Texte intégral
C'est un plaisir et un honneur pour moi que de t'accueillir, cher Gunter, à la Représentation permanente de la France à Bruxelles, pour cette cérémonie amicale lors de laquelle tu vas recevoir, entouré de tes amis et de tes collègues les plus proches, l'hommage révérend de la République française.
Je suis heureux pour plusieurs raisons, parce que la décoration que je vais te remettre dans quelques instants récompense ton engagement au service de l'Europe et de l'amitié franco-allemande, et parce qu'elle me permet, en ce début de Présidence française de l'Union européenne - moments que tu as connus toi même l'année dernière -, de te dire toute l'estime et l'amitié que j'ai pour toi et combien j'apprécie, depuis deux ans, nos relations de travail.
La distinction qui va t'être remise est la juste reconnaissance de tes formidables qualités personnelles et d'un double engagement de ta vie, ton engagement politique, en Allemagne, au service de tes idéaux de démocratie et de progrès social, que je partage, et ton engagement au service de l'Europe.
En effet, après de brillantes études d'histoire, de sociologie et de sciences politiques à Cologne et à Bonn, dans ta Rhénanie natale, et une première expérience de journaliste, à la "Neue Rhein Neue Ruhr Zeitung", tu as entamé une carrière administrative, d'abord au ministère de l'Intérieur, puis dès 1974, au ministère des Affaires étrangères.
Cette volonté de servir la collectivité, de participer à la vie de la cité s'est ensuite traduite, tout naturellement en quelque sorte, par un engagement politique et militant. D'abord responsable de la direction nationale du Parti libéral-démocrate (FDP), puis Secrétaire général du FDP de 1978 à 1982, à l'époque de Hans-Dietrich Genscher et de la coalition avec le SPD, tu as ensuite rejoint les Sociaux-démocrates de Willy Brandt en 1982, après le retournement d'alliance des Libéraux.
Ton engagement, ton dévouement, tes capacités de conviction t'ont amené à occuper de nombreuses fonctions importantes au Bundestag, dont tu as été l'élu de 1983 à 1999, mais aussi au sein des instances de direction de ton Parti.
Ayant placé très tôt ton engagement politique sous le signe de l'Europe, il n'est donc pas surprenant que Gerhard Schroeder t'ai confié la charge, après la victoire du SPD et des Verts aux élections de 1998, de Ministre délégué aux affaires européennes dans son gouvernement, aux côtés de Joshka Fischer.
Je ne veux pas trop m'étendre sur les innombrables qualités qui justifient qu'un homme politique soit nommé Ministre des affaires européennes. Te concernant, cher Gunter, on comprend que Gerhard Schroeder ait fait confiance à ton expérience politique, à tes compétences, à ton sens de la négociation, et peut être avant tout, à la force de tes convictions et de ton engagement en faveur d'une Europe plus démocratique, plus juste et efficace.
Tout au long de cette période 1998 - 1999 - période, beaucoup trop courte à mon goût -, j'ai pu apprécier tes nombreuses qualités personnelles, ta compétence sans faille, ton souci de la concertation et ton sens de la négociation. Dans un moment difficile, alors que vous avez dû faire face, quelques semaines à peine après votre arrivée au pouvoir, aux lourdes charges de la Présidence de l'Union, tu as permis que l'Allemagne s'acquitte de cette tâche avec brio.
Surtout, et tu me permettras d'insister sur ce point, tu as joué un rôle essentiel dans le maintien d'une relation forte entre nos deux pays, dans un contexte extrêmement délicat, tout simplement parce que des changements considérables venaient d'intervenir en Allemagne et parce que nos intérêts objectifs n'étaient pas toujours conséquents. Et au moment même où certains, en Allemagne, avaient peut-être d'autres tentations de partenariat privilégié, et où d'autres, en France, auraient pu se réfugier dans une fausse nostalgie d'une époque révolue, tu as joué un rôle déterminant pour maintenir un nécessaire climat de confiance entre nous.
Je suis convaincu que, pendant ces quelques mois décisifs, tu as été l'un des artisans essentiels du dialogue franco-allemand et que l'excellence du climat actuel entre nos deux pays, qui s'est concrétisé au cours de ces dernières semaines par les rencontres de Rambouillet et de Mayence, te doit énormément.
Je garderai en tout cas le souvenir d'une relation exceptionnelle de travail et de confiance entre nous, au fil des rencontres à Quinze, ou dans un cadre bilatéral et - si l'on me permet cette notation plus personnelle - d'une véritable amitié que nous avons nouée.
C'est donc avec un mélange de grande satisfaction, pour toi et pour la nouvelle Commission présidée par Romano Prodi, et de profonde tristesse, que j'ai appris ta nomination, l'année dernière, au poste de Commissaire européen en charge de l'élargissement.
Sois rassuré : c'est, bien sûr, la satisfaction qui domine, car je sais que ton expertise et tes compétences sont et seront, au cours des prochaines années, vitales pour mener à bien cette tâche historique qu'est l'élargissement de l'Europe à nos voisins d'Europe centrale et orientale, cette véritable réunification de notre continent.
Je t'assure, en tout cas, de tout le soutien des autorités françaises en la matière, notamment pendant ce semestre de Présidence. Nous sommes déterminés, ensemble, à faire progresser les négociations avec les pays candidats et, bien sûr, à ce que la réforme des Institutions crée les conditions d'un élargissement réussi.
J'ajoute qu'au-delà des responsabilités particulières qui sont les tiennes au sein de la Commission, tu as contribué, avec tes collègues, à donner au nouveau collège tout son dynamisme et toute sa cohérence, dans un contexte difficile marqué par les conditions du départ de la précédente Commission et par les attentes -justifiées- formulées à l'égard de la nouvelle. L'Europe a besoin d'une Commission efficace, soudée, fonctionnant dans la collégialité et je ne me joindrai jamais aux esprits critiques et chagrins, dont la démagogie s'exerce aux dépends de votre Institution. Je souhaite en tout cas, cher Gunter, que les prochaines années te permettent de poursuivre ton travail formidable au service de la grande Europe, forte et démocratique, de demain.
Gunter Verheugen, au nom du président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons Commandeur de la Légion d'honneur.
(Source : http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 août 2000)