Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Vous devinez avec quelle satisfaction je suis présent à ce grand rendez-vous de la diplomatie française qu'est devenue la réunion des ambassadeurs de la fin du mois d'août. Vous savez tous ici pour quelle raison j'y tiens personnellement.
Cette rencontre, au-delà des travaux qui se sont déroulés depuis hier, est aussi l'occasion de mettre en perspective les grands axes de notre action extérieure pour les mois qui viennent, et c'est ce que fera M. le Président de la République en vous recevant ce soir au Palais de l'Elysée. En ce moment, et compte tenu de l'heure qui est déjà un peu avancée, des appétits sans doute très aiguisés, je vais donc tenir quelques propos plus courts et plus modestes et me borner à vous demander seulement deux choses.
Je vous demande d'abord de parler de la France avec optimisme et confiance Je vous demande ensuite de poursuivre, avec le même enthousiasme qu'au cours des années et mois passés, l'effort de rénovation de notre outil diplomatique, et je voudrais revenir très rapidement sur ces deux points.
Parler de la France avec optimisme et confiance, c'est votre vocation, partout où vous allez. Je dirais même que c'est votre métier, et en plus c'est conforme à la vérité : donner d'abord de la France l'image d'un pays qui veut et qui peut se moderniser et se réformer. Bien sûr, comme partout ailleurs, il y a chez nous des résistances aux changements, des conservatismes, des peurs devait l'avenir, mais il y a aussi du dynamisme, de l'imagination, de la volonté, et c'est ce qui nous permet de faire des réformes. Nous sommes en train de mener à bien la réforme de la sécurité sociale, nous avons lancé la réforme de la défense nationale, avec des objectifs particulièrement ambitieux, nous allons engager la réforme de l'éducation, nous poursuivons la réforme de l'Etat, nous avons dans bien des secteurs déclenché la réforme des entreprises publiques et j'annoncerai, dans quelques jours, les premiers éléments de la réforme de notre fiscalité.
Premier message : la France est un cher et vieux pays, certes, mais c'est un pays qui s'adapte et un pays qui prépare l'avenir.
Donner ensuite de la France l'image d'un pays fort, d'un pays politiquement stable, économiquement riche, quelles que puissent être les difficultés de beaucoup de nos concitoyens, et socialement équilibré. Bien sûr, là aussi nous avons des problèmes, comme les autres, et vous le savez mieux que quiconque, mais ni plus ni moins que les autres, et peut-être, quand on regarde autour de nous, un petit peu moins que plus. Le principal de ces problèmes, c'est bien sûr le fléau du chômage, qui comme toute maladie difficile se soigne et se guérit par des traitements longs, parfois douloureux, exigeant l'implication et la volonté du patient et de tout ceux qui l'entourent. Mais nos forces sont grandes. Nous avons, depuis plusieurs années, éradiqué l'inflation. Quelle n'est pas ma stupéfaction de voir que maintenant certains ici où là le regrettent, comme si partout au monde on ne cherchait pas à éradiquer l'inflation, parce que pour moi, l'éradication de l'inflation c'est plus de pouvoir d'achat et plus de justice pour les plus faibles.
Nous avons, grâce à une politique qui nous permet de maintenir la stabilité de notre monnaie, des taux d'intérêt bas, historiquement bas disent certains, mais qui en tout cas ont baissé plus qu'on l'espérait lorsque nous nous sommes rencontrés ici l'an dernier. Nous avons un commerce extérieur fortement excédentaire, et nous avons des salariés et des entrepreneurs de grande qualité. Petite anecdote qui touche de près le maire de Bordeaux : je recevais, il y a quelque mois, le président de Ford International, un Américain qui ne fait pas dans le sentiment, qui m'expliquait qu'avant de choisir la localisation d'un très important investissement, il avait mis en concurrence les différents sites industriels de Ford à travers le monde et l'Europe. Et qui a gagné sur des critères de compétitivité, de qualité et d'efficacité de main-d'oeuvre ? Plandefort, bourgade inconnue de vous tous mais proche de Bordeaux, c'est-à-dire la France.
