Texte intégral
Q - Nous nous entretenons le jour de l'ouverture des opérations militaires en Irak. Comment jugez-vous le fait que l'on bombarde ce pays sans accord de l'ONU ?
R - Jusqu'au dernier moment, nous avons cherché à convaincre nos amis américains que le désarmement de l'Irak pourrait se faire autrement, avec moins de dégâts à court, moyen ou à long terme. Ce qui vient de se produire aura, malheureusement, de lourdes conséquences pour l'avenir. Il est donc logique que nous souhaitions dans ce contexte que cette guerre soit très courte et qu'il y ait un minimum de victimes parmi la population. Et surtout, nous souhaitons que l'Europe reprenne son courage parce que la responsabilité du monde lui incombe dans cette crise, elle est plus grande qu'autrefois.
Q - En février, vous avez soutenu le président Jacques Chirac lorsqu'il avait fustigé les pays candidats pour leur soutien aux Etats-Unis exprimé dans les lettres des "huit" et des "dix". Pourquoi ?
R - Le Président a employé un ton très sévère, comme quelqu'un de très exigeant vis-à-vis de ses partenaires qu'il considérait déjà comme étant membres de la famille européenne. Je sais que certains pays candidats ont eu une réaction négative. Mais lorsque vous entrez dans une famille, il vaut mieux réfléchir avant de prendre une position qui pourrait auprès de l'opinion publique, y compris française, renforcer le sentiment que l'élargissement n'est pas une bonne chose parce que chacun n'agit qu'à son compte. Nous avons seulement laissé entendre que, bien qu'il existe un débat à l'intérieur de l'Europe, nous estimions qu'il fallait en donner une image suffisamment positive au public, afin qu'il ne pense pas qu'il y a des divergences permanentes au sein de la famille élargie.
Q - Est-ce que le fait que Washington cite la Tchéquie en tant que membre d'une coalition de volontaires contre l'Irak, peut avoir de l'impact sur les relations franco-tchèques ?
R - Nous ne le souhaitons pas. Le président de la République a souligné que nous souhaitions que l'Europe redevienne ce qu'elle doit être, c'est-à-dire une communauté d'intérêt de différents pays gardant leur identité nationale. Nous, Français, n'avons pas abandonné notre identité tout en étant dès le début dans cette Europe. Toujours est-il que cette communauté doit être fondée sur le respect mutuel du droit, ainsi que sur les efforts communs en matière de dialogue, au lieu de prendre position chacun pour soi.
Q - Etes-vous favorable à l'élargissement de l'Union quoique les nouveaux membres conservent, selon toute évidence, des liens très étroits avec les Etats-Unis ?
R - Les Etats-Unis sont nos alliés. Les relations transatlantiques nous sont très précieuses. Les Américains sont nos amis. Nous admirons leur culture et nous partageons avec leur pays les valeurs de la démocratie et du droit ainsi que grand nombre d'intérêts. Nos liens sont très étroits dans le domaine de la lutte commune contre le terrorisme. Nous faisons face à la même menace. Nos polices et nos services secrets sont en contact quotidien. Après l'ouverture de la guerre, nous sommes encore plus vigilants et plus que jamais disposés à coopérer. Notre objectif est le même : le désarmement de l'Irak. Mais nous pensons que la guerre n'est pas nécessaire et qu'elle est dangereuse. Mais cela ne veut pas dire que nous sommes en conflit avec les Etats-Unis.
Q - Que pensez-vous alors de l'ouverture des opérations militaires sans l'accord de l'ONU ? Entreprendrez-vous des démarches diplomatiques ?
R - Nous avons regretté que la communauté internationale ait été mise hors de jeu. Nous pensons qu'elle doit, de nouveau, faire valoir ses droits et jouer son rôle dans toutes les crises mondiales qui, malheureusement, ne concernent pas uniquement l'Irak.
Q - La divergence d'opinions des Quinze ne comporte-t-elle pas un risque pour l'avenir de l'Union ?
R - Toutes les crises sont dangereuses. Mais celui qui ne veut pas faire face aux crises et dangers ne va pas loin. Croyez-vous qu'il vaudrait mieux penser dans le contexte international actuel que nous devons retourner en arrière, démonter l'Europe et de nouveau agir chacun pour soi ? Il est véritablement dangereux de penser qu'il y a une fatalité contre laquelle on ne peut rien faire. Bien au contraire, dans cette crise il faut réfléchir sur les possibilités de renforcer l'Europe, et ce au plus vite.
Q - L'élargissement n'est-il pas un peu risqué pour l'Union ? Selon certaines voix, elle ne saura lui faire face ni économiquement ni politiquement.
R - Je pense que le non-élargissement serait un risque. Une chance énorme s'ouvre aux pays membres ainsi qu'aux pays candidats, une chance économique car il est clair que le dynamisme d'un grand marché pour 455 millions d'habitants, donc de consommateurs, facilitera la croissance économique. Il représente aussi une occasion énorme de conférer à l'Europe un poids politique plus important et de maintenir la paix toujours très fragile dans le monde, voire en Europe.
Q - C'est donc dans ce sens-là que les pays candidats peuvent enrichir l'Union ?
R - J'en suis absolument convaincue.
Q - Quel est l'objectif de votre visite en République tchèque ?
