Texte intégral
Au lieu de polémiquer sur les conséquences de la canicule de cet été, il serait plus salutaire d'utiliser cet événement dramatique pour provoquer un électrochoc dans la population sur l'urgence de la lutte contre l'effet de serre.
Lors de son interview du 14 juillet, le président de la République a évoqué le projet de réforme de la Constitution visant à faire de la protection de l'environnement un principe à valeur constitutionnelle. C'est assez rare qu'en France un président de la République évoque les sujets environnementaux et notamment l'effet de serre ; c'est encore plus rare un 14 juillet.
C'est une bonne nouvelle, car elle annonce peut-être qu'enfin l'environnement ne sera plus réservé aux discours électoraux et aux grands discours remplis de bonnes intentions, mais sans lendemain.
Réviser la Constitution peut être utile mais cela ne remplace pas une action déterminée en faveur de l'environnement ; cela ne saurait servir de cache-misère, car il faut bien reconnaître que, depuis une quinzaine d'années, les politiques des gouvernements successifs en faveur de l'environnement ont été pour le moins décevantes. Comme si mettre à la tête de ce ministère (qui devrait être placé auprès du premier ministre, car inscrire l'environnement comme priorité c'est l'intégrer dans chaque décision interministérielle) une grande figure écologiste suffisait pour justifier une politique déterminée en faveur de l'environnement.
Que la France devienne l'avocat incessant de la protection de notre planète serait pourtant un beau combat.
D'une part, parce que la lutte contre l'effet de serre est une question quasi vitale pour notre planète et à coup sûr au moins pour plusieurs milliards d'individus.
D'autre part, car engager une politique ambitieuse de réduction des gaz à effet de serre au niveau national et surtout européen, c'est proposer un autre modèle de développement de la planète que celui, hyper consumériste, américain. Et c'est aussi retrouver une influence diplomatique réelle.
Lutter contre l'effet de serre doit être une priorité absolue ; or depuis le sommet de Kyoto en 1992 où toutes les nations se sont engagées à stabiliser la concentration des gaz à effet de serre, rien n'a été fait ou presque. On sait simplement avec plus de certitude, grâce à toutes les recherches entreprises, que, sans réduction de moitié des gaz à effet de serre, la planète va à la catastrophe - et pas simplement parce que les terres seront immergées - à l'horizon de 50 ou 100 ans.
Certes, le moyen ou le long terme ne font pas bon ménage avec la politique.
L'immense difficulté - voire l'impossibilité - à inscrire la politique dans l'avenir (on l'a vu sur les retraites) est une constante de notre époque. Mais il ne s'agit pas là de questions d'argent, il s'agit pour le minimum d'une transformation colossale de notre planète. Et ce n'est pas du catastrophisme ou du pessimisme, c'est inéluctable. Le consensus est à peu près total chez les scientifiques. On ne sait pas si les vents violents de décembre 1999 ou la canicule de cet été sont les précurseurs du réchauffement de la planète, mais cela donne au moins un aperçu de ce qui nous attend avec certitude dans moins d'un siècle.
Outre la hausse du niveau des océans (60% des habitants vivant le long des côtes, il faudra les déplacer), l'accroissement de la température de la planète modifiera totalement notre climat : la ressource en eau sera répartie différemment ; les tempêtes comme celles de 1999 risquent de devenir monnaie courante, et il n'est pas impossible que la France ait un climat canadien.
Et tout cela n'est pas loin. C'est demain ! C'est une urgence.
Le pouvoir politique a un rôle majeur à jouer : d'abord il doit faire prendre conscience à nos concitoyens qu'il est temps de réagir, car le salut viendra probablement des consommateurs qui finiront par ne pas oublier qu'ils sont d'abord des terriens.
La France, à travers son exemplarité et son action déterminée, doit emporter l'Europe tout entière.
C'est vers une vraie politique d'économie d'énergie, de développement des énergies renouvelables et notamment le solaire, d'une politique de transports plus soucieuse de notre environnement qu'il faut aller. Il faut aussi mener une politique en faveur de la filière bois et de la "matière écologique" (bois et pierre), permettant le développement de puits de carbone. Mais il s'agit surtout d'aborder avec sérénité la politique énergétique de la France ; il nous faudra bien entendu ouvrir de lourds débats avec les pourfendeurs du nucléaire - car c'est dans le nucléaire qu'une partie de la solution se trouve - mais une partie seulement, car toutes les économies d'énergie ne suffiront pas à éviter le réchauffement de la planète.
