Texte intégral
Mes chers camarades, ça y est, nous y sommes à ce congrès que nous avons tant attendu, tant préparé pendant un an, souvent avec des débats vifs, mais je crois que c'est cela aussi la force de notre parti.
Salut à vous tous qui, depuis hier, montrez bien comment, vous le savez, ce congrès est décisif pour la gauche. Décisif parce qu'il arrive un an après ce 21 avril qui nous a tous meurtris. Décisif parce que nous devons enfin être à la hauteur pour combattre une droite qui met en place la régression sociale. Mais décisif aussi parce que, lorsqu'on regarde le monde autour de nous, et ce ne sont pas les derniers attentats au Maroc, après cette inacceptable, indicible guerre en Irak qui nous dira le contraire, le monde est en crise.
C'est pourquoi, vous l'avez dit depuis ce matin et c'est vrai, nous devons ici voir renaître la gauche. Parce que nous avons beaucoup débattu, il est temps aujourd'hui de s'adresser aux Français.
Nous avons au moins, je le crois, un point largement commun : notre analyse du 21 avril. Nous savons, oui, que nous avons occulté le malaise profond des classes populaires, de ceux qui nous ont laissé parce qu'ils ont eu eux aussi l'impression que nous les avions oubliés ou abandonnés.
Oui, nous avons aussi sous-estimé, et ceci est le plus grave car cela continue aujourd'hui en France, cette société qui vit une crise politique et démocratique qui n'a jamais existé auparavant où l'individualisme, les corporatismes l'emportent sur les aspirations collectives. Une société où la tyrannie d'urgence et la rentabilité financière privilégient le court terme par rapport à la préparation de l'avenir. Une société, mais il faut le dire, où l'absence de morale à tous niveaux et au plus haut niveau, tu l'avais dit, Arnaud, et tu avais raison de le dire dès alors, où la fraude, la triche aujourd'hui s'imposent au point de ne pas paraître contestée. Une société où les politiques eux-mêmes ont trop souvent dit qu'ils étaient impuissants. Mes chers camarades, si le 21 avril a été dramatique, s'il l'est encore aujourd'hui, c'est parce que la droite, par sa politique, accentue encore l'humiliation des classes populaires et la division de notre pays.
L'humiliation de ces couches populaires qui, tous les jours, sont rejetées un peu plus loin de notre société, parce que la droite a abandonné le combat du chômage. Elle l'a abandonné lorsqu'elle a préféré baisser les impôts plutôt qu'augmenter les bas salaires, elle l'a abandonné lorsqu'elle a supprimé les emplois-jeunes, supprimé les emplois d'insertion, arrêté les 35 heures, dont je redis devant vous que je suis affirmative pour dire qu'il s'agit là d'une grande réforme de société, d'une grande réforme de gauche, et que nous devrons reprendre, mes camarades, lorsque nous arriverons au pouvoir. Nous le disons : il faudra le faire.
Rappelez-vous ce que disait Chirac : les 35 heures, c'est la faute aux 35 heures si les salaires n'augmentent pas plus. Aujourd'hui, les Français le voient : ils n'ont plus les 35 heures, ils n'ont pas non plus les salaires. Voilà ce que dit Chirac, voilà la politique du gouvernement !
Et que dire, mes camarades, de ces couches populaires qui, tous les jours, et nous sommes bien placés dans le nord pour le savoir, avec Metal Europ, Leverse*, Stain* et bien d'autres, qui, tous les jours, voient défiler les licenciements, quand un feu vert politique leur a été donné en arrêtant la loi de modernisation sociale et quand le gouvernement, premier licencieur de France, lorsqu'il annonce 30 000 emplois en moins dans l'Education nationale où un remplacement sur deux seulement pour les salariés fonctionnaires partis à la retraite.
Alors, mes camarades, si je parle aujourd'hui autant de la droite, c'est parce que ma conviction, mon inquiétude, c'est que la droite qui humilie sans cesse les plus pauvres lorsqu'elle ne les stigmatise pas, la droite continue aussi à diviser notre pays au moment où nous devrions retrouver du sens collectif.
