Déclaration de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, en réponse à une question sur les essais nucléaires en Inde et au Pakistan, à l'Assemblée nationale le 2 juin 1998.

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Circonstance : Essais nucleaires en Inde les 11 et 13 mai 1998, et au Pakistan le 28

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Monsieur le Député,

Sur le premier point, les essais qui ont eu lieu ces derniers jours, du fait de l'Inde et du Pakistan, ne changent absolument rien à la doctrine française de dissuasion nucléaire telle qu'elle a été définie, exprimée et adaptée quand il le fallait par les cinq présidents successifs de la Vème République.
Maintenant, en ce qui concerne la situation nouvelle créée par ces essais, il faut distinguer deux choses : premièrement, l'atteinte portée - et qui pourrait l'être encore plus par un effet de contagion et d'engrenage dont vous avez parlé - au régime actuel de non-prolifération tel qu'il a été instauré par le Traité du même nom en 1967 et qui régit donc l'ordre stratégique mondial depuis lors.
La première priorité de notre action est de tout faire pour restaurer la crédibilité de cet instrument de régulation et de maîtrise stratégique, de le conforter si c'est possible. Ce sera un des objets de la réunion des membres permanents du Conseil de sécurité, qui aura lieu à Genève jeudi après-midi, au niveau des ministres des Affaires étrangères.
Il y a la dimension TNP. Il y a naturellement aussi la dimension "essais". Un des autres aspects de notre politique est de, en quelque sorte, prendre au mot l'Inde et le Pakistan, qui après avoir effectué ces essais, se sont déclarés prêts à entamer, dans certaines conditions à préciser, une négociation leur permettant d'adhérer au Traité sur l'interdiction complète des essais. Il en va de même sur l'autre négociation, qui n'est pas encore entamée, mais à laquelle vous avez fait allusion, qui est celle que l'on appelle le "Cut off" et qui porte sur l'arrêt de la production de matières fissiles à des fins d'énergie nucléaire militaire, puisqu'il y a d'autres usages qui sont tout à fait judicieux, au contraire.
Voilà dans quel sens s'organise l'action à la fois des membres permanents du Conseil de sécurité et de toute une série d'autres puissances qui sont motivées par cette situation. Le Japon, par exemple, a pris également plusieurs initiatives.
Il y a un autre volet dont nous allons essayer, au sein du Conseil de sécurité, de nous occuper, qui est celui de la tension "indépendamment" de la situation nucléaire. C'est une tension ancienne, qui remonte aux conditions de la création du Pakistan, à côté de l'Inde, et qui est centrée essentiellement sur la question du Cachemire. A l'heure actuelle, il y a une très forte activité diplomatique. Il y a un envoyé indien à Paris, qui a été reçu hier par le président de la République, que j'ai vu moi-même ce matin, des émissaires pakistanais. Nous essayons de travailler sur cet autre sujet en termes de mesure de confiance, de réouverture d'un dialogue entre ces deux pays et de recherche d'une solution sur ce problème, qui est à la source de l'ensemble du différent et dont les essais n'auront été qu'une expression et non pas la cause./.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 13 septembre 2001)