Texte intégral
Q - On va parler de Berlin bien sûr. Mais l'actualité européenne c'est d'abord le non suédois d'avant hier. Vous êtes déçue ?
R - Il faut respecter le verdict du peuple suédois qui est souverain. Mais c'est dommage pour l'économie suédoise à terme, puisque l'euro est un formidable atout pour la croissance. La stabilité monétaire est la condition nécessaire mais non suffisante de la croissance. Cela dit ce n'est que partie remise. Je suis persuadée que les Suédois, lorsqu'ils seront prêts, contribueront à étendre davantage la zone euro.
Q - Et vous dites évidemment que c'est ennuyeux pour la Suède parce que l'euro est un facteur de stabilité. En même temps l'un des arguments des Suédois, qui ont voté non en majorité, était : "regardez, le Royaume-Uni, le Danemark et la Suède sont hors euro et ils ont une meilleure croissance que les pays de l'euroland". C'est vrai que c'est un peu troublant. On leur demande d'intégrer une zone qui a moins de croissance que leur pays.
R - Cela n'a absolument rien à voir. La Suède était en très mauvaise posture il y a une dizaine d'années, avec un taux de chômage de près de 12 %. Des efforts considérables ont été accomplis par le gouvernement pour mener à bien des réformes structurelles qui portent leurs fruits. Mais maintenant, et tous les chefs d'entreprise suédois l'ont souligné durant toute la campagne, il faut passer à un autre cap : adopter la monnaie unique européenne pour faire partie d'une zone euro qui est une zone de stabilité. Même si des pays comme la France et l'Allemagne ont des rigidités qu'il leur faut maintenant surmonter.
Q - Est-ce que l'on ne risque pas de se retrouver un jour dans une situation un peu bizarre où l'on aura la Slovénie, l'Estonie, la Pologne, dans l'euro, et puis toujours la Suède, le Danemark et le Royaume-Uni hors euro ?
R - Je ne le crois pas. Je pense que nous sommes au creux d'un cycle économique qui est aujourd'hui défavorable. La conjoncture internationale n'est pas bonne mais il y a des signaux de reprise. Or, quand l'économie va bien, l'Europe va beaucoup mieux, le sentiment européen est bien plus enthousiaste et je suis persuadée que, peu à peu, cette zone euro sera celle de toute l'Europe.
Q - Ce Conseil des ministres franco-allemand c'est jeudi à Berlin. Qu'est-ce que c'est un Conseil des ministres franco-allemand ? Je crois que c'est le second ?
R - C'est le second. Le premier était un Conseil de lancement qui a eu lieu à l'occasion du quarantième anniversaire du Traité de l'Elysée, le 22 janvier 2003.
Q - Donc traité fondateur, ce Traité de l'Elysée, de l'amitié franco-allemande après la guerre ?
R - Le Traité entre de Gaulle et Adenauer a lancé ce qu'on appelle aujourd'hui le moteur franco-allemand, qui est en fait une relation privilégiée, au sein de l'Europe, de deux pays qui ont bâti leur réconciliation autour de l'idée qu'il fallait à tout prix construire un grand ensemble de pays démocratiques en Europe pour maintenir la paix. Ce Conseil des ministres est une innovation sans précédent. Il sera vraiment opérationnel cette fois-ci. Il aura comme thème central de ses travaux : la croissance et la compétitivité de l'Europe. Il marquera la contribution de la France et de l'Allemagne, non seulement aux réflexions qui sont majeures aujourd'hui, mais aussi à un plan d'action que tout le monde estime nécessaire.
Q - Alors c'est à Berlin et c'est un Conseil des ministres qui sera coprésidé par le chancelier Schröder et par le président Chirac ?
R - C'est un Conseil des ministres conjoint.
Q - Avec 20 ministres ? Parce que si on a tous les ministres français et tous les ministres allemands
R - La moitié du gouvernement français sera présente et ce sera sans doute de même du côté allemand.
Q - Déjà que les débats ne sont pas très fréquents ni très usuels dans un Conseil des ministres franco-français à Paris. Est-ce que l'on peut vraiment débattre dans ce type d'enceinte ? Est-ce que cela sert simplement à entériner des décisions que vous avez prises à l'avance avec votre partenaire correspondant allemand ?