On oppose les jeunes et les moins jeunes, le secteur public au secteur privé, les prostituées aux riverains et, il faut le dire là aussi, les Français aux étrangers, et la liste pourrait être longue.
Alors que, parallèlement, nous devrions renforcer le sens collectif, la droite met à bas les piliers du pacte républicain, les services publics, qui sont les premières victimes de cette réduction d'impôts qui entraîne des déficits, et qui entraîne ces réductions d'effectifs.
L'État démantelé quand la décentralisation est une décentralisation pour convenance budgétaire, mettant à bas l'égalité de tous, d'accès de tous aux services publics, en n'acceptant pas une péréquation entre les collectivités riches et les collectivités pauvres. Voilà ce qui est en train d'être rivalisé aujourd'hui.
Ces services publics, fondement, avec la Sécurité sociale, de notre République, le déremboursement des médicaments utiles, on n'en a pas assez parlé, et pourtant, qu'est-ce que cela veut dire ? Que demain, on ne protègera plus les maladies courantes, les petits risques et que nous allons casser la Sécurité sociale.
On nous prépare une réforme des hôpitaux qui laissera aux cliniques ce qui est rentable et aux hôpitaux ce qui est coûteux et le soin des plus pauvres, sans parler bien sûr (et pourquoi n'avons-nous pas réagi avec plus de force ?) la suppression de la couverture médicale gratuite pour les sans-papiers.
Oui, c'est comme ça qu'on en arrive à tous les piliers de notre cohésion sociale, et en particulier aux retraites. Là, je crois que tout a été dit. Une réforme, il la faut, il faut le dire et avoir le courage de le dire. Cette réforme, il faut l'abolir, il faut demander au gouvernement de renoncer à la réforme Fillon, celle qui met en place la capitalisation, celle qui, loin de revenir sur les lois Balladur, la conforte, celle qui refuse de soigner mieux ceux qui ont travaillé tôt, et nous avons eu tort de ne pas faire cette retraite à 40 ans pour ceux qui ont eu des emplois pénibles ou ont commencé tôt, celle qui refuse aujourd'hui d'augmenter les retraites les plus basses.
Je crois que, sur les retraites, les Français ne laisseront pas faire. Quels que soient les arrangements avec quelques organisations syndicales, nous devons nous battre unanimement pour une seule chose : le retrait du projet Fillon.
Alors, mes camarades, à force d'humiliation, de division, de clientélisme, la droite aujourd'hui accroît le 21 avril et, nous le savons, ouvre la porte demain à tout ce qui est possible du populisme aux extrémismes. D'où notre responsabilité à construire une politique alternative.
Nous avons beaucoup débattu, eh bien maintenant, il est temps d'agir. Le socialisme n'est pas à recréer, il est à retrouver. Retrouvons nos valeurs, ce sont nos armes principales : la liberté, l'égalité, la solidarité, la fraternité. Mais le reste, nous savons aussi ce que c'est, c'est affaire de volontarisme et de courage, c'est là l'honneur de la politique, c'est là l'honneur du socialisme.
Un mot sur quelques combats qui doivent nous garder toute notre dimension dans les semaines qui viennent : le travail, l'emploi, nous le disons dans notre texte : le chômage doit être notre premier combat, les salaires doivent augmenter. Et Henri, je te le dis, puisque nous avions mené ce combat ensemble, oui, nous l'avons inscrit, la réforme des cotisations patronales sur la valeur ajoutée pour pouvoir enfin augmenter les salaires des plus modestes.
Nous allons aussi, nous l'avons dit, faire reculer la précarité. Permettez-moi sur ce sujet du travail, mes camarades, de vous dire aussi qu'au-delà du travail qui permette de vivre et de vivre dignement, le travail, c'est aussi la valorisation de soi, la capacité d'être reconnu, d'être digne, d'être utile socialement. C'est ce que nous disent tous les jours les exclus.
Mais comment aujourd'hui se sentir digne dans des entreprises qui ne valorisent plus la création de nouveaux produits, l'acquisition de nouveaux marchés, mais qui n'ont que comme seul objectif la distribution de stock-options et de rentabilité à court terme.
