Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les relations entre la France et l'Egypte sur le plan économique et culturel, les relations entre l'Egypte et Israël et les négociations sur l'accord d'association entre l'Egypte et l'Union européenne, Paris le 19 mai 1998.

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Circonstance : Déjeuner offert en l'honneur du Président de la République arabe d'Egypte, M. Hosni Moubarak à Paris le 19 mai 1998

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Au nom du gouvernement français et en mon nom personnel, je voudrais vous dire, Monsieur le Président, la joie que j'ai d'accueillir aujourd'hui un grand homme d'Etat et un ami de la France.
Depuis longtemps, nos deux pays exercent l'un sur l'autre une attirance mutuelle.
La France a connu, à plusieurs reprises, un engouement extraordinaire pour votre pays. Une exposition a récemment fait le bilan, à la fois pittoresque et attachant, de ce qu'on a appelé "l'égyptomanie".
Aujourd'hui encore, l'Egypte exerce une réelle fascination sur nos concitoyens. Elle est pour les voyageurs français une destination privilégiée. Le passé antique de l'Egypte, diffusé par les livres, les expositions, les films, fait plus que jamais rêver les esprits.
Pourtant "l'égyptomanie" d'aujourd'hui est différente de celle d'hier. Elle ne se tourne plus exclusivement vers les millénaires si féconds de l'Egypte pharaonique. On commence - insuffisamment certes, mais on commence tout de même - à découvrir la richesse de l'Egypte hellénistique qui sut, aux premiers temps de notre ère, accomplir la synthèse la plus foisonnante et la plus créatrice des diverses cultures du bassin méditerranéen, préfigurant ainsi la fusion, par l'Egypte actuelle, des traditions musulmane et copte, de l'immense héritage arabe, et d'une modernité ouverte sur le monde.
Nos contemporains s'intéressent aussi de plus en plus au creuset de la culture arabe que fut l'Egypte fatimide : les vastes restaurations en cours permettront bientôt aux visiteurs de mieux apprécier la richesse de l'héritage islamique du Caire. Je suis donc particulièrement satisfait de constater que ce sont deux périodes auparavant mal connues - celle de l'Egypte alexandrine, où les archéologues vérifient au fond des eaux les indications de Strabon, et celle de l'Egypte fatimide -, qui font l'objet des deux grandes expositions organisées à Paris dans le cadre de l'année "France-Egypte, horizons partagés".
La vive curiosité qu'exerce l'Egypte sur nos concitoyens ne se limite pas au passé. De plus en plus, c'est l'Egypte contemporaine qui retient l'attention et l'admiration, celle de Naguib Mahfouz, de Taha Hussein ; celle aussi de Chady Abdel Salam, de Youssef Chahine ou d'Adel Imam ; c'est l'Egypte dynamique, industrieuse, inventive, l'Egypte d'une nouvelle croissance dont vous êtes, Monsieur le Président, l'architecte opiniâtre.
Le développement spectaculaire qu'a connu l'économie égyptienne ces dernières années est un exemple pour les autres pays de la région. Avec un taux de croissance de plus de 5 %, une inflation maîtrisée, des réserves de change plus que confortables, un réseau d'infrastructures en plein essor, l'Egypte est en train de connaître une transformation qui n'a sans doute pas de précédent depuis Mohammed Ali.
Les grands projets d'équipement que vous avez lancés vont modifier profondément la face de votre pays. Le mien est fier d'avoir été associé à nombre de ces projets, parmi les plus significatifs : je pense aux deux premières lignes de métro, qui ont apporté un mieux être significatif à la population du Caire. Je sais que les études vont commencer pour la troisième ligne et qu'elles sont en train de s'achever pour la création d'un métro à Alexandrie. Je pense aux installations d'épuration de l'eau.