Nous avons enfin des finances publiques en voie de redressement, et nous nous sommes attaqués à ce travail de redressement avec quelques principes : le premier c'est qu'il vaut mieux dépenser mieux que dépenser plus quand on a pas d'argent ; le deuxième c'est qu'il faut s'endetter moins si on veut alléger le fardeau des remboursements parce que le déficit c'est de la dette, et la dette, ça se paie ; enfin, et enfin qu'il faut baisser les impôts pour rendre du pouvoir d'achat aux Français et nourrir ainsi la croissance, et vous savez bien qu'il n'existe pas un seul pays sérieux au monde qui fasse des choix différents, en matière de politique budgétaire et fiscale, aujourd'hui, en cette fin de vingtième siècle. Grâce à tout cela, nous serons donc au rendez-vous de l'Union économique et monétaire, dans les critères et dans les temps. D'abord, parce que c'est notre intérêt d'avoir une monnaie qui pèse le poids du dollar ou du yen sur la scène internationale, et ensuite, parce qu'au-delà des aspects proprement monétaires ou économiques de cette entreprise, il y va du projet politique, j'ai l'occasion de vous le dire souvent, que la France et l'Allemagne portent ensemble pour l'Europe du 21ème siècle. Voilà ce que j'avais en tête lorsque je vous demandais de parler de la France avec confiance et optimisme.
Je vous ai demandé aussi d'amplifier l'effort de rénovation de notre outil diplomatique engagé il y a trois ans. Je ne reviens pas sur ce qui a été fait en 93, 94, 95, et bien fait, l'an dernier, avec votre ministre, M. Hervé de Charette, que je remercie de m'accueillir ici, et que je félicite pour l'action qui est la sienne à la tête de cette grande maison, avec les ministres délégués, Jacques Godfrain, Michel Barnier et Margie Sudre. Nous avons défini un programme de travail, que je résume en quelque têtes de chapitres : la confirmation de l'autorité des ambassadeurs dans les pays où ils se trouvent ; la réforme de l'aide publique au développement ; la rationalisation de nos réseaux à l'étranger ; la poursuite des travaux du Comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger.
Où en sommes-nous un an après ?
Le Comité interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger s'est réuni, une fois, sous ma présidence effective, quatre fois, sous celle du secrétaire général du gouvernement, et je le réunirai, une nouvelle fois, d'ici la fin de l'année ; le rythme de travail est donc particulièrement soutenu. Des décisions concrètes ont déjà été prises ; audits de la Cour des Comptes sur le réseau comptable à l'étranger, installation de deux groupes de travail sur les aides multilatérales et bilatérales et, sur les procédures financières, création de vingt centres de gestion unique dans les postes à l'étranger avec la perspective de généraliser se processus, installation de comités de gestion dans les postes, rationalisation de nos différents réseaux.
Pour la première fois - c'est culturellement novateur - les administrations aussi fortement marquées que les Affaires étrangères, les Finances et la Coopération ont "échangé leur copie" en ce qui concerne les projets d'ouverture et de fermeture des postes au cours des prochaines années. Pour la première fois également, une procédure nouvelle, le budget de l'action extérieure de la France, que nous avons imaginée ensemble en 93-94 a été mise en place, après, il est vrai, de nombreuses incitations.
Cette procédure prendra en compte les données et les enseignements du Comité Interministériel des moyens de l'Etat à l'étranger. Il n'y a évidemment pas de miracle budgétaire à attendre, là comme ailleurs, mais en revanche plus de visibilité, plus de coordination et, à terme, davantage de rationalité dans les choix budgétaires de notre action extérieure. Cette procédure, vous le savez, donnera lieu à un débat parlementaire, animé par le ministre des Affaires étrangères, et qui sera consacré aux moyens de l'Etat à l'étranger, ce qui va d'ailleurs bien sûr au-delà des seuls moyens du Quai d'Orsay.
La réforme du réseau comptable est, quant à elle, bien engagée, des expériences nouvelles verront prochainement le jour.
