Texte intégral
Messieurs les Présidents,
Messieurs les directeurs et administrateurs généraux,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
Depuis plusieurs semaines, un vaste débat a été engagé par le Gouvernement sur les questions liées à l'énergie. Des colloques très ouverts se sont tenus ou vont se tenir dans plusieurs villes de France. Je m'en réjouis. Je crois en effet que la conduite de ce type de débat, à intervalles réguliers, est tout à fait nécessaire dans un pays comme le nôtre soucieux de faire vivre la démocratie. Un tel débat national n'avait pas eu lieu en France depuis plus de 10 ans alors que la garantie de la disponibilité à long terme de sources d'énergie raisonnablement abondantes, économiquement compétitives et dont l'impact sur les équilibres globaux ou locaux de notre planète soit aussi réduit que possible, dans une perspective de développement durable, est plus que jamais un enjeu central pour tous. Le contexte s'est formidablement renouvelé. L'objectif de préparer les décisions qui devront être prises dans les prochaines années pour que dans 5, 10, 25 ou même 100 ans, nous-mêmes maintenant, comme plus tard les générations futures, nous ayons à notre disposition les sources et les vecteurs d'énergie qui nous ou leur, apparaîtront souhaitables et que nous léguions aux générations suivantes une planète toujours aussi favorable à la vie et à la biodiversité.
Nous sommes invités à traiter aujourd'hui un point particulier de ce vaste sujet, mais aussi un point particulièrement important étant donné les choix qu'a fait, il y a plus de 40 ans, en matière de production électrique, notre pays. C'est celui de la fermeture du cycle électronucléaire fondé sur les réactions de fission de combustibles à base d'uranium. Ce que l'on appelle plus communément, le traitement ultime des déchets nucléaires.
Vous le savez, le Ministère chargé de la Recherche a la responsabilité d'animer et de coordonner les travaux de recherche sur la gestion de ces déchets.
Ces travaux s'inscrivent dans le cadre de la loi dite Bataille du 30 décembre 1991. Ils doivent permettre à notre pays, à l'échéance fixée par cette loi, c'est-à-dire en 2006, de faire le point sur l'avancée de ces travaux et de débattre des options qui sont réellement accessibles à notre pays : poursuivre certaines études, en réorienter d'autres ou choisir entre diverses hypothèses et arrêter prochainement, de manière réfléchie et courageuse, certaines décisions avec l'accord, je l'espère, du plus grand nombre, parce que chacun aura eu en mains les éléments de la décision.
L'importance de cette loi ne peut nous échapper. C'est pourquoi, je suis particulièrement fière et heureuse de pouvoir vous accueillir ici, rue Descartes, dans l'enceinte même du Ministère, vous les spécialistes de ces enjeux de la filière nucléaire, qu'il s'agisse des membres des organismes de recherche ou des industriels ou des scientifiques des associations, pour marquer une étape sur la voie qui nous conduit à 2006.
J'ai, en effet, à coeur, que nous préparions, avec tout le sérieux et le professionnalisme souhaitable, le bilan des avancées de la recherche dans le domaine de la "fermeture du cycle", bilan aussi précis et aussi compréhensible que possible, des décideurs comme du grand public.
Car, au-delà du public de ce Colloque, les présentations et les débats féconds de cette journée sont appelés à venir nourrir la réflexion des pouvoirs publics et des élus de la Nation, des associations spécialisées, alimenter les travaux des journalistes, et répondre aux questions que se posent nos concitoyens.
Avant que ne s'ouvre la première table ronde, sous la présidence du Président Birraux, permettez-moi d'adresser mes remerciements les plus chaleureux à tous ceux dont la mobilisation a permis à ce Colloque de se tenir.
Que soient en particulier remerciés l'ensemble des intervenants qui ont accepté de venir apporter leur éclairage précieux sur ces sujets délicats. Que soient remerciés les chercheurs et les organismes qui ont contribué aux résultats qui vous seront présentés. Que soient aussi remerciées les équipes des services du Ministère pour le dynamisme dont elles ont fait preuve.
Mesdames, Messieurs,
Comme vous-mêmes, j'ai la conviction profonde que de la qualité globale de notre recherche sur ces sujets, une recherche aussi complète et approfondie que possible, dépendra de manière directe la qualité à long terme des réponses que nous apporterons ensemble, décideurs et citoyens, dans les prochaines années pour faire face à la problématique de la gestion des déchets nucléaires.
L'existence d'une voie de gestion satisfaisante des déchets nucléaires, notamment ceux à vie longue et présentant une haute radiotoxicité, est décisive pour l'avenir de l'énergie d'origine nucléaire. Je crois pour ma part que, pour peu que nous apportions des réponses satisfaisantes sur le plan de la santé des populations et de la sécurité des confinements eu égard à l'impact sur l'environnement, cette ressource représentera encore pendant de nombreuses années, un des chemins qui s'offrent à nous pour faire face aux enjeux de sécurisation sur le long terme de nos approvisionnements en énergie, c'est à dire capable d'assurer notre indépendance énergétique, mais de façon plus et non moins importante pour faire face aux enjeux de développement durable et de réduction des gaz à effet de serre.
Autant de préoccupations qui s'affirment de plus en plus et concernent l'ensemble des citoyens de notre planète.
