Texte intégral
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames, Messieurs
A l'issue de la réunion présidée par le Premier ministre mardi dernier à Matignon, il a été convenu que nous poursuivrions nos échanges et nos travaux à partir d'aujourd'hui. Chacun aura noté aussi la présence de monsieur MATTEI, que je suis heureux d'accueillir en cette salle des Accords, car l'un des éléments qui ressortait de nos débats la semaine dernière était le lien indispensable entre la dimension sanitaire et la politique sociale.
De ce fait, la liste des participants à la réunion à été élargie et je souhaite la bienvenue pour cette réunion de travail à tous ceux qui représentent le monde de la santé.
Notre réunion est destinée à préparer ensemble le diagnostic partagé demandé par le Premier ministre sur les modes d'organisation et de fonctionnement des dispositifs d'accueil, d'aide ou d'hébergement des personnes âgées, et par la suite le plan pluriannuel que le gouvernement devra mettre en uvre pour améliorer le dispositif et développer la solidarité que nous devons aux plus anciens.
Je vous remercie d'avoir bien voulu témoigner par votre présence tout l'intérêt que vous portez à ce sujet. Je tiens tout particulièrement à rendre hommage aux personnels intervenus à domicile ou au sein des établissements pour personnes âgées : leur compétence, leur engagement et leur dévouement a permis d'atténuer un choc collectif particulièrement grave.
Il peut paraître étonnant que nous soyons appelés à établir ensemble un diagnostic des dispositifs destinés aux personnes âgées en établissement ou à domicile. Et pourtant, malgré la multiplication des rapports à ce sujet, un événement climatique de nature exceptionnelle nous rappelle brutalement et dans bien des cas dramatiquement les conditions de vie d'un grand nombre de nos aînés.
Les causes de cette crise ont été largement commentées : on a beaucoup souligné les difficultés de mise en uvre de mesures de prévention, l'importance de la coordination locale des intervenants auprès des personnes âgées isolées, souvent très âgées et malades, ou encore les insuffisances, de l'alerte initiale ou de l'accompagnement personnalisé des personnes les plus fragiles. Mais l'analyse critique du déroulement de cette crise se fera par ailleurs. Notre tâche est de préparer l'action à engager maintenant, et au cours des prochaines années.
Au-delà des constats plus généraux sur l'évolution des modes de vie familiaux dans notre société, cette crise majeure nous rappelle les conséquences concrètes, humaines, quotidiennes du vieillissement et de la longévité. Les épisodes antérieurs de 1976 ou 1983 avaient déjà souligné la vulnérabilité du grand âge aux fortes chaleurs. Par son caractère exceptionnel l'été 2003 nous a rappelé brutalement la nécessité d'un plan d'action collectif fortement structuré au-delà des instructions antérieures sur l'attention à porter aux personnes isolées - rappelée notamment par monsieur Hubert FALCO - et de la coordination nécessaire à la continuité des prises en charge durant la période estivale, c'est-à-dire de congés.
Cette situation nous appelle ainsi à une mobilisation plus forte et à une démarche concertée d'anticipation des effets du vieillissement.
Même si beaucoup de données quantitatives ou qualitatives nous font encore défaut à cette heure, les principales questions relatives à la canicule sont maintenant posées : les mécanismes d'alerte et de prévention doivent être améliorés ; l'offre et la qualité de l'hébergement justifient des améliorations significatives dans une perspective pluriannuelle ; les conditions de vie à domicile ont besoin d'être plus amplement analysées pour garantir un accompagnement social voire sanitaire adapté à chacun.
De plus les modalités de la prise en charge des personnes âgées doivent être examinées sous l'angle de la continuité et de la fluidité des soins entre le domicile et l'établissement d'accueil, qu'il soit social ou hospitalier.
Enfin la gestion des ressources humaines dans le secteur des personnes âgées mérite aussi une attention particulière. Car ce secteur professionnel devra se développer et il doit être suffisamment attractif au regard des besoins.
