Déclarations de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur la volonté du gouvernement de promouvoir les énergies renouvelables et sur la nécessité d'élaborer un projet de loi d'orientation garantissant leur essor dans le respect de l'environnement, Paris les 15 et 24 mai 2003.

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Circonstance : Ouverture du colloque du Syndicat des énergies renouvelables à Paris le 15 mai 2003 et dernière rencontre du débat national sur les énergies à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris le 24 mai 2003

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les parlementaires
Mesdames, Messieurs,
Si le colloque du Syndicat des Energies renouvelables est devenu un rendez-vous incontournable de la profession grâce à l'opiniâtreté de son Président M. ANTOLINI que je salue très chaleureusement, je crois pouvoir dire que cette cinquième édition prend un relief tout particulier dans le contexte du Débat National que j'ai lancé le 18 mars à Paris et qui se terminera le 24 mai prochain.
Dans nos sociétés, consommer de l'énergie paraît aussi naturel que respirer. Les transports, le chauffage, l'éclairage font si facilement partie de notre vie quotidienne que nous avons un peu tendance à oublier que toute cette énergie, que nous obtenons d'un simple geste, doit d'abord être produite et transportée, et que, au-delà de son coût économique, nous devons aujourd'hui absolument prendre en compte sa facture environnementale : c'est de l'avenir de nos enfants dont il s'agit, et nous n'avons pas le droit de prendre cette question à la légère.
D'autant que le défi qui nous attend est d'envergure. Il nous faudra en effet réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 75 % d'ici 2050 pour stabiliser la température de la planète. On le voit, le défi est ambitieux.
Epuisement des ressources, pollutions, effet de serre... : que faire ?
Nous devons tout d'abord mieux maîtriser nos consommations et si possible les réduire. Il est intéressant de constater qu'un consensus s'est dégagé du Débat national sur les énergies dès les premières semaines. Il faudra par exemple améliorer l'efficacité énergétique de nos bâtiments, mieux les isoler, réduire nos consommations liées à l'éclairage.
Il faudra que soient intégrés dans nos bureaux et nos maisons, en amont, les préoccupations de consommation d'énergie. Il faudra également favoriser l'utilisation des transports en commun et du transport de marchandise par le fer.
Parallèlement, nous devons explorer des voies nouvelles. Pour composer un bouquet énergétique en 2020 plus varié qu'aujourd'hui.
Un bouquet où la production locale d'électricité et de chaleur provenant en partie de moyens de production des collectivités, utilisant la biomasse, les déchets produits localement ou d'autres sources renouvelables comme le vent, le soleil ou la géothermie serait beaucoup plus conséquente.
Un bouquet où les piles à combustible auront révolutionné le secteur des transports et joueront un rôle majeur comme moyen de stockage dans l'industrie ou le bâtiment, mais aussi pour compenser l'intermittence de certaines énergies renouvelables.
Un bouquet où nous aurons limité les impacts des carburants fossiles sur l'environnement, grâce à des véhicules et des carburants plus propres et plus performants, l'utilisation des biocarburants et pourquoi pas l'hydrogène. Un récent colloque m'a donné l'occasion de dire les espoirs que nous fondions aussi dans cette ressource que sont les biocarburants.
Ces avancées ne sont pas utopiques. Bien au contraire.
Mais elles ne deviendront réalité qu'à condition, de prendre dès aujourd'hui, les décisions qui permettent de promouvoir encore plus ces sources d'énergie et ces technologies non émettrices de CO2.
Les énergies renouvelables s'imposent dans ces conditions comme une évidence, et c'est naturellement que ce gouvernement s'est d'ores et déjà engagé sans réserve à les promouvoir.
C'est d'ailleurs une question de bon sens. Notre pays dispose de ressources hydroélectriques importantes, de la plus grande forêt d'Europe et de gisements éoliens du fait de l'importance et de la variété de ses côtes maritimes et de ses reliefs, et il serait vraiment dommage, pour ne pas dire absurde, de ne pas les valoriser.
Aujourd'hui, la France n'a pas à rougir de son rang. Elle est encore le premier producteur européen d'énergies renouvelables avec 20 % de la production européenne, et cela devant l'Allemagne, l'Italie et la Suède.
