Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies, sur les axes de recherche consacrés à la sécurité routière, notamment dans le cadre des programmes de recherche pour les transports, tels le PREDIT 3 et le 6ème PCRD, Paris le 16 mai 2003.

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Circonstance : Colloque "La recherche contre la violence routière" organisé au Collège de France le 16 mai 2003

Texte intégral


Mesdames, Messieurs,
Nous avons tous frémis en apprenant le destin tragique d'une personne tuée ou gravement blessée dans un accident de la route.
Nous avons tous des proches dont la vie a été fauchée par de tels accidents.
Nous avons tous en tête les images terribles de victimes de la route.
Le Président de la République et le Premier Ministre l'ont dit avec force. Cela doit cesser. Cette hémorragie insupportable que des silhouettes noires se chargent maintenant de rappeler sur le bord de nos routes doit s'arrêter.
Des résultats spectaculaires ont déjà été obtenus en quelques mois, avec un fort recul du nombre de victimes.
Notre destin collectif est donc entre nos mains.
Il suppose une vigilance de tous les instants des automobilistes.
Il suppose une concertation intense de tous les partenaires intéressés et je me félicite en ce sens de la mobilisation au quotidien d'un grand nombre d'associations et d'acteurs de terrain.
Je voudrais souligner, en particulier, l'activité inlassable de la Ligue contre la violence routière et bien sûr de sa Présidente, Chantal Perrichon, sans laquelle la manifestation qui nous réunit aujourd'hui n'aurait pu se tenir.
Chantal Perrichon est, par ailleurs, chercheuse au CNRS, c'est aussi pour cela que nous tous, chercheurs, nous sommes réunis ici aujourd'hui.
A la tête de la Ligue, elle illustre l'implication des chercheurs dans la société civile, implication que je souhaite développer.
Grâce à l'action de la Ligue, dans le cadre de cette journée "24 heures pour sauver 24 vies", un moment fort sera la minute de silence contre la violence routière. Cette minute de silence, elle sera faite dans toutes les écoles aujourd'hui à 11h. Elle sera observée par tous les Ministres en réunion avec M. Raffarin tout à l'heure.
Une Ligue contre la violence routière, car ce sont bien des comportements violents qu'il s'agit d'éradiquer.
Cette violence, le Président de la République a décidé de la combattre. Il a choisi de faire de cette initiative, qui doit tous nous rapprocher, une grande priorité de son action.
Pour cela, la recherche a un rôle central à jouer.
Cela m'apparaît d'autant plus important qu'un sujet comme la sécurité routière a vocation à fédérer des centres et des activités de recherche multiples et divers.
Le Comité Interministériel pour la Sécurité Routière du 18 décembre 2002 comporte à cet égard un important volet prévention, intitulé " Agir sur la formation et l'information pour faire émerger une culture sécurité routière et impliquer tous les acteurs ".
Les actions prises en matière de recherche sont les suivantes :
*Effet des états de santé dégradés (par exemple, utilisation de psychotropes) sur le comportement des conducteurs ;
*Constitution des bases de données accidentologiques permettant la recherche sur les causes et les circonstances des accidents ;
*Mobilisation de nouvelles "familles" de chercheurs notamment dans le domaine des sciences de l'homme et de la société dans le cadre d'études centrées sur les comportements de conduite.
Je commencerai par la recherche à vocation technologique.
Suite au Comité Interministériel de la Sécurité Routière, le PREDIT 3 (Programme de recherche et d'innovation pour les transports) a lancé un appel à propositions directement lié à la sécurité routière, et dont les axes concernent les politiques publiques, la collecte des données, les comportements de conduite, les états de santé et les marchandises dangereuses. Cet appel a été très bien reçu par les laboratoires de recherche puisque près de cent propositions sont parvenues, dont la moitié sera retenue.
Les engagements financiers annuels des deux groupes du PREDIT ayant en charge la thématique de la Sécurité se monteront en 2003 à 7M d'euros , dont 3,5M d'euros du Ministère de la Recherche.
A titre d'exemple, dans le domaine éducatif, le PREDIT soutient le logiciel de simulation éducatif RESPECT (Route empruntée en Sécurité par le Piéton Enfant Confronté au Trafic), qui sera diffusé auprès des collèges, des lycées professionnels et des IUFM.