Voilà aussi le malaise de ce libéralisme qui met à bas, y compris le travail qu'il est censé défendre quand on entend le Medef.
Notre deuxième combat, mes camarades, vous l'avez tous dit, ce sont les services publics, et je me réjouis que le texte de François Hollande aille très loin là-dessus. En disant non aux privatisations, en demandant à l'Europe d'arrêter d'avancer sur le combat contre les services publics et d'imposer dans notre pays une loi qui donnera à tous les services publics des obligations en termes de non-discrimination, en termes de qualité et en termes de prix.
C'est là aussi, en défendant ces services publics, que nous défendons la République. Cette République, mes camarades, vous l'avez dit, elle est actuellement démantelée et cassée, elle est aussi fragilisée par une insuffisante présence de la laïcité.
Et là, certains l'ont dit, et je le répète : pourquoi avons-nous tardé à reconnaître le droit de vote des étrangers ou la suppression de la double peine ? Peut-être parce que nous avions peur, nous a-t-on dit, de l'extrême-droite, eh bien nous l'avons eu l'extrême-droite, le 21 avril, mes amis, à force d'oublier ce que nous sommes.
Alors, battons-nous pour que la laïcité redevienne une valeur rayonnante de notre République. Opposons-nous aux tentations de Sarkozy qui changerait bien la quiétude dans les quartiers contre un communautarisme qu'il est en train de mettre en place.
Retrouvons la véritable laïcité, celle qui bien évidemment respecte toutes les religions et les croyances, à condition que celles-ci respectent les lois de la République, ne veulent pas les remplacer, mais aussi respectent nos valeurs communes.
Là, mes chers camarades, j'ai peut-être un désaccord avec certains, et je souhaiterais que nous en débattions car je crois qu'il n'est pas suffisant de s'insurger contre le foulard ou contre les extrémismes pour les faire reculer. Ces sujets sont graves, compliqués, ils méritent en tout cas que nous ayons un débat et que nous ne nous arrêtions pas à des solutions trop simples.
En tout cas, moi, je sais une chose, c'est que les extrémismes et le foulard, en France comme ailleurs, ils naissent d'abord là où existe l'humiliation, là où vivent les discriminations, là où l'on vit dans la misère. Et là aussi, la laïcité a la réponse, par la présence des services publics, par la même chance à chaque enfant dans l'école, par l'amélioration de la qualité de vie dans les cités en refusant toute discrimination, et je me réjouis que Malek nous ait rejoints car il sait, et il nous aidera à être encore meilleurs en la matière.
Oui, en France comme ailleurs, nous nous battrons contre les extrémismes, contre ces manifestations, comme le foulard, nous nous battrons, non pas en criant, mais tout simplement en faisant en sorte que les services publics donnent à chacun la même chance. Pour cela, il nous faut réhabiliter l'impôt et il nous faut des impôts justes pour des services publics forts.
Quand nous avons applaudi tous ensemble, ce matin, Bernard Thibault, nous avons voulu dire tous ensemble que, sur toutes les questions, y compris sur celles-là, il y a une réponse dans la question sociale. Je crois que nous ne devons pas l'oublier dès lundi.
Alors, l'Europe maintenant, parce que, et là je voudrais m'adresser à Arnaud pour dire qu'il faut que nous continuions ce débat car, ou nous nous comprenons mal, ou nous avons vraiment des désaccords.
Etre socialiste, c'est être universaliste, nous ne pouvons pas tomber dans l'euro-béatitude, et nous ne le faisons pas. Mais nous ne pouvons pas non plus oublier ce qu'est l'Europe, cette Europe qui est née de la convergence du mouvement ouvrier et de l'humanisme des philosophes du XVIIIe siècle. Nous ne pouvons pas, mes camarades, oublier que seule l'Europe porte en elle le volontarisme d'hommes et de femmes qui créent dans leur esprit une société et qui trouvent ensuite les moyens d'y arriver. Une Europe qui ne croit pas aux mécanismes automatiques du marché comme les Etats-Unis, une Europe qui ne croit pas à la fatalité portée par certains pays asiatiques et africains.
