Texte intégral
Existe-t-il encore une certaine hostilité entre Paris et Washington ? Y aura-t-il un compromis concernant l'Iraq ? A quelques jours de sa visite à Rome pour le sommet des ministres européens de la Défense, la ministre française Michèle Alliot-Marie explique au Corriere della Sera le point de vue de la France.
Corriere della Sera :
Quel est la taille du fossé qui existe entre la France et les Etats-Unis ?
Michèle Alliot-Marie :
Beaucoup continuent de penser que notre position est opposée à celle des Américains. Dans les faits, cela n'est pas vrai. La collaboration militaire en matière de lutte contre le terrorisme est intense. Les relations personnelles entre Chirac et Bush sont sympathiques et franches. A l'ONU, le Président Chirac [est allé] au delà des divergences et a rappelé [à George Bush] sa profonde amitié ainsi que son accord sur la majeure partie des questions [à l'ordre du jour].
Mais des divergences existent ?
La France ne renonce pas à exprimer sa propre opinion et à défendre sa vision d'un monde multipolaire. Nous aimons tous la démocratie et nous partageons tous les mêmes valeurs, mais il faut savoir écouter et respecter les autres.
A propos de l'Irak, le compromis est-il possible ?
Cela dépendra de la résolution de l'ONU. La France ne partage pas la continuité d'une logique militaire et exclut donc de participer militairement [à la construction de l'Irak]. En revanche, elle entend concourir à la reconstruction dans une logique de souveraineté, d'intégrité territoriale et de démocratie. Il ne faut certes pas regarder en arrière. Il s'agit aujourd'hui de comprendre ce que l'on peut faire pour la paix et pour le développement de ce pays, dans un esprit de solidarité et de dialogue, en tant qu'alliés des Etats-Unis. En ce moment, l'agenda américain est différent du nôtre, notamment pour des raisons de politique intérieure, mais il existe un rapprochement des deux pays.
Quel est votre avis sur la situation en Irak ?
La population civile affiche une hostilité grandissante, qui risque de se propager dans les groupes extrémistes et de se heurter à tout ce qui semble occidental ou étranger. Dans ces conditions, même l'ONU peut être considérée comme une présence occupante. C'est pour cela qu'il est urgent de sortir d'une logique qui n'est que militaire. Les Irakiens sont un peuple fier ; ils ont un sentiment nationaliste fort et une religion différente. Il faut en tenir compte dans les relations avec la population civile. Je me demande si le démantèlement de l'armée irakienne, qui a mis en difficulté des dizaines de milliers de soldats ainsi que leurs familles, a été un juste choix.
Que propose la France ?
Nous sommes prêts à participer, sous l'égide de l'ONU, à la reconstruction des capacités militaires de l'Irak, par le biais de la formation de ses cadres. Et nous demandons à ce qu'un transfert de souveraineté ait lieu le plus rapidement possible.
Selon certains observateurs, la position de la France est isolée et velléitaire.
Les faits démontrent le contraire et cela s'est vu à l'Assemblée de l'ONU. Une grande partie des pays du monde partagent les positions françaises et considèrent la France comme porte-parole de leurs positions, positions qu'ils ne sont pas toujours en mesure d'exprimer. Cela signifie que nous sommes une puissance influente et crédible.
Le prochain Sommet de la Défense européenne à Rome coïncide avec une étape historique de l'Europe : la Constitution. Pensez-vous que la défense commune soit à la hauteur de l'unification politique et économique ?
Il est évident qu'il ne peut y avoir de politique étrangère commune sans une Europe de la défense crédible. L'Europe de la défense a connu des avancées majeures et concrètes, ainsi que le prouvent les missions effectuées dans des régions très instables et la capacité de l'Union à agir dans le cadre de l'Alliance atlantique ou là où l'Alliance n'est pas engagée.
Les retards en la matière dépendent-ils alors des divergences de position des gouvernements ou encore de problèmes budgétaires ?
Il n'y a pas de retard. Au contraire, l'Europe de la Défense avance vite, plus vite que l'Europe monétaire. [Hier même la ministre a proposé la construction d'une gendarmerie européenne qui sera étudiée au Sommet de Rome N.D.L.R.]. Il existe différents points de vue mais la volonté de tracer une destinée commune est plus importante. Face à l'importance des risques, la solidarité atlantique reste déterminante pour la sécurité commune, mais l'Europe doit avoir les moyens de mener sa propre politique de sécurité. Nous devons renforcer l'Alliance et avoir la capacité d'agir, si nécessaire, de manière autonome. Je souhaiterais rappeler, encore une fois, que nous partageons avec les Etats-Unis des valeurs et des intérêts plus importants que certaines questions récurrentes. Quant au budget, l'engagement pour la sécurité commune exige un effort économique adéquat. La France a pour sa part déjà contribué à cet effort.
Votre ministère semble être considéré comme un sanctuaire intouchable, en dépit du pacte de stabilité.
Le Président Chirac a réaffirmé que la France ferait face à toutes les responsabilités européennes. Mais il a également déclaré que sagesse et discernement étaient nécessaires pour soutenir la croissance et l'emploi, dans un esprit de confiance à l'égard de nos partenaires européens. Dans un monde où les risques sont accrus, notre responsabilité est de garantir la sécurité des concitoyens européens. L'effort en matière de défense est donc une priorité absolue. Les investissements et la modernisation militaire contribuent aux bénéfices de l'économie, non seulement en France, mais aussi en Europe, ainsi que le démontrent de grands projets multinationaux. Je souhaiterais souligner avec une grande satisfaction le rôle très important de l'Italie, que cela soit dans le domaine spatial ou dans le domaine des chantiers navals.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 2 octobre 2003)
Corriere della Sera :
Quel est la taille du fossé qui existe entre la France et les Etats-Unis ?
