Texte intégral
J.-J. Bourdin-. Les obsèques de Vincent Humbert auront lieu tout à l'heure, F. Fillon. Hier le chef du service de réanimation du centre héliomarin de Berck a assumé la responsabilité de la mort de Vincent. " C'est moi, j'ai donné la mort à V. Humbert " a-t-il dit hier. A propos de V. Humbert, la vie n'appartient pas à la politique disait J.-P. Raffarin, samedi. Il a été vite contredit. J.-L. Debré souhaite organiser une mission d'information sur l'euthanasie.
- "C'est une affaire très, très difficile, parce que chacun est confronté à ses convictions personnelles, mais en même temps, il y a dans la société française, un besoin de parler de cette question et d'ouvrir un débat, pour regarder si la loi doit être modifiée ou si simplement il faut faire comme certains l'avaient suggéré des recommandations éthiques pour permettre d'encadrer des pratiques qui sont en réalité très nombreuses, mais qui se font dans l'anonymat et dans le silence. "
Vous comprenez donc J.-L. Debré qui demande l'organisation de ce débat à l'assemblée ?
- "Non seulement, je le comprends, mais"
Vous le soutenez ?
- "J'ai dit dès le début de cette affaire, parce qu'elle m'a émue et puis parce que je sais ce qui se passe dans beaucoup de lieux où des médecins, des infirmières, des familles sont confrontés à cette question et tentent de la résoudre avec les moyens du bord. J'ai dit que quelles que soient mes convictions personnelles sur cette question, je souhaitais qu'il puisse y avoir un débat en France. Alors peut-être pas immédiatement, il faut peut-être laisser retomber l'émotion liée à l'actualité. Mais on ne peut pas se voiler la face sur cette question. Il faut accompagner tous ceux qui souffrent et quand je pense à tous ceux qui souffrent, je ne pense pas seulement à ceux qui veulent la fin de leur existence, mais je pense à tous ceux qui sont amenés à les accompagner. "
Un débat jusqu'à une loi ?
- "Il faut voir, si cette loi est nécessaire. Aujourd'hui, je n'en sais rien, mais pour ma part, je n'exclus rien. "
Les politiques doivent se saisir de tous les débats ?
- "Bien sûr, parce que c'est leur rôle. C'est vrai que la vie ne nous appartient pas, mais c'est aussi notre rôle de constater que dans la société française aujourd'hui, l'euthanasie est une pratique qui n'est encadrée par aucune législation, ce qui conduit à laisser des gens seuls face à leur conscience et donc dans des conditions très, très difficiles. "
J.-P. Raffarin s'est trompé ?
- "Non, je crois que le Premier ministre a voulu dire qu'il n'y avait pas automatiquement une réponse législative et surtout je crois qu'il a voulu qu'on déconnecte cette réflexion d'un moment émotionnel lié à l'actualité trop forte. "
Oui, vous n'avez pas de conseil à lui donner ?
- "Non, seulement je n'ai pas de conseil à lui donner, mais je pense que le Premier ministre agit aujourd'hui avec beaucoup de courage, fait son devoir dans des conditions extrêmement difficiles et il a tout mon soutien. "
Bien. F. Fillon, c'est une mise au point qui était nécessaire. Le chômage : 9,6 %, en hausse, le chômage des femmes et des plus de 50 ans progresse. Je lis Libération, le titre à la Une ce matin : " Sale temps pour les chômeurs. Le gouvernement réduit les aides aux demandeurs d'emplois alors que leur nombre augmente."
- "Je crois que c'est exactement le contraire. Il y a aujourd'hui, pour les gens qui sont au chômage en France, plusieurs signes d'espoir qui sont très importants. Le premier, c'est que tous les pays développés - les ministres de l'Emploi de l'OCDE étaient réunis à Paris hier - sont d'accord pour dire que 2004 sera une année de retour de la croissance. Et en France, singulièrement, compte tenu en particulier de la démographie, 2004 sera une année d'inversion des courbes du chômage. Ce n'est pas une annonce que je fais comme ça, simplement en l'air, c'est le résultat de toutes les études que nous conduisons sur la situation de l'emploi. "
Le chômage à 10 % à la fin de l'année, vous n'y croyez pas ?
- "C'est possible que le chômage monte à 10 %, je n'en sais rien. Nous sommes sur la fin d'une période qui a duré un peu plus de deux ans, qui a commencé en 2001, de baisse de la croissance dans les pays développés, qui s'est traduit par une augmentation du chômage. On n'est pas aujourd'hui en mesure de prévoir de manière extrêmement précise à quel moment la courbe va s'inverser. Ce que l'on sait, c'est que c'est dans le début de 2004. Pour des raisons liées à la reprise économique dans le monde, mais aussi pour des raisons spécifiques liées à la politique de l'emploi que nous conduisons et pour des raisons qui sont liées à la démographie. Mais il y a une autre bonne nouvelle pour les chômeurs, c'est la signature de l'accord sur la formation professionnelle .."
La CGT a signé ?
- "... qui a été signé par la CGT. C'est-à-dire que toutes les organisations syndicales ont signé un accord, qui va permettre de donner aux personnes qui sont sans emploi, comme aux autres d'ailleurs, un droit individuel à la formation professionnelle. Et pour les chômeurs, c'est évidemment fondamental, parce que c'est une deuxième chance. Ce n'est pas en créant des emplois qui sont des emplois artificiels, ou en parquant les chômeurs dans des stages destinés à les sortir des statistiques, qu'on résout les problèmes du chômage. C'est en leur donnant des vrais outils pour occuper des emplois par exemple qui ne sont pas occupés aujourd'hui. Il y a 300 000 emplois vacants en France qui ne trouvent pas preneurs"
Alors que fait l'ANPE ?
- "L'ANPE elle fait ce qu'elle peut et elle le fait dans l'ensemble avec beaucoup d'efficacité"
Elle va être mise en concurrence ?