Comme vous l'a indiqué le Premier ministre, ce travail sera mené tout au long du mois de septembre. C'est pourquoi je vous propose la méthode suivante :
Tout d'abord le déroulement de nos travaux :
Je vous proposerai dans un instant plusieurs groupes thématiques de travail. Ces groupes pourraient se réunir dès le début de la semaine prochaine et au cours de la semaine suivante. Ensuite, durant la dernière semaine de septembre, deux réunions plénières, dans cette formation ci, seraient consacrées à une restitution des rapports de chaque groupe, puis à la présentation et à la discussion de la synthèse de ces rapports.
Par ailleurs je solliciterai l'avis du comité national des retraités et personnes âgées.
Je soumets donc à votre appréciation la constitution de six groupes thématiques de travail :
- une premier groupe de travail pourrait être consacré, d'une part à l'amélioration de la prévention, et d'autre part à l'élaboration et à la mise en uvre d'un dispositif de veille et d'alerte. Ce plan " Vermeil " serait associé à l'organisation coordonnée au niveau territorial des intervenants professionnels ou bénévoles. Ce protocole pourrait être élaboré au plan national, mais sa gestion, c'est-à-dire son organisation, son déclenchement et sa mise en uvre relèveraient des acteurs locaux préalablement identifiés afin d'assurer un maillage territorial, une mobilisation des intervenants et une mutualisation des moyens pour combattre l'isolement des personnes les plus vulnérables.
- le deuxième groupe de travail concernerait l'offre et la qualité de l'hébergement collectif : la canicule a souligné dans bien des cas l'insuffisance du bâti ainsi que les besoins d'adaptation ou de rénovation, voire simplement de mise aux normes. Mais au-delà de cet évènement nous devons réfléchir à une conception architecturale qui dessine un projet de vie en établissement conforme aux besoins du grand âge et à l'indispensable innovation que nous devons apporter à l'accueil collectif. Cela sans négliger les aspects pratiques liés aux contraintes pour les personnels et à la problématique de l'insertion dans un cadre à proximité des lieux de vie sociale.
- je vous propose qu'un troisième groupe analyse et fasse des propositions concernant la vie à domicile : la prise en charge globale sociale et sanitaire, graduée selon les situations individuelles et associée à une coordination des intervenants a été fortement sollicitée durant cette période de crise. Il convient de renforcer cette coordination gérontologique. Mais nous pourrions aussi recenser les besoins d'hébergement temporaire, d'accueil de jour ainsi que les formes alternatives destinées à prolonger le maintien à domicile.
- un quatrième groupe serait consacré à la prise en charge sanitaire des personnes âgées : il pourrait examiner sous l'autorité d'un représentant du Ministre de la Santé l'organisation de la filière gériatrique ainsi que l'adaptation des métiers médicaux ou paramédicaux aux besoins du vieillissement de notre société.
- un cinquième groupe devrait à mon sens se consacrer plus généralement à la gestion des ressources humaines dans le domaine social et médico-social des personnes âgées. Cet ensemble comprend la formation et la validation des acquis de l'expérience, les statuts et la carrière des professionnels, ou encore les taux d'encadrement, c'est-à-dire en définitive la reconnaissance des métiers du social, l'attractivité et l'adaptation de ces métiers, ainsi que la prospective des emplois correspondants. Les organisations syndicales représentatives pourraient être spécifiquement associées aux travaux de ce groupe.
- enfin il m'a paru nécessaire qu'un sixième groupe aborde la question des modalités et des sources de financement. Par ces termes je souhaite que nous ne nous enfermions pas dans les réflexions, par ailleurs indispensables, sur la seule tarification des services et des établissements. Nous avons en effet besoin d'une réflexion plus générale sur le financement des personnes en difficulté, que cette difficulté soit liée à l'âge ou au handicap, c'est-à-dire à la dépendance. Des idées fleurissent dans ce domaine : on parle de cinquième risque, de suppression de jours fériés. Il faut s'y arrêter un moment, en explorer la nature, la portée ainsi que les solutions alternatives. Naturellement, une réflexion aussi large doit pouvoir associer les représentants des personnes handicapées également concernées.