Où est le volontarisme ? Il est né en Europe. Il est né du mouvement ouvrier, il est né du mouvement socialiste. En tant que socialiste, si aujourd'hui, je ne trouve pas mon compte dans cette Europe, je pense qu'il faut se battre pour qu'elle soit politique, pour qu'elle soit sociale, pour qu'elle soit fédérale, pour faire reculer la misère et la paix. Je ne crois pas, moi, à la Providence, je crois au courage politique, je crois à l'engagement. C'est pourquoi je me battrai pour cette Europe-là.
Alors, mes camarades, pour cela, nous avons besoin d'un grand parti, nous l'avons tous dit. Les militants, on les a entendus, et tant mieux, et merci, François, d'avoir organisé ainsi le congrès. Mais les militants sont exigeants pour être formés, informés, écoutés, entendus, ça nous l'avons pris en compte. Peut-être, François, pourra-t-on encore aller plus loin sur la parité, le cumul des mandats.
Il y a autre chose que j'ai envie de vous dire, mes chers camarades : il n'y a pas d'un côté les militants, et de l'autre côté, je ne sais quel dirigeant, il y a aussi ce que nous devons faire ensemble : trouver un nouveau militantisme. Partout, dans nos villes, nous entendons d'abord ceux qui ont la force de s'exprimer. Alors, le militantisme, c'est d'aller vers ceux qui se taisent parce qu'ils ont l'impression que nous-mêmes ne les entendons pas. C'est d'organiser partout des débats pour que le civisme renaisse des débats sur l'installation d'une place au plus près d'un quartier, des débats sur l'eau, sur l'environnement, sur la bioéthique au niveau national. C'est d'être dans les syndicats, dans les luttes, c'est être auprès des associations.
Ce nouveau militantisme, ce n'est pas une partie du Parti qui doit la construire, c'est nous tous qui devons effectivement la porter.
Et puis, et j'en terminerai par là, nous avons, en notre sein, des atouts. N'oublions pas que les jeunes ne se retrouvent plus en nous. Peut-être parce que, contrairement à ce que pense la droite, ils ne portent pas la violence et la délinquance. Ils portent peut-être plus que nous tous l'humanisme et la volonté de solidarité. Nous avons un atout dans notre parti, celui du mouvement des jeunes socialistes, autonome et engagé, parfois poil à gratter, il faut bien le dire, mais toujours boîte à idées. Alors, sachons avec lui rouvrir ce dialogue avec la jeunesse, que nous n'avons pas fait pendant les élections, pour l'autonomie, pour la reconnaissance de leur culture et pour leur demander de changer avec nous cette société si dure pour les plus fragiles.
Sachons aussi, mes camarades, quels que soient les choix qui seront faits cette nuit par les uns et les autres en pleine responsabilité, savoir qu'à Dijon, nous avons tous compris que, quelles que soient les motions que nous avons défendues, nous aurons besoin demain de tous. L'unité n'impose pas l'uniformité, toutes nos énergies doivent être en place, et notre diversité fait très souvent (pas toujours, mais très souvent) notre force.
Nous reconstruirons la gauche là où nous tenons ensemble des régions, des départements, des villes en échangeant sur le terrain là aussi, et non pas dans les appareils, nos réponses, nos expériences sur l'ensemble des sujets. Alors, je le dis, c'est ma dernière phrase : après-demain, il n'y aura ici qu'un seul vainqueur : le Parti socialiste ou plutôt ses militants. Un parti rajeuni, rénové, qui sortira avec une ligne claire et forte de nos valeurs communes.
Dès lundi, j'en suis convaincue, mes camarades, la motion, la voix qui aura été choisie cette nuit par la grande majorité des militants sera celle de tous les socialistes. Et François l'a dit, elle devra être respectée par tous, nous nous y engageons, je sais que vous y veillerez et, nous le savons, nous le ferons.
Et dès lundi, tous ensemble, nous serons dans la rue aux côtés du mouvement social. Tous ensemble, nous partagerons le même volontarisme, tous ensemble, et c'est cela l'essentiel, nous ferons renaître l'espérance collective qu'attendent de nous les Français et tous ceux qui veulent changer le monde.
