Texte intégral
Les Français semblent être assez à l'aise dans leur façon de vivre et, d'une certaine façon plutôt conservateurs. Même si ces réformes, comme celle des retraites semblent inévitables, comment les convaincre de faire des sacrifices quand ils ne le veulent pas? Et le gouvernement n'est-il pas toujours obligé de faire, comme vos prédécesseurs, de céder devant les manifestants?
Je ne crois pas que les Français résistent aux réformes par conservatisme.
Mais, nous avons parfois du mal à replacer la vie quotidienne en France dans un contexte mondial. Tout ce qui est notre style de vie, notre qualité de vie, tout ce qui fait le charme de la vie à la française, se trouve un peu bousculé par le monde, par les nouveaux défis, par la technologie, par les frontières qui disparaissent, les virus ou les mafias qui passent les frontières, notre vie est en train de s'internationaliser et la société française a souvent une certaine appréhension face à ces mouvements. C'est pour cela que la relation entre le Canada et la France est très stratégique parce qu'il y a suffisamment de proximité pour se comprendre et suffisamment de différences pour apprendre. C'est une des raisons pour lesquelles je souhaite qu'on ouvre davantage la France à la vie internationale mais c'est vrai aussi que nous ne sommes pas très en avance dans l'apprentissage des langues étrangères et que nous devons en faire davantage. Nous avons par exemple assez peu de pratique de l'allemand bien que les allemands soient nos partenaires commerciaux de première importance puisqu'ils sont à la fois les premiers clients et les premiers fournisseurs.
Vous connaissez bien le Québec où vous êtes venu une quinzaine de fois. Qu'espérez-vous y retrouver?
J'ai toujours entendu dire que le Québec pouvait être la porte d'entrée de la France en Amérique du Nord, et la France la porte d'entrée en Europe, mais je l'ai plus entendu que vu. Je pense que c'est en train de venir parce que nous sommes dans une société d'information et donc nous sommes dans une société de culture, de message, de communication. Les masses industrielles ne se déplacent pas aussi facilement que les informations. Je me souviens que, dans mon enfance, mes parents parlaient de Montréal, comme de l'une des plus belles villes du monde. Et puis, il y a eu une période où Montréal était une belle endormie. Depuis l'apparition des nouvelles technologies, Montréal redevient un site d'initiative d'envergure. Avec cette société de l'information, je trouve que Montréal a retrouvé un deuxième souffle. Cela est dû à la diversité culturelle, à la création, à la créativité. Les nouvelles images, et les créatifs qui sont dans la Cité du Multimédia de Montréal, sont de nouveaux médiateurs de progrès. Je pense que la France peut, avec le Canada en général et le Québec en particulier, avoir sur l'Amérique du Nord des initiatives qui passeront par la société de l'information. Quand on regarde les sites Internet, celui d'Hydro Québec par exemple , on se retrouve, on navigue bien sur un site canadien. C'est un univers familier même si celui-ci est quand même un site nord-américain. A l'ère de l'information, c'est un élément plus important que dans l'ère industrielle où la localisation et les frontières comptaient davantage.
Que faut-il voir, dans la défaite de votre ami Bernard Landry ?
Il y a eu des réformes qui ont été faites, je pense à celles dans le secteur de la santé, il fallait les faire même si elles n'ont pas toujours fait plaisir. Dans les sociétés modernes, la réforme entraine parfois l'alternance car si elle est nécessaire, elle n'est pas toujours populaire et rend la vie des gouvernements difficile. Puis, il y avait le grand enjeu québécois qui était une sorte d'ombrelle qui structurait la vie politique. L'ombrelle existant toujours mais avec moins d'ensoleillement, les autres problèmes sont apparus. Il y a aussi la durée... Bernard Landry a eu à la fois du temps pour appréhender la vie politique mais en même temps, après le départ de Lucien Bouchard, le temps était assez court . Enfin, Lucien Bouchard que j'ai décoré ici, avec son frère Gérard, de la Légion d'honneur, c'est aussi une personnalité qu'on ne remplace pas du jour au lendemain. Même si on a été un excellent ministre des Finances, et réputé, le passage de numéro Deux à numéro Un est toujours une étape importante.
