qu'a Nicolas d'être le premier ministre de l'Intérieur à avoir réussi, grâce à vous tous, grâce à sa détermination, à réussir ce rassemblement. Et c'est pour nous, une façon de répondre au 21 avril. C'est une façon pour nous de répondre aux intolérances. Et nous en sommes très heureux.
Je constate aujourd'hui un retour du religieux, et je vous le dis franchement, c'est pour moi une bonne nouvelle. A. Malraux nous l'avait dit : le XXIème siècle sera spirituel, sera religieux. Un certain matérialisme, porté notamment par toutes les philosophies du marxisme, du déterminisme, du scientisme , toutes celles qui ont voulu faire de l'homme un homme prédéterminé, avait chassé le débat spirituel et construit une laïcité qui était devenue un concept négatif, une aseptisation de la pensée.
Aujourd'hui, c'est la liberté de l'individu, sa responsabilité qui est devenue le cur de notre réflexion. C'est la question de la source de cette liberté qui explique selon moi ce retour du religieux, ce retour du spirituel. La vraie énergie, aujourd'hui, se trouve dans les valeurs spirituelles, humanistes chacun les qualifie comme il le veut , que la sphère privée met au service de l'intérêt général. C'est, très important : l'amour, le don, la famille ; ces valeurs sont des moteurs de l'avenir. Cet élan s'exprime peu aujourd'hui dans la sphère publique. Ce sont des mots qu'on n'ose pas prononcer : l'amour, le don, la famille, dans la sphère publique. Ils viennent de cet élan et ils s'expriment dans cette sphère privée, et l'avenir, je le crois, du politique est dans sa capacité à mobiliser cette énergie, en rassemblant plus qu'en divisant.
Je vois, dans cette situation, un triptyque majeur : liberté, laïcité, intégration. La liberté permet à la personne humaine d'être créatrice d'elle même et non pas innocente d'elle même. La liberté permet de pratiquer sa religion en toute indépendance. Mais pour que cette liberté ne conduise pas à des conflits, nous devons promouvoir la laïcité. Car la laïcité porte l'idée de liberté : liberté des religions, mais aussi l'idée d'égalité, l'égalité des religions, et l'indépendance de la République par rapport aux religions. La laïcité, ce n'est pas le refus de la religion ; c'est le code, c'est la grammaire, c'est le langage qui régit les relations entre la sphère privée et la sphère publique, entre la religion et la politique. Nous voulons reconstruire une laïcité dynamique, un nouveau code de la laïcité pour le XXIème siècle.
L'intégration enfin, troisième volet de ce triptyque, c'est la politique qui favorise l'enracinement dans la République. Nous savons bien les échecs de la politique d'intégration et ses conséquences. Nous ne voulons pas que ces échecs aient pour conséquence le développement du communautarisme qui entraîne de graves dérives, des caricatures souvent de religion et un repli sur soi, sur une identité partielle et partiale, alors que l'appel premier est celui de l'ouverture. Ces comportements mènent à un cloisonnement de la société française, à un communautarisme qui affaiblit la République. La République n'est pas plurielle, elle est " une et indivisible ".
Aujourd'hui, l'Islam est une religion de la France, qui est pratiquée par des Français. L'Islam n'est pas une religion à intégrer, c'est une religion intégrée en France, dans notre paysage et dans notre Histoire. Je n'oublie pas que la première mosquée de France, celle de la Réunion, a été construite en 1905. Je n'oublie pas que la mosquée de Paris a été édifiée pour honorer les morts de Verdun, après un rapport d'Edouard Herriot et grâce à une loi de la République. Je n'oublie pas les relations très anciennes de notre pays avec l'Islam et les musulmans : l'Islam est parmi nous, et ce, depuis longtemps. C'est pourquoi il devait avoir des représentants et une voix qui s'exprime en son nom.