Alors, mes camarades, maintenant, allons-y.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 19 mai 2003)
Salut à vous tous qui, depuis hier, montrez bien comment, vous le savez, ce congrès est décisif pour la gauche. Décisif parce qu'il arrive un an après ce 21 avril qui nous a tous meurtris. Décisif parce que nous devons enfin être à la hauteur pour combattre une droite qui met en place la régression sociale. Mais décisif aussi parce que, lorsqu'on regarde le monde autour de nous, et ce ne sont pas les derniers attentats au Maroc, après cette inacceptable, indicible guerre en Irak qui nous dira le contraire, le monde est en crise.
C'est pourquoi, vous l'avez dit depuis ce matin et c'est vrai, nous devons ici voir renaître la gauche. Parce que nous avons beaucoup débattu, il est temps aujourd'hui de s'adresser aux Français.
Nous avons au moins, je le crois, un point largement commun : notre analyse du 21 avril. Nous savons, oui, que nous avons occulté le malaise profond des classes populaires, de ceux qui nous ont laissé parce qu'ils ont eu eux aussi l'impression que nous les avions oubliés ou abandonnés.
Oui, nous avons aussi sous-estimé, et ceci est le plus grave car cela continue aujourd'hui en France, cette société qui vit une crise politique et démocratique qui n'a jamais existé auparavant où l'individualisme, les corporatismes l'emportent sur les aspirations collectives. Une société où la tyrannie d'urgence et la rentabilité financière privilégient le court terme par rapport à la préparation de l'avenir. Une société, mais il faut le dire, où l'absence de morale à tous niveaux et au plus haut niveau, tu l'avais dit, Arnaud, et tu avais raison de le dire dès alors, où la fraude, la triche aujourd'hui s'imposent au point de ne pas paraître contestée. Une société où les politiques eux-mêmes ont trop souvent dit qu'ils étaient impuissants. Mes chers camarades, si le 21 avril a été dramatique, s'il l'est encore aujourd'hui, c'est parce que la droite, par sa politique, accentue encore l'humiliation des classes populaires et la division de notre pays.
L'humiliation de ces couches populaires qui, tous les jours, sont rejetées un peu plus loin de notre société, parce que la droite a abandonné le combat du chômage. Elle l'a abandonné lorsqu'elle a préféré baisser les impôts plutôt qu'augmenter les bas salaires, elle l'a abandonné lorsqu'elle a supprimé les emplois-jeunes, supprimé les emplois d'insertion, arrêté les 35 heures, dont je redis devant vous que je suis affirmative pour dire qu'il s'agit là d'une grande réforme de société, d'une grande réforme de gauche, et que nous devrons reprendre, mes camarades, lorsque nous arriverons au pouvoir. Nous le disons : il faudra le faire.
Rappelez-vous ce que disait Chirac : les 35 heures, c'est la faute aux 35 heures si les salaires n'augmentent pas plus. Aujourd'hui, les Français le voient : ils n'ont plus les 35 heures, ils n'ont pas non plus les salaires. Voilà ce que dit Chirac, voilà la politique du gouvernement !
Et que dire, mes camarades, de ces couches populaires qui, tous les jours, et nous sommes bien placés dans le nord pour le savoir, avec Metal Europ, Leverse*, Stain* et bien d'autres, qui, tous les jours, voient défiler les licenciements, quand un feu vert politique leur a été donné en arrêtant la loi de modernisation sociale et quand le gouvernement, premier licencieur de France, lorsqu'il annonce 30 000 emplois en moins dans l'Education nationale où un remplacement sur deux seulement pour les salariés fonctionnaires partis à la retraite.
Alors, mes camarades, si je parle aujourd'hui autant de la droite, c'est parce que ma conviction, mon inquiétude, c'est que la droite qui humilie sans cesse les plus pauvres lorsqu'elle ne les stigmatise pas, la droite continue aussi à diviser notre pays au moment où nous devrions retrouver du sens collectif.
On oppose les jeunes et les moins jeunes, le secteur public au secteur privé, les prostituées aux riverains et, il faut le dire là aussi, les Français aux étrangers, et la liste pourrait être longue.
