Entretien de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, avec la télévision égyptienne sur les relations franco-égyptiennes, les négociations de paix entre Israël, l'Autorité palestinienne et la Syrie ainsi que le rôle de l'Egypte dans la relance du processus de paix et dans la région, Paris le 14 janvier 2000.

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Q - Vous étiez à Alger il y a à peine deux mois, le ministre des Affaires étrangères Amr Moussa était là il y a un mois, le président égyptien était en France au mois de novembre et M. Jospin était en Egypte au mois de décembre. Qu'est-ce qui se trame entre la France et l'Egypte exactement ?
R - Ces contacts fréquents au niveau du président, du Premier ministre et à mon niveau prouvent tout simplement que la concertation entre la France et l'Egypte est unique et qu'elle est extrêmement étroite. D'abord, sur le plan bilatéral, tout va bien, les relations sont excellentes et dynamiques. Nous avons en même temps, une vraie convergence de points de vue et de démarches à propos du Proche-Orient. Et ce qui m'amène à nouveau, avec plaisir, au Caire à l'invitation du ministre, M. Moussa, c'est le contexte général au Proche-Orient. Nous avons vécu cette nouvelle espérance, cette détente dans le climat avec l'arrivée au pouvoir de M. Barak, nous avons vu que les engagements pris antérieurement par Israël concernant le volet palestinien étaient appliqués petit à petit, avec des difficultés mais appliqués tout de même, la tendance est bonne, nous avons vu que les Israéliens et les Palestiniens ont recommencé à discuter, même si les problèmes qui sont à résoudre demeurent très complexes et nous avons eu surtout ce déblocage de la négociation entre Israël et la Syrie qui est une très bonne chose, que nous avons appelé de nos vux et auxquels nous Français, avons apporté je crois une contribution par nos contacts constants à l'automne avec Damas et Israël. Tout cela crée un contexte nouveau. Il devient possible d'imaginer un Proche-Orient en paix, ce n'est plus de la politique fiction, c'est encore un peu une anticipation sur la situation d'aujourd'hui, mais cela devient possible d'y penser et il est donc de notre rôle de faire un effort pour imaginer cette situation nouvelle. Si nous nous rencontrons lundi au Caire M. Amr Moussa et moi-même, j'aurai à cette occasion l'honneur d'être reçu par le président Moubarak, c'est parce que nous allons réfléchir ensemble à cette situation. Qu'est-ce que cela changerait ? Qu'allons-nous faire dans ce nouveau contexte ? Que peut faire l'Egypte lorsque nous serons dans cette situation de paix au Proche-Orient ? Que peut faire la France ? Que peut faire l'Europe aussi, pour donner vie à cette nouvelle situation et faire en sorte que cette paix donne naissance à une richesse nouvelle, à une croissance nouvelle, à des échanges humains nouveaux ? Quelle est la place de chacun dans ce contexte. Ce sera une journée de réflexion en quelque sorte.
Q - Comment voyez-vous l'avenir de la région ? Quelle serait la place de l'Egypte dans ce contexte ?
R - Pour moi, la place de l'Egypte dans la région est de toute façon centrale, pour des raisons géographiques, historiques et pour des raisons de taille et de rôle politique. Mais je crois que le rôle de l'Egypte sera encore plus grand dans un Proche-Orient qui aurait réussi à établir la paix entre Israël et ses différents voisins, parce qu'à ce moment-là tout le Proche-Orient se concentrera sur son développement sous toutes ses formes ; et la position centrale de l'Egypte lui donnera un rôle encore plus grand.
Q - Et pour l'avenir de la région ?
R - L'avenir de la région dépend de la paix justement. S'il y a la paix, tous les espoirs sont permis. Si la paix est difficile à réaliser, c'est une région qui alternera toujours entre l'espérance et la déception et les risques, ce qui viendra contrecarrer constamment les différents efforts de développement. Il faut donc souhaiter qu'il y ait une vraie paix solide qui ne laisse pas de problèmes irrésolus derrière elle et sur tous les volets en même temps. Il faut souhaiter un bon aboutissement de ces négociations, nous ferons tout pour cela et nous devons nous préparer à cette situation et à ce nouveau rôle de l'Egypte demain, à un rôle important de l'Europe. Car l'Europe sera demain, dans cette situation nouvelle, le grand partenaire de ce nouveau Proche-Orient./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 janvier 2000)