Je salue ici le recteur Boubakeur je dirai bientôt monsieur le président , qui mène, à la tête de la Mosquée de Paris, une action résolue et efficace pour que l'Islam de France soit conforme à son être, une religion de paix et de tolérance. Sur ce type de question, les mots ont un sens fondamental et je crois qu'il faut arrêter d'évoquer constamment " la communauté musulmane " mais bien plutôt la " composante musulmane " de la population française ; c'est plus juste. Et je ne souhaite pas que l'on enferme des citoyens de notre pays ou des personnes qui y résident, dans leur origine religieuse, surtout que, si une partie d'entre eux est pratiquante dans toutes les religions, et vous les représentez, une autre ne l'est pas et ne veut pas forcément être enfermée dans la religion d'origine.
C'est pour cette raison que je me réjouis de la composition du Conseil Français du culte musulman qui garantit sa diversité avec la représentation des différentes fédérations, des grandes mosquées, mais aussi la présence de personnalités qualifiées. Votre conseil d'administration comprend 65 personnes, dont les deux tiers sont des élus, et parmi ceux ci, 43 ont été élus dans les régions ! Cet équilibre subtil, né de vos multiples réunions, est le gage de la diversité, de la créativité et de la richesse de vos dialogues. Le Conseil français du culte musulman défendra la dignité des intérêts du culte musulman en France. Il favorisera et organisera le partage d'informations et de services entre les lieux de culte. Enfin, il aura vocation à encourager le dialogue entre les diverses religions. Pour leur part, les conseils régionaux auront vocation à gérer les questions qui se posent au niveau territorial, au niveau local.
Les rapports entre la République et l'Islam doivent être bons. Je vous le dis comme je le pense : je n'ai pas peur de l'Islam. Je vous le redis, et je souhaite que les Français partagent cette conviction : je n'as pas peur de l'Islam. Je sais que, malgré les craintes de certains qui sont manipulés souvent par des démagogues extrémistes , la folie, d'autres, au nom de l'Islam, s'autorisent les comportements les plus terrifiants. Mais je sais, moi, que l'Islam a toute sa place dans la République.
Sur ce sujet, Voltaire, notre cher Voltaire, qui savait être féroce avec les obscurantistes et généreux avec les religions, nous a dit, dans son Traité sur la tolérance : " Le grand moyen de diminuer le nombre de maniaques, s'il en reste, est d'abandonner cette maladie de l'esprit au régime de la raison, qui éclaire lentement mais infailliblement les hommes ". Je souscris à cette sentence : face aux maniaques qui menacent la religion, gardons évidemment la raison.
Ne confondons pas les terroristes avec les hommes de foi d'un côté, n'utilisons pas les religions à des fins qui ne seraient pas en accord avec les principes de la République de l'autre. Je vous le dis, je suis confiant. J'ai un goût certain pour la spiritualité et je regarde l'Histoire de l'Europe, je regarde l'Histoire de notre littérature, de nos cultures. Et qu'est ce qu'on y trouve ? L'Islam et le monde arabe au cur de l'Europe : Dante qui place dans son enfer, aux côtés de Platon, Averroès et Avicenne ; Goethe qui écrit un recueil de poèmes inspirés des plus grands poètes arabes. Plus près de nous, Louis Aragon qui, avec Le fou d'Elsa, reprend à son compte de manière magistrale l'histoire magnifique du fou de Leïla, ce fou d'amour qui a tant inspiré les poètes de notre Occident. Et quand je regarde ce qui est au cur de la religion musulmane, les cinq piliers de l'Islam la profession de foi, la prière, l'aumône, le jeûne et le pèlerinage , je n'y vois rien de contraire à notre culture.
Je crois même que la France peut être une chance pour l'Islam. Notre société évolue, notre société est ouverte au brassage des cultures et je crois très sincèrement que les musulmans de notre pays peuvent tirer parti de cette richesse, de cette ouverture, de leur double culture pour continuer à pratiquer et à interpréter leur religion, dans le respect de ses traditions mais aussi d'une certaine modernité.
