Discours de M. Gilles de Robien, ministre de l'Equipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, sur les fondations de la nouvelle politique de transport (intermodalité, développement des infrastructures de transport, meilleure prise en compte de l'environnement européen, recherche de nouveaux financements), au Sénat le 3 juin 2003.

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Intervenant(s) : 
  • Gilles de Robien - Ministre de l'Equipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer

Circonstance : Débat sur les conclusions de l'audit "Infrastructures de Transport" au Sénat le 3 juin 2003

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Nous voilà aujourd'hui réunis, comme le Gouvernement l'avait souhaité, pour poser ensemble les fondations de notre nouvelle politique de transport.
Dominique BUSSEREAU et moi-même mesurons bien l'importance de ce débat pour les bassins de vie et d'emplois que vous représentez.
Nous savons tous aussi l'importance de ce débat pour notre Pays, pour son rayonnement, et sa capacité à garder un rôle moteur en Europe.
Ce débat parlementaire fait suite à plusieurs travaux commandés l'été dernier par le Gouvernement.
Premier exercice, le fameux audit commandé au Conseil des Ponts et à l'Inspection des Finances. Cet exercice d'une grande rigueur intellectuelle a suscité de nombreux commentaires. Parfois même des polémiques.
Pourtant, cet audit, je l'ai dit et redit, s'est contenté de nous décrire la situation telle que nous l'avons trouvée. Et celle-ci n'était effectivement pas fameuse.
Les seuls projets identifiés par les auditeurs, et retenus dans leur esquisse à 20 ans, révèlent une impasse cumulée comprise entre 11 et 15 Mds par rapport aux ressources existantes mises en place par l'État. Et sans compter les contributions des collectivités locales évaluées, elles, à 11 milliards d'euros, sur 20 ans aussi...
Comme je l'ai indiqué, d'autres rapports de grande qualité sont venus ensuite tempérer la vision purement "comptable" de l'audit. Le rapport d'Hubert Haenel et François Gerbaud sur le fret ferroviaire, et celui d'Henri de Richemont sur le cabotage maritime font déjà autorité. Enfin, il y a moins d'un mois, la DATAR a publié son étude prospective "La France en Europe : quelle ambition pour la politique des transports ?"
Notre politique aéroportuaire enfin, ne sera pas abordée dans le cadre de ce débat. Une commission parlementaire examine ce sujet en ce moment et ne rendra ses conclusions qu'à la fin du mois de juin.
Après les audits, les rapports, les colloques aussi, n'est-ce pas M. le Sénateur Oudin, le temps du politique est maintenant venu.
Le Gouvernement souhaite entendre la représentation nationale sur plusieurs grandes questions. Comment jugez-vous nos infrastructures présentes ? Notre pays doit-il ralentir son effort d'équipement, ou, au contraire, doit-il l'accélérer ? Comment appréhendez-vous la question du financement de cet effort ?
Je finirai mon propos avec plusieurs propositions concrètes mais permettez-moi de m'exprimer sur les quelques problématiques que je viens d'évoquer.

3. J'aimerais d'abord vous convaincre de l'ardente nécéssité de développer nos infrastructures de transport.
Je vois en effet plusieurs raisons à poursuivre et même à intensifier notre effort, sachant, et c'est tout à fait respectable, que cette question fait parfois débat :
a) La première raison qui me pousse à aller de l'avant, c'est l'augmentation naturelle de la demande de transports à venir, et notre insuffisante capacité à y faire face.
Si l'on regarde les croissances sur 20 ans, cela donne à peu près les résultats suivants:
Le trafic fret ferroviaire dispose d'un potentiel de développement d'au moins 20 %, en particulier sur les axes d'échanges majeurs. Et sans doute davantage si la qualité de services est au rendez-vous. -
Le trafic ferroviaire de voyageurs devrait continuer à se développer, mais sa croissance resterait réduite (+16 % à +20 %) en l'absence de réalisation de lignes nouvelles à grande vitesse.