Au Canada anglais, on a tendance à penser que le débat sur la souveraineté est clos, que "l'ombrelle" est fermée. Pensez vous qu'il faut passer à autre chose pour le Québec? Et que l'Europe peut être un modèle pour le Canada?
On ne peut pas passer sur l'histoire comme ça, parce que cette histoire a marqué, elle a été forcément structurante. Je pense que c'est une réalité qui est importante même si elle est plus ou moins présente. Nous, les Français, nous voulons vraiment respecter les Québécois et les Canadiens dans ce débat et, suivant les périodes, être attentifs à l'importance qu'eux-mêmes donnent à ce type d'approche. Je dois dire que les préoccupations dans l'opinion publique sont comme les marées: il y a une marée montante comme une marée descendante, et après une marée il y en a une autre. Il faut toujours agir en fonction de l'évolution... Je pense que l'Europe peut être, non pas un modèle, mais une structure qui concilie l'identité nationale avec l'idée de solidarité continentale, la solidarité européenne en ce qui nous concerne, surtout si nous arrivons à avoir une stabilité politique avec la nouvelle Constitution. Il y a des choses à prendre dans l'Europe, mais il y a aussi des choses à prendre dans le Canada. Il faut que l'on s'inspire les uns et les autres car on a les mêmes problèmes: comment concilier identité et solidarité. Il y a des périodes où l'identité l'emporte sur la solidarité et d'autres où la solidarité l'emporte sur les identités. Il faut trouver cet équilibre et je pense que l'architecture canadienne, telle qu'elle est bâtie, est destinée à concilier identité et solidarité.
Certains disent que votre gouvernement est intervenu en faveur du groupe Eurocopter pour qu'il fournisse les nouveaux hélicoptères de la Marine canadienne...
Aujourd'hui Bombardier est en train de faire une percée considérable dans le ferroviaire français alors que nous avons une entreprise publique nationalisée (Alsthom). Tout le transport express régional - le TER - qui est en grand développement en France, se fait majoritairement avec des produits Bombardier plutôt que des produits Alsthom. Il faut que l'on travaille les uns et les autres ensemble et que l 'on trouve des complémentarités, que l'on bâtisse des projets et des usines communes.
Devrait-on comprendre que les succès de Bombardier en France dans le domaine ferroviaire vous portent à penser qu'il serait juste que des compagnies européennes, françaises surtout, connaissent des succès semblables au Canada?
Il faut évidement que nos entreprises soient performantes. Si Bombardier gagne des marchés, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'obstacles politiques mais parce que le produit est bon. Je pense qu'il faut trouver des formes de coopération durable... Eurocopter à des partenaires au Canada et les retombées industrielles pour le Canada sont supérieures à la valeur des hélicoptères.
C'est un exemple très typique de partenariat industriel... Aurez-vous des projets à annoncer quand vous serez à Ottawa?