Il y a quelques grands exemples fameux du dialogue de nos cultures : quand Taha Hussein vient étudier en Sorbonne, il repart en Egypte, enrichi par l'étude des maîtres de la littérature de notre pays et fonde l'université du Caire. Quand nous disposerons j'y reviendrai d'une faculté de théologie musulmane, nous pourrons, au plus haut niveau scientifique, faire dialoguer les cultures et les approches de la religion. Et je suis sûr que les jeunes Français musulmans auront un rôle fondamental à jouer, à l'avenir, pour l'Islam dans son ensemble.
Mais, évidemment, il faut des limites, et la première des limites, c'est l'intolérance : l'intolérance pour l'autre, l'intolérance contre l'ensemble que nous formons tous, collectivement. Il n'y a pas de place, Nicolas le disait ce matin, dans notre pays, pour le communautarisme. Renan l'a dit de façon magistrale, et sans qu'on n'ait rien à y ajouter : une nation, dans ses principes, n'est fondée ni sur l'unité linguistique, ni sur la communauté de la foi, ni sur la continuité géographique ou le partage de l'Histoire ; elle est d'abord fondée sur la volonté de vivre ensemble, et où la loi de l'Etat prime sur toute autre loi.
Dans ces conditions, nous ne pouvons accepter que des étudiants et des étudiantes refusent d'écouter une enseignante qui travaille sur le Coran sous prétexte qu'elle est femme et qu'elle n'est pas de confession musulmane ; que des élèves refusent de passer un oral avec un professeur du sexe opposé ; qu'ils remettent en cause le contenu des programmes, l'autorité des enseignants et donc celle de la République en prétendant lui substituer leurs échelles de valeurs. Ces comportements, je vous le dis, sont intolérables. Ils sont la preuve du refus de l'autorité et des règles du " vivre ensemble " dans l'école républicaine, règles qui sont chères et qui sont au cur de notre pacte républicain. Il n'y a qu'une seule autorité en France, c'est celle de la République.
Il faut utiliser tous les outils dont nous disposons aujourd'hui. Et dans les conditions actuelles du droit, les présidents d'université et de grands établissements d'enseignement supérieur peuvent faire respecter la loi et l'autorité de la République. Et s'il n'y a pas d'autres solutions, ils peuvent exclure de leurs établissements les étudiants qui ont des comportements incompatibles avec la laïcité. De même, nous ne pouvons supporter que les femmes n'aient pas toute leur liberté, qu'elles n'aient pas toute l'égalité que doit assurer la République. Les mariages forcés sont indignes de la France et nous avons pris récemment des mesures pour les combattre. Je me souviens ici des combats des femmes, en Europe comme en Orient, pour l'égalité. Je me souviens de Madame Rolland à la tête des Girondins, des suffragettes en Europe, de Hoda Sharawi en Egypte, qui ont lutté pour l'égalité.
Pourrais je, si vous me le permettez, citer ce passage du Coran : " point de contraintes en religion ", pour dire que nous refusons les contraintes que doivent subir certaines femmes au nom de la religion. Et je pense qu'il faut que chacun de nous, nous soyons très vigilants sur cette question.
Sur la question du voile, je ne veux pas, je vous le dis franchement, ouvrir de conflit inutile. Le voile est un symbole pour celles qui le portent. Il l'est aussi pour ceux et celles qui le contestent. Mais il faut traiter la question en s'interrogeant surtout au delà, sur ce qui conduit certains élèves à refuser les normes de l'Education nationale et à se réfugier dans le communautarisme. Il va y avoir un grand débat sur l'école et nous apprécierons, suite à ce débat, les mesures qui doivent être prises. Vous serez partie prenante de cette réflexion.