Alors que, parallèlement, nous devrions renforcer le sens collectif, la droite met à bas les piliers du pacte républicain, les services publics, qui sont les premières victimes de cette réduction d'impôts qui entraîne des déficits, et qui entraîne ces réductions d'effectifs.
L'État démantelé quand la décentralisation est une décentralisation pour convenance budgétaire, mettant à bas l'égalité de tous, d'accès de tous aux services publics, en n'acceptant pas une péréquation entre les collectivités riches et les collectivités pauvres. Voilà ce qui est en train d'être rivalisé aujourd'hui.
Ces services publics, fondement, avec la Sécurité sociale, de notre République, le déremboursement des médicaments utiles, on n'en a pas assez parlé, et pourtant, qu'est-ce que cela veut dire ? Que demain, on ne protègera plus les maladies courantes, les petits risques et que nous allons casser la Sécurité sociale.
On nous prépare une réforme des hôpitaux qui laissera aux cliniques ce qui est rentable et aux hôpitaux ce qui est coûteux et le soin des plus pauvres, sans parler bien sûr (et pourquoi n'avons-nous pas réagi avec plus de force ?) la suppression de la couverture médicale gratuite pour les sans-papiers.
Oui, c'est comme ça qu'on en arrive à tous les piliers de notre cohésion sociale, et en particulier aux retraites. Là, je crois que tout a été dit. Une réforme, il la faut, il faut le dire et avoir le courage de le dire. Cette réforme, il faut l'abolir, il faut demander au gouvernement de renoncer à la réforme Fillon, celle qui met en place la capitalisation, celle qui, loin de revenir sur les lois Balladur, la conforte, celle qui refuse de soigner mieux ceux qui ont travaillé tôt, et nous avons eu tort de ne pas faire cette retraite à 40 ans pour ceux qui ont eu des emplois pénibles ou ont commencé tôt, celle qui refuse aujourd'hui d'augmenter les retraites les plus basses.
Je crois que, sur les retraites, les Français ne laisseront pas faire. Quels que soient les arrangements avec quelques organisations syndicales, nous devons nous battre unanimement pour une seule chose : le retrait du projet Fillon.
Alors, mes camarades, à force d'humiliation, de division, de clientélisme, la droite aujourd'hui accroît le 21 avril et, nous le savons, ouvre la porte demain à tout ce qui est possible du populisme aux extrémismes. D'où notre responsabilité à construire une politique alternative.
Nous avons beaucoup débattu, eh bien maintenant, il est temps d'agir. Le socialisme n'est pas à recréer, il est à retrouver. Retrouvons nos valeurs, ce sont nos armes principales : la liberté, l'égalité, la solidarité, la fraternité. Mais le reste, nous savons aussi ce que c'est, c'est affaire de volontarisme et de courage, c'est là l'honneur de la politique, c'est là l'honneur du socialisme.
Un mot sur quelques combats qui doivent nous garder toute notre dimension dans les semaines qui viennent : le travail, l'emploi, nous le disons dans notre texte : le chômage doit être notre premier combat, les salaires doivent augmenter. Et Henri, je te le dis, puisque nous avions mené ce combat ensemble, oui, nous l'avons inscrit, la réforme des cotisations patronales sur la valeur ajoutée pour pouvoir enfin augmenter les salaires des plus modestes.
Nous allons aussi, nous l'avons dit, faire reculer la précarité. Permettez-moi sur ce sujet du travail, mes camarades, de vous dire aussi qu'au-delà du travail qui permette de vivre et de vivre dignement, le travail, c'est aussi la valorisation de soi, la capacité d'être reconnu, d'être digne, d'être utile socialement. C'est ce que nous disent tous les jours les exclus.
Mais comment aujourd'hui se sentir digne dans des entreprises qui ne valorisent plus la création de nouveaux produits, l'acquisition de nouveaux marchés, mais qui n'ont que comme seul objectif la distribution de stock-options et de rentabilité à court terme.
Voilà aussi le malaise de ce libéralisme qui met à bas, y compris le travail qu'il est censé défendre quand on entend le Medef.