R - Beaucoup de négociations ont eu lieu ces derniers jours, puisque nous devons nous accorder sur une initiative commune en forme de contribution franco-allemande à la relance de la croissance européenne. Mon homologue allemand, ministre des Affaires européennes, M. Bury, a mené hier les négociations à Berlin avec des représentants du ministère des Finances et mon secrétaire général adjoint, pour faire avancer ce projet de contribution. Ce projet sera présenté en Conseil des ministres pour être au moins commenté, discuté, et, nous l'espérons tous, avalisé.
Q - Donc, il y aura normalement à la sortie de ce Conseil des ministres une décision, je ne sais pas moi, des grands travaux ? Enfin ce qu'on appelle une initiative pour la croissance, ça peut être quoi ?
R - Le président de la République et le chancelier fédéral vont annoncer ce qui sera décidé en Conseil des ministres sur le thème que j'indiquais. Vous imaginez bien que je leur laisse la primeur de cette annonce.
Q - Même pour nous ?
R - Pour tous les Français, Françaises, Allemands et Allemandes Et même au-delà.
Q - On attendra donc jeudi pour en savoir plus Mais sur cette relation spéciale franco-allemande sur laquelle vous avez beaucoup insisté, est-ce que ce n'est pas un peu dépassé ? La mémoire de la guerre quand même est maintenant un peu loin. On a l'impression que l'axe que constituent le Royaume-Uni, l'Espagne, la Pologne à terme, est une sorte d'axe politique au moins aussi solide. La France et l'Allemagne c'est un peu l'alliance de l'aveugle et du paralytique, vu de beaucoup de petits pays, parce qu'on n'est ni l'un ni l'autre dans les clous du pacte de stabilité. Est-ce que ça a encore un sens aujourd'hui de parler franco-allemand ?
R - Je ne participe pas du tout de cette morosité qui consiste à déconsidérer les pays comme l'Allemagne et la France qui prennent en main leur destin - il ne faut pas oublier que le chancelier Schröder a présenté un plan de réformes structurelles intitulé "Agenda 2010" qui renvoie à notre propre plan gouvernemental "Agenda 2006". Ce sont deux pays dont la relation est privilégiée, mais n'est pas du tout exclusive. Nous avons des contacts constants notamment avec les Britanniques autour de ces problèmes de compétitivité. Il s'agit simplement d'un constat : quand la relation franco-allemande est bonne, c'est bon pour l'Europe.
Q - Vous avez beaucoup à travailler dans le cadre du futur élargissement avec les pays de l'Est candidats. Est-ce que vous êtes un peu ou beaucoup handicapée par la fameuse sortie du président de la République sur ces petits pays qui feraient mieux de se taire ?
R - Je trouve que vous revenez un peu trop sur le passé.
Q - C'est le passé récent ça
R - Ce n'est pas le passé récent parce que je sillonne l'Europe, et notamment ces pays, pratiquement chaque semaine. Je peux vous dire que les liens qui unissent la France à ces pays sont non seulement des liens politiques très forts mais des liens très cordiaux. Simplement, l'Europe est un lieu d'expression. Ce n'est pas l'Union soviétique. On se parle.
Q - On se parle et on peut même de temps en temps se dire des méchancetés, c'est cela l'idée ?
R - On ne se dit pas de méchancetés. Ces pays aussi s'expriment vis à vis de nous. Parfois ils nous tancent. Mais il n'y a aucun malentendu entre la France et ces pays que nous accueillons avec la plus grande joie. D'ailleurs c'est sans doute, en tout cas pour quelqu'un de ma génération, le plus grand moment historique qu'il nous est donné de vivre.
Q - Je ne vous dirai pas le contraire. Des questions express pour terminer. Qu'est ce que vous faites en sortant de ce studio ?
R - En sortant je me précipite, pour prendre à temps l'avion pour Perpignan où je me rends, dans le cadre des rencontres pour l'Europe que j'organise chaque semaine. Je vais être reçue par le sénateur-maire M. Alduy et je vais discuter de l'Europe sur le terrain.
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Q - Dernière question : le taux de croissance pour la France en 2003. Votre pronostic ?