Sur tous ces sujets je sollicite de votre part des réactions et si possible des contributions écrites qui permettront d'enrichir nos débats, d'approfondir le diagnostic et d'étayer des propositions.
J'ai conscience du caractère forcément artificiel de cette répartition en six groupes thématiques. En effet la crise est collective, elle concerne tous les acteurs et l'on a beaucoup parlé de décloisonnement, à juste titre. Il ne s'agit donc pas d'opposer l'accueil en établissement à la vie au domicile. Il ne s'agit pas davantage de séparer la prise en charge sociale de la prise en charge sanitaire. Tout au contraire. Mais il faut bien aussi, à titre méthodologique, sérier les besoins et les objectifs, à charge pour notre groupe de faire la synthèse et d'aboutir autant que possible à une vue d'ensemble.
C'est pourquoi je souhaite que chacun de ces thèmes soit analysé dans toutes ses dimensions : humaine, technique ou financière.
De même il me paraît nécessaire qu'à chaque fois où cela est possible des comparaisons internationales, ou du moins européennes, permettent d'ajuster le diagnostic et d'éclairer les propositions.
D'une façon générale les objectifs de modernisation, de décloisonnement et de simplification devront s'imposer lors des travaux des groupes thématiques.
La direction générale de l'action sociale assurera le support administratif de nos travaux et vous trouverez auprès de madame Joëlle Voisin, sous-directrice des âges de la vie à la direction générale de l'action sociale, le contact permanent dont vous pouvez avoir besoin compte tenu des délais très contraints qui sont les nôtres.
Dans quelques instants je vais passer la parole à mes collègues, monsieur Jean-François MATTEI, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, et monsieur Hubert FALCO, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Je souhaite préalablement vous faire part de deux propositions :
La première est méthodologique : les groupes thématiques que je vous ai proposés s'inspirent des échanges que vous avez eus il y a une semaine avec le Premier ministre. Néanmoins je reste ouvert à vos propositions dans ce domaine. La première partie de notre discussion pourrait ainsi être consacrée à l'organisation et au déroulement de nos travaux durant tout le mois de septembre sur la base de la proposition que je viens de vous présenter.
La deuxième proposition, à laquelle j'attache beaucoup d'importance, est liée à la situation actuelle. Les températures extrêmes et le pic de chaleur sont probablement derrière nous pour cette année, mais les difficultés demeurent pour beaucoup de personnes âgées, qui ont été affaiblies durant le mois d'août, qui ont souvent été hospitalisées et qui aspirent désormais à revenir chez elles, à leur domicile ou dans leur établissement d'hébergement.
A l'évidence un besoin d'aide et de surveillance de leur état de santé demeure. Des aides diverses, ménagères, paramédicales ou médicales sont ou seront nécessaires. Nous avons le devoir d'organiser ensemble ce retour progressif. Les besoins tant au plan organisationnel que financier, sont à estimer dans les plus brefs délais. Au retard dans l'alerte du mois d'août ne doit pas s'ajouter un retard dans l'après crise. Je vous propose que nous abordions dès aujourd'hui cette préoccupation afin de mettre en uvre le plus rapidement possible le dispositif le plus adapté aux besoins, quels que soient les acteurs concernés : établissements, associations, organismes de protection sociale, collectivités territoriales ou services de l'Etat.
Je vous informe à cet égard que nous avons adressé aux préfets une instruction leur demandant de prendre les dispositions nécessaires sur le plan organisationnel et financier pour favoriser dans les meilleures conditions possibles les sorties d'hôpital vers leur lieu de vie habituel. Les crédits nécessaires seront mobilisés sans attendre le plan d'ensemble auquel nous allons travailler et qui sera établi d'ici le début du mois d'octobre.
Je souhaite que cette action immédiate soit gérée en liaison avec les présidents des conseils généraux : des personnes âgées, qui retournent affaiblies vers leur domicile antérieur, sont susceptibles désormais de justifier d'une ouverture du droit à l'APA ou d'une révision du plan d'aide. Les procédures doivent être accélérées et les délais de mise en uvre raccourcis au maximum.