Une politique française résolue sur un vrai sujet d'avenir ne peut se mener seule. Elle doit être européenne, et notre exemplarité nous permettra d'en faire un combat incessant pour que l'Europe tout entière en fasse une priorité. C'est d'abord utile pour la planète, car après les Américains, les Européens sont les plus grands producteurs de gaz à effet de serre. C'est surtout pour l'Europe un moyen de retrouver la place qu'elle perdue sur la scène internationale ; c'est pour elle le moyen de proposer aux peuples du monde entier un autre modèle de développement que le modèle consumériste qui nous conduit à de graves bouleversements.
En effet, la solution durable pour préserver notre climat repose sur une autre conception du développement soucieuse des ressources de la planète. En effet, au fur et à mesure que les pays en voie de développement, comme la Chine, l'Inde, accéderont à la richesse, leurs productions de gaz à effet de serre rejoindront la nôtre. Les dommages pour le climat seront alors insupportables.
Aujourd'hui, le seul modèle proposé aux peuples en voie de développement est l'exemple européen et surtout américain. Comme il n'est bien entendu pas acceptable de leur refuser l'accès au développement, l'Europe à travers la lutte contre l'effet de serre pourrait être à l'origine de grands programmes de recherche et de politiques ambitieuses afin que croissance et économies développées riment le moins possible avec augmentation des gaz à effet de serre (car malheureusement, les deux sont liés). Il faudra aussi tout faire pour que les produits pétroliers et le charbon ne soient plus les sources principales de production d'énergie. Il nous faudra, enfin, également nous engager vers des mécanismes de régulation à l'échelle planétaire.
La lutte pour la protection de l'environnement de la Terre aura, dans les années à venir, autant d'importance qu'en a eu la lutte pour la liberté, le Droit des gens et la démocratie au XVIII e et au XIX e siècle. La France et les philosophes européens ont porté ce message à travers le monde ; nous avons porté un nouveau modèle de société.
A travers notamment la lutte contre l'effet de serre, c'est un nouveau modèle que nous pourrions proposer pour sauver la planète et donner à l'Europe, à travers ce sujet, la chance de prouver qu'elle est capable de proposer un autre modèle de société au monde entier.
(Source http://www.udf.org, le 5 septembre 2003)
Lors de son interview du 14 juillet, le président de la République a évoqué le projet de réforme de la Constitution visant à faire de la protection de l'environnement un principe à valeur constitutionnelle. C'est assez rare qu'en France un président de la République évoque les sujets environnementaux et notamment l'effet de serre ; c'est encore plus rare un 14 juillet.
C'est une bonne nouvelle, car elle annonce peut-être qu'enfin l'environnement ne sera plus réservé aux discours électoraux et aux grands discours remplis de bonnes intentions, mais sans lendemain.
Réviser la Constitution peut être utile mais cela ne remplace pas une action déterminée en faveur de l'environnement ; cela ne saurait servir de cache-misère, car il faut bien reconnaître que, depuis une quinzaine d'années, les politiques des gouvernements successifs en faveur de l'environnement ont été pour le moins décevantes. Comme si mettre à la tête de ce ministère (qui devrait être placé auprès du premier ministre, car inscrire l'environnement comme priorité c'est l'intégrer dans chaque décision interministérielle) une grande figure écologiste suffisait pour justifier une politique déterminée en faveur de l'environnement.
Que la France devienne l'avocat incessant de la protection de notre planète serait pourtant un beau combat.
D'une part, parce que la lutte contre l'effet de serre est une question quasi vitale pour notre planète et à coup sûr au moins pour plusieurs milliards d'individus.
D'autre part, car engager une politique ambitieuse de réduction des gaz à effet de serre au niveau national et surtout européen, c'est proposer un autre modèle de développement de la planète que celui, hyper consumériste, américain. Et c'est aussi retrouver une influence diplomatique réelle.
Lutter contre l'effet de serre doit être une priorité absolue ; or depuis le sommet de Kyoto en 1992 où toutes les nations se sont engagées à stabiliser la concentration des gaz à effet de serre, rien n'a été fait ou presque. On sait simplement avec plus de certitude, grâce à toutes les recherches entreprises, que, sans réduction de moitié des gaz à effet de serre, la planète va à la catastrophe - et pas simplement parce que les terres seront immergées - à l'horizon de 50 ou 100 ans.
