Texte intégral
Q - Dominique de Villepin, bonsoir. Sommes-nous vraiment ce soir dans des circonstances d'escalade gravissime ?
R - C'est incontestablement un événement grave. C'est la première fois depuis 1974 qu'Israël frappe à nouveau le territoire syrien. Il y a donc un risque qu'il faut souligner et il faut aussi rappeler qu'il s'agit là d'une violation inacceptable du droit international. Nous devons donc être évidemment mobilisés. Vous savez que le Conseil de sécurité s'est réuni et qu'il étudie en ce moment le texte de résolution qui pourrait être adopté.
Q - Tous les représentants des pays arabes travaillent sur ce texte après la plainte qui a été déposée par Damas. Sur la situation des Américains, on les sent bien silencieux. On les a entendu défendre deux positions. D'un côté, ils ont dit : les Syriens ont collaboré avec nous au moment d'Al Qaïda. D'un autre côté, ils disent : cela reste l'une des bases du terrorisme.
R - Il y a une situation qui est difficile et nous comprenons parfaitement la difficulté à se positionner sur un tel sujet. D'un côté, il y a l'émotion très forte ressentie en Israël par les derniers attentats, celui de Jérusalem, celui d'Haïfa, à la veille de la fête du Yom Kippour, et le jour du Shabbat. Je rappelle que cet attentat a fait 19 morts, dont 5 Français d'une même famille, de très nombreux blessés. Face à cela, il y a l'impératif de défendre sa propre sécurité mais comment le faire ? Et c'est bien là la question qui est posée. Nous pensons que, face au terrorisme et à l'action violente qui constituent une priorité, un devoir, pour tout Etat, il est nécessaire d'agir dans le respect de la légalité internationale. Dans cette situation dramatique du Proche-Orient, il faut trouver justement la force de respecter à la fois les principes et, en même temps, d'être mobilisés contre le terrorisme si l'on veut éviter que les choses ne s'aggravent. Dans cet instant précis, il nous faut faire preuve de retenue. Personnellement, je ne peux pas imaginer que la Syrie ne fasse pas tout pour éviter une réponse du Hezbollah. Nous voulons croire aussi que la Syrie va continuer son action, y compris sur son territoire, pour éradiquer le terrorisme. Il y a la nécessité d'agir de la part de tous. En même temps, il faut être en initiative politique parce qu'il ne peut y avoir de solution à la situation de la région, que politique, que diplomatique. Il faut donc accélérer la Feuille de route. La France a proposé que l'on passe à l'étape suivante de cette Feuille de route, c'est-à-dire la conférence internationale, qu'on envisage un déploiement d'une force d'interposition dans la région, qu'on élargisse le mécanisme de supervision, car l'une des clés de la solution, c'est la mobilisation de toute la communauté internationale. Il faut donc que chacun apporte son concours.
Q - Je disais "vite" c'est-à-dire que s'il n'y a pas une intervention internationale vite sur le terrain, qu'il s'agisse du Proche-Orient ou du Moyen-Orient - et là on aborde aussi l'Irak - cela ne peut que dégénérer ?
R - Tout à fait, parce qu'il y a en permanence un risque d'engrenage et le risque de se voir dicter son action par les terroristes. Il ne faut pas que l'agenda soit dicté par les terroristes, par ceux qui veulent nourrir la violence. Si l'on veut être en initiative, il faut l'être avec les moyens de la paix, avec les moyens du droit international, sans quoi évidemment les choses ne cesseront de se dégrader car on donne des armes à ceux-là même qui veulent nourrir cette violence.
Q - Pardonnez-moi cette question extrêmement franche mais est-ce que tout cela est vraiment crédible ? On a actuellement un gouvernement Sharon qui ne veut plus discuter avec le nouveau gouvernement d'Arafat. Arafat qui est enfermé avec des objecteurs de conscience, chez lui, et qui a toujours peur d'une expulsion. On voit bien un pôle de la force. Que peut faire la diplomatie contre cela ?
R - Justement, ne pas céder aux tentations face à une agression.
Q - Est-ce qu'ils ne vont pas expulser Arafat ? Ne s'agit-il pas de la phase suivante ?