- "C'est l'application d'un texte international. Je crois que la concurrence est déjà réelle sur le marché du travail. L'ANPE aujourd'hui"
Donc vous confirmez, elle va être mise en concurrence ?
- "Bien sûr. [L'ANPE] ne place qu'une partie. C'est l'application d'un texte international que la France doit ratifier. Mais elle est déjà en concurrence, donc ce n'est pas le sujet. L'ANPE fait son travail, simplement, elle n'a pas forcément tous les outils à sa disposition pour donner aux chômeurs cette seconde chance que nous, nous voulons leur donner. Quand le Président de la République s'était engagé à créer ce qu'il avait appelé " une assurance emploi ", c'est ce que nous sommes en train de mettre en uvre. Les partenaires sociaux viennent de poser la première pierre et une pierre très, très importante. Nous, nous allons ajouter à l'automne une deuxième pierre avec un texte législatif qui consacrera ce droit nouveau à la formation professionnelle, qui peut permettre à un chômeur de se reconvertir dans un secteur où il y a du travail. Aujourd'hui, il y a du travail dans le bâtiment, il y a du travail dans la restauration, il y a du travail dans l'aide aux personnes âgées, il y a énormément de gisements d'emplois qui ne sont pas suffisamment exploités. "
Alors parlons des chômeurs, l'attribution de l'Allocation de Solidarité Spécifique. Je lis le mail que nous envoie Alain, qui habite à Troyes dans l'Aube. En réduisant l'ASS, Allocation de Solidarité Spécifique, F. Fillon, ne fait que transférer des dépenses de l'Etat vers les collectivités locales et en diminuant le montant de cette allocation, l'Etat va économiser 150 millions, mais les collectivités locales, elles, vont être obligées d'augmenter les impôts locaux ?
- "C'est tout à fait inexact. Car nous avons désormais l'obligation - c'est nous-mêmes qui avons fait voter ce texte -, de compenser intégralement les charges qui sont transmises aux collectivités locales. Mais ce n'est pas une question de transfert d'argent entre l'Etat ou les collectivités locales. D'ailleurs, c'est toujours le même contribuable qui paie. C'est une question d'organisation et d'efficacité. Est-ce qu'il est nécessaire, est-ce qu'il est souhaitable qu'une personne au chômage soit indemnisée indéfiniment ? Autrement dit, quand vous êtes au chômage depuis cinq ans, est-ce que le problème est simplement de continuer à vous verser une indemnisation ou est-ce que c'est d'essayer de vous mettre dans un autre système qui vous ramène vers l'emploi ? Et donc nous créons un nouvel outil qui s'appelle le Revenu Minimum d'Activité, qui est destiné justement à essayer de sortir les gens qui sont au chômage depuis très longtemps, qui sont très éloignés de l'emploi, pour les ramener vers l'emploi. Nous, nous pensons qu'un système d'indemnisation du chômage indéfini, à l'exception des personnes qui sont proches de l'âge de la retraite, pour lesquelles nous maintenons ce système sans limite, n'est pas un service à rendre aux chômeurs. Quand on est au chômage depuis trop longtemps, il faut pour rebondir, des outils spécifiques. Et cet outil spécifique, ce sera le Revenu Minimum d'Activité. "
Il est 8 heures 41, F. Fillon est notre invité ce matin. Vous continuez à envoyer vos mails.. nous sommes ensemble dans deux ou trois minutes.
[Deuxième et dernière partie]
F. Fillon, j'ai un mail de Michael qui nous écrit des Bouches du Rhône. " M. Fillon, je crois que vous, les politiciens vous n'êtes pas dans notre monde. Vous vous étonnez que les gens travaillent au noir. Je suis petit patron. On n'a pas le choix, si on veut vivre correctement, car les impôts en hausse en permanence, les charges, toutes les taxes, stop, stop, nous essayons de développer nos petites entreprises, redescendez sur terre. "
- "Oui, on est sur terre, et ce qu'on essaie de faire justement, c'est de réduire les charges, de réduire les impôts. Je note d'ailleurs que c'est un débat qui ne fait pas l'unanimité. Mais s'agissant du travail, depuis que j'ai en charge le ministère du travail, nous avons augmenté de façon très importante les allégements de charges, qui se montent aujourd'hui à plus de 15 milliards d'euros et qui permettent, réellement, et il faut que ce chef d'entreprise le regarde sur les chiffres de son entreprise. Une entreprise qui aujourd'hui, fait travailler beaucoup de personnes au SMIC ou proche du SMIC, a droit depuis le 1er juillet à un dispositif d'allégement de charges qui fait baisser le coût du travail, alors pas de manière spectaculaire, mais qui le fait baisser, alors que depuis des années et des années, il ne fait qu'augmenter. Nous allons continuer dans cette voie, simplement, on est obligé d'y aller au rythme de nos ressources financières et on sait que le déficit budgétaire français est important. Mais c'est bien la voie ; la voie c'est de faciliter"
Vous allez donc continuer à réduire les charges des entreprises ?
- "On réduit les charges sur les bas salaires"
Mais comment ? Il y a de nouvelles mesures qui sont en préparation ?
- "Alors dans le budget que je vais présenter au Parlement, il y a 1 milliard d'euros supplémentaires allégements de charges qui vient s'ajouter à la quinzaine de milliards d'euros qui existaient déjà. Nous avons créé les emplois sans charges pour les jeunes. Donc les jeunes sans qualification peuvent être recrutés pendant trois ans, sans aucune charge sociale. Et nous allons continuer cet effort, mais on ne peut pas naturellement aller vers un système dans lequel il n'y aurait pas de charges, parce que s'il n'y a pas de charges, il n'y a pas de protection sociale. "
Et les 35 heures... Est-ce que les entreprises vont pouvoir, au sein même de l'entreprise, renégocier les 35 heures ?