Certes, le moyen ou le long terme ne font pas bon ménage avec la politique.
L'immense difficulté - voire l'impossibilité - à inscrire la politique dans l'avenir (on l'a vu sur les retraites) est une constante de notre époque. Mais il ne s'agit pas là de questions d'argent, il s'agit pour le minimum d'une transformation colossale de notre planète. Et ce n'est pas du catastrophisme ou du pessimisme, c'est inéluctable. Le consensus est à peu près total chez les scientifiques. On ne sait pas si les vents violents de décembre 1999 ou la canicule de cet été sont les précurseurs du réchauffement de la planète, mais cela donne au moins un aperçu de ce qui nous attend avec certitude dans moins d'un siècle.
Outre la hausse du niveau des océans (60% des habitants vivant le long des côtes, il faudra les déplacer), l'accroissement de la température de la planète modifiera totalement notre climat : la ressource en eau sera répartie différemment ; les tempêtes comme celles de 1999 risquent de devenir monnaie courante, et il n'est pas impossible que la France ait un climat canadien.
Et tout cela n'est pas loin. C'est demain ! C'est une urgence.
Le pouvoir politique a un rôle majeur à jouer : d'abord il doit faire prendre conscience à nos concitoyens qu'il est temps de réagir, car le salut viendra probablement des consommateurs qui finiront par ne pas oublier qu'ils sont d'abord des terriens.
La France, à travers son exemplarité et son action déterminée, doit emporter l'Europe tout entière.
C'est vers une vraie politique d'économie d'énergie, de développement des énergies renouvelables et notamment le solaire, d'une politique de transports plus soucieuse de notre environnement qu'il faut aller. Il faut aussi mener une politique en faveur de la filière bois et de la "matière écologique" (bois et pierre), permettant le développement de puits de carbone. Mais il s'agit surtout d'aborder avec sérénité la politique énergétique de la France ; il nous faudra bien entendu ouvrir de lourds débats avec les pourfendeurs du nucléaire - car c'est dans le nucléaire qu'une partie de la solution se trouve - mais une partie seulement, car toutes les économies d'énergie ne suffiront pas à éviter le réchauffement de la planète.
Une politique française résolue sur un vrai sujet d'avenir ne peut se mener seule. Elle doit être européenne, et notre exemplarité nous permettra d'en faire un combat incessant pour que l'Europe tout entière en fasse une priorité. C'est d'abord utile pour la planète, car après les Américains, les Européens sont les plus grands producteurs de gaz à effet de serre. C'est surtout pour l'Europe un moyen de retrouver la place qu'elle perdue sur la scène internationale ; c'est pour elle le moyen de proposer aux peuples du monde entier un autre modèle de développement que le modèle consumériste qui nous conduit à de graves bouleversements.
En effet, la solution durable pour préserver notre climat repose sur une autre conception du développement soucieuse des ressources de la planète. En effet, au fur et à mesure que les pays en voie de développement, comme la Chine, l'Inde, accéderont à la richesse, leurs productions de gaz à effet de serre rejoindront la nôtre. Les dommages pour le climat seront alors insupportables.
Aujourd'hui, le seul modèle proposé aux peuples en voie de développement est l'exemple européen et surtout américain. Comme il n'est bien entendu pas acceptable de leur refuser l'accès au développement, l'Europe à travers la lutte contre l'effet de serre pourrait être à l'origine de grands programmes de recherche et de politiques ambitieuses afin que croissance et économies développées riment le moins possible avec augmentation des gaz à effet de serre (car malheureusement, les deux sont liés). Il faudra aussi tout faire pour que les produits pétroliers et le charbon ne soient plus les sources principales de production d'énergie. Il nous faudra, enfin, également nous engager vers des mécanismes de régulation à l'échelle planétaire.
La lutte pour la protection de l'environnement de la Terre aura, dans les années à venir, autant d'importance qu'en a eu la lutte pour la liberté, le Droit des gens et la démocratie au XVIII e et au XIX e siècle. La France et les philosophes européens ont porté ce message à travers le monde ; nous avons porté un nouveau modèle de société.
A travers notamment la lutte contre l'effet de serre, c'est un nouveau modèle que nous pourrions proposer pour sauver la planète et donner à l'Europe, à travers ce sujet, la chance de prouver qu'elle est capable de proposer un autre modèle de société au monde entier.
(Source http://www.udf.org, le 5 septembre 2003)