Notre deuxième combat, mes camarades, vous l'avez tous dit, ce sont les services publics, et je me réjouis que le texte de François Hollande aille très loin là-dessus. En disant non aux privatisations, en demandant à l'Europe d'arrêter d'avancer sur le combat contre les services publics et d'imposer dans notre pays une loi qui donnera à tous les services publics des obligations en termes de non-discrimination, en termes de qualité et en termes de prix.
C'est là aussi, en défendant ces services publics, que nous défendons la République. Cette République, mes camarades, vous l'avez dit, elle est actuellement démantelée et cassée, elle est aussi fragilisée par une insuffisante présence de la laïcité.
Et là, certains l'ont dit, et je le répète : pourquoi avons-nous tardé à reconnaître le droit de vote des étrangers ou la suppression de la double peine ? Peut-être parce que nous avions peur, nous a-t-on dit, de l'extrême-droite, eh bien nous l'avons eu l'extrême-droite, le 21 avril, mes amis, à force d'oublier ce que nous sommes.
Alors, battons-nous pour que la laïcité redevienne une valeur rayonnante de notre République. Opposons-nous aux tentations de Sarkozy qui changerait bien la quiétude dans les quartiers contre un communautarisme qu'il est en train de mettre en place.
Retrouvons la véritable laïcité, celle qui bien évidemment respecte toutes les religions et les croyances, à condition que celles-ci respectent les lois de la République, ne veulent pas les remplacer, mais aussi respectent nos valeurs communes.
Là, mes chers camarades, j'ai peut-être un désaccord avec certains, et je souhaiterais que nous en débattions car je crois qu'il n'est pas suffisant de s'insurger contre le foulard ou contre les extrémismes pour les faire reculer. Ces sujets sont graves, compliqués, ils méritent en tout cas que nous ayons un débat et que nous ne nous arrêtions pas à des solutions trop simples.
En tout cas, moi, je sais une chose, c'est que les extrémismes et le foulard, en France comme ailleurs, ils naissent d'abord là où existe l'humiliation, là où vivent les discriminations, là où l'on vit dans la misère. Et là aussi, la laïcité a la réponse, par la présence des services publics, par la même chance à chaque enfant dans l'école, par l'amélioration de la qualité de vie dans les cités en refusant toute discrimination, et je me réjouis que Malek nous ait rejoints car il sait, et il nous aidera à être encore meilleurs en la matière.
Oui, en France comme ailleurs, nous nous battrons contre les extrémismes, contre ces manifestations, comme le foulard, nous nous battrons, non pas en criant, mais tout simplement en faisant en sorte que les services publics donnent à chacun la même chance. Pour cela, il nous faut réhabiliter l'impôt et il nous faut des impôts justes pour des services publics forts.
Quand nous avons applaudi tous ensemble, ce matin, Bernard Thibault, nous avons voulu dire tous ensemble que, sur toutes les questions, y compris sur celles-là, il y a une réponse dans la question sociale. Je crois que nous ne devons pas l'oublier dès lundi.
Alors, l'Europe maintenant, parce que, et là je voudrais m'adresser à Arnaud pour dire qu'il faut que nous continuions ce débat car, ou nous nous comprenons mal, ou nous avons vraiment des désaccords.
Etre socialiste, c'est être universaliste, nous ne pouvons pas tomber dans l'euro-béatitude, et nous ne le faisons pas. Mais nous ne pouvons pas non plus oublier ce qu'est l'Europe, cette Europe qui est née de la convergence du mouvement ouvrier et de l'humanisme des philosophes du XVIIIe siècle. Nous ne pouvons pas, mes camarades, oublier que seule l'Europe porte en elle le volontarisme d'hommes et de femmes qui créent dans leur esprit une société et qui trouvent ensuite les moyens d'y arriver. Une Europe qui ne croit pas aux mécanismes automatiques du marché comme les Etats-Unis, une Europe qui ne croit pas à la fatalité portée par certains pays asiatiques et africains.