- "Aujourd'hui, les entreprises peuvent déjà renégocier les heures supplémentaires. Moi, je souhaite que l'on puisse aller plus loin. Mais pour aller plus loin, il faut simplifier et il faut rendre plus démocratiques les règles de la négociations collectives. Aujourd'hui, vous savez qu'on a un vieux système hérité du passé, qui fait qu'il y a cinq grandes organisations syndicales dans notre pays, c'est un système figé pour toujours. Et puis on peut passer des accords avec une de ces organisations et ça suffit pour que ces accords s'appliquent à tout le monde. Cela marchait très bien dans un système où c'était l'Etat qui décidait tout, et pas les partenaires sociaux. Si on veut transférer aux partenaires sociaux la responsabilité, par exemple, de décider de la durée du travail l'entreprise ou dans une branche, alors il faut que ce soit un peu plus démocratique, il faut qu'au moins la majorité des organisations syndicales ou la majorité des salariés se prononcent sur la validité de ces accords. C'est ce que je veux faire, j'entame aujourd'hui des consultations avec les organisations syndicales et je voudrais présenter, avant la fin de l'année, un texte de loi qui permettrait de donner beaucoup plus de liberté aux partenaires sociaux sur le terrain, notamment dans les entreprises pour négocier des questions aussi fondamentales que le temps de travail, que l'organisation du travail, mais sur des bases qui soient plus démocratiques et qui tiennent compte de la réalité de la représentativité syndicale. "
Oui, réforme du dialogue social c'est cela ?
- "Voilà. "
Trois syndicats sur cinq nécessaires pour entériner un accord ?
- "Au niveau des branches C'est effectivement la majorité des syndicats et on pourrait imaginer, puisque les syndicats se sont eux-mêmes tournés vers cette solution, que dans les entreprises, dans un certain nombre de cas, ce soit la majorité des salariés qui soit nécessaire pour mettre en uvre un accord. "
Vous mettez à plat les 35 heures finalement. Vous faites doucement disparaître cette loi ?
- "Nous, nous pensons que c'est une erreur considérable, qui a coûté très, très cher à notre pays, pas seulement s'agissant de la compétitivité des entreprises, mais aussi du coût financier et vous voyez, je disais tout à l'heure que j'étais hier avec tous les ministres du Travail des pays de l'OCDE, donc des 30 pays développés, nous sommes seuls avec nos 35 heures et inutile de vous dire que personne n'a même prononcé le mot " réduction du temps de travail " pendant ces deux jours de réunion des ministres du Travail à l'OCDE, comme étant une solution au problème de l'emploi. "
Le travail au noir, le travail clandestin, si vous préférez. 500 inspecteurs du travail pour 15 millions de salariés, ça fait peu d'inspecteurs pour beaucoup de salariés. Il faut engager là, alors que vous voulez réduire le nombre de fonctionnaires ? Mais là, il faudrait engager ?
- "D'abord on ne réduit le nombre d'inspecteurs du travail. "
Non, non, non, mais de fonctionnaires.
- "Il y a des domaines où on a besoin de plus de monde, l'Inspection du Travail peut en être un. Ce que l'on souhaite surtout, ce que je souhaite surtout, c'est qu'il y ait une articulation et meilleure articulation entre tous les services de l'Etat, qui ont un rôle à jouer. Parce que demander à l'Inspection du Travail, seule, de lutter contre le travail au noir, ce n'est pas réaliste. Il faut que tous les services de l'Etat - les services de sécurité, le fisc - soient mobilisés. C'est ce que N. Sarkozy a commencé à faire en mettant en place ses Groupements d'Intervention Régionaux. Pour l'instant, ils n'agissent pas dans le domaine du travail clandestin, encore que si, ils le font à travers"
L'économie souterraine.
- "A travers la lutte contre l'économie souterraine. Moi, je souhaite qu'il y ait beaucoup plus de coopération entre l'ensemble des services de l'Etat, même si, naturellement, il faudra à l'avenir renforcer les moyens de l'Inspection du Travail. "
Et vos CDD de longue durée ? J'ai entendu les réactions des syndicalistes, notamment de M. Blondel qui dit : " Voilà, on est en train d'institutionnaliser la précarité. "
- "Oui, mais la précarité, c'est aujourd'hui une réalité dans notre société. Moi, je voudrais plutôt qu'elle soit plus organisée, pour qu'elle soit moins précaire d'une certaine manière. Il y a aujourd'hui beaucoup de sujets, sur lesquels, quand une entreprise se lance dans le développement d'un nouveau produit, elle ne sait pas si ce nouveau produit va réussir. Elle hésite donc à le faire, parce qu'elle sait, qu'elle va devoir embaucher, par exemple, une équipe de chercheurs, une équipe d'ingénieurs et qu'elle va devoir le faire, quel que soit le résultat des travaux qu'ils vont conduire. Alors qu'est-ce qui se passe ? Dans beaucoup de cas, les entreprises renoncent à faire ces recherches et ces travaux, ou alors elle externalise. C'est-à-dire qu'elles se font prêter de la main d'uvre par d'autres entreprises, dans des conditions qui sont d'ailleurs à la limite de la légalité. Moi, je pense qu'il faut ouvrir ce débat avec les partenaires sociaux et regarder ce qui se fait dans beaucoup de pays. Comment mettre en place des contrats de travail, d'une certaine durée, d'une durée de projets qui permettraient aux entreprises d'embaucher plus facilement. "
Quelle durée ? Durée du contrat ?
- "On a parlé de contrat de trois ans ou de contrat de cinq ans"
Trois ans, cinq ans. Des CDD de trois ans ou cinq ans ?
- "Ce n'est pas une annonce que je fais, ce n'est pas un projet que le Gouvernement a. C'est un débat que je veux ouvrir avec les partenaires sociaux, mais je crois vraiment que nous avons besoin de cette souplesse. Regardons ce qui se passe dans les pays qui nous entourent. Pourquoi, est-ce qu'on a depuis 15 ans, un taux de chômage toujours plus élevé que les autres pays européens, quelle que soit la croissance ? Parce qu'on a un système trop rigide"
Pas de souplesse.