Enfin, terme d'une longue réflexion, la réforme de l'aide publique au développement a vu le jour avec la création du Comité interministériel de l'aide au développement, que je préside et dont le ministre des Affaires étrangères est le rapporteur. Ce n'est peut-être pas le "grand soir" de l'aide au développement mais en présidant la première réunion de ce comité, j'ai été frappé par le fait que les ministres et leurs administrations, sur un sujet aussi crucial que l'aide publique au développement, échangeaient et confrontaient leurs points de vue dans un esprit constructif, et véritablement coopératif. Dans le cadre de cette réorganisation, j'ai demandé à une cellule interministérielle, et c'est aussi une première, d'examiner l'efficacité de nos procédures d'aide et d'évaluer l'effort consenti par la France. Là aussi nous arriverons, j'en suis sûr, à une coordination beaucoup plus satisfaisante.
Quelles conclusions tirer de ces décisions ? Quels commentaires apporter ?
Vous mesurez d'abord, je penses tout ce qui a été accompli, si l'on se souvient des préoccupations qui étaient les vôtres, les nôtres, il y a trois ans lorsque j'étais à la tête de ce ministère. Avec le recul, je fais le bilan de ce que moi-même puis M. Hervé de Charette avons entrepris, et je vois que c'est considérable : le Département joue désormais pleinement son rôle dans l'Etat, le Quai d'Orsay, comme il se doit, est l'acteur privilégié de la politique étrangère du pays, et les ambassadeurs sont, à l'étranger, dans l'Etat où ils représentent la France, véritablement les maîtres du jeu. J'ai constaté que depuis la circulaire signée par mes soins le 18 juillet 1995, les ambassadeurs en tant que représentants du président de la République et du gouvernement, on signé 60 accords internationaux. Quel progrès en un an ! J'ai d'ailleurs demandé au ministre des Affaires étrangères de me remettre pour le prochain CIMEE, un rapport sur l'application de cette circulaire et les améliorations qu'il convenait d'y apporter, et je n'ai pas, dans ce domaine, l'intention de lâcher le morceau. J'aurai beaucoup de ténacité.
Deuxième constatation, tous ces changements interviennent dans un contexte budgétaire difficile mais incontournable. La France ne peut pas, je l'ai dit tout à l'heure, dépenser plus. Comme les autres administrations, le Quai d'Orsay doit donc participer au mouvement général de maîtrise de nos dépenses publiques. Certains choix devront être révisés à la baisse, je ne donnerai que quelques exemples : doit-on à l'heure de la communication planétaire, et à condition que nous soyons capables de développer une véritable action audiovisuelle extérieure, entretenir autant de centres ou instituts culturels en Europe ? Question un peu tabou, mais il faut bien en poser quelques-unes. Des doublons dans ce secteur ne doivent-ils pas être supprimés, comme cela a été entrepris dans nos activités consulaires ? Notre carte diplomatique et consulaire ne doit-elle pas évoluer ? Elle l'a fait, elle doit continuer à le faire. Le ministre des Affaires étrangères m'a proposé des redéploiements pour ces prochaines années, le ministre des Finances en a fait de même pour ce qui le concerne. Nous avons examiné ses propositions, elles ont été soumises au président de la République, et elles seront, lorsqu'elles seront parachevées, mises en uvre.
Le Quai d'Orsay qui est dans bien des égards une administration inventive, doit aussi, dans le domaine budgétaire, continuer à faire preuve d'imagination.
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, le gouvernement par ma bouche vous redit toute la confiance qu'il met en vous. Je vous ai dit que la France était sur la voie de la réforme, je vous ai dit qu'elle n'était ni frileuse, ni repliée sur elle-même. Je sais pouvoir compter sur vous pour être à l'étranger les propagandistes de la vérité de la France, c'est-à-dire d'une France fière de son histoire, de sa culture, de son identité, mais aussi d'une France qui bouge, qui s'adapte pour entrer dans le 21ème siècle en forme, d'une France qu'animent, comme aime à le dire le président de la République, l'esprit de conquête de grandes puissances, mais aussi l'esprit de solidarité qui l'a poussée, et on l'a vu tout au long de ces derniers mois, dans toutes les instances internationales, à agir comme messagère de paix, de générosité, d'humanité, bref, d'une France que chacune et chacun d'entre vous, d'entre nous, en son âme et conscience, peut à son tour être fier de servir.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 août 2002)