J'entends bien que le bilan de nos énergies renouvelables est un sujet de controverse et que l'on s'étonne ou que l'on reproche à notre pays de ne pas être aussi performant que l'Allemagne, s'agissant des capteurs solaires ou de l'éolien, ou que la Suède s'agissant des pompes à chaleur géothermales. C'est vrai que la France a pris un certain retard dans la promotion de certaines filières.
Il est donc sain de se comparer aux autres, et naturel de s'inspirer de leurs meilleures pratiques.
Alors, comment promouvoir les énergies renouvelables ? Quelles voies privilégier ? Ce qui fait la force et l'intérêt des énergies renouvelables, c'est justement leur variété et les spécificités qui caractérisent chacune d'entre elles
Chacune de ces énergies renouvelables doit en effet être examinée, en tenant compte de son potentiel de développement, au regard des secteurs de consommation d'énergie qu'elle peut satisfaire et en fonction de son degré de maturité économique.
C'est à partir de ces caractéristiques que les Pouvoirs Publics entendent orienter la nature, la qualité et la quantité de leur intervention et de leur appui à toutes les énergies renouvelables.
Les énergies renouvelables ne se réduisent pas en effet à l'éolien ! Elles ne se résument pas non plus à la production d'électricité. Elles peuvent aussi produire de la chaleur et des carburants et ainsi se substituer au gaz ou au pétrole.
Il faut également dire la vérité aux français. M. ANTOLINI l'a d'ailleurs fort pertinemment rappelé à Rennes, les énergies renouvelables, compte tenu de leurs caractéristiques et notamment, de leur caractère intermittent et de leur coût, n'ont pas pour vocation de se substituer à l'ensemble des énergies classiques mais de constituer un complément très significatif.
Pour permettre l'essor de toutes les énergies renouvelables, le gouvernement entend établir - grâce à la loi d'orientation sur les énergies que je présenterai à l'automne - un cadre législatif et réglementaire adapté. En effet, comme nous l'avons vu à Rennes, les seules lois du marché ne suffiront pas au développement des énergies renouvelables. Pourquoi ?
L'une des premières raisons est la moindre compétitivité économique des énergies renouvelables, à des degrés parfois très différents suivant les filières.
D'une part, certaines de ces filières sont en effet déjà mûres pour un déploiement massif et nécessitent plus qu'une aide financière pour se développer.
· A cet égard, pour la production d'électricité, le système de l'obligation d'achat me paraît être un dispositif adapté notamment pour permettre le développement de l'éolien.
· En revanche, pour la production de chaleur, on peut le déplorer mais c'est un fait, il n'existe pas vraiment de mode d'incitation complètement performant, ce qui explique sans doute que le développement des énergies renouvelables produisant de la chaleur et notamment utilisant la biomasse est en retard.
D'autre part, certaines énergies ne sont cependant pas encore mûres pour être déployées largement. Des appels d'offre peuvent être dans ce cas lancés ainsi que je m'apprête à le faire pour le développement de l'éolien off shore ou de la biomasse.
Comme vous le savez, s'agissant du budget de l'Adem, je tiens à vous dire que j'ai veillé personnellement dans le budget de mon ministère à ce que soit maintenu les crédits constants ce qui démontre, dans le contexte actuel, la priorité que le gouvernement accorde à cette politique. Ce qui est vrai en revanche, c'est que les enveloppes financières vont croissantes au fur et à mesure que les ENR se développent. De ce fait l'Adem a achevé d'utiliser les reliquats de crédits non consommés en 1999 et 2000. Ceci peut expliquer le sentiment d'une baisse des efforts. Il n'en est rien. Ceci démontre en revanche la nécessité de travailler avec la profession pour améliorer les systèmes d'aides notamment au solaire thermique ou au photovoltaïque, et je puis vous assurer mon ouverture.