R - La tentation est là. La tentation est de vouloir cristalliser l'ensemble des difficultés sur une personnalité, Yasser Arafat, de vouloir répondre à la violence et à l'insécurité par des postes armés. Nous ne pensons pas que cela soit la solution. Il faut, à un moment donné, se poser la question : est-ce que tout cela sert à quelque chose ? Est-ce que, par ce biais-là, Israël est plus en sécurité ? Est-ce que la région retrouve plus de stabilité ? La réponse est non. C'est pour cela qu'il faut à nouveau remettre les choses sur le terrain politique. C'est le courage des dirigeants, le courage de la communauté internationale, d'essayer de reprendre l'initiative. Nous pouvons le faire, Européens, Américains, Russes, les Nations unies, l'ensemble des responsables et membres du Quartet. Mais faisons-le cette fois-ci, non pas en ordre dispersé ni séparément, faisons-le tous ensemble. Nous avons proposé que, dans le mécanisme de supervision de la Feuille de route, ce soit bien l'ensemble des parties qui soit représenté. Une fois de plus, la surenchère, c'est la tentation. Mais ce serait une erreur fatale car nous savons, d'ores et déjà, que cela conduirait à plus de violence. Une politique de sécurité seule qui ne donnerait pas un espoir aux peuples de la région, ne permettrait pas véritablement de répondre aux difficultés actuelles.
Q - Il y a actuellement toujours un risque d'expulsion d'Arafat. Il y a toujours un risque de réponse de la Syrie puisqu'il y a un certain nombre d'organisations terroristes qui sont installées en Syrie. Quel est le calendrier pour le déploiement de cette force internationale ? Vous avez dit tout à l'heure "vite". Mais c'est quoi "vite" ? Quinze jours ? Trois semaines ? Deux mois ? pour éviter le pire.
R - La réponse est le plus vite possible. Mais vous voyez bien qu'encore un grand nombre de parties sont très éloignées de cette solution. Il faut d'abord que chacun se convainque que la réponse n'est pas dans une politique strictement sécuritaire. Quelles que soient les mesures de précautions que vous puissiez prendre, il existe toujours une faille, la possibilité d'exploiter une vulnérabilité et pour y faire face, il faut que la communauté internationale - et évidemment l'enceinte des Nations unies est privilégiée pour cela - comprenne bien la nécessité de l'unité de l'action. Je sais que c'est difficile parce que, une fois de plus, nous comprenons l'émotion qui saisit le peuple israélien face à ces attentats terroristes. Mais je crois qu'il faut d'abord se poser une question : comment lutter face à de telles actions violentes ? Est-ce qu'il ne faut pas changer d'approche au Proche-Orient comme il faut le faire, et comme nous plaidons pour que cela soit fait, en Irak. Je crois que, une fois de plus, devant ces engrenages, il faut avoir le courage de se poser ces vraies questions.
Q - Concernant l'Irak, on a l'impression que le dossier est petit à petit retiré à Paul Bremer au profit de Condoleeza Rice, c'est-à-dire au profit de la Maison Blanche ? Que pensez-vous - parce que tout le monde s'interroge - de la candidature de Schwarzenegger qui est favori pour le poste de gouverneur en Californie ?
R - Il ne s'agit de questions qui ne se situent pas au même niveau. En ce qui concerne l'Irak, c'est évidemment un dossier stratégique pour toute la communauté internationale et il est normal que chacun s'en saisisse au plus haut niveau. Vous savez qu'un projet de résolution est discuté, dans le cadre des Nations unies, sur une proposition américaine. Nous travaillons ensemble. Je parlerai dans quelques instants à Colin Powell pour faire avancer cette résolution. Notre conviction, c'est que là aussi un changement d'approche est nécessaire et qu'il faut véritablement placer le respect de la souveraineté du peuple irakien tout en haut de notre agenda si nous voulons pouvoir enrayer le mouvement de violence.
En ce qui concerne la Californie, vous connaissez la tradition américaine.
Q - 6ème Etat du monde quand même ?