- "Nos voisins britanniques, aujourd'hui, ont un taux de chômage de 4,5 %, nos amis danois ont un taux de chômage de 4 %. Parce qu'ils ont su introduire plus de souplesse sur le marché du travail et ça ne s'est pas traduit par une dégradation des conditions de travail pour les salariés, ça s'est traduit au contraire par une augmentation du nombre d'emplois offerts. "
Le dividende universel, la fameuse idée de C. Boutin. Vous en pensez quoi ? 330 euros versés tous les mois à tous les Français, c'est une bonne ou une mauvaise idée ?
- "Je suis comme le Premier ministre, je pense que cette idée mérite d'être étudiée. Elle est généreuse"
Elle sera longuement étudiée ?
- "Non, non, mais on va l'étudier sérieusement. Je crois qu'il y a derrière le rapport de C. Boutin, une question fondamentale qui est posée, c'est la question de la solitude sociale. Au fond, comment faire pour que notre société évolue vers plus de solidarité, plus de chaleur. C'est la question de la condition humaine au 21ème siècle qui est posée. Alors est-ce que la réponse, c'est le versement d'une somme de 330 euros à tous les Français ? Je n'en suis pas convaincu. Mais je trouve que son rapport est extrêmement utile parce qu'il ouvre ce grand débat de la condition humaine. "
F. Fillon, les personnes âgées. Quand sera présenté le fameux plan pluriannuel ?
- "Dans les tous prochains jours. On est en train d'y travailler. C'est une affaire qui est extrêmement difficile parce que notre société, en réalité, se refuse à envisager les conséquences de son vieillissement. Et nous avons tous pensé qu'en rajoutant un peu d'argent ici, en mettant en place quelques dispositifs spécifiques, on allait résoudre cette question. En fait, c'est toute l'organisation de la société qui va changer, parce qu'il va y avoir beaucoup plus de personnes âgées, beaucoup moins d'actifs et donc tous les équilibres auxquels nous sommes habitués depuis des temps, très, très anciens, doivent être bouleversés. Donc c'est vraiment un travail difficile. Mais disons que dans les dix jours qui viennent, cette question sera sur le bureau du Premier ministre. "
Par solidarité, les revenus financiers doivent-ils être taxés ?
- "C'est ma conviction personnelle, je continue de le dire. Je pense que si nous devons demander aux salariés et aux entreprises, à travers un temps de travail supplémentaire, un effort supplémentaire, il faut que cet effort soit partagé par tout le monde. Alors il faut bien voir que ce sont des sommes qui ne sont pas considérables. J'ai vu qu'on nous reprochait - on me reprochait - d'avoir envisagé cette taxation du capital pour les personnes âgées alors que je l'avais refusé pour les retraites. Parce qu'on ne parle pas du tout des mêmes montants. S'agissant des besoins qui sont les nôtres pour financer la dépendance, cette taxation serait extrêmement faible, elle serait vraiment à la marge, mais elle aurait valeur de symbole dans une société qui est éprise d'équité. "
Le jour férié, l'idée est abandonnée ?
- "Non, non, ce n'est pas une idée abandonnée. Je crois que l'idée sur laquelle le gouvernement travaille, c'est l'idée d'un effort de travail supplémentaire, un effort de productivité supplémentaire pour augmenter la richesse nationale, pour financer une dépense nouvelle qui est celle de la dépendance. "
L'auditeur Jean-Paul, de Charente Maritime, 57 ans : Permettez-moi de vous poser une question au sujet des quinquagénaires chômeurs, car nous représentons 1 million en France. Et donc moi, j'ai commencé une belle petite révolte en Charente Maritime et il a fallu que je fasse neuf jours de grève de la faim, à la Direction Départementale du Travail et de l'Emploi à La Rochelle, pour que vous puissiez envoyer votre conseiller technique, qui s'appelle M. Calvez. Mais de votre part, vu les fax que je vous ai envoyés, le courrier que je vous ai envoyé depuis le 4 mars de cette année"
J.-J. Bourdin : Jean-Paul votre question, parce qu'on ne va pas rentrer, si on prend chaque cas individuel, on est perdu. Votre question sur le chômage des plus de 50 ans. Qui est une vraie
Jean-Paul : Alors le chômage des plus 50 ans, que comptez-vous faire étant donné que nous avions proposé quelques solutions, justement, c'est-à-dire pour tous ces quinquagénaires qui sont considérés comme trop vieux dans toutes les entreprises...
J.-J. Bourdin : Ca c'est vrai. Il y a des entreprises qui profitent de la mise en préretraite des plus de 50 ans. F. Fillon ?
- "Comme vous le savez, nous allons progressivement supprimer toutes les incitations à la préretraite, pour tenir compte de cette question, de l'allongement de la durée de la vie et des conséquences de la réforme sur les retraites. Deuxièmement, l'accord sur la formation professionnelle, que j'évoquais tout à l'heure, est très, très important pour donner aux salariés les plus âgés, les moyens de continuer dans l'entreprise. Parce que très souvent, ce qui se passe, c'est que leur formation devient inadaptée par rapport à l'évolution des technologies, par rapport à l'évolution de la société, par rapport à l'organisation du travail. Donc on va pouvoir donner une deuxième chance aux salariés les plus âgés en leur donnant les moyens de manière très individualisée de poursuivre une nouvelle formation. Troisièmement, nous avons maintenu les dispositifs de solidarité à l'égard des chômeurs les plus âgés, et les chômeurs de plus de 55 ans par exemple ne sont pas touchés par les mesures que nous prenons sur la limitation de la durée des allocations chômage. Et enfin, nous allons réunir dans quelques jours - je vais réunir dans quelques jours -, une table ronde avec les régions, les présidents des régions françaises et les partenaires sociaux, pour regarder comment, dans chaque région, prendre en main cette question du travail des salariés les plus âgés en cherchant des solutions les plus près du terrain, les plus locales possibles, parce que je crois qu'il y a beaucoup d'imagination qui est mal utilisée dans notre pays. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er octobre 2003)
- "C'est une affaire très, très difficile, parce que chacun est confronté à ses convictions personnelles, mais en même temps, il y a dans la société française, un besoin de parler de cette question et d'ouvrir un débat, pour regarder si la loi doit être modifiée ou si simplement il faut faire comme certains l'avaient suggéré des recommandations éthiques pour permettre d'encadrer des pratiques qui sont en réalité très nombreuses, mais qui se font dans l'anonymat et dans le silence. "
Vous comprenez donc J.-L. Debré qui demande l'organisation de ce débat à l'assemblée ?