Le second obstacle au développement des énergies renouvelables, c'est que comme toutes les énergies, elles peuvent polluer, et avoir des impacts, réels ou supposés, visuels, sonores, sur l'air, la faune ou la flore. Là encore, leurs problèmes sont connus : impact paysager plus ou moins toléré pour l'énergie éolienne, émissions atmosphériques pour le bois combustible, présence de contaminants dans le biogaz de décharge, perturbation ou destruction des écosystème aquatiques pour l'hydraulique...
Face à toutes ces objections, les réponses doivent être fondées sur la raison et non, comme trop souvent, sur la passion : les impacts sur l'environnement des énergies renouvelables doivent être considérés et gérés, mais sans excès.
Les énergies renouvelables doivent donc répondre à certains principes et réglementations, au même titre que d'autres types d'installations. C'est le sens des dispositions qui ont été introduites par le Parlement et qui ont soumis les éoliennes à enquête publique et étude d'impacts.
La dernière raison que j'évoquerai, c'est que les citoyens n'ont pas été suffisamment associés au développement des énergies renouvelables. Leur déploiement dépendra de vous, les professionnels, de nous les pouvoirs publics, de ceux qui soutiendront ou non les projets locaux, mais surtout de l'acceptabilité générale par les citoyens, et donc de leur bonne information.
Un sondage a récemment montré que les Français sont d'autant favorables aux énergies renouvelables qu'ils ont eu connaissance de leurs bénéfices et de leurs impacts, et qu'une concertation a précédé la décision.
Une circulaire aux Préfets insistera très prochainement sur l'importance de la transparence des procédures conduisant au raccordement au réseau. En outre, le texte mettra l'accent sur la nécessité de faciliter l'implantation des équipements éoliens grâce à une connaissance précise des enjeux et grâce à une concertation approfondie.
Par ailleurs, je vous confirme que le gouvernement est favorable à ce que les collectivités locales deviennent des producteurs au même titre que des consommateurs d'énergie, leur permettant pleinement de bénéficier des moyens locaux de production.
Préparer l'avenir, c'est enfin investir dès maintenant pour soutenir l'innovation
L'innovation technologique jouera en effet un rôle majeur pour réussir à diviser par quatre nos émissions de CO2, -je sais combien toutes vos filières y travaillent.
Compte tenu de cet enjeu stratégique que représente la maîtrise des nouvelles technologies de l'énergie, le Gouvernement a décidé de créer un groupe de travail ad hoc - composé de représentants des organismes de recherche et du monde industriel -. Ce groupe est chargé d'identifier pour l'automne des objectifs, des axes de soutien à la recherche et à l'innovation permettant d'atteindre ces objectifs. Le secteur industriel est donc étroitement associé, afin de transformer des idées nées en laboratoires en des produits commercialisables pour tous.
C'est en définissant clairement nos intentions, - et ce dans la loi d'orientation sur les énergies inspirée des enseignements de ce Débat -, que nous donnerons les signes nécessaires aux investisseurs et aux entreprises, pour les aider à prendre de l'avance dans le développement des technologies écologiques dont nous avons besoin.
C'est également en appelant de nos voeux une mobilisation générale, pour changer nos modes de production et de consommation d'énergie que nous pourrons enfin découpler la croissance économique de l'augmentation de la consommation d'énergie, indispensable préalable à une politique énergétique durable .
Mesdames, Messieurs, je vous remercie. Permettez-moi de vous souhaiter une excellente journée de travail, elle sera, j'en suis sûre, à la fois très fructueuse pour l'avenir des énergies renouvelables et une contribution précieuse au Débat National, ainsi qu'à la future loi d'orientation énergétique à l'élaboration de laquelle vous serez étroitement associés.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 19 mai 2003)
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Cette matinée est un moment important pour nous tous :
- c'est la dernière des rencontres du Débat National sur les Energies , qui se déroule depuis le début de l'année ; il avait été appelé de ses voeux par le Président de la République et le Premier Ministre en avait pris l'engagement dès son arrivée ; vous le voyez, nous avons tenu nos promesses ;
- c'est le point d'orgue d'un grand dialogue démocratique, inédit jusqu'à ce jour sur un sujet aussi essentiel pour notre avenir commun que l'énergie. Il était donc particulièrement important pour moi, revenant ce matin même d'un déplacement au Canada où j'accompagnais le Premier Ministre, de pouvoir être présente parmi vous pour ouvrir cette rencontre.