R - Absolument, de grands gouverneurs de Californie ont été issus du monde du spectacle, du cinéma. C'est une tradition qui leur est propre. Vous savez qu'il n'en va pas de même en France.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 octobre 2003)
R - C'est incontestablement un événement grave. C'est la première fois depuis 1974 qu'Israël frappe à nouveau le territoire syrien. Il y a donc un risque qu'il faut souligner et il faut aussi rappeler qu'il s'agit là d'une violation inacceptable du droit international. Nous devons donc être évidemment mobilisés. Vous savez que le Conseil de sécurité s'est réuni et qu'il étudie en ce moment le texte de résolution qui pourrait être adopté.
Q - Tous les représentants des pays arabes travaillent sur ce texte après la plainte qui a été déposée par Damas. Sur la situation des Américains, on les sent bien silencieux. On les a entendu défendre deux positions. D'un côté, ils ont dit : les Syriens ont collaboré avec nous au moment d'Al Qaïda. D'un autre côté, ils disent : cela reste l'une des bases du terrorisme.
R - Il y a une situation qui est difficile et nous comprenons parfaitement la difficulté à se positionner sur un tel sujet. D'un côté, il y a l'émotion très forte ressentie en Israël par les derniers attentats, celui de Jérusalem, celui d'Haïfa, à la veille de la fête du Yom Kippour, et le jour du Shabbat. Je rappelle que cet attentat a fait 19 morts, dont 5 Français d'une même famille, de très nombreux blessés. Face à cela, il y a l'impératif de défendre sa propre sécurité mais comment le faire ? Et c'est bien là la question qui est posée. Nous pensons que, face au terrorisme et à l'action violente qui constituent une priorité, un devoir, pour tout Etat, il est nécessaire d'agir dans le respect de la légalité internationale. Dans cette situation dramatique du Proche-Orient, il faut trouver justement la force de respecter à la fois les principes et, en même temps, d'être mobilisés contre le terrorisme si l'on veut éviter que les choses ne s'aggravent. Dans cet instant précis, il nous faut faire preuve de retenue. Personnellement, je ne peux pas imaginer que la Syrie ne fasse pas tout pour éviter une réponse du Hezbollah. Nous voulons croire aussi que la Syrie va continuer son action, y compris sur son territoire, pour éradiquer le terrorisme. Il y a la nécessité d'agir de la part de tous. En même temps, il faut être en initiative politique parce qu'il ne peut y avoir de solution à la situation de la région, que politique, que diplomatique. Il faut donc accélérer la Feuille de route. La France a proposé que l'on passe à l'étape suivante de cette Feuille de route, c'est-à-dire la conférence internationale, qu'on envisage un déploiement d'une force d'interposition dans la région, qu'on élargisse le mécanisme de supervision, car l'une des clés de la solution, c'est la mobilisation de toute la communauté internationale. Il faut donc que chacun apporte son concours.
Q - Je disais "vite" c'est-à-dire que s'il n'y a pas une intervention internationale vite sur le terrain, qu'il s'agisse du Proche-Orient ou du Moyen-Orient - et là on aborde aussi l'Irak - cela ne peut que dégénérer ?
R - Tout à fait, parce qu'il y a en permanence un risque d'engrenage et le risque de se voir dicter son action par les terroristes. Il ne faut pas que l'agenda soit dicté par les terroristes, par ceux qui veulent nourrir la violence. Si l'on veut être en initiative, il faut l'être avec les moyens de la paix, avec les moyens du droit international, sans quoi évidemment les choses ne cesseront de se dégrader car on donne des armes à ceux-là même qui veulent nourrir cette violence.
Q - Pardonnez-moi cette question extrêmement franche mais est-ce que tout cela est vraiment crédible ? On a actuellement un gouvernement Sharon qui ne veut plus discuter avec le nouveau gouvernement d'Arafat. Arafat qui est enfermé avec des objecteurs de conscience, chez lui, et qui a toujours peur d'une expulsion. On voit bien un pôle de la force. Que peut faire la diplomatie contre cela ?
R - Justement, ne pas céder aux tentations face à une agression.
Q - Est-ce qu'ils ne vont pas expulser Arafat ? Ne s'agit-il pas de la phase suivante ?