- "Non seulement, je le comprends, mais"
Vous le soutenez ?
- "J'ai dit dès le début de cette affaire, parce qu'elle m'a émue et puis parce que je sais ce qui se passe dans beaucoup de lieux où des médecins, des infirmières, des familles sont confrontés à cette question et tentent de la résoudre avec les moyens du bord. J'ai dit que quelles que soient mes convictions personnelles sur cette question, je souhaitais qu'il puisse y avoir un débat en France. Alors peut-être pas immédiatement, il faut peut-être laisser retomber l'émotion liée à l'actualité. Mais on ne peut pas se voiler la face sur cette question. Il faut accompagner tous ceux qui souffrent et quand je pense à tous ceux qui souffrent, je ne pense pas seulement à ceux qui veulent la fin de leur existence, mais je pense à tous ceux qui sont amenés à les accompagner. "
Un débat jusqu'à une loi ?
- "Il faut voir, si cette loi est nécessaire. Aujourd'hui, je n'en sais rien, mais pour ma part, je n'exclus rien. "
Les politiques doivent se saisir de tous les débats ?
- "Bien sûr, parce que c'est leur rôle. C'est vrai que la vie ne nous appartient pas, mais c'est aussi notre rôle de constater que dans la société française aujourd'hui, l'euthanasie est une pratique qui n'est encadrée par aucune législation, ce qui conduit à laisser des gens seuls face à leur conscience et donc dans des conditions très, très difficiles. "
J.-P. Raffarin s'est trompé ?
- "Non, je crois que le Premier ministre a voulu dire qu'il n'y avait pas automatiquement une réponse législative et surtout je crois qu'il a voulu qu'on déconnecte cette réflexion d'un moment émotionnel lié à l'actualité trop forte. "
Oui, vous n'avez pas de conseil à lui donner ?
- "Non, seulement je n'ai pas de conseil à lui donner, mais je pense que le Premier ministre agit aujourd'hui avec beaucoup de courage, fait son devoir dans des conditions extrêmement difficiles et il a tout mon soutien. "
Bien. F. Fillon, c'est une mise au point qui était nécessaire. Le chômage : 9,6 %, en hausse, le chômage des femmes et des plus de 50 ans progresse. Je lis Libération, le titre à la Une ce matin : " Sale temps pour les chômeurs. Le gouvernement réduit les aides aux demandeurs d'emplois alors que leur nombre augmente."
- "Je crois que c'est exactement le contraire. Il y a aujourd'hui, pour les gens qui sont au chômage en France, plusieurs signes d'espoir qui sont très importants. Le premier, c'est que tous les pays développés - les ministres de l'Emploi de l'OCDE étaient réunis à Paris hier - sont d'accord pour dire que 2004 sera une année de retour de la croissance. Et en France, singulièrement, compte tenu en particulier de la démographie, 2004 sera une année d'inversion des courbes du chômage. Ce n'est pas une annonce que je fais comme ça, simplement en l'air, c'est le résultat de toutes les études que nous conduisons sur la situation de l'emploi. "
Le chômage à 10 % à la fin de l'année, vous n'y croyez pas ?
- "C'est possible que le chômage monte à 10 %, je n'en sais rien. Nous sommes sur la fin d'une période qui a duré un peu plus de deux ans, qui a commencé en 2001, de baisse de la croissance dans les pays développés, qui s'est traduit par une augmentation du chômage. On n'est pas aujourd'hui en mesure de prévoir de manière extrêmement précise à quel moment la courbe va s'inverser. Ce que l'on sait, c'est que c'est dans le début de 2004. Pour des raisons liées à la reprise économique dans le monde, mais aussi pour des raisons spécifiques liées à la politique de l'emploi que nous conduisons et pour des raisons qui sont liées à la démographie. Mais il y a une autre bonne nouvelle pour les chômeurs, c'est la signature de l'accord sur la formation professionnelle .."
La CGT a signé ?
- "... qui a été signé par la CGT. C'est-à-dire que toutes les organisations syndicales ont signé un accord, qui va permettre de donner aux personnes qui sont sans emploi, comme aux autres d'ailleurs, un droit individuel à la formation professionnelle. Et pour les chômeurs, c'est évidemment fondamental, parce que c'est une deuxième chance. Ce n'est pas en créant des emplois qui sont des emplois artificiels, ou en parquant les chômeurs dans des stages destinés à les sortir des statistiques, qu'on résout les problèmes du chômage. C'est en leur donnant des vrais outils pour occuper des emplois par exemple qui ne sont pas occupés aujourd'hui. Il y a 300 000 emplois vacants en France qui ne trouvent pas preneurs"
Alors que fait l'ANPE ?
- "L'ANPE elle fait ce qu'elle peut et elle le fait dans l'ensemble avec beaucoup d'efficacité"
Elle va être mise en concurrence ?
- "C'est l'application d'un texte international. Je crois que la concurrence est déjà réelle sur le marché du travail. L'ANPE aujourd'hui"
Donc vous confirmez, elle va être mise en concurrence ?