Le nombre très élevé de participants témoigne de l'intérêt porté à la nécessité d'une politique énergétique durable, et je m'en réjouis infiniment.
Je remercie par ailleurs ma collègue Claudie HAIGNERE, de s'impliquer dans ce débat et d'être parmi nous pour la troisième fois : cela démontre, s'il en était besoin la dimension essentielle de la Recherche dans ce domaine des énergies. La présence de Tokia SAIFI, qui nous rejoindra tout à l'heure, est aussi une preuve supplémentaire de la détermination du Gouvernement, pour lequel il ne peut y avoir de politique énergétique qui ne s'inscrive résolument dans une démarche de développement durable.
Au moment où ce débat touche à son but, je me réjouis donc que ce qui est apparu aux Français comme une grande expérience de démocratie participative ait tenu ses promesses et répondu aux exigences que nous nous étions fixées.
Ces exigences vous les connaissez : pluralisme, ouverture, transparence, qualité, sérénité. Tels ont été les maîtres mots de toutes les rencontres. A Paris, Strasbourg, Nice, Bordeaux, Rennes, les arguments, les propositions, les suggestions de tous bords, se sont confrontés et non pas affrontés, pou r faire progresser le dialogue. Et c'est heureux : notre objectif était bien d'informer et de permettre l'expression du plus grand nombre. Je crois pouvoir dire ce matin, qu'il a, en très large part, été atteint.
Il a été atteint grâce à des intervenants de grande qualité : tous les sujets- y compris les plus délicats- ont pu être abordés, sans oeillères, sans faux-semblants, sans tabous ; ils ont pu être traités en profondeur.
Je tiens à cet égard à remercier très sincèrement les 130 intervenants, de tous horizons politiques et de toutes sensibilités qui ont enrichi de leur expérience ces rencontres, mais aussi les intervenants étrangers, venus d'Europe et d'Asie. La politique énergétique, en effet, du fait de ses implications économiques, sociales et environnementales, exige un regard qui sache dépasser le pré carré de nos frontières. Les clivages se sont largement effacés devant l'importance du sujet de l'énergie, source de vie...
Et si nous avons réussi, à travers ce grand Débat, à faire sortir -un temps- l'énergie de la gangue de complexité, de technicité, qui l'éloigne depuis trop longtemps des citoyens, nous aurons fait ensemble un grand pas en avant. C'était une ardente nécessité, car il n'y a pas de politique durable sans adhésion des citoyens et il ne saurait y avoir adhésion sans connaissance et compréhension des enjeux !
Ces enjeux ont pu émerger, je le crois, dans les 6 rencontres-phares en région, dans les quelques 250 " Initiatives Partenaires " qui ont accompagné le Débat, sur le site Internet, qui a été consulté par plus de 130 000 personnes et reçu près de 2000 contributions, grâce aussi aux 3 millions de brochure sur l'énergie diffusées largement dans le métro, les stations services, les agences d'EDF, les écoles... Ou encore à travers le site Internet "campus des énergies" dédié aux jeunes...
Mais il fallait encore associer tous les représentants de la société civile : ils ont répondu largement " présent " et je salue leur implication dans le Débat : les syndicats, les associations, les organisations professionnelles de producteurs comme de consommateurs, ont apporté des contributions particulièrement précises et précieuses, que chacun peut consulter sur le site Internet.
A l'issue de cette grande consultation nationale, encore une fois la première du genre, j'ai ce matin le sentiment que les Français se sont impliqués et prennent conscience de l'urgence d'évoluer ensemble dans notre relation à l'énergie.
Le moment est venu d'analyser ensemble les grands enseignements qui ont émergé des rencontres et méritent une particulière attention.
Ces débats ont donc permis de cerner les contraintes, de révéler des lignes de convergence et de dessiner quelques objectifs clairs. Ils ont aussi permis de montrer et de mieux comprendre les fractures qui pouvaient exister encore sur certains sujets.
Les principes :
Un premier constat : il existe un réel consensus sur les principes qui doivent guider notre future politique énergétique.