- Le trafic fluvial dispose d'un certain potentiel de développement sur le réseau existant à grand gabarit. La hausse actuelle du trafic en est j'espère un signe tangible.
- Le trafic routier, voyageurs et marchandises, devrait augmenter de 40 % à 60 %, y compris dans un contexte multimodal beaucoup plus affirmé. A l'inverse, dans l'hypothèse d'un prolongement des tendances, observer un doublement du trafic serait loin d'être invraisemblable.
Ce qui est clair, c'est que si rien n'est fait, la congestion, aujourd'hui relativement acceptable, de nos infrastructures pourrait se révéler difficilement supportable dans les 20 prochaines années pour la vie quotidienne des Français. Elle serait aussi contre productive pour l'économie des régions concernées, notamment pour nos principaux pôles d'activité économique et touristique.
Première raison pour notre pays de poursuivre son équipement donc, cette demande de transports toujours orientée à la hausse.
C) Deuxième raison, le développement économique et l'emploi.
Le carburant de la croissance économique, c'est le brassage et le mouvement des hommes. Et ce carburant a besoin d'un système de transport performant. Autour des infrastructures traditionnelles mais aussi, ne l'oublions pas, autour des fibres optiques et de tout ce qui permettra aux liaisons à haut débit de pénétrer chaque foyer ou chaque entreprise.
L'analyse historique ne nous révèle pas autre chose : les épisodes de prospérité ont été accompagnés ou précédés d'améliorations dans le système de transport. Je suis même convaincu comme plusieurs économistes que l'efficacité des investissements de "desserte" est équivalente et peut-être même parfois supérieure à celle des investissements consacrés à l'amélioration de l'outil de production.
D) La demande, l'emploi, La troisième raison pour laquelle nous devons poursuivre notre effort, c'est l'Europe. Je ne crois pas que notre pays puisse se permettre un statu quo en matière d'équipement si nous voulons relever le défi de l'élargissement.
Quelques éléments de comparaison simplement pour nous situer. La France est désormais au 6 ème rang européen pour la densité autoroutière rapportée à la surface, et au 4 ème rang pour la densité autoroutière rapportée à la population.
En matière ferroviaire, la France occupe un rang identique. Elle a pris une avance significative en développant des services ferroviaires à grande vitesse qui relient aujourd'hui la plupart de ses grandes métropoles.
Nous pouvons être collectivement fiers des efforts accomplis. Cependant, nos voisins continuent à s'équiper fortement en autoroutes et en TGV. Je dois vous avouer que je suis à chaque fois impressionné lors de mes déplacements en Espagne ou en Italie, par le volontarisme avec lequel nos voisins rattrapent leurs retards.
Le risque d'être dépassé, relégué est selon moi réel. Toutefois, si nous savons relever ce défi européen en retrouvant un rythme élevé de construction d'infrastructures, nous avons tout à espérer de cette Europe élargie.
Je vous fais confiance pour positionner notre pays au coeur de la dynamique européenne. De même que chaque territoire aspirait hier à se rapprocher de Paris, les mêmes devront, grâce aux infrastructures de transport, devenir, eux aussi, acteurs de cette dynamique.
D'autant qu'à côté d'espaces qui accumulent activité et parfois nuisances, il existe des régions affectées par le déclin industriel, et tenues à l'écart. De tels écarts ne sont tout simplement pas compatibles avec notre idéal républicain, et vous serez je pense très nombreux à en témoigner.

2. Nécessité de conserver des objectifs ambitieux en matière d'équipement, j'espère vous en avoir convaincus. Nécessité aussi, et ce sera la seconde partie de mon propos, d'intégrer de nouveaux aspects qui caractériseront les transports du XXIème siècle . Ces nouvelles donnes de la politiquedes transports de demain, permettez - moi d'y consacrer quelques
minutes.
a)Première de ces données nouvelles, l'environnement bien entendu,
Les perspectives d'évolution des trafics sont lourdes de conséquences sur notre environnement. En France comme en Europe, le secteur des transports génère plus du quart des émissions totales de CO2, dont 84% sont imputables au transport routier.
