Texte intégral
Les implications de la crise en Asie du Sud-Est pour l'intervention de la Banque mondiale dans les pays en développement
Il va de soi qu'il est encore trop tôt pour tirer toutes les leçons de la crise asiatique. Je souhaite pourtant tirer les premiers enseignements généraux de cette crise qui concernent non seulement l'Asie mais l'ensemble des pays en développement.
Si les situations de crise sont source de préoccupations et parfois de souffrance, elles ont un avantage, celui de révéler mieux les qualités comme les faiblesses, celles des hommes comme celles des institutions. A cet égard, la crise asiatique aura mis en évidence la solidité et les capacités des dirigeants de la Banque mondiale et du FMI mais elle aura mis aussi en lumière certaines imperfections dans leur organisation, mais surtout dans la relation entre Banque et Fonds monétaire.
Je ne doute pas que l'on saura les corriger. Je veux saluer à mon tour les efforts exceptionnels de James Wolfensohn et Michel Camdessus, et tous leurs équipiers.
1) La question des capacités d'analyse et de prévention de la Banque mondiale et du Fonds monétaire a été très souvent posée. S'il se conçoit aisément que la Banque ait eu des difficultés à apprécier la situation économique de la République de Corée, ce constat ne peut être appliqué à l'Indonésie qui est l'un de ces principaux clients.
Je sais que le Conseil d'administration de la Banque s'en préoccupe, mais il importe que la Banque mondiale poursuive cette explication et clarifie les motifs de cette insuffisante appréciation de la situation.
2) Il convient aujourd'hui de renforcer les moyens d'une analyse objective des risques. En complémentarité du rôle central du Fonds monétaire international dans la surveillance financière macro-économique, la Banque mondiale a un rôle de veille et d'expertise à exercer dans les domaines où elle agit : secteur bancaire, compétitivité du secteur privé, marché du travail, environnement légal et juridique.
Le renforcement des activités de la Banque mondiale dans le secteur bancaire et financier avait déjà été agréé lors de notre dernier Comité du développement à Hong Kong, la crise asiatique en rappelle l'urgence. Je me félicite de ce que la Banque mondiale ait déjà procédé à la création d'une unité spécialisée dans le traitement des crises bancaires à laquelle la France a apporté un premier soutien, en mettant à sa disposition plusieurs personnes de la Banque de France. L'Union européenne compte également renforcer l'assistance technique en Asie dans les domaines financiers et bancaires en finançant un fonds fiduciaire de l'ASEM. Pour sa part, la France a décidé d'y apporter une contribution supplémentaire exceptionnelle de 50 MF.
3) Si la Banque en Asie comme ailleurs a pour mission première de promouvoir le développement, il faut rappeler avec force que le développement doit s'enraciner profondément dans le corps social. Une croissance qui n'intéresse que la couche superficielle de la société fait penser aux bateaux multicoques : en surfant sur la vague, ils sont capables des plus grandes vitesses, mais ce sont eux aussi qui chavirent le plus facilement. C'est dire l'importance de cette autre mission de la Banque mondiale : la lutte contre la pauvreté. L'impact social de la crise asiatique risque d'être plus importante que prévue : des programmes ciblés dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de l'emploi, des fonds sociaux, doivent rapidement être mis en oeuvre pour venir en aide aux populations les plus démunies. La Banque mondiale aura un rôle moteur à jouer dans l'accompagnement et le succès des réformes structurelles à engager.
4) L'une des causes principales de la crise asiatique relève des relations peu claires entre l'Etat et les entreprises privées, qui ont amené à des décisions d'investissement sur des critères autres que la rentabilité et l'efficacité économique. Là encore, une leçon peut être tirée, qui est vraie pour toutes les économies. La nécessité de l'établissement d'une "bonne gouvernance" est fondamentale pour assurer les conditions d'un développement harmonieux, et l'Etat doit être en mesure de déterminer, de façon parfaitement transparente, les orientations de politique économique qui serviront de cadre à l'investissement et au développement du secteur privé.
5) L'absence complète de contrôle sur les mouvements de capitaux au niveau international est une source de crises et de dysfonctionnements majeurs : la Banque mondiale et le FMI eux mêmes insistent, depuis la crise asiatique. sur la nécessité d'introduire une surveillance renforcée de ces mouvements, en particulier dans les pays à économies émergentes. La résistance d'une chaîne est celle de son maillon le plus faible, il en va de même du système financier international. Nous vous encourageons fortement sur la voie d'une réelle surveillance.
6) Je souhaite enfin mettre l'accent sur la nécessité d'une grande vigilance quant aux flux financiers en provenance des Institutions de Bretton Woods. L'effort exceptionnel consenti à plusieurs pays d'Asie ne doit pas compromettre l'ensemble de la solidité financière de l'Institution. Pour cela des mesures urgentes s'imposent pour maintenir un revenu financier suffisant, mesures qui feront également appel à la solidarité de la communauté internationale. Mais l'importance des transferts à destination des pays d'Asie ne doit pas non plus se faire au détriment des pays africains qui, pour la majeure partie d'entre eux, ont mis en oeuvre des politiques économiques adaptées, ce qui s'est traduit par un retour à la croissance et le rétablissement progressif des grands équilibres macro-économiques. Pour inscrire cette croissance dans la durée, les pays africains auront besoin, dans les années à venir, de financements multilatéraux en appui aux réformes structurelles actuellement en cours. La France veillera à ce que les Institutions de Bretton Woods maintiennent cet appui financier nécessaire. Nous concevons la perspective de l'ouverture des négociations pour 1a reconstitution de l'AID-12 en ce sens. La France estime qu'il est nécessaire de rétablir, comme dans l'AID-10, une norme d'allocation des ressources à l'Afrique sub-saharienne./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 septembre 2001)
Il va de soi qu'il est encore trop tôt pour tirer toutes les leçons de la crise asiatique. Je souhaite pourtant tirer les premiers enseignements généraux de cette crise qui concernent non seulement l'Asie mais l'ensemble des pays en développement.