R - Mon pronostic résulte des estimations. Moins de 1 %
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 septembre 2003)
R - Il faut respecter le verdict du peuple suédois qui est souverain. Mais c'est dommage pour l'économie suédoise à terme, puisque l'euro est un formidable atout pour la croissance. La stabilité monétaire est la condition nécessaire mais non suffisante de la croissance. Cela dit ce n'est que partie remise. Je suis persuadée que les Suédois, lorsqu'ils seront prêts, contribueront à étendre davantage la zone euro.
Q - Et vous dites évidemment que c'est ennuyeux pour la Suède parce que l'euro est un facteur de stabilité. En même temps l'un des arguments des Suédois, qui ont voté non en majorité, était : "regardez, le Royaume-Uni, le Danemark et la Suède sont hors euro et ils ont une meilleure croissance que les pays de l'euroland". C'est vrai que c'est un peu troublant. On leur demande d'intégrer une zone qui a moins de croissance que leur pays.
R - Cela n'a absolument rien à voir. La Suède était en très mauvaise posture il y a une dizaine d'années, avec un taux de chômage de près de 12 %. Des efforts considérables ont été accomplis par le gouvernement pour mener à bien des réformes structurelles qui portent leurs fruits. Mais maintenant, et tous les chefs d'entreprise suédois l'ont souligné durant toute la campagne, il faut passer à un autre cap : adopter la monnaie unique européenne pour faire partie d'une zone euro qui est une zone de stabilité. Même si des pays comme la France et l'Allemagne ont des rigidités qu'il leur faut maintenant surmonter.
Q - Est-ce que l'on ne risque pas de se retrouver un jour dans une situation un peu bizarre où l'on aura la Slovénie, l'Estonie, la Pologne, dans l'euro, et puis toujours la Suède, le Danemark et le Royaume-Uni hors euro ?
R - Je ne le crois pas. Je pense que nous sommes au creux d'un cycle économique qui est aujourd'hui défavorable. La conjoncture internationale n'est pas bonne mais il y a des signaux de reprise. Or, quand l'économie va bien, l'Europe va beaucoup mieux, le sentiment européen est bien plus enthousiaste et je suis persuadée que, peu à peu, cette zone euro sera celle de toute l'Europe.
Q - Ce Conseil des ministres franco-allemand c'est jeudi à Berlin. Qu'est-ce que c'est un Conseil des ministres franco-allemand ? Je crois que c'est le second ?
R - C'est le second. Le premier était un Conseil de lancement qui a eu lieu à l'occasion du quarantième anniversaire du Traité de l'Elysée, le 22 janvier 2003.
Q - Donc traité fondateur, ce Traité de l'Elysée, de l'amitié franco-allemande après la guerre ?
R - Le Traité entre de Gaulle et Adenauer a lancé ce qu'on appelle aujourd'hui le moteur franco-allemand, qui est en fait une relation privilégiée, au sein de l'Europe, de deux pays qui ont bâti leur réconciliation autour de l'idée qu'il fallait à tout prix construire un grand ensemble de pays démocratiques en Europe pour maintenir la paix. Ce Conseil des ministres est une innovation sans précédent. Il sera vraiment opérationnel cette fois-ci. Il aura comme thème central de ses travaux : la croissance et la compétitivité de l'Europe. Il marquera la contribution de la France et de l'Allemagne, non seulement aux réflexions qui sont majeures aujourd'hui, mais aussi à un plan d'action que tout le monde estime nécessaire.
Q - Alors c'est à Berlin et c'est un Conseil des ministres qui sera coprésidé par le chancelier Schröder et par le président Chirac ?
R - C'est un Conseil des ministres conjoint.
Q - Avec 20 ministres ? Parce que si on a tous les ministres français et tous les ministres allemands
R - La moitié du gouvernement français sera présente et ce sera sans doute de même du côté allemand.
Q - Déjà que les débats ne sont pas très fréquents ni très usuels dans un Conseil des ministres franco-français à Paris. Est-ce que l'on peut vraiment débattre dans ce type d'enceinte ? Est-ce que cela sert simplement à entériner des décisions que vous avez prises à l'avance avec votre partenaire correspondant allemand ?