Ajoutons à cela deux problèmes déjà très préoccupants : d'une part les pollutions maritimes et plus globalement les risques liés au transport de matières dangereuses ; d'autre part, le bruit, première nuisance reconnue par nos concitoyens.
Oui, nous sommes confrontés et nous le serons de plus en plus aux réactions de rejet de riverains qui réclament la limitation des trafics et l'éloignement des réseaux.
La question qui nous est posée est donc de savoir comment inscrire la croissance des transports dans une logique de développement durable.
Les "transports durables" nécessitent d'agir à la fois sur la technologie avec une action beaucoup plus forte en faveur des véhicules "propres" pour limiter les nuisances à la source; sur la gestion des réseaux (pour orienter la demande sur les horaires et les itinéraires les mieux adaptés) ; sur l'intermodalité (pour reporter les trafics sur les modes les moins nuisants, partout où des services compétitifs peuvent être développés) ;
C) Après l'environnement, la deuxième donne importante de cette nouvelle politique des transports, c'est l'intermodalité.
Le rééquilibrage des modes constitue une des clés du développement soutenable des transports.
L'idée d'un laisser-faire avec comme conséquence la prédominance de la route et de ses files ininterrompues de camions, personne ne le souhaite. Réconcilions nos modes de transport, servons-nous de leur complémentarité, favorisons leur développement dans les domaines où ils sont les plus pertinents.
Concrètement, l'écart persistant entre la route et le rail est très préoccupant. Si le trafic ferroviaire de voyageurs connaît une progression sensible grâce au développement des trains à grande vitesse et des services régionaux, tous les indicateurs confirment l'érosion du fret ferroviaire.
Les causes macro-économiques des difficultés du fret sont connues : déclin des industries lourdes, mutations spatiales et organisationnelles de notre tissu économique, diminution de la taille des envois.
Ces tendances lourdes expliquent largement le caractère utopique de l'objectif annoncé par le précédent Gouvernement, jamais réalisé et même pas amorcé.
Les auditeurs ont d'ailleurs clairement marqué leur scepticisme sur cet objectif de doublement en 2010 et de triplement en 2020 de l'ensemble du fret ferroviaire affiché par mon prédécesseur.
Hubert Haenel et François Gerbaud, 2 vrais spécialistes, proposent à coup sûr une politique crédible. Pour arrêter le déclin et amorcer la reconquête, il faut passer de 50 mds de tonnes km transportées comme aujourd'hui à 55 ou 60 dans un délai de 5 à 7 ans, c'est un objectif intermédiaire que l'on peut partager même si pour moi, je vous le redis, l'important est de réaliser des actes concrets qui, ajoutés les uns aux autres, vont faire de l'intermodalité une réalité et pas seulement un joli sujet de colloque.
Je suis certain qu'un potentiel de développement existe, en particulier sur la magistrale éco-fret nord-sud, ou à travers le transport combiné ou l'autoroute ferroviaire.
Enfin l'amélioration de la qualité du service aux clients est incontournable pour re-fidéliser les chargeurs. C'est la tâche à laquelle la SNCF doit s'atteler en priorité, y compris dans le travail en cours au sein de l'entreprise sur la réduction de la conflictualité.
Environnement, Intermodalité,...
D) Troisième donnée importante à prendre en compte, les nouvelles technologies, sujet dont je connais l'expertise de votre haute assemblée.
Un mot très court sur cette vaste question à travers le seul exemple de ce qu'on appelle les infrastructures intelligentes. Vous le savez, les usagers sont de plus en plus attachés à la qualité des services: ponctualité et sécurité du transport, information et prise en charge en cas de crise ou d'intempéries. On s'en est rendu compte une nouvelle fois lors de l'évènement neigeux de ce début d'année. Dans ce domaine précis, dont on voit bien aussi l'importance en terme de sécurité routière, le gisement est énorme, je pense aux autoroutes ou au fret, et elles doivent être encouragées avec détermination.