Je ne veux pas stigmatiser tel ou tel, je ne veux brusquer personne. Je veux que la laïcité reprenne une nouvelle force. Mais pas une laïcité négative, porteuse du refus de la religion, une laïcité inscrite au cur de notre " vivre ensemble ", une laïcité qui s'impose à ses adversaires, par la loi, si nécessaire.
La colonne vertébrale de cette laïcité, c'est la loi de 1905 qui a instauré un équilibre subtil entre l'Etat et les religions et qui fonctionne toujours bien aujourd'hui, y compris pour la construction d'édifices du culte. Je remarque d'ailleurs au passage que dans l'Histoire compliquée et passionnante du monde musulman, la plupart du temps, le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel ont été séparés, certains en Europe y trouvant même un modèle d'organisation politique. Il ne s'agit pas évidemment de modifier la loi de 1905, mais de continuer à lui donner toute sa force. Il faudrait que cette laïcité soit suffisamment forte pour ne pas avoir besoin de lois nouvelles pour s'imposer. C'est cela notre pari, c'est cela notre volonté dans ce début du XXIème siècle. Nous commémorerons dans deux ans le centenaire de cette loi et je souhaite, grâce notamment à l'Institut de France et à l'Académie des sciences morales et politiques, que de nombreux débats s'instaurent à cette occasion.
L'Islam n'a pas à s'inquiéter de ces évolutions et de ces débats. Ses plus grands penseurs, ses plus grands lettrés, ont montré au fil du temps leur capacité à évoluer avec leur temps, en étant respectueux de ses traditions. Je pense par exemple à Mohamed Abduh', qui a su engager une réflexion profonde sur la tradition et la modernité, ce qui est le grand enjeu de nos civilisations. Comment définir la part de tradition qui nous est essentielle, sans laquelle nous serions sans repère, et comment faire face aux exigences de la modernité ? Quel est cet équilibre à trouver entre l'exigence de tradition et la nécessité de la modernité ?
Je crois qu'avec l'Islam de France qui se construit, des perspectives nouvelles d'enrichissement mutuel s'ouvrent pour nous tous. Vous avez su, en concertation permanente avec les pouvoirs publics, trouver les voies et moyens pour constituer l'organe représentatif du culte musulman en France. Aujourd'hui, nous engageons une nouvelle étape durant laquelle l'État mais aussi les collectivités locales et les représentants élus du culte musulman, vont pouvoir construire l'avenir.
L'organisation qui a été mise en place permettra à la fois un dialogue au plan national pour le traitement des grandes questions et un dialogue au plan régional. Vous savez combien je suis attaché au traitement au plus proche du terrain, des questions qui se posent aux Français. Je crois que beaucoup des problèmes que nous aurons à traiter, se traiteront sur le terrain, avec les responsables, au plus près des réalités.
Qu'attendons-nous aujourd'hui du Conseil français du culte musulman et des Conseils régionaux ? Dans bien des cas, vous aurez à régler des questions pratiques importantes pour tous les fidèles. Ces questions ont une dimension éminemment cultuelle. Mais elles ont aussi, vous le savez, une dimension sociale que l'on ne peut ignorer. Par exemple, les Conseil régionaux auront un rôle tout particulier dans la détermination des dates et conditions d'abattage rituel des moutons au moment de l'Aïd el Kébir, en liaison naturellement avec les autorités locales. Ils auront également un rôle éminent à jouer dans la question des carrés musulmans dans les cimetières. Le traitement concret et harmonieux de ces questions, éminemment sensibles, je le sais, dans leur dimension cultuelle mais aussi sociale, sera la marque du succès des Conseils régionaux.
Pour sa part, le Conseil français du culte musulman a pour vocation de défendre la dignité et les intérêts du culte musulman en France et de favoriser et d'organiser le partage d'informations mais aussi de services entre les lieux de culte.