- "Bien sûr. [L'ANPE] ne place qu'une partie. C'est l'application d'un texte international que la France doit ratifier. Mais elle est déjà en concurrence, donc ce n'est pas le sujet. L'ANPE fait son travail, simplement, elle n'a pas forcément tous les outils à sa disposition pour donner aux chômeurs cette seconde chance que nous, nous voulons leur donner. Quand le Président de la République s'était engagé à créer ce qu'il avait appelé " une assurance emploi ", c'est ce que nous sommes en train de mettre en uvre. Les partenaires sociaux viennent de poser la première pierre et une pierre très, très importante. Nous, nous allons ajouter à l'automne une deuxième pierre avec un texte législatif qui consacrera ce droit nouveau à la formation professionnelle, qui peut permettre à un chômeur de se reconvertir dans un secteur où il y a du travail. Aujourd'hui, il y a du travail dans le bâtiment, il y a du travail dans la restauration, il y a du travail dans l'aide aux personnes âgées, il y a énormément de gisements d'emplois qui ne sont pas suffisamment exploités. "
Alors parlons des chômeurs, l'attribution de l'Allocation de Solidarité Spécifique. Je lis le mail que nous envoie Alain, qui habite à Troyes dans l'Aube. En réduisant l'ASS, Allocation de Solidarité Spécifique, F. Fillon, ne fait que transférer des dépenses de l'Etat vers les collectivités locales et en diminuant le montant de cette allocation, l'Etat va économiser 150 millions, mais les collectivités locales, elles, vont être obligées d'augmenter les impôts locaux ?
- "C'est tout à fait inexact. Car nous avons désormais l'obligation - c'est nous-mêmes qui avons fait voter ce texte -, de compenser intégralement les charges qui sont transmises aux collectivités locales. Mais ce n'est pas une question de transfert d'argent entre l'Etat ou les collectivités locales. D'ailleurs, c'est toujours le même contribuable qui paie. C'est une question d'organisation et d'efficacité. Est-ce qu'il est nécessaire, est-ce qu'il est souhaitable qu'une personne au chômage soit indemnisée indéfiniment ? Autrement dit, quand vous êtes au chômage depuis cinq ans, est-ce que le problème est simplement de continuer à vous verser une indemnisation ou est-ce que c'est d'essayer de vous mettre dans un autre système qui vous ramène vers l'emploi ? Et donc nous créons un nouvel outil qui s'appelle le Revenu Minimum d'Activité, qui est destiné justement à essayer de sortir les gens qui sont au chômage depuis très longtemps, qui sont très éloignés de l'emploi, pour les ramener vers l'emploi. Nous, nous pensons qu'un système d'indemnisation du chômage indéfini, à l'exception des personnes qui sont proches de l'âge de la retraite, pour lesquelles nous maintenons ce système sans limite, n'est pas un service à rendre aux chômeurs. Quand on est au chômage depuis trop longtemps, il faut pour rebondir, des outils spécifiques. Et cet outil spécifique, ce sera le Revenu Minimum d'Activité. "
Il est 8 heures 41, F. Fillon est notre invité ce matin. Vous continuez à envoyer vos mails.. nous sommes ensemble dans deux ou trois minutes.
[Deuxième et dernière partie]
F. Fillon, j'ai un mail de Michael qui nous écrit des Bouches du Rhône. " M. Fillon, je crois que vous, les politiciens vous n'êtes pas dans notre monde. Vous vous étonnez que les gens travaillent au noir. Je suis petit patron. On n'a pas le choix, si on veut vivre correctement, car les impôts en hausse en permanence, les charges, toutes les taxes, stop, stop, nous essayons de développer nos petites entreprises, redescendez sur terre. "
- "Oui, on est sur terre, et ce qu'on essaie de faire justement, c'est de réduire les charges, de réduire les impôts. Je note d'ailleurs que c'est un débat qui ne fait pas l'unanimité. Mais s'agissant du travail, depuis que j'ai en charge le ministère du travail, nous avons augmenté de façon très importante les allégements de charges, qui se montent aujourd'hui à plus de 15 milliards d'euros et qui permettent, réellement, et il faut que ce chef d'entreprise le regarde sur les chiffres de son entreprise. Une entreprise qui aujourd'hui, fait travailler beaucoup de personnes au SMIC ou proche du SMIC, a droit depuis le 1er juillet à un dispositif d'allégement de charges qui fait baisser le coût du travail, alors pas de manière spectaculaire, mais qui le fait baisser, alors que depuis des années et des années, il ne fait qu'augmenter. Nous allons continuer dans cette voie, simplement, on est obligé d'y aller au rythme de nos ressources financières et on sait que le déficit budgétaire français est important. Mais c'est bien la voie ; la voie c'est de faciliter"
Vous allez donc continuer à réduire les charges des entreprises ?
- "On réduit les charges sur les bas salaires"
Mais comment ? Il y a de nouvelles mesures qui sont en préparation ?
- "Alors dans le budget que je vais présenter au Parlement, il y a 1 milliard d'euros supplémentaires allégements de charges qui vient s'ajouter à la quinzaine de milliards d'euros qui existaient déjà. Nous avons créé les emplois sans charges pour les jeunes. Donc les jeunes sans qualification peuvent être recrutés pendant trois ans, sans aucune charge sociale. Et nous allons continuer cet effort, mais on ne peut pas naturellement aller vers un système dans lequel il n'y aurait pas de charges, parce que s'il n'y a pas de charges, il n'y a pas de protection sociale. "
Et les 35 heures... Est-ce que les entreprises vont pouvoir, au sein même de l'entreprise, renégocier les 35 heures ?