Je connais très bien Monsieur Chrétien , nous allons faire le tour de la situation internationale et je lui transmettrai un certain nombre d'information de la part du président de la République Jacques CHIRAC . On parlera du monde asiatique en mouvement, de la situation au Proche Orient... Le deuxième grand sujet, ce sont les projets stratégiques économiques, dans le domaine industriel et aussi dans le domaine de la coopération, notamment dans le domaine de la recherche universitaire. Enfin , je voudrais développer le projet de Futuralia que nous avons inventé avec les Québécois, c'est-à-dire cette capacité de mettre plus d'un millier de PME ensemble. On voit que les petites et moyennes entreprises, dans des régions du monde comme le sud-est asiatique, sont assez peu nombreuses. Je voudrais faire un Futuralia France-Canada dans le Sud-Est asiatique, en Thaïlande, en Chine. Ensemble, nous pouvons gagner un certain nombre de marchés avec des d'entreprises qui savent fonctionner en réseau. Aujourd'hui on se rend compte que toutes les économies nationales sont déterminées par les PME mais les actions internationales sont encore trop menées par les grandes entreprises. Je voudrais qu'on ait des ambitions communes parce que la vraie amitié ce n'est pas de se regarder l'un l'autre, de s'aimer l'un l'autre, c'est d'avoir ensemble des projets communs. Et puis, je crois aussi que le Canada est un pays du 21ème Siècle parce que, les valeurs du 21ème Siècle, c'est l'information, c'est la communication, c'est l'environnement et les espaces, c'est la qualité des universités, c'est le métissage. Je regarde quelles sont les valeurs du 21ème Siècle et je me dis qu'il y a un pays aujourd'hui, le Canada, qui a des atouts très forts et, ce pays étant en partie un fils de la France, peut aujourd'hui faire profiter ses amis de sa modernité.
Vous aborderez sûrement la question irakienne. Quel prix, pensez-vous, la France a-t-elle dû payer pour sa position? Et va-t-elle en récolter des bénéfices?
Cette position n'était pas une position mercantile, c'était une position de conviction, c'était une position de vision. Nous n'avons pas vu cela comme on regarderait un bilan avec un actif et un passif. Nous avons pensé qu'en la circonstance il y avait d'autres voies que la guerre pour atteindre l'objectif qui était le nôtre. Je dirais que c'était une position politique de paix qui nous a fait penser que la guerre n'était pas la meilleure voie. La France n'est pas devenue pacifiste, nous ne sommes pas des pacifistes, nous faisons des efforts considérables pour notre propre programme militaire. Nous sommes vraiment convaincus qu'il y a aujourd'hui des risques majeurs dans cette région du Proche Orient, et que les risques de guerre sur ce territoire sont dangereux. Nous voyons bien que cette position a été comprise par beaucoup de pays, qu'elle n'a pas toujours été comprise par d'autres. Je dis clairement que cela ne remet pas en cause notre alliance avec les États-Unis ni l'amitié que nous avons pour les Américains. C'est la même gratitude que nous avons pour la participation des Américains à notre histoire. Et nous n'oublions pas le 11 septembre 2001. Nous avons le même adversaire que les
Américains: c'est le terrorisme, c'est la prolifération. Et nous sommes engagés dans une mobilisation identique. Aujourd'hui, nous voulons d'une part reconstruire au plus vite l'économie et la vie sociale de l'Irak et d'autre part restaurer sa souveraineté. Nous pensons que cela doit se faire avec un rôle central donné à l'ONU.
Cette position, face à la guerre, vous a-t-elle rapproché du Canada?
Je ne peux pas dire que l'on ait besoin d'être rapprochés avec le Canada !
En l'occurrence, c'est vrai que la position de M. Chrétien a été perçue comme une position courageuse parce que le Canada a une géographie, quelques caractéristiques, qui ne doivent pas rendre la diplomatie très facile certains jours...
Pour les Américains, cette guerre se situe dans l'objectif plus vaste de la guerre au terrorisme. Les attentats de cette semaine en Arabie saoudite ne suggèrent-ils pas que c'est un échec?
Nous avons toujours pensé qu'il restait du travail à faire en Afghanistan, que la prolifération était un problème très grave, que le terrorisme est une nouvelle forme d'action avec de nouvelles formes d'armes et qui prend d'autres formes que le seul terrorisme d'État. Nous n'avons jamais nié qu'il fallait obtenir la destruction des armes de l'Irak mais nous pensons qu'on ne peut pas considérer que l'action en Irak soit une réponse au 11 septembre. Il faut une vision globale du sujet et notamment d'une nouvelle forme de terrorisme impliquant des équipes plus réduites et souvent des armes plus meurtrières. On ne peut donc pas dire que ce qui s'est passé en Arabie saoudite soit la conséquence de ce qui s'est passé en Irak. Mais ce qu'on peut dire, c'est qu'il ne faut pas croire que l'Irak est le seul foyer à problème pour le reste du monde.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 19 mai 2003)
Je ne crois pas que les Français résistent aux réformes par conservatisme.