E) Dernière donne à mon sens de cette nouvelle politique: le tarissement des sources de financement traditionnelles.
Avec votre accord, un petit historique. Depuis la guerre, les infrastructures de transport ont trouvé à se financer pour l'essentiel de manière assez autonome sans, avouons-le, trop peser sur le budget général de l'Etat.
Pour la route, les plus anciens se souviennent du FSIR -le fonds spécial d'investissement routier- créé au début des années 50 et alimenté par une fraction de la TIPP.
Parallèlement, avec la loi de 1955 sur les autoroutes s'est mis en place, au début des années 60, le recours au péage et au principe de l'adossement. Principe qui s'inspirait du financement du programme ferroviaire de la seconde moitié du XIXème siècle...
Le FSGT (fonds spécial des grands travaux), a également permis la poursuite du programme routier jusqu'en 1988. Il était encore alimenté par des centimes additionnels à la TIPP. Encore elle
Plus récemment, le FITTVN instauré par la loi Pasqua avait permis de dépasser les logiques propres à chaque mode. Il se finançait à partir d'une taxe sur le kWh et sur les km parcourus sur les autoroutes à péage.
La mise en conformité avec les directives européennes a mis fin au principe de l'adossement et a permis de transformer nos sociétés publiques d'autoroutes en de vraies sociétés anonymes dégageant dividendes et impôt sur les sociétés. Quant à l'intelligent et multimodal système du FITTVN, il a été tué par la précédente majorité.
En matière ferroviaire, le recours à l'endettement de l'opérateur a permis de manière assez indolore de poursuivre l'amélioration de notre réseau ferré et en particulier de lancer les premiers programmes de LGV. Cette facilité, qui portait en elle de nombreux effets pervers, a disparu en 1997. La création de RFF s'est conjugué avec une certaine "moralisation" du financement des investissements : c'est le fameux article 4 qui oblige RFF à amortir ces nouveaux investissements par des recettes. Cela ne règle cependant en rien le passif accumulé. J'y reviendrai.
Nous avons donc vécu en quelques années une véritable révolution qui modifie radicalement la façon de financer un grand projet. La contrepartie de cet effort de clarification est que l'Etat et les Collectivités Locales sont amenés à financer directement par des subventions une partie de l'infrastructure, alors qu'auparavant les coûts étaient reportés sur la dette d'établissements et d'entreprises publiques. Le TGV Est ou encore l'A28 ont dû se financer dans ce nouveau contexte. Il en sera de même demain de tous les grands projets. Ce n'est pas tout à fait un hasard si nous constatons que le niveau des années 2000-2002 se situe à un niveau inférieur à 1% du PIB, suite à une baisse régulière depuis 1997.
Face à une impasse financière manifeste sur la base des financements d'aujourd'hui, beaucoup en appellent aux partenariats Public-Privé.
Le PPP est un outil qui doit être encouragé dans son principe. Ses mérites sont connus : transférer une partie des risques vers le privé, accélérer la réalisation d'infrastructures, optimiser la gestion des infrastructures, mieux adapter le financement par l'usager au service rendu Mais, soyons clairs, le PPP n'est pas la panacée. Il ne permettra jamais à un projet en manque de rentabilité financière d'en avoir une. Et ces difficultés de mise en oeuvre ne doivent pas être négligées ; en particulier en matière ferroviaire. L'exemple récent des négociations infructueuses sur le projet du Perpignan-Figueras est à méditer.
De même, mobiliser les fonds d'épargne de la CDC, sans être inutile, reste marginal par rapport aux besoins identifiés dans l'audit.