Mesdames et Messieurs,
Des progrès très importants ont été accomplis aux cours des dernières années en faveur des personnes âgées. Les conditions de vie de nos aînés ont connu des améliorations substantielles. L'espérance de vie s'est fortement élevée et s'est même accompagnée d'une diminution de l'incapacité des personnes très âgées : selon l'INSERM les pathologies sont de moins en moins invalidantes ou responsables de l'incapacité.
Pourtant des préoccupations très concrètes demeurent :
D'abord parce que l'évolution démographique de notre pays aura pour effet après 2010 d'augmenter le nombre des personnes en incapacité. Les personnes âgées souhaiteront, comme aujourd'hui, rester le plus longtemps possible à domicile, alors même que l'évolution des modes de vie risque de les isoler : l'éloignement des adultes du lieu de résidence de leurs vieux parents est un fait de société et celui-ci s'accentuera par l'entrée dans la phase de la vieillesse des familles éclatées d'aujourd'hui, avec toutes leurs conséquences sur les relations avec les enfants.
D'autre part les politiques publiques concernant les personnes âgées sont fragmentées entre plusieurs niveaux d'intervention, alors même que le devoir d'attention, la réactivité à l'évènement et la rapidité de décisions justifient plutôt un pilotage unique de proximité dans un cadre plus décentralisé.
Enfin notre société ne se préoccupe pas autant de ses aînés que des autres âges de la vie. A titre d'exemple la lutte contre la malveillance institutionnelle ou familiale des personnes âgées ne rencontre pas le même écho, même si la situation évolue, qu'en matière d'enfance en danger.
En résumé, notre société n'est pas encore " une société pour tous les âges " pour reprendre l'expression utilisée antérieurement par l'Organisation des Nations Unies dans le cadre de l'année internationale des personnes âgées.
C'est pourquoi je vous appelle à participer, au cours des trois semaines qui viennent, à la réalisation d'un diagnostic non seulement partagé, mais également sincère, conformément à la demande du Président de la République et du Premier ministre.
Je passe maintenant la parole à monsieur Jean-François MATTEI, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
(source http://www.social.gouv.fr, le 3 septembre 2003)
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames, Messieurs
A l'issue de la réunion présidée par le Premier ministre mardi dernier à Matignon, il a été convenu que nous poursuivrions nos échanges et nos travaux à partir d'aujourd'hui. Chacun aura noté aussi la présence de monsieur MATTEI, que je suis heureux d'accueillir en cette salle des Accords, car l'un des éléments qui ressortait de nos débats la semaine dernière était le lien indispensable entre la dimension sanitaire et la politique sociale.
De ce fait, la liste des participants à la réunion à été élargie et je souhaite la bienvenue pour cette réunion de travail à tous ceux qui représentent le monde de la santé.
Notre réunion est destinée à préparer ensemble le diagnostic partagé demandé par le Premier ministre sur les modes d'organisation et de fonctionnement des dispositifs d'accueil, d'aide ou d'hébergement des personnes âgées, et par la suite le plan pluriannuel que le gouvernement devra mettre en uvre pour améliorer le dispositif et développer la solidarité que nous devons aux plus anciens.
Je vous remercie d'avoir bien voulu témoigner par votre présence tout l'intérêt que vous portez à ce sujet. Je tiens tout particulièrement à rendre hommage aux personnels intervenus à domicile ou au sein des établissements pour personnes âgées : leur compétence, leur engagement et leur dévouement a permis d'atténuer un choc collectif particulièrement grave.
Il peut paraître étonnant que nous soyons appelés à établir ensemble un diagnostic des dispositifs destinés aux personnes âgées en établissement ou à domicile. Et pourtant, malgré la multiplication des rapports à ce sujet, un événement climatique de nature exceptionnelle nous rappelle brutalement et dans bien des cas dramatiquement les conditions de vie d'un grand nombre de nos aînés.
Les causes de cette crise ont été largement commentées : on a beaucoup souligné les difficultés de mise en uvre de mesures de prévention, l'importance de la coordination locale des intervenants auprès des personnes âgées isolées, souvent très âgées et malades, ou encore les insuffisances, de l'alerte initiale ou de l'accompagnement personnalisé des personnes les plus fragiles. Mais l'analyse critique du déroulement de cette crise se fera par ailleurs. Notre tâche est de préparer l'action à engager maintenant, et au cours des prochaines années.