Ils sont au nombre de cinq : Compétitivité, Indépendance, Respect de l'environnement, Droit à l'énergie, Coordination internationale. Aucune politique énergétique viable ne saurait en effet faire l'économie de l'un de ces cinq impératifs : il serait inconséquent de faire reposer notre prospérité sur une énergie qui détruise à terme l'environnement ; il serait absurde de dissocier la nécessaire réflexion sur la protection de la nature des besoins de compétitivité économique : respect de l'environnement et emplois ne sont pas incompatibles, heureusement ! De même, ces deux impératifs ne sauraient nous faire oublier la nécessaire indépendance nationale en matière énergétique. En outre, il ne saurait y avoir de politique durable qui exclurait les ménages les plus défavorisés de l'accès à l'électricité ou au transport. Enfin, compte tenu de la dimension des enjeux, la politique énergétique doit être coordonnée aux niveaux européen et international.
J'en viens à présent aux défis que doit relever notre future politique énergétique, défis sur lesquels un large consensus s'est également formé.
Les Défis
A. Le premier défi, c'est évidemment celui de l'effet de serre.
L'évidence est criante, mais son ampleur est-elle perçue par tous ? Je n'en suis pas sûre et c'est l'un des grands mérites du Débat de l'avoir mise en évidence. Les chiffres sont là. Nous émettons 6 milliards de tonnes de carbone chaque année, quand nous devrions n'en émettre que 3 milliards pour respecter les capacités d'absorption de notre planète ! Qui plus est, au rythme actuel de développement, ce n'est pas 6 mais 10 milliards de tonnes que nous rejetterons dans l'atmosphère dans 20 ans !
Les conséquences climatiques et sanitaires des émissions de gaz à effet de serre sont pourtant aujourd'hui avérées : réchauffement de la planète, montée des eaux, catastrophes naturelles, dérèglement climatique, maladies respiratoires, maladies de la peau. Disons-le carrément : Notre mode actuel de consommation n'est pas durable. L'histoire nous met devant deux routes, celle du respect de l'environnement et celle de l'explosion énergétique. L'heure du choix est venue.
Ce problème est le plus grave et le plus urgent de tous ceux auxquels nous devons faire face ! Il s'agit de notre responsabilité collective !
B. Le second défi est moins certain, il est à plus long terme mais tout aussi exigeant, c'est celui du renchérissement inévitable, à terme, des prix du pétrole et du gaz. Pour une raison simple : la production atteindra son maximum d'ici 20 à 40 ans. Dans le même temps, si nous n'agissons pas, la demande continuera de croître, d'autant plus vite que les pays en voie de développement vont légitimement demander une part de cette production. Cette confrontation d'une offre stagnante et d'une demande croissante, doublée d'une concentration des réserves dans un nombre de pays limités, notamment du Moyen-Orient, se traduira donc inévitablement par des tensions sur les prix.
Autant dire que si par impossible les dangers de l'effet de serre ne suffisaient pas à nous convaincre de la nécessité d'un changement, nous devrions de toute façon affronter cette limite économique évidente. Ces deux constats, à eux seuls, nous obligent à inventer un avenir énergétique renouvelé.
L'objectif

Dès lors, l'objectif est clair :
Nous devons diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre en France d'ici à 2050. Je crois sincèrement que l'adhésion à cet objectif s'est renforcée tout au long du Débat. Pour pouvoir l'atteindre, tous les moyens doivent être mobilisés : de l a maîtrise de la consommation, de l'innovation technologique au développement des énergies renouvelables. Et l'Etat se doit d'être exemplaire.
Une certitude est déjà acquise, unanimement partagée : la première de ces voies, c'est la maîtrise de l'énergie : nous devons impérativement et vigoureusement relancer la politique de maîtrise de l'énergie. Rappelez-vous l'époque de ce qu'on appelait familièrement la " chasse au gaspi " : évidemment les temps ont changé, mais l'attention s'est également relâchée. La désinvolture avec laquelle nous mobilisons l'énergie domestique doit laisser place à une conscience forte des conséquences qu'emporte la dilapidation inconsidérée des richesses terrestres. Le gouvernement prendra ses responsabilités et donnera l'impulsion, c'est son rôle : je lancerai donc une grande campagne de sensibilisation assortie de mesures appropriées.
