Interview de M. Bruno Gollnisch, délégué général du Front national, à "RTL" le 18 septembre 2003, sur la préparation des élections régionales 2004.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie-. J.-M. Le Pen lance aujourd'hui, à Nice, la campagne du Front National pour les élections régionales de mars 2004. Comment ça va entre J.-M. Le Pen et vous ?
- "Ca va très bien, je vous l'assure. Nous nous voyons très régulièrement, nous avons des relations très amicales, chaleureuses."
Parce quand il parle de vous à la presse, il a l'air de se moquer un peu de vous. Alors qu'il vous présente comme son successeur - J.-M. Le Pen a 75 ans et il dit : "S'il m'arrive quelque chose, c'est B. Gollnisch qui me succédera - , dans Libération du 11 septembre dernier, il disait ceci de vous : "Bruno, c'est un très très gentil garçon, vraiment très gentil. Il sait faire des choses dont je serais incapable : par exemple, il professe en Japonais. Vous vous rendez compte ?". Je crois qu'il se moquait un peu de vous ?!
- "Je n'en suis pas sûr. C'est en tout cas l'interprétation qu'en a donné votre confrère, Monsieur Forcari, qui est un petit peu dans son rôle il faut bien le reconnaître. Libération, j'ai bien connu S. July dans les années 68, n'est pas tout à fait le journal du Front national. J.-M. Le Pen a d'ailleurs publié le lendemain un démenti. Enfin "publié"... Libération le publiera certainement, puisque Libération l'a reçu, et ne l'a pas publié à ce jour. "
Pour aller au fond des choses : y a-t-il avec B. Gollnisch aujourd'hui au Front National le problème qu'il y avait, il y a quelques années, avec B. Mégret ?
- "Certainement pas ! Il faut que les choses soient claires. Je viens de la société civile. J'étais avocat international, je suis professeur de langue et de civilisation japonaise, je sers une cause, je la sers avec un homme que je crois tout à fait exceptionnel, dans une formation politique injustement diabolisée mais qui est composée des gens qui ont le courage de changer les choses dans notre pays, et de faire les réformes nécessaires. J'aspire à servir cette cause, je suis heureux de le faire, derrière un homme que je crois tout à fait exceptionnel et auquel je fais une entière confiance pour rassembler la famille nationale, comme il l'a toujours fait jusqu'à présent."
Donc tout va bien au Front national... Quels objectifs vous fixez-vous pour les élections régionales ?
- "Nous nous fixons des objectifs très ambitieux ! Le premier objectif je dirais, c'est l'objectif plancher, c'est que nous allons doubler le nombre de nos conseillers régionaux. Ce qui va lever les hypothèques que le système a mises en place, pour empêcher la candidature d'un candidat national à l'élection présidentielle, le fameux système des parrainages..."
Cela ne vous a pas mal réussi la dernière fois !
- " Eh bien, écoutez, on est passé très près quand même et je vous assure que ce n'était pas du bluff et que la situation, compte tenu de l'intimidation qui s'exerce sur les élus locaux, était extrêmement sérieuse. Mais surtout, je crois que là, nous pouvons gagner. Gagner bien sûr en PACA. J'étais, il y a huit jours au côté de J.-M. Le Pen en Camargue pour le premier rassemblement qu'il a tenu et qui, dans cette période qui n'est pas encore électorale, a été un succès. Je crois qu'il y a une ambiance très bonne. Précisément, nous sommes unis, nous avons pratiquement investi la plupart de nos candidats, nous n'avons pas les problèmes de divisions des autres formations politiques et je suis persuadé que J.-M. Le Pen peut réaliser un nouveau 21 avril - ce n'est pas moi qui le dit d'ailleurs, c'est Monsieur Gaudin, c'est Monsieur Vauzelle, ce sont nos adversaires. Cette expression de "nouveau 21 avril" faisant référence au premier tour de l'élection présidentielle, c'est Monsieur Hollande, qui est porte-parole du Parti socialiste, qui l'a utilisée. "
Alors : PACA... L'Ile-de-France aussi peut-être, avec Marine Le Pen ?
- "Mais pourquoi pas l'Ile-de-France avec M. Le Pen, la région Nord-Pas-de-Calais avec C. Lang. Je crois que nous avons aussi beaucoup de possibilités, et moi je ne vous cache pas que, pour la première fois, je suis candidat à la présidence de la région Rhône-Alpes. Je suis candidat, je présenterai une équipe, une équipe de gens qui ont la compétence maintenant, qui ont l'expérience, et qui je crois, sont parfaitement aptes à assumer les destinées de cette grande région."
