Texte intégral
Béatitude,
Monsieur le Président,
Eminences,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
C'est un honneur et une joie de recevoir Votre Béatitude en ce palais des Affaires étrangères, à l'occasion de votre troisième visite officielle en France, qui s'inscrit dans une immémoriale et bien vivante tradition. Car les liens de la France avec les chrétiens d'Orient, et tout particulièrement les maronites, ont traversé les siècles.
Permettez-moi de souhaiter également la bienvenue aux hautes personnalités qui vous accompagnent et à tous ceux qui sont si naturellement venus vous entourer ce soir et vous dire leur respect, leur amitié et leur affection.
J'ai ressenti, Béatitude, dans l'entretien si chaleureux que nous venons d'avoir, toute la force de ce qui nous rapproche. Vous savez que le Liban, ''si cher au cur de la France'', comme aimait à le dire le général de Gaulle, est aussi une passion française et le président de la République, Jacques Chirac, vous l'a rappelé.
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Que de chemin parcouru depuis vos deux dernières visites officielles, en 1986 et en 1994 ! Le Liban revit aujourd'hui et vous ne cessez de l'accompagner en jouant un rôle majeur dans cette renaissance.
Après les pages sombres d'une guerre cruelle, votre pays se réconcilie avec lui-même. Vous avez été un artisan important de ces retrouvailles en engageant le dialogue, en saisissant les mains qui se tendaient. Votre visite en août 2001 dans le Chouf, un des berceaux de l'identité libanaise, est emblématique de cette démarche qui vous honore.
Le synode maronite que vous avez convié en juin dernier a réaffirmé des choix fondamentaux : la coexistence, l'cuménisme, le dialogue islamo-chrétien, l'insertion dans le monde arabe et, bien sûr, l'ouverture à l'Occident. Autant de choix qui sont au cur de l'identité libanaise et, au-delà, de l'évolution du monde d'aujourd'hui. Ce synode a souligné combien votre communauté, présente dans le monde entier à travers l'expansion libanaise sur les cinq continents, était engagée à relever les défis de la profonde mutation qu'elle a connue.
Le Liban a su renouer aussi avec son héritage démocratique en revivifiant ses institutions. Cette tradition est indissociable de la personnalité même du Liban ; elle constitue l'un des plus forts atouts de votre pays. Vous avez invité les maronites à prendre toute leur part dans ce renouveau politique avec l'ensemble des communautés libanaises. Cette démocratie est à la fois le résultat, mais aussi la garantie, de la coexistence pacifique et constructive des religions et des opinions libanaises. La poursuite de cette ouverture, la consolidation de l'Etat de droit doivent permettre à toutes les sensibilités d'être représentées et de s'exprimer librement.
Les prochaines échéances électorales, présidentielles à la fin de 2004 et législatives au printemps 2005, constitueront l'occasion de démontrer aux yeux du monde que le Liban, fidèle à ses valeurs, respecte pleinement les règles constitutionnelles et démocratiques.
Avec le plein soutien de la France, votre pays s'est aussi engagé sur la voie du redressement financier. La Conférence de Paris II, organisée en novembre dernier à l'initiative du président de la République, a permis l'expression d'un soutien massif de la communauté internationale avec, rapidement, des conséquences positives pour l'économie libanaise. Il faut poursuivre sur cette lancée en mettant en avant les réformes annoncées, notamment les privatisations, afin de poursuivre le processus de restauration du crédit du Liban auprès de la communauté internationale et d'éloigner les risques de crise économique et financière. Les autorités libanaises doivent être en mesure de mener à bien cette politique courageuse que toutes les forces politiques du pays doivent soutenir.
Il faut également apaiser l'inquiétude qui s'exprime dans de larges franges de la population, et notamment la jeunesse, et dont, Béatitude, vous vous faites régulièrement l'écho. Cette inquiétude alimente une émigration qui prive le Liban de certains de ses éléments parmi les plus brillants. La diaspora libanaise constitue, sans nul doute, l'une des richesses de votre pays. Mais il est essentiel que tous les Libanais du Liban, comme de l'étranger et particulièrement les jeunes, témoignent de leur confiance dans leur pays et mettent leur énergie à son service en s'y investissant puissamment.
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Le Liban a enfin retrouvé toute sa place dans le concert des nations. Il a accueilli l'année dernière le Sommet arabe et celui de la Francophonie, deux événements emblématiques de son identité plurielle. Vous en avez été le témoin attentif. Votre pays est redevenu cet indispensable pont entre Orient et Occident, christianisme et islam, modernité et tradition. Il a tout naturellement renoué avec sa mission au service du dialogue des cultures et des religions et au service de la paix. Et dans ces temps incertains où le monde est soumis aux crises identitaires et au risque d'une confrontation des civilisations, nous savons combien cette volonté de dialogue, de respect de l'autre et la tolérance constituent des atouts sans égal.
Le Liban a recouvré son intégrité territoriale avec le retour en son sein de territoires trop longtemps occupés, au sud. Comme vous, nous souhaitons que le Liban vive dans un environnement de paix avec tous ses voisins. La France continuera à uvrer au service de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique du pays du Cèdre.
La force et l'ancienneté de relations historiques, culturelles, économiques et humaines justifient la préservation de liens privilégiés entre le Liban et la Syrie. Il est cependant nécessaire que ceci se fasse dans le plein respect de la souveraineté et de l'indépendance de chacun, comme le souligne le Traité de fraternité, de coopération et de coordination signé entre ces deux pays en 1991. Il est donc essentiel que la redéfinition des relations entre les deux pays se poursuive conformément aux accords de Taëf et au droit international.
La France, vous le savez, ne cesse d'agir et de mobiliser la communauté internationale pour que le Proche et le Moyen-Orient surmontent les conflits qui les minent et les affaiblissent. Votre parole toujours sage, votre message de paix et de tolérance nous aident et nous encouragent à poursuivre nos efforts pour l'avènement d'une paix juste et globale dans la région.
Ce sont là autant de raisons d'espérer pour l'avenir du Liban, dans lequel nous croyons plus que jamais.
Je lève donc mon verre en l'honneur de sa Béatitude éminentissime, le Cardinal Mar Nasrallah Boutros Sfeir, patriarche maronite d'Antioche et de tout l'Orient, en l'honneur de la communauté maronite dont vous êtes le chef spirituel, en l'honneur de toutes les communautés du Liban réunies, du Liban tout entier, cher au coeur de la France et des Français, et de l'amitié qui unit si solidement nos deux pays.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2003)