Mais, nous avons parfois du mal à replacer la vie quotidienne en France dans un contexte mondial. Tout ce qui est notre style de vie, notre qualité de vie, tout ce qui fait le charme de la vie à la française, se trouve un peu bousculé par le monde, par les nouveaux défis, par la technologie, par les frontières qui disparaissent, les virus ou les mafias qui passent les frontières, notre vie est en train de s'internationaliser et la société française a souvent une certaine appréhension face à ces mouvements. C'est pour cela que la relation entre le Canada et la France est très stratégique parce qu'il y a suffisamment de proximité pour se comprendre et suffisamment de différences pour apprendre. C'est une des raisons pour lesquelles je souhaite qu'on ouvre davantage la France à la vie internationale mais c'est vrai aussi que nous ne sommes pas très en avance dans l'apprentissage des langues étrangères et que nous devons en faire davantage. Nous avons par exemple assez peu de pratique de l'allemand bien que les allemands soient nos partenaires commerciaux de première importance puisqu'ils sont à la fois les premiers clients et les premiers fournisseurs.
Vous connaissez bien le Québec où vous êtes venu une quinzaine de fois. Qu'espérez-vous y retrouver?
J'ai toujours entendu dire que le Québec pouvait être la porte d'entrée de la France en Amérique du Nord, et la France la porte d'entrée en Europe, mais je l'ai plus entendu que vu. Je pense que c'est en train de venir parce que nous sommes dans une société d'information et donc nous sommes dans une société de culture, de message, de communication. Les masses industrielles ne se déplacent pas aussi facilement que les informations. Je me souviens que, dans mon enfance, mes parents parlaient de Montréal, comme de l'une des plus belles villes du monde. Et puis, il y a eu une période où Montréal était une belle endormie. Depuis l'apparition des nouvelles technologies, Montréal redevient un site d'initiative d'envergure. Avec cette société de l'information, je trouve que Montréal a retrouvé un deuxième souffle. Cela est dû à la diversité culturelle, à la création, à la créativité. Les nouvelles images, et les créatifs qui sont dans la Cité du Multimédia de Montréal, sont de nouveaux médiateurs de progrès. Je pense que la France peut, avec le Canada en général et le Québec en particulier, avoir sur l'Amérique du Nord des initiatives qui passeront par la société de l'information. Quand on regarde les sites Internet, celui d'Hydro Québec par exemple , on se retrouve, on navigue bien sur un site canadien. C'est un univers familier même si celui-ci est quand même un site nord-américain. A l'ère de l'information, c'est un élément plus important que dans l'ère industrielle où la localisation et les frontières comptaient davantage.
Que faut-il voir, dans la défaite de votre ami Bernard Landry ?
Il y a eu des réformes qui ont été faites, je pense à celles dans le secteur de la santé, il fallait les faire même si elles n'ont pas toujours fait plaisir. Dans les sociétés modernes, la réforme entraine parfois l'alternance car si elle est nécessaire, elle n'est pas toujours populaire et rend la vie des gouvernements difficile. Puis, il y avait le grand enjeu québécois qui était une sorte d'ombrelle qui structurait la vie politique. L'ombrelle existant toujours mais avec moins d'ensoleillement, les autres problèmes sont apparus. Il y a aussi la durée... Bernard Landry a eu à la fois du temps pour appréhender la vie politique mais en même temps, après le départ de Lucien Bouchard, le temps était assez court . Enfin, Lucien Bouchard que j'ai décoré ici, avec son frère Gérard, de la Légion d'honneur, c'est aussi une personnalité qu'on ne remplace pas du jour au lendemain. Même si on a été un excellent ministre des Finances, et réputé, le passage de numéro Deux à numéro Un est toujours une étape importante.