Au-delà des constats plus généraux sur l'évolution des modes de vie familiaux dans notre société, cette crise majeure nous rappelle les conséquences concrètes, humaines, quotidiennes du vieillissement et de la longévité. Les épisodes antérieurs de 1976 ou 1983 avaient déjà souligné la vulnérabilité du grand âge aux fortes chaleurs. Par son caractère exceptionnel l'été 2003 nous a rappelé brutalement la nécessité d'un plan d'action collectif fortement structuré au-delà des instructions antérieures sur l'attention à porter aux personnes isolées - rappelée notamment par monsieur Hubert FALCO - et de la coordination nécessaire à la continuité des prises en charge durant la période estivale, c'est-à-dire de congés.
Cette situation nous appelle ainsi à une mobilisation plus forte et à une démarche concertée d'anticipation des effets du vieillissement.
Même si beaucoup de données quantitatives ou qualitatives nous font encore défaut à cette heure, les principales questions relatives à la canicule sont maintenant posées : les mécanismes d'alerte et de prévention doivent être améliorés ; l'offre et la qualité de l'hébergement justifient des améliorations significatives dans une perspective pluriannuelle ; les conditions de vie à domicile ont besoin d'être plus amplement analysées pour garantir un accompagnement social voire sanitaire adapté à chacun.
De plus les modalités de la prise en charge des personnes âgées doivent être examinées sous l'angle de la continuité et de la fluidité des soins entre le domicile et l'établissement d'accueil, qu'il soit social ou hospitalier.
Enfin la gestion des ressources humaines dans le secteur des personnes âgées mérite aussi une attention particulière. Car ce secteur professionnel devra se développer et il doit être suffisamment attractif au regard des besoins.
Comme vous l'a indiqué le Premier ministre, ce travail sera mené tout au long du mois de septembre. C'est pourquoi je vous propose la méthode suivante :
Tout d'abord le déroulement de nos travaux :
Je vous proposerai dans un instant plusieurs groupes thématiques de travail. Ces groupes pourraient se réunir dès le début de la semaine prochaine et au cours de la semaine suivante. Ensuite, durant la dernière semaine de septembre, deux réunions plénières, dans cette formation ci, seraient consacrées à une restitution des rapports de chaque groupe, puis à la présentation et à la discussion de la synthèse de ces rapports.
Par ailleurs je solliciterai l'avis du comité national des retraités et personnes âgées.
Je soumets donc à votre appréciation la constitution de six groupes thématiques de travail :
- une premier groupe de travail pourrait être consacré, d'une part à l'amélioration de la prévention, et d'autre part à l'élaboration et à la mise en uvre d'un dispositif de veille et d'alerte. Ce plan " Vermeil " serait associé à l'organisation coordonnée au niveau territorial des intervenants professionnels ou bénévoles. Ce protocole pourrait être élaboré au plan national, mais sa gestion, c'est-à-dire son organisation, son déclenchement et sa mise en uvre relèveraient des acteurs locaux préalablement identifiés afin d'assurer un maillage territorial, une mobilisation des intervenants et une mutualisation des moyens pour combattre l'isolement des personnes les plus vulnérables.
- le deuxième groupe de travail concernerait l'offre et la qualité de l'hébergement collectif : la canicule a souligné dans bien des cas l'insuffisance du bâti ainsi que les besoins d'adaptation ou de rénovation, voire simplement de mise aux normes. Mais au-delà de cet évènement nous devons réfléchir à une conception architecturale qui dessine un projet de vie en établissement conforme aux besoins du grand âge et à l'indispensable innovation que nous devons apporter à l'accueil collectif. Cela sans négliger les aspects pratiques liés aux contraintes pour les personnels et à la problématique de l'insertion dans un cadre à proximité des lieux de vie sociale.