R - La tentation est là. La tentation est de vouloir cristalliser l'ensemble des difficultés sur une personnalité, Yasser Arafat, de vouloir répondre à la violence et à l'insécurité par des postes armés. Nous ne pensons pas que cela soit la solution. Il faut, à un moment donné, se poser la question : est-ce que tout cela sert à quelque chose ? Est-ce que, par ce biais-là, Israël est plus en sécurité ? Est-ce que la région retrouve plus de stabilité ? La réponse est non. C'est pour cela qu'il faut à nouveau remettre les choses sur le terrain politique. C'est le courage des dirigeants, le courage de la communauté internationale, d'essayer de reprendre l'initiative. Nous pouvons le faire, Européens, Américains, Russes, les Nations unies, l'ensemble des responsables et membres du Quartet. Mais faisons-le cette fois-ci, non pas en ordre dispersé ni séparément, faisons-le tous ensemble. Nous avons proposé que, dans le mécanisme de supervision de la Feuille de route, ce soit bien l'ensemble des parties qui soit représenté. Une fois de plus, la surenchère, c'est la tentation. Mais ce serait une erreur fatale car nous savons, d'ores et déjà, que cela conduirait à plus de violence. Une politique de sécurité seule qui ne donnerait pas un espoir aux peuples de la région, ne permettrait pas véritablement de répondre aux difficultés actuelles.
Q - Il y a actuellement toujours un risque d'expulsion d'Arafat. Il y a toujours un risque de réponse de la Syrie puisqu'il y a un certain nombre d'organisations terroristes qui sont installées en Syrie. Quel est le calendrier pour le déploiement de cette force internationale ? Vous avez dit tout à l'heure "vite". Mais c'est quoi "vite" ? Quinze jours ? Trois semaines ? Deux mois ? pour éviter le pire.
R - La réponse est le plus vite possible. Mais vous voyez bien qu'encore un grand nombre de parties sont très éloignées de cette solution. Il faut d'abord que chacun se convainque que la réponse n'est pas dans une politique strictement sécuritaire. Quelles que soient les mesures de précautions que vous puissiez prendre, il existe toujours une faille, la possibilité d'exploiter une vulnérabilité et pour y faire face, il faut que la communauté internationale - et évidemment l'enceinte des Nations unies est privilégiée pour cela - comprenne bien la nécessité de l'unité de l'action. Je sais que c'est difficile parce que, une fois de plus, nous comprenons l'émotion qui saisit le peuple israélien face à ces attentats terroristes. Mais je crois qu'il faut d'abord se poser une question : comment lutter face à de telles actions violentes ? Est-ce qu'il ne faut pas changer d'approche au Proche-Orient comme il faut le faire, et comme nous plaidons pour que cela soit fait, en Irak. Je crois que, une fois de plus, devant ces engrenages, il faut avoir le courage de se poser ces vraies questions.
Q - Concernant l'Irak, on a l'impression que le dossier est petit à petit retiré à Paul Bremer au profit de Condoleeza Rice, c'est-à-dire au profit de la Maison Blanche ? Que pensez-vous - parce que tout le monde s'interroge - de la candidature de Schwarzenegger qui est favori pour le poste de gouverneur en Californie ?
R - Il ne s'agit de questions qui ne se situent pas au même niveau. En ce qui concerne l'Irak, c'est évidemment un dossier stratégique pour toute la communauté internationale et il est normal que chacun s'en saisisse au plus haut niveau. Vous savez qu'un projet de résolution est discuté, dans le cadre des Nations unies, sur une proposition américaine. Nous travaillons ensemble. Je parlerai dans quelques instants à Colin Powell pour faire avancer cette résolution. Notre conviction, c'est que là aussi un changement d'approche est nécessaire et qu'il faut véritablement placer le respect de la souveraineté du peuple irakien tout en haut de notre agenda si nous voulons pouvoir enrayer le mouvement de violence.
En ce qui concerne la Californie, vous connaissez la tradition américaine.
Q - 6ème Etat du monde quand même ?
R - Absolument, de grands gouverneurs de Californie ont été issus du monde du spectacle, du cinéma. C'est une tradition qui leur est propre. Vous savez qu'il n'en va pas de même en France.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 octobre 2003)