Comment ne pas évoquer aussi le satellite Nilesat I, lancé il y a quelques semaines à Kourou, qui renforce la première place de l'Egypte dans le paysage audiovisuel à l'est de la Méditerranée et qui, on peut l'espérer, sera bientôt suivi d'un Nilesat II ? Il y a également le développement rapide de la téléphonie mobile. Tous ces changements font maintenant partie intégrante de l'image de l'Egypte, de cette Egypte conjuguant hardiment l'avenir et le passé, qui s'incarne en vous aujourd'hui et que nous saluons.
Le message que nous porterons, non seulement auprès des chefs d'entreprise qui sont ici nombreux, que vous rencontrerez demain matin, Monsieur le Président, mais aussi auprès des Français, c'est l'immense confiance que les autorités de ce pays - le Président de la République et le gouvernement - ont dans l'Egypte.
Ce développement impressionnant, l'Egypte le doit aussi, bien entendu, à son pari persévérant et inlassable en faveur de la paix. Brisant le mur de la haine, Anouar El Sadate avait tendu la main à Israël. L'Histoire a ratifié son choix, qui a suscité l'admiration du monde. Vous avez maintenu cette ligne en dépit des difficultés. L'Egypte ne cesse de dialoguer avec les uns et avec les autres, d'entretenir des contacts, d'écouter les points de vue, de donner de judicieux conseils, d'ouvrir et d'éclairer des pistes, de montrer qu'il est possible de concilier le respect de la justice et la voie de la modération. Nous sommes encore loin de compte, hélas. Aujourd'hui, le climat s'est à nouveau tendu dans la région, chargé de craintes, de méfiances, de calculs et d'idéologies, qui suspend l'élan des bâtisseurs de la paix, quand il ne leur coûte pas la vie, et qui nourrit la tentation du recours à la violence. La France et l'Egypte ne peuvent pas se résigner à cette dégradation, à laisser éclater cette catastrophe annoncée.
La déclaration commune rendue publique hier, en votre nom et en celui du Président de la République française, atteste la volonté de nos deux pays de tout faire pour éviter le pire.
Les Etats-Unis ont lancé une initiative diplomatique qui mérite respect et soutien. Ils ont présenté des propositions raisonnables et réalistes qui ne correspondent pas totalement aux attentes des uns et des autres, mais c'est là le propre de tous les compromis. Nous souhaitons que toutes les parties concernées donnent sa chance à cette initiative.
La France et l'Union européenne sont disponibles, vous le savez, pour contribuer au retour de la confiance et relancer la dynamique de paix. Soyez certain que nous serons à vos côtés dans vos efforts.
Monsieur le Président, l'amitié entre l'Egypte et la France, nous l'avons tous ressenti, est exemplaire. Que faut-il donc souhaiter de plus pour l'avenir ?
Que nos efforts pour la paix, conjugués à ceux de nos amis, aboutissent et aboutissent vite. C'est notre espoir. C'est aussi notre intérêt.
Que les négociations sur l'accord d'association entre l'Egypte et l'Union européenne progressent et débouchent rapidement. Des avancées ont été accomplies. Il reste encore du chemin à faire, notamment en ce qui concerne les questions agricoles. Mon gouvernement s'efforcera de favoriser une solution positive.
Que les échanges commerciaux et technologiques entre l'Egypte et la France continuent de croître. Je souhaite que les entreprises françaises investissent davantage en Egypte - votre visite au CNPF constitue à cet égard un signal important. Je souhaite enfin que l'année qui s'ouvre, si justement appelée "France-Egypte, horizons partagés", marquée par de nombreuses manifestations, soit une occasion supplémentaire pour nos deux peuples de se découvrir et de se comprendre encore davantage.
Je lève mon verre en votre honneur, Monsieur le Président, en l'honneur de votre famille, de tous nos amis égyptiens à Paris et au Caire. Je vous souhaite de tout coeur de poursuivre avec le même succès la lourde tâche que vous assumez.
Longue vie à l'amitié franco-égyptienne !./.
(Source http://wwwdoc.diplomatie.gouv.fr, le 14 juin 2001)