R - C'est mon premier voyage en République tchèque dans ma fonction de ministre. Mais je me suis déjà rendue plusieurs fois dans votre pays. (...). Cette fois-ci, je vais débattre avec les représentants tchèques de la question de l'élargissement. Je souhaite traiter prioritairement un sujet développé également par la Convention, à savoir l'Etat de droit et la justice. Je donnerai aussi une conférence et prendrai part à une table ronde sur l'Europe de la justice. C'est un thème de première importance pour l'avenir de l'Europe élargie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mars 2003)
R - Jusqu'au dernier moment, nous avons cherché à convaincre nos amis américains que le désarmement de l'Irak pourrait se faire autrement, avec moins de dégâts à court, moyen ou à long terme. Ce qui vient de se produire aura, malheureusement, de lourdes conséquences pour l'avenir. Il est donc logique que nous souhaitions dans ce contexte que cette guerre soit très courte et qu'il y ait un minimum de victimes parmi la population. Et surtout, nous souhaitons que l'Europe reprenne son courage parce que la responsabilité du monde lui incombe dans cette crise, elle est plus grande qu'autrefois.
Q - En février, vous avez soutenu le président Jacques Chirac lorsqu'il avait fustigé les pays candidats pour leur soutien aux Etats-Unis exprimé dans les lettres des "huit" et des "dix". Pourquoi ?
R - Le Président a employé un ton très sévère, comme quelqu'un de très exigeant vis-à-vis de ses partenaires qu'il considérait déjà comme étant membres de la famille européenne. Je sais que certains pays candidats ont eu une réaction négative. Mais lorsque vous entrez dans une famille, il vaut mieux réfléchir avant de prendre une position qui pourrait auprès de l'opinion publique, y compris française, renforcer le sentiment que l'élargissement n'est pas une bonne chose parce que chacun n'agit qu'à son compte. Nous avons seulement laissé entendre que, bien qu'il existe un débat à l'intérieur de l'Europe, nous estimions qu'il fallait en donner une image suffisamment positive au public, afin qu'il ne pense pas qu'il y a des divergences permanentes au sein de la famille élargie.
Q - Est-ce que le fait que Washington cite la Tchéquie en tant que membre d'une coalition de volontaires contre l'Irak, peut avoir de l'impact sur les relations franco-tchèques ?
R - Nous ne le souhaitons pas. Le président de la République a souligné que nous souhaitions que l'Europe redevienne ce qu'elle doit être, c'est-à-dire une communauté d'intérêt de différents pays gardant leur identité nationale. Nous, Français, n'avons pas abandonné notre identité tout en étant dès le début dans cette Europe. Toujours est-il que cette communauté doit être fondée sur le respect mutuel du droit, ainsi que sur les efforts communs en matière de dialogue, au lieu de prendre position chacun pour soi.
Q - Etes-vous favorable à l'élargissement de l'Union quoique les nouveaux membres conservent, selon toute évidence, des liens très étroits avec les Etats-Unis ?
R - Les Etats-Unis sont nos alliés. Les relations transatlantiques nous sont très précieuses. Les Américains sont nos amis. Nous admirons leur culture et nous partageons avec leur pays les valeurs de la démocratie et du droit ainsi que grand nombre d'intérêts. Nos liens sont très étroits dans le domaine de la lutte commune contre le terrorisme. Nous faisons face à la même menace. Nos polices et nos services secrets sont en contact quotidien. Après l'ouverture de la guerre, nous sommes encore plus vigilants et plus que jamais disposés à coopérer. Notre objectif est le même : le désarmement de l'Irak. Mais nous pensons que la guerre n'est pas nécessaire et qu'elle est dangereuse. Mais cela ne veut pas dire que nous sommes en conflit avec les Etats-Unis.
Q - Que pensez-vous alors de l'ouverture des opérations militaires sans l'accord de l'ONU ? Entreprendrez-vous des démarches diplomatiques ?
R - Nous avons regretté que la communauté internationale ait été mise hors de jeu. Nous pensons qu'elle doit, de nouveau, faire valoir ses droits et jouer son rôle dans toutes les crises mondiales qui, malheureusement, ne concernent pas uniquement l'Irak.
Q - La divergence d'opinions des Quinze ne comporte-t-elle pas un risque pour l'avenir de l'Union ?
R - Toutes les crises sont dangereuses. Mais celui qui ne veut pas faire face aux crises et dangers ne va pas loin. Croyez-vous qu'il vaudrait mieux penser dans le contexte international actuel que nous devons retourner en arrière, démonter l'Europe et de nouveau agir chacun pour soi ? Il est véritablement dangereux de penser qu'il y a une fatalité contre laquelle on ne peut rien faire. Bien au contraire, dans cette crise il faut réfléchir sur les possibilités de renforcer l'Europe, et ce au plus vite.
Q - L'élargissement n'est-il pas un peu risqué pour l'Union ? Selon certaines voix, elle ne saura lui faire face ni économiquement ni politiquement.
R - Je pense que le non-élargissement serait un risque. Une chance énorme s'ouvre aux pays membres ainsi qu'aux pays candidats, une chance économique car il est clair que le dynamisme d'un grand marché pour 455 millions d'habitants, donc de consommateurs, facilitera la croissance économique. Il représente aussi une occasion énorme de conférer à l'Europe un poids politique plus important et de maintenir la paix toujours très fragile dans le monde, voire en Europe.
Q - C'est donc dans ce sens-là que les pays candidats peuvent enrichir l'Union ?
R - J'en suis absolument convaincue.
Q - Quel est l'objectif de votre visite en République tchèque ?
R - C'est mon premier voyage en République tchèque dans ma fonction de ministre. Mais je me suis déjà rendue plusieurs fois dans votre pays. (...). Cette fois-ci, je vais débattre avec les représentants tchèques de la question de l'élargissement. Je souhaite traiter prioritairement un sujet développé également par la Convention, à savoir l'Etat de droit et la justice. Je donnerai aussi une conférence et prendrai part à une table ronde sur l'Europe de la justice. C'est un thème de première importance pour l'avenir de l'Europe élargie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mars 2003)