Un exemple évident me vient à l'esprit, s'agissant du rôle du CFCM. Vous le savez, le président de la République et le gouvernement que je dirige, attachent une importance particulière, une importance essentielle à la question de la formation des imams. L'imam est devenu un acteur évidemment majeur de nos religions de France, maintenant, puisque l'Islam est devenu une religion de France. L'Islam est devenu une religion importante pour notre pays. Il est donc indispensable que les imams exerçant leur ministère sur notre territoire aient une pleine connaissance des réalités de la société française. Il est donc indispensable de faciliter la formation et donc l'insertion pleine et entière des représentants du culte musulman dans notre pays. Sachez que l'État, dans le respect des règles de la laïcité, contribuera pleinement à cet impératif.
C'est dans ce sens que je salue l'initiative prise par Luc Ferry de demander à un éminent universitaire, M. Daniel Rivet, une réflexion complète sur ce dossier de la formation des imams. Le CFCM, de son côté, ne peut ignorer cette question et je serai naturellement très attentif à toutes les propositions que vous pourriez me formuler sur ce sujet.
Le CFCM sera également l'expression de l'Islam de France. Je sais par exemple que vous vous attacherez tout particulièrement, au sein du Conseil, à fixer une date commune pour le début et la fin du Ramadan. Je sais également que vous vous attacherez, et je le souhaite tout particulièrement, à être la voix modératrice de l'Islam vis à vis des fidèles et notamment des jeunes fidèles. La République attend que vous soyez la parole éclairée de l'Islam de France, pour combattre les dérives qui pourraient menacer notre cohésion sociale.
Instance représentative du culte, vous aurez une responsabilité toute particulière pour faire comprendre, notamment aux jeunes fidèles, que ce n'est pas renier sa foi que d'accepter un cours d'histoire, que ce n'est pas renier sa foi que d'accepter de participer à toutes les activités qui se déroulent au sein de l'école, que ce n'est pas renier sa foi que d'accepter les lois de la République. Votre mission, votre responsabilité particulière, est d'avoir cette vocation modératrice, cette vocation de parole éclairée.
Vous aurez aussi une responsabilité particulière dans le cadre du dossier que nous faisons avancer, sur l'enseignement du fait religieux à l'école. Je suis très préoccupé de constater que nombre de jeunes Français méconnaissent complètement les réalités des diverses religions qui sont une partie éminente de la richesse de notre société. Très souvent, les peurs viennent de l'ignorance. La connaissance de l'Histoire des religions permettra de surmonter bien des craintes et rapprochera bien des personnes. Il n'appartient pas évidemment à l'État laïc de promouvoir les religions. Il appartient par contre à l'État, dans le dialogue avec l'ensemble des religions, et donc notamment avec le CFCM, de faire progresser la connaissance des religions, de leur Histoire, par les jeunes Français.
La création du Conseil sera aussi l'occasion, pour toutes les composantes de la société française, de créer un dialogue régulier avec le culte musulman, et notamment, je pense aux autres religions qui sont organisées dans notre pays et qui pourront ainsi avoir un partenaire de dialogue et de réflexion. Je souhaite que tous les élus locaux, qui seront vos interlocuteurs réguliers, développent avec vous tous, un dialogue ouvert, constructif et sans craintes. Je souhaite aussi que vous puissiez mettre en route cette feuille de route ambitieuse qu'est la création du Conseil français du culte musulman. Vous avez vous mêmes manifesté votre volonté d'aboutir à la représentation de l'Islam auprès des pouvoirs publics. A compter de ce jour, vous serez notre interlocuteur, un interlocuteur responsable. Ah ! Toute élection est une responsabilité. Et nous attendons de vous la responsabilité. Mais vous pouvez attendre de nous le respect. Un interlocuteur respecté et, je le sais, un partenaire respectueux du dialogue avec les autres composantes de la société française.
Ensemble, avec la force de la République, nous nous opposerons à toutes les forces de la haine et de l'intolérance, car nous savons que la haine, ce n'est que la colère des faibles.
Vive la République et vive la France !
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 14 mai 2003)