- je vous propose qu'un troisième groupe analyse et fasse des propositions concernant la vie à domicile : la prise en charge globale sociale et sanitaire, graduée selon les situations individuelles et associée à une coordination des intervenants a été fortement sollicitée durant cette période de crise. Il convient de renforcer cette coordination gérontologique. Mais nous pourrions aussi recenser les besoins d'hébergement temporaire, d'accueil de jour ainsi que les formes alternatives destinées à prolonger le maintien à domicile.
- un quatrième groupe serait consacré à la prise en charge sanitaire des personnes âgées : il pourrait examiner sous l'autorité d'un représentant du Ministre de la Santé l'organisation de la filière gériatrique ainsi que l'adaptation des métiers médicaux ou paramédicaux aux besoins du vieillissement de notre société.
- un cinquième groupe devrait à mon sens se consacrer plus généralement à la gestion des ressources humaines dans le domaine social et médico-social des personnes âgées. Cet ensemble comprend la formation et la validation des acquis de l'expérience, les statuts et la carrière des professionnels, ou encore les taux d'encadrement, c'est-à-dire en définitive la reconnaissance des métiers du social, l'attractivité et l'adaptation de ces métiers, ainsi que la prospective des emplois correspondants. Les organisations syndicales représentatives pourraient être spécifiquement associées aux travaux de ce groupe.
- enfin il m'a paru nécessaire qu'un sixième groupe aborde la question des modalités et des sources de financement. Par ces termes je souhaite que nous ne nous enfermions pas dans les réflexions, par ailleurs indispensables, sur la seule tarification des services et des établissements. Nous avons en effet besoin d'une réflexion plus générale sur le financement des personnes en difficulté, que cette difficulté soit liée à l'âge ou au handicap, c'est-à-dire à la dépendance. Des idées fleurissent dans ce domaine : on parle de cinquième risque, de suppression de jours fériés. Il faut s'y arrêter un moment, en explorer la nature, la portée ainsi que les solutions alternatives. Naturellement, une réflexion aussi large doit pouvoir associer les représentants des personnes handicapées également concernées.
Sur tous ces sujets je sollicite de votre part des réactions et si possible des contributions écrites qui permettront d'enrichir nos débats, d'approfondir le diagnostic et d'étayer des propositions.
J'ai conscience du caractère forcément artificiel de cette répartition en six groupes thématiques. En effet la crise est collective, elle concerne tous les acteurs et l'on a beaucoup parlé de décloisonnement, à juste titre. Il ne s'agit donc pas d'opposer l'accueil en établissement à la vie au domicile. Il ne s'agit pas davantage de séparer la prise en charge sociale de la prise en charge sanitaire. Tout au contraire. Mais il faut bien aussi, à titre méthodologique, sérier les besoins et les objectifs, à charge pour notre groupe de faire la synthèse et d'aboutir autant que possible à une vue d'ensemble.
C'est pourquoi je souhaite que chacun de ces thèmes soit analysé dans toutes ses dimensions : humaine, technique ou financière.
De même il me paraît nécessaire qu'à chaque fois où cela est possible des comparaisons internationales, ou du moins européennes, permettent d'ajuster le diagnostic et d'éclairer les propositions.
D'une façon générale les objectifs de modernisation, de décloisonnement et de simplification devront s'imposer lors des travaux des groupes thématiques.
La direction générale de l'action sociale assurera le support administratif de nos travaux et vous trouverez auprès de madame Joëlle Voisin, sous-directrice des âges de la vie à la direction générale de l'action sociale, le contact permanent dont vous pouvez avoir besoin compte tenu des délais très contraints qui sont les nôtres.
Dans quelques instants je vais passer la parole à mes collègues, monsieur Jean-François MATTEI, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, et monsieur Hubert FALCO, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Je souhaite préalablement vous faire part de deux propositions :
La première est méthodologique : les groupes thématiques que je vous ai proposés s'inspirent des échanges que vous avez eus il y a une semaine avec le Premier ministre. Néanmoins je reste ouvert à vos propositions dans ce domaine. La première partie de notre discussion pourrait ainsi être consacrée à l'organisation et au déroulement de nos travaux durant tout le mois de septembre sur la base de la proposition que je viens de vous présenter.