D'autres voies existent, mais elles sont complémentaires, et non exclusives. Elles ne sont pas non plus exemptes de limitations ou d'inconvénients majeurs ou même rédhibitoires si nous voulions en faire des voies exclusives. D'autres restent à explorer. Je pense en particulier à la fusion thermonucléaire contrôlée avec le grand projet international ITER pour lequel la France propose d'accueillir sur le site de Cadarache l'équipement d'étude de sa faisabilité scientifique et technologique.
Nous avons pu encore récemment mesurer, lors des rencontres parlementaires organisées par le député Christian Bataille, à quel point un véritable dialogue social est nécessaire sur des sujets qui, tout en étant hautement technologiques et scientifiques, mobilisent l'attention de l'ensemble de nos concitoyens et requièrent l'émergence d'un accord démocratique, aussi largement partagé que possible.
La question de l'énergie, comme celle des déchets nucléaires, est de ces sujets qui exigent une mobilisation concertée de l'ensemble des acteurs et des populations : ce colloque en est une illustration remarquable et je vous en remercie.
Depuis 12 ans, les recherches ont indéniablement beaucoup progressé.
Les travaux de cette journée témoigneront, je le sais, de l'intensité et de la diversité des avancées réussies par les acteurs de la recherche qui sont mobilisés sur ce sujet.
Je veux parler des principaux organismes de recherche impliqués dans le secteur du nucléaire, le CEA et l'ANDRA, mais aussi le CNRS et les Universités associées à ces travaux, sans oublier les industriels qui produisent et gèrent les déchets et financent pour partie les recherches.
Nous devons nous tourner résolument vers l'avenir, vers cet horizon 2006 d'abord qu'il nous faut continuer de préparer ensemble, et le temps nous est compté, nous projeter aussi au-delà de cette date, car 2006 ne saurait être l'oméga des recherches sur ces questions.
En effet, je sais, comme vous-même que des incertitudes demeurent encore, tant sur le plan des différents axes de la recherche de la loi Bataille, que sur celui des coopérations internationales et notamment européennes, qui doivent nous permettre une action conjointe et déterminée.
Cela est normal ; nul ne pouvait considérer que 2006 apporterait une réponse définitive. C'était une étape forte, ce ne saurait être une fin, d'autant moins une fin que certains événements ont induit des retards dans les calendriers : je pense à l'arrêt de Super Phénix et aux délais de remise à niveau de Phénix ; je pense à l'accident mortel sur le chantier du laboratoire souterrain de la Meuse. Par exemple, le redémarrage de Phénix, nécessaire aux recherches sur la transmutation, n'a été autorisé par l'autorité de sûreté nucléaire que le 7 janvier dernier et devrait être effectif sous peu.
Les trois axes de la recherche retenus, vous les connaissez, ce sont la séparation/ transmutation ; le stockage profond et l'entreposage.
J'ai la profonde conviction que nous avons réalisé des progrès substantiels dans les domaines de la séparation, de l'entreposage et de la transmutation depuis 1991.
Aujourd'hui, plusieurs pays ont fait le choix du stockage profond : Finlande, Etats-Unis, Suède.
Quels sont les gains de volumes espérés ? Quelle fiabilité à long terme peut-on attendre, en fonction des différents environnements géologiques ? Autant de questions auxquelles il nous faudra répondre et sur la base desquelles il nous faudra faire des choix d'ici 2006.
Le partage d'expérience à l'échelle mondiale doit être absolument recherché.
Limiter, par ce partage et cette répartition, les expériences longues et coûteuses, constitue, à mon sens, un élément déterminant pour éclairer les décisions à prendre.
Concernant la coopération européenne, je crois que, sur ce sujet des déchets comme pour d'autres, qu'il s'agisse d'espace, d'énergie, ou de valorisation du potentiel de recherche et développement, la mobilisation de l'ensemble des partenaires s'offre à la France comme une évidence indépassable.
Cet échange de compétences, cette circulation des expertises, n'est-elle pas le meilleur levier pour qu'à l'horizon 2006, la France soit au rendez-vous de ce défi, défi pour notre environnement, défi pour tout le secteur énergétique, défi pour notre société ?
J'en ai la conviction, les débats de cette journée doivent permettre aux pouvoirs publics de manifester un engagement à la hauteur des enjeux qui s'offrent à nous.
Je forme donc le voeu que ces débats soient aussi féconds que possible.
Je forme aussi le voeu que notre pays soit en mesure de se préparer de manière sereine et concertée aux échéances énergétiques des prochaines années. Il en va de la possibilité de promouvoir une recherche exemplaire.
Il en va surtout de la nécessité de permettre à l'énergie nucléaire, dont nous voulons qu'elle garantisse sûreté et compétitivité tout en épargnant les réserves fossiles de combustibles, d'être une source d'énergie qui puisse à la fois être acceptée de nos concitoyens et respecter les grands équilibres de notre planète et préserver notre environnement. Je ne peux assister en permanence à votre réunion aujourd'hui en raison d'autres engagements. Mais, je prendrai directement connaissance de l'ensemble des interventions et des présentations puisque j'ai souhaité qu'elles soient entièrement enregistrées et que je puisse en prendre pleinement connaissance. Vous mesurez donc l'attention que je porterai aux conclusions de vos travaux qui seront suivis aussi tout au long de la journée par les membres de mon cabinet.
Je compte sur vous et vous remercie de votre attention.
(source http://www.recherche.gouv.fr, le 2 mai 2003)