- "Aujourd'hui, les entreprises peuvent déjà renégocier les heures supplémentaires. Moi, je souhaite que l'on puisse aller plus loin. Mais pour aller plus loin, il faut simplifier et il faut rendre plus démocratiques les règles de la négociations collectives. Aujourd'hui, vous savez qu'on a un vieux système hérité du passé, qui fait qu'il y a cinq grandes organisations syndicales dans notre pays, c'est un système figé pour toujours. Et puis on peut passer des accords avec une de ces organisations et ça suffit pour que ces accords s'appliquent à tout le monde. Cela marchait très bien dans un système où c'était l'Etat qui décidait tout, et pas les partenaires sociaux. Si on veut transférer aux partenaires sociaux la responsabilité, par exemple, de décider de la durée du travail l'entreprise ou dans une branche, alors il faut que ce soit un peu plus démocratique, il faut qu'au moins la majorité des organisations syndicales ou la majorité des salariés se prononcent sur la validité de ces accords. C'est ce que je veux faire, j'entame aujourd'hui des consultations avec les organisations syndicales et je voudrais présenter, avant la fin de l'année, un texte de loi qui permettrait de donner beaucoup plus de liberté aux partenaires sociaux sur le terrain, notamment dans les entreprises pour négocier des questions aussi fondamentales que le temps de travail, que l'organisation du travail, mais sur des bases qui soient plus démocratiques et qui tiennent compte de la réalité de la représentativité syndicale. "
Oui, réforme du dialogue social c'est cela ?
- "Voilà. "
Trois syndicats sur cinq nécessaires pour entériner un accord ?
- "Au niveau des branches C'est effectivement la majorité des syndicats et on pourrait imaginer, puisque les syndicats se sont eux-mêmes tournés vers cette solution, que dans les entreprises, dans un certain nombre de cas, ce soit la majorité des salariés qui soit nécessaire pour mettre en uvre un accord. "
Vous mettez à plat les 35 heures finalement. Vous faites doucement disparaître cette loi ?
- "Nous, nous pensons que c'est une erreur considérable, qui a coûté très, très cher à notre pays, pas seulement s'agissant de la compétitivité des entreprises, mais aussi du coût financier et vous voyez, je disais tout à l'heure que j'étais hier avec tous les ministres du Travail des pays de l'OCDE, donc des 30 pays développés, nous sommes seuls avec nos 35 heures et inutile de vous dire que personne n'a même prononcé le mot " réduction du temps de travail " pendant ces deux jours de réunion des ministres du Travail à l'OCDE, comme étant une solution au problème de l'emploi. "
Le travail au noir, le travail clandestin, si vous préférez. 500 inspecteurs du travail pour 15 millions de salariés, ça fait peu d'inspecteurs pour beaucoup de salariés. Il faut engager là, alors que vous voulez réduire le nombre de fonctionnaires ? Mais là, il faudrait engager ?
- "D'abord on ne réduit le nombre d'inspecteurs du travail. "
Non, non, non, mais de fonctionnaires.
- "Il y a des domaines où on a besoin de plus de monde, l'Inspection du Travail peut en être un. Ce que l'on souhaite surtout, ce que je souhaite surtout, c'est qu'il y ait une articulation et meilleure articulation entre tous les services de l'Etat, qui ont un rôle à jouer. Parce que demander à l'Inspection du Travail, seule, de lutter contre le travail au noir, ce n'est pas réaliste. Il faut que tous les services de l'Etat - les services de sécurité, le fisc - soient mobilisés. C'est ce que N. Sarkozy a commencé à faire en mettant en place ses Groupements d'Intervention Régionaux. Pour l'instant, ils n'agissent pas dans le domaine du travail clandestin, encore que si, ils le font à travers"
L'économie souterraine.
- "A travers la lutte contre l'économie souterraine. Moi, je souhaite qu'il y ait beaucoup plus de coopération entre l'ensemble des services de l'Etat, même si, naturellement, il faudra à l'avenir renforcer les moyens de l'Inspection du Travail. "
Et vos CDD de longue durée ? J'ai entendu les réactions des syndicalistes, notamment de M. Blondel qui dit : " Voilà, on est en train d'institutionnaliser la précarité. "
- "Oui, mais la précarité, c'est aujourd'hui une réalité dans notre société. Moi, je voudrais plutôt qu'elle soit plus organisée, pour qu'elle soit moins précaire d'une certaine manière. Il y a aujourd'hui beaucoup de sujets, sur lesquels, quand une entreprise se lance dans le développement d'un nouveau produit, elle ne sait pas si ce nouveau produit va réussir. Elle hésite donc à le faire, parce qu'elle sait, qu'elle va devoir embaucher, par exemple, une équipe de chercheurs, une équipe d'ingénieurs et qu'elle va devoir le faire, quel que soit le résultat des travaux qu'ils vont conduire. Alors qu'est-ce qui se passe ? Dans beaucoup de cas, les entreprises renoncent à faire ces recherches et ces travaux, ou alors elle externalise. C'est-à-dire qu'elles se font prêter de la main d'uvre par d'autres entreprises, dans des conditions qui sont d'ailleurs à la limite de la légalité. Moi, je pense qu'il faut ouvrir ce débat avec les partenaires sociaux et regarder ce qui se fait dans beaucoup de pays. Comment mettre en place des contrats de travail, d'une certaine durée, d'une durée de projets qui permettraient aux entreprises d'embaucher plus facilement. "
Quelle durée ? Durée du contrat ?
- "On a parlé de contrat de trois ans ou de contrat de cinq ans"
Trois ans, cinq ans. Des CDD de trois ans ou cinq ans ?
- "Ce n'est pas une annonce que je fais, ce n'est pas un projet que le Gouvernement a. C'est un débat que je veux ouvrir avec les partenaires sociaux, mais je crois vraiment que nous avons besoin de cette souplesse. Regardons ce qui se passe dans les pays qui nous entourent. Pourquoi, est-ce qu'on a depuis 15 ans, un taux de chômage toujours plus élevé que les autres pays européens, quelle que soit la croissance ? Parce qu'on a un système trop rigide"
Pas de souplesse.