Vous parliez du 21 avril tout à l'heure. Ce qu'il faut noter - J.-M. Le Pen s'est qualifié pour le deuxième tour de l'élection présidentielle à cette occasion -, c'est que ceci n'a rien changé à votre statut. Vous avez toujours aussi peu d'alliés, peu de gens vous ont rejoints. On entendait tout ce début de semaine J.-P. Soisson, qui faisait partie du comité d'accueil de J. Chirac à Auxerre, dire : "Le Front National : rien". Il a même eu cette phrase précise : "Il n'y aura pas de tractations au soir du second tour". Vous êtes toujours isolés sur la scène politique. Alors c'est peut-être la faute des autres, mais peut-être qu'il y a aussi une part de responsabilité des dirigeants et des responsables du Front national dans cette situation ?
- "Je crois que l'entre-deux tours des élections présidentielles a montré en effet, vous avez raison Monsieur Aphatie, que les relais et les réseaux qui existent dans notre pays sont tenus par des groupes de pression totalement hostiles au Front national. Depuis les syndicats politisés, pas seulement d'ailleurs les syndicats ouvriers ou les syndicats de travailleurs, mais par exemple le Medef, qui est le rassemblement d'un certain nombre de fonctionnaires ploutocrates..."
Les "ploutocrates", c'est un mot un peu connoté tout de même...
- "Eh bien, écoutez, vous trouvez par exemple que les indemnités que s'octroie M. Messier, qui sont à elles seules cinq fois plus importantes..."
Non, on ne va pas parler de M. Messier !
- "Cinq fois plus importantes que ce que le Gouvernement vient de donner à l'ensemble des éleveurs..."
Le libéral que vous êtes ne va s'opposer à des questions de droit privé tout de même ?! Et ce n'était pas ma question !
- "Je suis pour la liberté d'entreprise mais la responsabilité des patrons, qui créent, qui risquent, pas de ceux qui se conduisent comme des prédateurs !"
Ma question portait sur votre isolement maintenu après le premier tour de l'élection présidentielle... Bien entendu, on connaît votre jugement sur les autres, l'extérieur qui vous ostracise. Mais est-ce qu'il y a une part d'autocritique, de regard personnel sur les raisons pour lesquelles vous souffrez de cet isolement ? Est-ce qu'il y a une responsabilité propre qui relève des dirigeants du Front national dans cette situation ?
- "Le Front national, comme toutes les aventures humaines, est certainement très imparfait et nous nous efforçons tous les jours de rectifier le tir..."
Pourquoi ça ne marche pas, alors ?
- "Mais vous reconnaîtrez que ça n'est pas très facile dans un contexte, où toutes les puissances d'argent nous sont hostiles, le système politique... Nous sommes les adversaires du système. Et le système gère le pays mal, mais il défend très bien ses intérêts. Je crois que c'est ça. J'ai été le directeur de campagne de J.-M. Le Pen... Je suis, je crois quand même, une personne qui exerce des responsabilités importantes au sein du Front national, qui est la deuxième ou la troisième force politique de France - Je vous remercie infiniment de votre invitation..."
RTL est une antenne ouverte...
- "C'est la première invitation que j'ai depuis le deuxième tour de l'élection présidentielle. Depuis 18 mois !"
Alors profitez-en !
- "Alors que les autres responsables des formations politiques, on les voit en permanence, à la radio, à la télévision. Reconnaissez que ça n'est pas très facile dans ce contexte de faire passer notre message, mais nous y arrivons. Je dirais, nous y arrivons par une présence sur le terrain, qui surprend nos concurrents."
Qu'est-ce que vous avez pensé de la nomination récente de C. Millon à la tête de la FAO ?
- "Je pense que c'est évidemment le plat de lentilles qu'on lui a donné pour qu'il ne fasse pas de l'ombre au candidat UMP. Je trouve que ce n'est pas très glorieux, si vous voulez. Je dirais en plus que dans cette logique-là, même pas l'ambassade au gouvernement italien, ni celle auprès du Saint Siège ! Mais ce que j'observe, c'est que beaucoup de supporters de M. Millon m'ont appelé et vont se reporter sur ma candidature en Rhône-Alpes, plutôt que sur celle de Mme Comparini, qui a été élue avec les voix de la gauche et de l'extrême gauche, contre C. Millon."
Vous lui avez adressé un petit mot de félicitations à C. Millon ?
- "Non. Non, non."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 18 septembre 2003)