Au-delà d'un nécessaire changement de comportement de chacun, les gisements d'économie d'énergie sont nombreux : dans le secteur résidentiel par l'optimisation de notre chauffage et de l'isolation de nos maisons ; dans les transports, par l'utilisation de véhicules moins polluants et de conduites plus sobres, dans nos consommations au quotidien, en privilégiant les produits dotés d'un " label " écologique ; dans l'industrie enfin en poursuivant les efforts accomplis depuis plus de 20 ans. Les moyens sont multiples et le Gouvernement entend tous les mobiliser.
A. En premier lieu, je pense évidemment à la Recherche, la technologie et la réglementation .
C'est à dessein que je les cite ensemble, car elles sont indissociables : les avancées de la recherche rendent possible des réglementations plus exigeantes, en même temps que la réglementation incite la recherche à progresser. L'Etat veillera à maintenir les réglementations françaises au plus près des capacités technologiques, dans le logement comme dans les transports. La France portera par ailleurs cette ambition au niveau européen.

B. Je citerai ensuite, évidemment, l'information du public, décisive.
Cette transparence, qui seule rend l'implication de chaque citoyen possible, passe par la généralisation de l'étiquetage sur les consommations d'énergie, par une sensibilisation dès l'école, par des campagnes d'information.
C. Dernier outil et non des moindres : la fiscalité et les aides
Fiscalité classique qui pèse sur l'énergie, à l'instar de la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (la TIPP) et dont l'augmentation pourrait sans doute permettre de diminuer les consommations. Mais aussi fiscalité positive ou les subventions directes pour inciter les particuliers et les entreprises à investir dans la réduction de leurs dépenses d'énergie.
Pour terminer sur ce chapître, je souhaiterais également souligner que l'Etat ne sera efficace en matière de maîtrise de l'énergie que s'il agit conjointement avec les entreprises et avec les collectivités locales, en les encourageant à promouvoir un urbanisme favorable à la ma"trise de l'énergie. Le principe de subsidiarité trouve ici sa signification : les décisions concrètes doivent être prises par les instances les plus efficaces et les plus proches du terrain. Cela se fait essentiellement par le truchement du Plan de déplacement urbain.
Toutes ces pistes seront explorées, précisées, étayées, mais elles auront sans aucun doute leur place dans la loi d'orientation sur les énergies que je présenterai à l'automne.
La seconde voie à suivre, est celle d'une diversification de notre bouquet énergétique .
L'offre d'énergie
Diversifier notre offre, c'est aussi répondre à l'exigence de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit en effet par ce biais de diminuer progressivement la part des énergies fossiles dans notre consommation et dans le même temps de renforcer notre indépendance.
Consensus sur les Energies Renouvelables
Dans ce contexte, une des voies prometteuses est, bien sûr, les énergies renouvelables. Et j'ai pu noter avec plaisir dans les débats un double consensus :
- Nul ne conteste la nécessité de les développer, notamment en prévision de l'avenir où elles pourraient occuper une part significative du bouquet énergétique ;
- Chacun est convaincu qu'elles ne sauraient toutefois constituer seules la solution, et se substituer à toutes les autres sources d'énergie.
Je puis d'ores et déjà vous dire que le gouvernement répondra à cette attente :
- en renforçant sa politique de soutien aux énergies renouvelables
- et en adhérant à l'objectif européen de
21 % de part des énergies renouvelables dans la production d'électricité en 2010.
Cette politique ne devra exclure aucune des formes de ces énergies, qu'elles produisent de la chaleur ou de l'électricité - je pense à l'éolien, la biomasse, les biocarburants, la géothermie, l'hydrogène. Cette politique devra s'inscrire dans le long terme, et s'adapter au degré de maturité des filières en rejetant les effets de mode. Elle devra donner toute sa place à la recherche et à l'innovation, clés des nécessaires progrès technologiques. Elle devra enfin s'appuyer sur une simplification des procédures administratives et une meilleure information du public. A ce sujet, j'ajouterais que l'implantation d'énergies renouvelables, je pense notamment aux éoliennes, n'est possible qu'en respectant le préalable démocratique d'une association étroite avec les habitants des zones concernées. Ne cachons pas la vérité aux Français, cette politique aura un co t significatif qui devra être supporté par le consommateur en veillant toutefois à ne pas porter atteinte à la compétitivité de notre pays ni à sa cohésion sociale.
