Texte intégral
Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de commencer mon propos en saluant tout particulièrement aujourd'hui, la présence de Son Excellence Howard Leach, Ambassadeur des Etats-Unis en France, qui nous fait l'honneur et l'amitié de participer à ce colloque.
Dans les circonstances présentes, votre présence, notre présence conjointe, et celle de tous les participants américains, ont une signification élevée. Je vous en remercie très chaleureusement.
Sur les objectifs qu'il nous faut atteindre pour nous préserver des menaces du monde : la lutte contre le terrorisme international, le désarmement effectif de l'Irak dans sa capacité d'armes de destruction massive, l'instauration d'une démocratie respectueuse des droits de l'homme dans ce pays et sa région, nous sommes en phase.
Nos divergences du moment ne portent que sur les moyens les plus appropriés d'atteindre ces objectifs. C'est important, mais ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous distingue.
Car pour la France, et cela de façon continue depuis plus de deux siècles, les Etats-Unis d'Amérique restent l'allié et l'ami. Vous n'avez pas oublié La Fayette, et nous n'oublierons jamais le sang versé à deux reprises sur la terre de France, pour mettre fin aux tragédies du dernier siècle, et restaurer la liberté asservie.
Aussi, je forme le voeu que sur les deux rives de cet océan qui à la fois nous sépare et nous unit, tous ceux qui ont une part de responsabilité dans la formation de l'opinion publique, soient des artisans de sérénité et contribuent à préparer un avenir qui restaurera pleinement notre coopération harmonieuse au service de la paix, du progrès et de la démocratie, sur l'ensemble du monde.
Je sais que vous y contribuez personnellement, Monsieur l'Ambassadeur, non seulement par fonction, mais aussi par conviction, et je vous en rends hommage.
J'en viens plus directement maintenant à l'objet de notre colloque.
Il est particulièrement opportun puisque les Etats-Unis sont les premiers investisseurs étrangers en France, ainsi que les premiers destinataires des investissements français hors de l'hexagone. C'est dire l'intensité de nos relations économiques.
De grandes entreprises françaises, comme Saint Gobain, Air Liquide, Michelin pour ne citer qu'elles sans offenser les autres, sont présentes aux Etats-Unis, tandis qu' IBM, Motorola, Dupont de Nemours, également pour ne citer qu'elles sans offenser les autres, sont implantées en France.
Ces grandes entreprises concourent à la création de richesses dans chacun de nos pays, et aussi à l'innovation en déposant des brevets et en participant aux échanges de technologies et de savoir-faire avec les centres de recherche.
Elles montrent que si la concurrence loyale est naturelle et stimulante, elle n'est en rien antinomique de ces partenariats qu'il nous faut absolument développer.
Et de tels échanges ne doivent pas se limiter à nos grands groupes nationaux : il faut que les PMI, notamment les PMI françaises, puissent aussi élargir leurs horizons. Vos travaux, tout au long de cette journée, ont bien dégagé, je pense, tous les bénéfices que ne manqueraient pas de susciter un renforcement de notre coopération et une multiplication de nos partenariats.
L'innovation, " coeur battant " de l'économie
Vous en êtes ici tous convaincus - mais notre conviction doit gagner la société tout entière - l'innovation n'est pas un accessoire de la théorie économique. Elle est, bien au contraire, le principe vital, le moteur, le coeur battant de la croissance dans une économie libérale.
Les réflexions de Schumpeter sur le cycle des affaires l'ont bien montré : le dynamisme d'une économie dépend de sa capacité à sortir de la logique routinière du " circuit ", pour entrer dans un processus " d'évolution " grâce à la réorganisation des moyens de production, par de nouvelles techniques, de nouveaux produits, de nouvelles formes d'organisation.
Au sein du gouvernement français, notre conviction est que le développement de l'innovation est le meilleur atout pour permettre aux entreprises de réagir de façon positive à la concurrence mondiale qu'entraîne la globalisation des échanges. Face aux produits qui inondent nos marchés en provenance de pays émergents où les coûts de main d'oeuvre sont sans commune mesure avec ceux de nos pays occidentaux, la solution n'est ni dans le protectionnisme frileux ni dans le maintien en survie artificielle des secteurs non compétitifs.
Toutes nos industries traditionnelles n'ont de chance de survie et a fortiori de développement, qu'à la condition d'offrir des plus values innovantes. Plus que jamais, la compétitivité s'appuie sur la vitalité créatrice.
Aujourd'hui environ 50% de la croissance tient directement à notre capacité innovatrice. Manque d'innovation, c'est le déclin programmé. Dynamisme de l'innovation, c'est la croissance assurée.
Dès que le nouveau gouvernement a été constitué en mai dernier, dans une conjoncture économique qui s'annonçait déjà dépressive, sa première préoccupation a été de desserrer les contraintes inutiles qui freinaient le dynamisme des entreprises, et toute une série de mesures ont été prises en quelques mois pour que la France redevienne un pays plus accueillant aux investisseurs extérieurs, et notamment américains :
réduire le différentiel du poids des charges sociales et des impôts, par rapport à nos voisins,
alléger les rigidités sociales excessives concernant notamment le temps de travail,
simplifier les procédures administratives pour les créateurs d'entreprises,
lancer un plan de soutien attractif aux entreprises innovantes.