R - Beaucoup de négociations ont eu lieu ces derniers jours, puisque nous devons nous accorder sur une initiative commune en forme de contribution franco-allemande à la relance de la croissance européenne. Mon homologue allemand, ministre des Affaires européennes, M. Bury, a mené hier les négociations à Berlin avec des représentants du ministère des Finances et mon secrétaire général adjoint, pour faire avancer ce projet de contribution. Ce projet sera présenté en Conseil des ministres pour être au moins commenté, discuté, et, nous l'espérons tous, avalisé.
Q - Donc, il y aura normalement à la sortie de ce Conseil des ministres une décision, je ne sais pas moi, des grands travaux ? Enfin ce qu'on appelle une initiative pour la croissance, ça peut être quoi ?
R - Le président de la République et le chancelier fédéral vont annoncer ce qui sera décidé en Conseil des ministres sur le thème que j'indiquais. Vous imaginez bien que je leur laisse la primeur de cette annonce.
Q - Même pour nous ?
R - Pour tous les Français, Françaises, Allemands et Allemandes Et même au-delà.
Q - On attendra donc jeudi pour en savoir plus Mais sur cette relation spéciale franco-allemande sur laquelle vous avez beaucoup insisté, est-ce que ce n'est pas un peu dépassé ? La mémoire de la guerre quand même est maintenant un peu loin. On a l'impression que l'axe que constituent le Royaume-Uni, l'Espagne, la Pologne à terme, est une sorte d'axe politique au moins aussi solide. La France et l'Allemagne c'est un peu l'alliance de l'aveugle et du paralytique, vu de beaucoup de petits pays, parce qu'on n'est ni l'un ni l'autre dans les clous du pacte de stabilité. Est-ce que ça a encore un sens aujourd'hui de parler franco-allemand ?
R - Je ne participe pas du tout de cette morosité qui consiste à déconsidérer les pays comme l'Allemagne et la France qui prennent en main leur destin - il ne faut pas oublier que le chancelier Schröder a présenté un plan de réformes structurelles intitulé "Agenda 2010" qui renvoie à notre propre plan gouvernemental "Agenda 2006". Ce sont deux pays dont la relation est privilégiée, mais n'est pas du tout exclusive. Nous avons des contacts constants notamment avec les Britanniques autour de ces problèmes de compétitivité. Il s'agit simplement d'un constat : quand la relation franco-allemande est bonne, c'est bon pour l'Europe.
Q - Vous avez beaucoup à travailler dans le cadre du futur élargissement avec les pays de l'Est candidats. Est-ce que vous êtes un peu ou beaucoup handicapée par la fameuse sortie du président de la République sur ces petits pays qui feraient mieux de se taire ?
R - Je trouve que vous revenez un peu trop sur le passé.
Q - C'est le passé récent ça
R - Ce n'est pas le passé récent parce que je sillonne l'Europe, et notamment ces pays, pratiquement chaque semaine. Je peux vous dire que les liens qui unissent la France à ces pays sont non seulement des liens politiques très forts mais des liens très cordiaux. Simplement, l'Europe est un lieu d'expression. Ce n'est pas l'Union soviétique. On se parle.
Q - On se parle et on peut même de temps en temps se dire des méchancetés, c'est cela l'idée ?
R - On ne se dit pas de méchancetés. Ces pays aussi s'expriment vis à vis de nous. Parfois ils nous tancent. Mais il n'y a aucun malentendu entre la France et ces pays que nous accueillons avec la plus grande joie. D'ailleurs c'est sans doute, en tout cas pour quelqu'un de ma génération, le plus grand moment historique qu'il nous est donné de vivre.
Q - Je ne vous dirai pas le contraire. Des questions express pour terminer. Qu'est ce que vous faites en sortant de ce studio ?
R - En sortant je me précipite, pour prendre à temps l'avion pour Perpignan où je me rends, dans le cadre des rencontres pour l'Europe que j'organise chaque semaine. Je vais être reçue par le sénateur-maire M. Alduy et je vais discuter de l'Europe sur le terrain.
()
Q - Dernière question : le taux de croissance pour la France en 2003. Votre pronostic ?
R - Mon pronostic résulte des estimations. Moins de 1 %
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 19 septembre 2003)