Débat sur le nucléaire
Le bouquet énergétique ne saurait toutefois se reposer uniquement sur les énergies renouvelables. La question est donc posée du choix entre l'utilisation des fossiles ou du nucléaire pour produire de l'électricité.
Le Débat, à cet égard, a permis un dialogue moins passionné et plus efficace sur un sujet qui demeure extrêmement sensible. Il n'y a certes pas consensus mais j'ai pour ma part relevé un certain nombre de constats très intéressants :
1- la transparence en matière de nucléaire est tout à fait déterminante pour assurer la pérennité de cette activité. Elle a en France fortement progressé, ce qui était évidemment nécessaire et il convient de continuer dans cette voie. Le Gouvernement s'y emploiera avec l'examen de la loi sur la transparence et la s reté nucléaire ;
2- des solutions existent pour la gestion des déchets nucléaires et certains pays comme la Suède ont déjà choisi de les mettre en oeuvre. Le Gouvernement devra prendre les dispositions nécessaires pour que ce choix puisse être fait en 2006, ainsi que le prévoit la loi Bataille ;
3- L'apport du nucléaire à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre est déterminant et permet à notre pays de figurer parmi les plus vertueux des membres de l'OCDE. A titre d'exemple, si les Etats-Unis avaient le même bouquet énergétique que la France, ils réduiraient de 30% leurs émissions de CO2 !
4- Enfin, des choix devront être faits rapidement, car la question du renouvellement de notre parc se posera dès 2020 ce qui est, dans le domaine de l'énergie, déjà demain.
Il ne s'agit pas de passer sous silence les risques liés à l'utilisation du nucléaire, que ce soit les risques d'accident ou de prolifération à des fins militaires. Ces risques doivent néanmoins être comparés à ceux que fait peser sur notre planète l'effet de serre : c'est bien entre deux inconvénients qu'il nous faudra choisir. Chacun doit en être conscient.
Telles sont, à grands traits, les pistes qui s'ouvrent devant nous, et sur lesquelles, grâce au débat, la communauté nationale pourra s'engager. J'attends de la journée d'aujourd'hui qu'elle approfondisse l'ensemble de ces questions et qu'elle permette au Gouvernement de mieux cerner les priorités. Je remercie à cet égard l'ensemble des intervenants de leur présence.
Je remercie également les Sages, Messieurs Mac Lesggy et Pierre Castillon ici présents et Edgar Morin, (retenu à l'étranger) qui me rendront leur rapport sur le débat début juillet, ainsi que Jean Besson, député du Rhône, qui me remettra le sien en septembre, à partir des rencontres organisées avec les élus. Sachez aussi que le Débat ne s'arrête pas aujourd'hui. Nous avons enclenché un processus qu'il faut poursuivre et amplifier, sans relâche. J'y veillerai. C'est ainsi que le temps des choix viendra naturellement.
Le Gouvernement élaborera donc un projet de loi d'orientation sur les énergies, à la lumière de tous ces enseignements. Ce projet fera l'objet d'une phase de concertation avec l'ensemble des acteurs concernés avant d'être soumis au Parlement.
Pour conclure, permettez moi une dernière remarque. Il n'est pas anodin que la politique énergétique ait fait la première l'objet de cette nouvelle " gouvernance " : l'énergie constitue l'un des fondements de notre pacte social ; elle est l'un des biens les plus indispensables, les plus également utilisés, dont les bienfaits et les éventuels inconvénients sont les mieux partagés.
Et comme le disait le Philosophe, " délibérer en commun des choses communes ", voilà ce que l'on appelle vivre en citoyen, c'est-à-dire en homme libre.
Je vous remercie.
(Source http://www.debat-energie.gouv.fr, le 30 mai 2003)