2. Sur la foi des convictions que je viens d'exprimer, celle d'une politique d'équipements ambitieuse, une politique européenne, durable et intermodale, à quels engagements pouvons nous souscrire sans tarder ?
a) Le premier type d'engagements, très attendus je le sais, concernent les infrastructures à réaliser
a) Dans le domaine ferroviaire d'abord.
Dans ce domaine, il faut distinguer le fret et les voyageurs. J'ai abordé un peu plus tôt la question du fret et les recommandations salutaires du rapport Haenel- Gerbaud.
Sur les voyageurs, la grande vitesse m'apparaît incontournable pour brancher toutes les métropoles régionales sur l'Europe. Nous devons donc planifier la réalisation des LGV déjà étudiées et engager aussi des études pour d'autres lignes qui méritent de l'être.
Avec l'horizon 2030 en perspective, nous devrons travailler à l'objectif que la très grande majorité des capitales régionales soient desservies par une liaison ferroviaire rapide.
Sur le projet Lyon-Turin, j'aimerais dire 3 choses: premièrement, il existe un accord international et il sera respecté, deuxièmement personne ne conteste le caractère éminemment structurant de ce projet, troisièmement, je maintiens qu'il est indispensable étant donné l'ampleur de cet ouvrage d'en connaître l'ensemble des aspects techniques et d'en dire avec honnêteté le coût exact et le mode de financement.
c. Dans le domaine des routes, je vois clairement quatre axes principaux de développement :
- 1 er axe : la réalisation de grands itinéraires est-ouest et sud-nord permettant d'assurer le bon écoulement du trafic routier national et international, ainsi que l'ancrage du territoire dans l'espace européen. - 2 ème axe : les liaisons transfrontalières, notamment avec l'Espagne et l'Italie.
- 3 ème axe de développement : une desserte plus équilibrée de l'ensemble des points du territoire.
- 4 ème axe : la réalisation de contournements urbains destinés à écarter le trafic de transit de l'espace urbain. A ce titre, un nombre important de grandes agglomérations doivent être traitées et je vous rappelle la possibilité pour les collectivités, dans la nouvelle loi de décentralisation, de mettre en place
c. Sur le fluvial enfin
Les enjeux se situent d'abord sur la restauration et la sauvegarde du patrimoine du réseau. Ensuite en matière de nouveaux projets, je crois que l'écluse du Havre dans le cadre de Port 2000 a toute sa pertinence. Le projet Seine-Nord a été replacé par la DATAR dans un contexte plus vaste, européen et c'est en effet le bon niveau d'appréciation pour une telle réalisation. Je suis convaincu qu'il faut le planifier en tête de liste des équipements fluviaux à réaliser.
Route, ferroviaire, fluvial, beaucoup d'élus aspirent non pas à choisir entre l'un ou l'autre des modes mais davantage à les conjuguer, à les compléter dans un vrai souci de développement durable.
Un exemple intéressant, celui du corridor nord. Les élus se sont mobilisés dans un cadre interrégional (NPDC et Picardie) pour une logique multimodale associant le canal Seine-Nord, l'autoroute A24, le TGV Amiens-Calais. C'est une bonne réponse à la congestion du corridor nord. C'est un beau chantier européen. C'est une bonne illustration de cette nouvelle politique des transports.
B) Deuxième engagement: des délais de réalisation à réduire.
Les infrastructures nouvelles sont réclamées. Elles seront de fait, et parfois par les mêmes, de plus en plus contestées aussi.
Il résulte de cette "citoyenneté active" des coûts d'investissement croissants et surtout une durée d'étude et de concertation beaucoup plus longue pour engager une nouvelle infrastructure. L'audit a de ce point de vue été très instructif. Aujourd'hui il faut compter de 14 à 17 ans entre les premières études d'opportunité et la mise en service. Cela veut dire qu'un projet de LGV par exemple dont les études seraient lancées cette année ne verrait ses premières rames circuler qu'en 2020 !