Ce logiciel, fondé sur un environnement analogue à celui des jeux vidéo, vise une sensibilisation des jeunes de 6 à 12 ans à la sécurité routière, dans le but de réduire le nombre d'accidents piétons chez les jeunes et de sensibiliser ces jeunes, futurs cyclomotoristes et automobilistes, à la sécurité routière.
Un autre exemple de projet, appelé HYPOVIGILANCE, s'attache à diagnostiquer la baisse de vigilance du conducteur, facteur essentiel d'accident. Mené par plusieurs équipementiers toulousains et laboratoires de recherche dont l'INRETS, il vise à développer un système non-intrusif de diagnostic de la baisse de vigilance du conducteur, système embarqué dans un véhicule, et qui par ailleurs devrait être bien accepté par l'utilisateur. Ce projet fait entrer le conducteur au centre des recherches sur la sécurité.
Par ailleurs, cette année, le 6e Programme Cadre de Recherche et de Développement va financer de nouveaux projets, notamment dans le champ de la sécurité routière. Les équipes françaises se sont fortement mobilisées pour préparer des projets de réseaux d'excellence et de projets intégrés. La coopération entre chercheurs et industriels français et allemands va aussi passer à travers la coopération des deux programmes PREDIT et MOBILITAT, qui sera bénéfique à la recherche contre la violence routière.
En matière de collecte de données accidentologiques, nous devons, tout en consolidant ce qui existe déjà, élargir notre champ de vision, par exemple avec les bases de données des sociétés d'assurance, champ totalement inexploré jusqu'à présent, et bien entendu continuer à travailler étroitement avec les constructeurs automobiles.
Mais tout ceci se fera en liaison étroite avec les sciences humaines et sociales.
Il suffit de réfléchir à un fait simple. Par rapport à nos voisins européens, nous avons généralement des voitures et des infrastructures de qualité égale voire supérieure, et pourtant il y a plus de morts sur nos routes. Cela montre bien toute l'importance d'une réflexion profonde sur les comportements au volant.
Cette réflexion doit se faire en rapprochant étroitement la recherche technologique des sciences humaines et sociales.
En ce sens, je me réjouis de pouvoir annoncer aujourd'hui le lancement d'une nouvelle action concertée incitative sur le thème " Sécurité routière et société ". Initiée par le Ministère chargé de la recherche, elle rapproche déjà différents partenaires dont le CNRS et l'INRETS.
Cette action a pour vocation de fédérer ce qui existe mais aussi de susciter de nouvelles actions. Analyser la sécurité routière doit ainsi devenir un sujet de plus en plus répandu parmi les jeunes chercheurs et je veillerai à ce que des allocations de recherche ciblées viennent soutenir une telle priorité.
De façon plus large, je souhaite en effet que la place des sciences humaines et sociales soit réaffirmée dans notre société, sous toutes ses dimensions. Les sciences humaines et sociales ont vocation à explorer de nouveaux champs du savoir, qui constituent autant de richesses de notre patrimoine intellectuel et culturel commun.
Elles ont aussi, à mes yeux, à participer de plus en plus étroitement aux enjeux de notre société.
En éclairant nos comportements, en en faisant l'histoire, en les replaçant au sein d'un tissu social plus vaste, les SHS sont bien un outil indispensable d'une intelligibilité accrue de nos modes de fonctionnement individuels tout autant que collectifs.
Outil d'analyse et moyen de construire l'avenir, les SHS sont bien un élément essentiel d'une réflexion à la fois prospective et pratique.
Enfin, j'ai le plaisir de vous annoncer que dix allocations de recherche "sécurité routière", cinq sur des laboratoires technologiques, cinq sur des laboratoires SHS, parties prenantes au PREDIT ou à l'ACI "Sécurité Routière et Société", seront fléchées dès la rentrée 2003 pour renforcer cette action.
Mesdames, Messieurs,
Vous l'avez compris, la recherche est liée à la sécurité routière ou, mieux, une sécurité routière accrue dépend d'une implication croissante des chercheurs.
C'est sur cette mission que je souhaite attirer votre attention.
C'est à cette mission que nous devons répondre tous ensemble, pour le bien-être de nos concitoyens.
Je souhaite que vous puissiez leur montrer que la science, parce qu'elle aide à comprendre, sur des bases fermes et solides, parce qu'elle propose des solutions originales en termes d'équipement et de pratiques, peut contribuer à faire reculer le danger.
Je sais que je peux compter sur vous.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.recherche.gouv.fr, le 22 mai 2003)