Au Canada anglais, on a tendance à penser que le débat sur la souveraineté est clos, que "l'ombrelle" est fermée. Pensez vous qu'il faut passer à autre chose pour le Québec? Et que l'Europe peut être un modèle pour le Canada?
On ne peut pas passer sur l'histoire comme ça, parce que cette histoire a marqué, elle a été forcément structurante. Je pense que c'est une réalité qui est importante même si elle est plus ou moins présente. Nous, les Français, nous voulons vraiment respecter les Québécois et les Canadiens dans ce débat et, suivant les périodes, être attentifs à l'importance qu'eux-mêmes donnent à ce type d'approche. Je dois dire que les préoccupations dans l'opinion publique sont comme les marées: il y a une marée montante comme une marée descendante, et après une marée il y en a une autre. Il faut toujours agir en fonction de l'évolution... Je pense que l'Europe peut être, non pas un modèle, mais une structure qui concilie l'identité nationale avec l'idée de solidarité continentale, la solidarité européenne en ce qui nous concerne, surtout si nous arrivons à avoir une stabilité politique avec la nouvelle Constitution. Il y a des choses à prendre dans l'Europe, mais il y a aussi des choses à prendre dans le Canada. Il faut que l'on s'inspire les uns et les autres car on a les mêmes problèmes: comment concilier identité et solidarité. Il y a des périodes où l'identité l'emporte sur la solidarité et d'autres où la solidarité l'emporte sur les identités. Il faut trouver cet équilibre et je pense que l'architecture canadienne, telle qu'elle est bâtie, est destinée à concilier identité et solidarité.
Certains disent que votre gouvernement est intervenu en faveur du groupe Eurocopter pour qu'il fournisse les nouveaux hélicoptères de la Marine canadienne...
Aujourd'hui Bombardier est en train de faire une percée considérable dans le ferroviaire français alors que nous avons une entreprise publique nationalisée (Alsthom). Tout le transport express régional - le TER - qui est en grand développement en France, se fait majoritairement avec des produits Bombardier plutôt que des produits Alsthom. Il faut que l'on travaille les uns et les autres ensemble et que l 'on trouve des complémentarités, que l'on bâtisse des projets et des usines communes.
Devrait-on comprendre que les succès de Bombardier en France dans le domaine ferroviaire vous portent à penser qu'il serait juste que des compagnies européennes, françaises surtout, connaissent des succès semblables au Canada?
Il faut évidement que nos entreprises soient performantes. Si Bombardier gagne des marchés, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas d'obstacles politiques mais parce que le produit est bon. Je pense qu'il faut trouver des formes de coopération durable... Eurocopter à des partenaires au Canada et les retombées industrielles pour le Canada sont supérieures à la valeur des hélicoptères.
C'est un exemple très typique de partenariat industriel... Aurez-vous des projets à annoncer quand vous serez à Ottawa?
Je connais très bien Monsieur Chrétien , nous allons faire le tour de la situation internationale et je lui transmettrai un certain nombre d'information de la part du président de la République Jacques CHIRAC . On parlera du monde asiatique en mouvement, de la situation au Proche Orient... Le deuxième grand sujet, ce sont les projets stratégiques économiques, dans le domaine industriel et aussi dans le domaine de la coopération, notamment dans le domaine de la recherche universitaire. Enfin , je voudrais développer le projet de Futuralia que nous avons inventé avec les Québécois, c'est-à-dire cette capacité de mettre plus d'un millier de PME ensemble. On voit que les petites et moyennes entreprises, dans des régions du monde comme le sud-est asiatique, sont assez peu nombreuses. Je voudrais faire un Futuralia France-Canada dans le Sud-Est asiatique, en Thaïlande, en Chine. Ensemble, nous pouvons gagner un certain nombre de marchés avec des d'entreprises qui savent fonctionner en réseau. Aujourd'hui on se rend compte que toutes les économies nationales sont déterminées par les PME mais les actions internationales sont encore trop menées par les grandes entreprises. Je voudrais qu'on ait des ambitions communes parce que la vraie amitié ce n'est pas de se regarder l'un l'autre, de s'aimer l'un l'autre, c'est d'avoir ensemble des projets communs. Et puis, je crois aussi que le Canada est un pays du 21ème Siècle parce que, les valeurs du 21ème Siècle, c'est l'information, c'est la communication, c'est l'environnement et les espaces, c'est la qualité des universités, c'est le métissage. Je regarde quelles sont les valeurs du 21ème Siècle et je me dis qu'il y a un pays aujourd'hui, le Canada, qui a des atouts très forts et, ce pays étant en partie un fils de la France, peut aujourd'hui faire profiter ses amis de sa modernité.