Michèle Alliot-Marie :
Beaucoup continuent de penser que notre position est opposée à celle des Américains. Dans les faits, cela n'est pas vrai. La collaboration militaire en matière de lutte contre le terrorisme est intense. Les relations personnelles entre Chirac et Bush sont sympathiques et franches. A l'ONU, le Président Chirac [est allé] au delà des divergences et a rappelé [à George Bush] sa profonde amitié ainsi que son accord sur la majeure partie des questions [à l'ordre du jour].
Mais des divergences existent ?
La France ne renonce pas à exprimer sa propre opinion et à défendre sa vision d'un monde multipolaire. Nous aimons tous la démocratie et nous partageons tous les mêmes valeurs, mais il faut savoir écouter et respecter les autres.
A propos de l'Irak, le compromis est-il possible ?
Cela dépendra de la résolution de l'ONU. La France ne partage pas la continuité d'une logique militaire et exclut donc de participer militairement [à la construction de l'Irak]. En revanche, elle entend concourir à la reconstruction dans une logique de souveraineté, d'intégrité territoriale et de démocratie. Il ne faut certes pas regarder en arrière. Il s'agit aujourd'hui de comprendre ce que l'on peut faire pour la paix et pour le développement de ce pays, dans un esprit de solidarité et de dialogue, en tant qu'alliés des Etats-Unis. En ce moment, l'agenda américain est différent du nôtre, notamment pour des raisons de politique intérieure, mais il existe un rapprochement des deux pays.
Quel est votre avis sur la situation en Irak ?
La population civile affiche une hostilité grandissante, qui risque de se propager dans les groupes extrémistes et de se heurter à tout ce qui semble occidental ou étranger. Dans ces conditions, même l'ONU peut être considérée comme une présence occupante. C'est pour cela qu'il est urgent de sortir d'une logique qui n'est que militaire. Les Irakiens sont un peuple fier ; ils ont un sentiment nationaliste fort et une religion différente. Il faut en tenir compte dans les relations avec la population civile. Je me demande si le démantèlement de l'armée irakienne, qui a mis en difficulté des dizaines de milliers de soldats ainsi que leurs familles, a été un juste choix.
Que propose la France ?
Nous sommes prêts à participer, sous l'égide de l'ONU, à la reconstruction des capacités militaires de l'Irak, par le biais de la formation de ses cadres. Et nous demandons à ce qu'un transfert de souveraineté ait lieu le plus rapidement possible.
Selon certains observateurs, la position de la France est isolée et velléitaire.
Les faits démontrent le contraire et cela s'est vu à l'Assemblée de l'ONU. Une grande partie des pays du monde partagent les positions françaises et considèrent la France comme porte-parole de leurs positions, positions qu'ils ne sont pas toujours en mesure d'exprimer. Cela signifie que nous sommes une puissance influente et crédible.
Le prochain Sommet de la Défense européenne à Rome coïncide avec une étape historique de l'Europe : la Constitution. Pensez-vous que la défense commune soit à la hauteur de l'unification politique et économique ?
Il est évident qu'il ne peut y avoir de politique étrangère commune sans une Europe de la défense crédible. L'Europe de la défense a connu des avancées majeures et concrètes, ainsi que le prouvent les missions effectuées dans des régions très instables et la capacité de l'Union à agir dans le cadre de l'Alliance atlantique ou là où l'Alliance n'est pas engagée.
Les retards en la matière dépendent-ils alors des divergences de position des gouvernements ou encore de problèmes budgétaires ?
Il n'y a pas de retard. Au contraire, l'Europe de la Défense avance vite, plus vite que l'Europe monétaire. [Hier même la ministre a proposé la construction d'une gendarmerie européenne qui sera étudiée au Sommet de Rome N.D.L.R.]. Il existe différents points de vue mais la volonté de tracer une destinée commune est plus importante. Face à l'importance des risques, la solidarité atlantique reste déterminante pour la sécurité commune, mais l'Europe doit avoir les moyens de mener sa propre politique de sécurité. Nous devons renforcer l'Alliance et avoir la capacité d'agir, si nécessaire, de manière autonome. Je souhaiterais rappeler, encore une fois, que nous partageons avec les Etats-Unis des valeurs et des intérêts plus importants que certaines questions récurrentes. Quant au budget, l'engagement pour la sécurité commune exige un effort économique adéquat. La France a pour sa part déjà contribué à cet effort.
Votre ministère semble être considéré comme un sanctuaire intouchable, en dépit du pacte de stabilité.
Le Président Chirac a réaffirmé que la France ferait face à toutes les responsabilités européennes. Mais il a également déclaré que sagesse et discernement étaient nécessaires pour soutenir la croissance et l'emploi, dans un esprit de confiance à l'égard de nos partenaires européens. Dans un monde où les risques sont accrus, notre responsabilité est de garantir la sécurité des concitoyens européens. L'effort en matière de défense est donc une priorité absolue. Les investissements et la modernisation militaire contribuent aux bénéfices de l'économie, non seulement en France, mais aussi en Europe, ainsi que le démontrent de grands projets multinationaux. Je souhaiterais souligner avec une grande satisfaction le rôle très important de l'Italie, que cela soit dans le domaine spatial ou dans le domaine des chantiers navals.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 2 octobre 2003)