La deuxième proposition, à laquelle j'attache beaucoup d'importance, est liée à la situation actuelle. Les températures extrêmes et le pic de chaleur sont probablement derrière nous pour cette année, mais les difficultés demeurent pour beaucoup de personnes âgées, qui ont été affaiblies durant le mois d'août, qui ont souvent été hospitalisées et qui aspirent désormais à revenir chez elles, à leur domicile ou dans leur établissement d'hébergement.
A l'évidence un besoin d'aide et de surveillance de leur état de santé demeure. Des aides diverses, ménagères, paramédicales ou médicales sont ou seront nécessaires. Nous avons le devoir d'organiser ensemble ce retour progressif. Les besoins tant au plan organisationnel que financier, sont à estimer dans les plus brefs délais. Au retard dans l'alerte du mois d'août ne doit pas s'ajouter un retard dans l'après crise. Je vous propose que nous abordions dès aujourd'hui cette préoccupation afin de mettre en uvre le plus rapidement possible le dispositif le plus adapté aux besoins, quels que soient les acteurs concernés : établissements, associations, organismes de protection sociale, collectivités territoriales ou services de l'Etat.
Je vous informe à cet égard que nous avons adressé aux préfets une instruction leur demandant de prendre les dispositions nécessaires sur le plan organisationnel et financier pour favoriser dans les meilleures conditions possibles les sorties d'hôpital vers leur lieu de vie habituel. Les crédits nécessaires seront mobilisés sans attendre le plan d'ensemble auquel nous allons travailler et qui sera établi d'ici le début du mois d'octobre.
Je souhaite que cette action immédiate soit gérée en liaison avec les présidents des conseils généraux : des personnes âgées, qui retournent affaiblies vers leur domicile antérieur, sont susceptibles désormais de justifier d'une ouverture du droit à l'APA ou d'une révision du plan d'aide. Les procédures doivent être accélérées et les délais de mise en uvre raccourcis au maximum.
Mesdames et Messieurs,
Des progrès très importants ont été accomplis aux cours des dernières années en faveur des personnes âgées. Les conditions de vie de nos aînés ont connu des améliorations substantielles. L'espérance de vie s'est fortement élevée et s'est même accompagnée d'une diminution de l'incapacité des personnes très âgées : selon l'INSERM les pathologies sont de moins en moins invalidantes ou responsables de l'incapacité.
Pourtant des préoccupations très concrètes demeurent :
D'abord parce que l'évolution démographique de notre pays aura pour effet après 2010 d'augmenter le nombre des personnes en incapacité. Les personnes âgées souhaiteront, comme aujourd'hui, rester le plus longtemps possible à domicile, alors même que l'évolution des modes de vie risque de les isoler : l'éloignement des adultes du lieu de résidence de leurs vieux parents est un fait de société et celui-ci s'accentuera par l'entrée dans la phase de la vieillesse des familles éclatées d'aujourd'hui, avec toutes leurs conséquences sur les relations avec les enfants.
D'autre part les politiques publiques concernant les personnes âgées sont fragmentées entre plusieurs niveaux d'intervention, alors même que le devoir d'attention, la réactivité à l'évènement et la rapidité de décisions justifient plutôt un pilotage unique de proximité dans un cadre plus décentralisé.
Enfin notre société ne se préoccupe pas autant de ses aînés que des autres âges de la vie. A titre d'exemple la lutte contre la malveillance institutionnelle ou familiale des personnes âgées ne rencontre pas le même écho, même si la situation évolue, qu'en matière d'enfance en danger.
En résumé, notre société n'est pas encore " une société pour tous les âges " pour reprendre l'expression utilisée antérieurement par l'Organisation des Nations Unies dans le cadre de l'année internationale des personnes âgées.
C'est pourquoi je vous appelle à participer, au cours des trois semaines qui viennent, à la réalisation d'un diagnostic non seulement partagé, mais également sincère, conformément à la demande du Président de la République et du Premier ministre.
Je passe maintenant la parole à monsieur Jean-François MATTEI, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
(source http://www.social.gouv.fr, le 3 septembre 2003)