Où est le volontarisme ? Il est né en Europe. Il est né du mouvement ouvrier, il est né du mouvement socialiste. En tant que socialiste, si aujourd'hui, je ne trouve pas mon compte dans cette Europe, je pense qu'il faut se battre pour qu'elle soit politique, pour qu'elle soit sociale, pour qu'elle soit fédérale, pour faire reculer la misère et la paix. Je ne crois pas, moi, à la Providence, je crois au courage politique, je crois à l'engagement. C'est pourquoi je me battrai pour cette Europe-là.
Alors, mes camarades, pour cela, nous avons besoin d'un grand parti, nous l'avons tous dit. Les militants, on les a entendus, et tant mieux, et merci, François, d'avoir organisé ainsi le congrès. Mais les militants sont exigeants pour être formés, informés, écoutés, entendus, ça nous l'avons pris en compte. Peut-être, François, pourra-t-on encore aller plus loin sur la parité, le cumul des mandats.
Il y a autre chose que j'ai envie de vous dire, mes chers camarades : il n'y a pas d'un côté les militants, et de l'autre côté, je ne sais quel dirigeant, il y a aussi ce que nous devons faire ensemble : trouver un nouveau militantisme. Partout, dans nos villes, nous entendons d'abord ceux qui ont la force de s'exprimer. Alors, le militantisme, c'est d'aller vers ceux qui se taisent parce qu'ils ont l'impression que nous-mêmes ne les entendons pas. C'est d'organiser partout des débats pour que le civisme renaisse des débats sur l'installation d'une place au plus près d'un quartier, des débats sur l'eau, sur l'environnement, sur la bioéthique au niveau national. C'est d'être dans les syndicats, dans les luttes, c'est être auprès des associations.
Ce nouveau militantisme, ce n'est pas une partie du Parti qui doit la construire, c'est nous tous qui devons effectivement la porter.
Et puis, et j'en terminerai par là, nous avons, en notre sein, des atouts. N'oublions pas que les jeunes ne se retrouvent plus en nous. Peut-être parce que, contrairement à ce que pense la droite, ils ne portent pas la violence et la délinquance. Ils portent peut-être plus que nous tous l'humanisme et la volonté de solidarité. Nous avons un atout dans notre parti, celui du mouvement des jeunes socialistes, autonome et engagé, parfois poil à gratter, il faut bien le dire, mais toujours boîte à idées. Alors, sachons avec lui rouvrir ce dialogue avec la jeunesse, que nous n'avons pas fait pendant les élections, pour l'autonomie, pour la reconnaissance de leur culture et pour leur demander de changer avec nous cette société si dure pour les plus fragiles.
Sachons aussi, mes camarades, quels que soient les choix qui seront faits cette nuit par les uns et les autres en pleine responsabilité, savoir qu'à Dijon, nous avons tous compris que, quelles que soient les motions que nous avons défendues, nous aurons besoin demain de tous. L'unité n'impose pas l'uniformité, toutes nos énergies doivent être en place, et notre diversité fait très souvent (pas toujours, mais très souvent) notre force.
Nous reconstruirons la gauche là où nous tenons ensemble des régions, des départements, des villes en échangeant sur le terrain là aussi, et non pas dans les appareils, nos réponses, nos expériences sur l'ensemble des sujets. Alors, je le dis, c'est ma dernière phrase : après-demain, il n'y aura ici qu'un seul vainqueur : le Parti socialiste ou plutôt ses militants. Un parti rajeuni, rénové, qui sortira avec une ligne claire et forte de nos valeurs communes.
Dès lundi, j'en suis convaincue, mes camarades, la motion, la voix qui aura été choisie cette nuit par la grande majorité des militants sera celle de tous les socialistes. Et François l'a dit, elle devra être respectée par tous, nous nous y engageons, je sais que vous y veillerez et, nous le savons, nous le ferons.
Et dès lundi, tous ensemble, nous serons dans la rue aux côtés du mouvement social. Tous ensemble, nous partagerons le même volontarisme, tous ensemble, et c'est cela l'essentiel, nous ferons renaître l'espérance collective qu'attendent de nous les Français et tous ceux qui veulent changer le monde.
Alors, mes camarades, maintenant, allons-y.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 19 mai 2003)