Si les situations de crise sont source de préoccupations et parfois de souffrance, elles ont un avantage, celui de révéler mieux les qualités comme les faiblesses, celles des hommes comme celles des institutions. A cet égard, la crise asiatique aura mis en évidence la solidité et les capacités des dirigeants de la Banque mondiale et du FMI mais elle aura mis aussi en lumière certaines imperfections dans leur organisation, mais surtout dans la relation entre Banque et Fonds monétaire.
Je ne doute pas que l'on saura les corriger. Je veux saluer à mon tour les efforts exceptionnels de James Wolfensohn et Michel Camdessus, et tous leurs équipiers.
1) La question des capacités d'analyse et de prévention de la Banque mondiale et du Fonds monétaire a été très souvent posée. S'il se conçoit aisément que la Banque ait eu des difficultés à apprécier la situation économique de la République de Corée, ce constat ne peut être appliqué à l'Indonésie qui est l'un de ces principaux clients.
Je sais que le Conseil d'administration de la Banque s'en préoccupe, mais il importe que la Banque mondiale poursuive cette explication et clarifie les motifs de cette insuffisante appréciation de la situation.
2) Il convient aujourd'hui de renforcer les moyens d'une analyse objective des risques. En complémentarité du rôle central du Fonds monétaire international dans la surveillance financière macro-économique, la Banque mondiale a un rôle de veille et d'expertise à exercer dans les domaines où elle agit : secteur bancaire, compétitivité du secteur privé, marché du travail, environnement légal et juridique.
Le renforcement des activités de la Banque mondiale dans le secteur bancaire et financier avait déjà été agréé lors de notre dernier Comité du développement à Hong Kong, la crise asiatique en rappelle l'urgence. Je me félicite de ce que la Banque mondiale ait déjà procédé à la création d'une unité spécialisée dans le traitement des crises bancaires à laquelle la France a apporté un premier soutien, en mettant à sa disposition plusieurs personnes de la Banque de France. L'Union européenne compte également renforcer l'assistance technique en Asie dans les domaines financiers et bancaires en finançant un fonds fiduciaire de l'ASEM. Pour sa part, la France a décidé d'y apporter une contribution supplémentaire exceptionnelle de 50 MF.
3) Si la Banque en Asie comme ailleurs a pour mission première de promouvoir le développement, il faut rappeler avec force que le développement doit s'enraciner profondément dans le corps social. Une croissance qui n'intéresse que la couche superficielle de la société fait penser aux bateaux multicoques : en surfant sur la vague, ils sont capables des plus grandes vitesses, mais ce sont eux aussi qui chavirent le plus facilement. C'est dire l'importance de cette autre mission de la Banque mondiale : la lutte contre la pauvreté. L'impact social de la crise asiatique risque d'être plus importante que prévue : des programmes ciblés dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de l'emploi, des fonds sociaux, doivent rapidement être mis en oeuvre pour venir en aide aux populations les plus démunies. La Banque mondiale aura un rôle moteur à jouer dans l'accompagnement et le succès des réformes structurelles à engager.
4) L'une des causes principales de la crise asiatique relève des relations peu claires entre l'Etat et les entreprises privées, qui ont amené à des décisions d'investissement sur des critères autres que la rentabilité et l'efficacité économique. Là encore, une leçon peut être tirée, qui est vraie pour toutes les économies. La nécessité de l'établissement d'une "bonne gouvernance" est fondamentale pour assurer les conditions d'un développement harmonieux, et l'Etat doit être en mesure de déterminer, de façon parfaitement transparente, les orientations de politique économique qui serviront de cadre à l'investissement et au développement du secteur privé.
5) L'absence complète de contrôle sur les mouvements de capitaux au niveau international est une source de crises et de dysfonctionnements majeurs : la Banque mondiale et le FMI eux mêmes insistent, depuis la crise asiatique. sur la nécessité d'introduire une surveillance renforcée de ces mouvements, en particulier dans les pays à économies émergentes. La résistance d'une chaîne est celle de son maillon le plus faible, il en va de même du système financier international. Nous vous encourageons fortement sur la voie d'une réelle surveillance.
6) Je souhaite enfin mettre l'accent sur la nécessité d'une grande vigilance quant aux flux financiers en provenance des Institutions de Bretton Woods. L'effort exceptionnel consenti à plusieurs pays d'Asie ne doit pas compromettre l'ensemble de la solidité financière de l'Institution. Pour cela des mesures urgentes s'imposent pour maintenir un revenu financier suffisant, mesures qui feront également appel à la solidarité de la communauté internationale. Mais l'importance des transferts à destination des pays d'Asie ne doit pas non plus se faire au détriment des pays africains qui, pour la majeure partie d'entre eux, ont mis en oeuvre des politiques économiques adaptées, ce qui s'est traduit par un retour à la croissance et le rétablissement progressif des grands équilibres macro-économiques. Pour inscrire cette croissance dans la durée, les pays africains auront besoin, dans les années à venir, de financements multilatéraux en appui aux réformes structurelles actuellement en cours. La France veillera à ce que les Institutions de Bretton Woods maintiennent cet appui financier nécessaire. Nous concevons la perspective de l'ouverture des négociations pour 1a reconstitution de l'AID-12 en ce sens. La France estime qu'il est nécessaire de rétablir, comme dans l'AID-10, une norme d'allocation des ressources à l'Afrique sub-saharienne./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 septembre 2001)