Vous aborderez sûrement la question irakienne. Quel prix, pensez-vous, la France a-t-elle dû payer pour sa position? Et va-t-elle en récolter des bénéfices?
Cette position n'était pas une position mercantile, c'était une position de conviction, c'était une position de vision. Nous n'avons pas vu cela comme on regarderait un bilan avec un actif et un passif. Nous avons pensé qu'en la circonstance il y avait d'autres voies que la guerre pour atteindre l'objectif qui était le nôtre. Je dirais que c'était une position politique de paix qui nous a fait penser que la guerre n'était pas la meilleure voie. La France n'est pas devenue pacifiste, nous ne sommes pas des pacifistes, nous faisons des efforts considérables pour notre propre programme militaire. Nous sommes vraiment convaincus qu'il y a aujourd'hui des risques majeurs dans cette région du Proche Orient, et que les risques de guerre sur ce territoire sont dangereux. Nous voyons bien que cette position a été comprise par beaucoup de pays, qu'elle n'a pas toujours été comprise par d'autres. Je dis clairement que cela ne remet pas en cause notre alliance avec les États-Unis ni l'amitié que nous avons pour les Américains. C'est la même gratitude que nous avons pour la participation des Américains à notre histoire. Et nous n'oublions pas le 11 septembre 2001. Nous avons le même adversaire que les
Américains: c'est le terrorisme, c'est la prolifération. Et nous sommes engagés dans une mobilisation identique. Aujourd'hui, nous voulons d'une part reconstruire au plus vite l'économie et la vie sociale de l'Irak et d'autre part restaurer sa souveraineté. Nous pensons que cela doit se faire avec un rôle central donné à l'ONU.
Cette position, face à la guerre, vous a-t-elle rapproché du Canada?
Je ne peux pas dire que l'on ait besoin d'être rapprochés avec le Canada !
En l'occurrence, c'est vrai que la position de M. Chrétien a été perçue comme une position courageuse parce que le Canada a une géographie, quelques caractéristiques, qui ne doivent pas rendre la diplomatie très facile certains jours...
Pour les Américains, cette guerre se situe dans l'objectif plus vaste de la guerre au terrorisme. Les attentats de cette semaine en Arabie saoudite ne suggèrent-ils pas que c'est un échec?
Nous avons toujours pensé qu'il restait du travail à faire en Afghanistan, que la prolifération était un problème très grave, que le terrorisme est une nouvelle forme d'action avec de nouvelles formes d'armes et qui prend d'autres formes que le seul terrorisme d'État. Nous n'avons jamais nié qu'il fallait obtenir la destruction des armes de l'Irak mais nous pensons qu'on ne peut pas considérer que l'action en Irak soit une réponse au 11 septembre. Il faut une vision globale du sujet et notamment d'une nouvelle forme de terrorisme impliquant des équipes plus réduites et souvent des armes plus meurtrières. On ne peut donc pas dire que ce qui s'est passé en Arabie saoudite soit la conséquence de ce qui s'est passé en Irak. Mais ce qu'on peut dire, c'est qu'il ne faut pas croire que l'Irak est le seul foyer à problème pour le reste du monde.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 19 mai 2003)