Ce constat, je le considère comme très préoccupant car nous avons vraiment atteint un seuil qui pose clairement la question de la pérennité des décisions et du calendrier démocratique
Il nous faut donc, j'en suis persuadé, éliminer les procédures inutiles. A ce propos, je vous annonce la suppression de l'IMEC, sigle barbare que tout élu s'est vu opposer pour justifier un allongement des délais, est un premier pas dans la bonne direction.
Je suis sûr qu'il y a aussi des progrès à faire en ce qui concerne débat public. Oui à l'expression, organisée et maîtrisée dans le temps, de points de vue différents. Non à des procédures dilatoires qui saperaient progressivement toute notion d'intérêt général. La loi présentée par Henri Plagnol permettant au Gouvernement de prendre par ordonnances des mesures de simplifications administratives sera bien utile.
C) Nouvelles infrastructures, délais améliorés, mon troisième et dernier engagement portera sur les ressources nouvelles.
Que les choses soient claires. Le coût de l'ensemble des projets nécessaires à notre nouvelle ambition appelle a minima un besoin supplémentaire de financement de l'ordre d'1,2 milliard d'euros par an sur 20 ans. Il s'agit de la part État supplémentaire, sachant que je suppose acquise la part annuelle actuelle de 3,2 Mds d'euros. C'est dire qu'en tout état de cause se pose devant nous une importante équation financière.
Il nous faut donc des ressources nouvelles.
Quelle que soit la solution que le Gouvernement retiendra à l'issue de ce débat, vous avez déjà été nombreux à souligner un point fondamental même s'il heurte la doctrine budgétaire la plus pure. C'est l'affectation de cette ressource nouvelle pour être bien sûr qu'en face d'un projet il y a une ressource.
Demander le cas échéant un effort à un usager en l'assurant de la traçabilité de la dépense, c'est, je suis d'accord avec vous, un gage d'acceptabilité sociale, une crédibilité supplémentaire.
Dernier point, l'Europe peut-elle fournir un élément de solution à nos ambitions? Il faut en effet examiner ce qu'il est possible en la matière. Aujourd'hui en tout cas nous devons constater que les apports de l'Europe sont faibles pour les infrastructures dans un pays comme la France.
Même si l'élargissement s'accompagnera d'un redéploiement des ressources vers les nouveaux arrivants, nous devons plaider pour une meilleure prise en compte des projets dont le caractère structurant au plan européen est incontestable : il en est ainsi des projets transfrontaliers en particulier avec l'Italie et l'Espagne et plus globalement de tous les projets aujourd'hui étudiés dans le groupe Van Miert.
En Conclusion :
La politique des transports nécessite toujours une volonté et une prise de risque. Nos choix ou notre absence de choix influeront directement sur la vie des générations du 21 ème siècle.
Je constate et je me réjouis que la démarche qu'a engagée le Gouvernement se soit trouvée démultipliée en régions par la mobilisation de nombreux acteurs. Merci aux élus, aux associations, à tous ceux qui se sont mobilisés pour des
projets.
Le gouvernement, vous l'avez compris, est résolument décidé à écrire une nouvelle page de cette longue histoire de l'équipement de notre pays.
Dans le cadre de cette politique nouvelle, nous devons apprendre à vivre en européens et dépasser dans nos choix le cadre de l'Hexagone.
Nous devons accepter la multimodalité et les exigences nouvelles et légitimes de nos concitoyens en matière de développement durable.
Nous devons redoubler d'attention pour les territoires oubliés.
Nous devons surtout, et je terminerai par cela, réhabiliter, restaurer la signature de l'État.
Décidons ensemble les projets les plus porteurs de développement durable, mettons en face des financements pérennes et des calendriers réalistes. A ces conditions, mon objectif est de vous proposer dès cet automne un projet national d'équipement à horizon 2025. Un vrai projet (pas une addition sans lendemain de serpents de mer et d'arlésiennes en tout genre), un projet solide, financé.
Merci de votre attention.

(Source http://www.equipement.gouv.fr, le 6 juin 2003)