Les incertitudes qui ont pesé sur la crise irakienne depuis septembre dernier continuent d'entretenir la morosité économique qui s'était amorcée après l'explosion de la bulle boursière des nouvelles technologies de l'information et de la communication en 2001.
Mais nous entendons que la France soit en état de réactivité rapide lorsque la croissance sera prochainement de retour, une fois cette hypothèque levée.
Par ailleurs, comme vous le savez, l'économie française est de plus en plus intégrée à celle de l'ensemble de l'Union européenne, dont le marché unique sans frontières, à l'échelle de 370 millions de consommateurs, et demain de près de 4 millions, est aujourd'hui le premier du monde en termes de volume.
C'est ainsi qu'en février dernier, nous avons mis un terme, au sein du conseil des ministres de l'énergie, à trente ans de débats qui restaient infructueux sur l'harmonisation européenne des dépôts de brevets sur l'ensemble des quinze pays de l'Union. Il y aura certes quelques années de transition, jusqu'en 2010, mais d'ores et déjà, les coûts des dépôts vont être sensiblement réduits.
Dans la perspective d'un renforcement souhaité de part et d'autre, de nos partenariats transatlantiques, la France, et plus largement l'Europe, ont leurs forces et leurs faiblesses.
Entre la France et les Etats-Unis il existe un différentiel d'investissements en recherche/développement que nous sommes déterminés à combler.
Ces investissements atteignent 2,6% du PIB outre-Atlantique, contre 2,2% seulement en France.
L'Union européenne, dans son ensemble, s'est fixé l'ambitieux objectif de hisser ses investissements en R D à 3% de son PIB d'ici 2010. Cela représentera pour la France un effort de 40% sur la période des 7 ans à venir.
En outre, en France, notre recherche fondamentale reste très développée, et le capital d'intelligence et de formation qu'elle représente est reconnu comme élevé.
Mais la recherche appliquée, celle qui est essentielle à la traduction industrielle des découvertes, demeure insuffisamment développée.
Car l'innovation ne se confond pas avec la recherche ou l'invention ; un nouveau procédé ne devient " innovation " que lorsqu'il est effectivement introduit dans l'activité économique. C'est dire que nous devons non seulement favoriser la recherche, mais aussi promouvoir efficacement son application industrielle. L'innovation n'est pas un processus automatique, qui suivrait mécaniquement le progrès des sciences : elle suppose aussi l'initiative et l'audace de décideurs individuels qui prennent le risque d'investir pour mettre en oeuvre les inventions : ce sont les entrepreneurs qui sont les acteurs décisifs dans ce processus.
Nous souffrons à cet égard d'un lien trop ténu entre les entreprises et les centres de recherche, notamment universitaires. Les jeunes chercheurs sont peu encouragés financièrement à s'investir dans les entreprises. En outre, la part principale de la recherche innovatrice est assumée par des fonds publics, sans que le secteur privé y participe à hauteur des autres pays européens ou américains, hormis de très grands groupes. C'est bien pour faire face à ces carences que le gouvernement met en place un plan vigoureux de soutien à l'innovation et à la recherche.
Le " Plan Innovation "
Aussi, le plan Innovation que j'ai présenté, en étroite collaboration avec ma collègue ministre Claudie Haigneré, qui fut auparavant astronaute, comme vous le savez, répond à cette ambition en jouant sur tous les maillons de la chaîne de l'innovation.
Il prévoit des mesures radicales de soutien aux jeunes entreprises innovantes et aux investisseurs.
En créant un statut juridique souple et fiscal attractif pour les " business angels ", nous espérons inciter des personnes fortunées et expérimentées à apporter des capitaux aux entreprises en création ;
nous voulons aussi faciliter la croissance des entreprises innovantes qui doivent assumer de lourdes charges d'investissement au départ, et ont du mal à survivre : les jeunes entreprises qui font un effort particulier et durable en R D seront donc exonérées, notamment, des charges sociales patronales, de façon dégressive sur plusieurs années, et leurs actionnaires seront exonérés sur leurs plus-values. Ce mécanisme s'appliquera à toute entreprise innovante qui aurait moins de 8 ans, ce qui constitue un engagement fiscal de long terme. La durée de ces exonérations fiscales et sociales a été choisie pour être pertinente par rapport au rythme de développement des entreprises de biotechnologies.
Dans le même esprit, nous entendons renforcer la protection de la propriété industrielle, en luttant contre la contrefaçon, qui porte un grand préjudice à l'économie.
Et c'est aussi, dans le cadre européen, l'un des objectifs de la création, désormais décidée, d'un système unifié de brevet communautaire.
Conclusion
La conférence d'aujourd'hui illustre parfaitement le prisme très large de nos intérêts communs dans tous ces domaines, et notre volonté commune de les projeter dans un futur de succès.
Je souhaite, Monsieur l'Ambassadeur, que cette journée ne reste pas sans prolongements actifs, et vous pouvez compter sur la disponibilité du gouvernement français, et plus précisément de la mienne, pour concrétiser les projets de nouveaux partenariats.
Je conclurai seulement sur cette très belle phrase de votre Président, Thomas Jefferson : " celui qui apprend quelque chose de moi enrichit son savoir sans réduire le mien, tout comme celui qui allume sa chandelle à la mienne se donne de la lumière sans me plonger dans l'obscurité ".
Je vous remercie et je vous adresse tous mes encouragements pour la poursuite de vos travaux cet après-midi.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 24 mars 2003)