- "Nos voisins britanniques, aujourd'hui, ont un taux de chômage de 4,5 %, nos amis danois ont un taux de chômage de 4 %. Parce qu'ils ont su introduire plus de souplesse sur le marché du travail et ça ne s'est pas traduit par une dégradation des conditions de travail pour les salariés, ça s'est traduit au contraire par une augmentation du nombre d'emplois offerts. "
Le dividende universel, la fameuse idée de C. Boutin. Vous en pensez quoi ? 330 euros versés tous les mois à tous les Français, c'est une bonne ou une mauvaise idée ?
- "Je suis comme le Premier ministre, je pense que cette idée mérite d'être étudiée. Elle est généreuse"
Elle sera longuement étudiée ?
- "Non, non, mais on va l'étudier sérieusement. Je crois qu'il y a derrière le rapport de C. Boutin, une question fondamentale qui est posée, c'est la question de la solitude sociale. Au fond, comment faire pour que notre société évolue vers plus de solidarité, plus de chaleur. C'est la question de la condition humaine au 21ème siècle qui est posée. Alors est-ce que la réponse, c'est le versement d'une somme de 330 euros à tous les Français ? Je n'en suis pas convaincu. Mais je trouve que son rapport est extrêmement utile parce qu'il ouvre ce grand débat de la condition humaine. "
F. Fillon, les personnes âgées. Quand sera présenté le fameux plan pluriannuel ?
- "Dans les tous prochains jours. On est en train d'y travailler. C'est une affaire qui est extrêmement difficile parce que notre société, en réalité, se refuse à envisager les conséquences de son vieillissement. Et nous avons tous pensé qu'en rajoutant un peu d'argent ici, en mettant en place quelques dispositifs spécifiques, on allait résoudre cette question. En fait, c'est toute l'organisation de la société qui va changer, parce qu'il va y avoir beaucoup plus de personnes âgées, beaucoup moins d'actifs et donc tous les équilibres auxquels nous sommes habitués depuis des temps, très, très anciens, doivent être bouleversés. Donc c'est vraiment un travail difficile. Mais disons que dans les dix jours qui viennent, cette question sera sur le bureau du Premier ministre. "
Par solidarité, les revenus financiers doivent-ils être taxés ?
- "C'est ma conviction personnelle, je continue de le dire. Je pense que si nous devons demander aux salariés et aux entreprises, à travers un temps de travail supplémentaire, un effort supplémentaire, il faut que cet effort soit partagé par tout le monde. Alors il faut bien voir que ce sont des sommes qui ne sont pas considérables. J'ai vu qu'on nous reprochait - on me reprochait - d'avoir envisagé cette taxation du capital pour les personnes âgées alors que je l'avais refusé pour les retraites. Parce qu'on ne parle pas du tout des mêmes montants. S'agissant des besoins qui sont les nôtres pour financer la dépendance, cette taxation serait extrêmement faible, elle serait vraiment à la marge, mais elle aurait valeur de symbole dans une société qui est éprise d'équité. "
Le jour férié, l'idée est abandonnée ?
- "Non, non, ce n'est pas une idée abandonnée. Je crois que l'idée sur laquelle le gouvernement travaille, c'est l'idée d'un effort de travail supplémentaire, un effort de productivité supplémentaire pour augmenter la richesse nationale, pour financer une dépense nouvelle qui est celle de la dépendance. "
L'auditeur Jean-Paul, de Charente Maritime, 57 ans : Permettez-moi de vous poser une question au sujet des quinquagénaires chômeurs, car nous représentons 1 million en France. Et donc moi, j'ai commencé une belle petite révolte en Charente Maritime et il a fallu que je fasse neuf jours de grève de la faim, à la Direction Départementale du Travail et de l'Emploi à La Rochelle, pour que vous puissiez envoyer votre conseiller technique, qui s'appelle M. Calvez. Mais de votre part, vu les fax que je vous ai envoyés, le courrier que je vous ai envoyé depuis le 4 mars de cette année"
J.-J. Bourdin : Jean-Paul votre question, parce qu'on ne va pas rentrer, si on prend chaque cas individuel, on est perdu. Votre question sur le chômage des plus de 50 ans. Qui est une vraie
Jean-Paul : Alors le chômage des plus 50 ans, que comptez-vous faire étant donné que nous avions proposé quelques solutions, justement, c'est-à-dire pour tous ces quinquagénaires qui sont considérés comme trop vieux dans toutes les entreprises...
J.-J. Bourdin : Ca c'est vrai. Il y a des entreprises qui profitent de la mise en préretraite des plus de 50 ans. F. Fillon ?
- "Comme vous le savez, nous allons progressivement supprimer toutes les incitations à la préretraite, pour tenir compte de cette question, de l'allongement de la durée de la vie et des conséquences de la réforme sur les retraites. Deuxièmement, l'accord sur la formation professionnelle, que j'évoquais tout à l'heure, est très, très important pour donner aux salariés les plus âgés, les moyens de continuer dans l'entreprise. Parce que très souvent, ce qui se passe, c'est que leur formation devient inadaptée par rapport à l'évolution des technologies, par rapport à l'évolution de la société, par rapport à l'organisation du travail. Donc on va pouvoir donner une deuxième chance aux salariés les plus âgés en leur donnant les moyens de manière très individualisée de poursuivre une nouvelle formation. Troisièmement, nous avons maintenu les dispositifs de solidarité à l'égard des chômeurs les plus âgés, et les chômeurs de plus de 55 ans par exemple ne sont pas touchés par les mesures que nous prenons sur la limitation de la durée des allocations chômage. Et enfin, nous allons réunir dans quelques jours - je vais réunir dans quelques jours -, une table ronde avec les régions, les présidents des régions françaises et les partenaires sociaux, pour regarder comment, dans chaque région, prendre en main cette question du travail des salariés les plus âgés en cherchant des solutions les plus près du terrain, les plus locales possibles, parce que je crois qu'il y a beaucoup d'imagination qui est mal utilisée dans notre pays. "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 1er octobre 2003)