Texte intégral
Q - Le sommet des chefs d'Etat et de gouvernement des pays membres de la COI se tient ce vendredi à la Réunion. La France, Madagascar, Les Seychelles et Maurice seront représentés par leur président ou par leur Premier ministre respectif Ce ne sera pas le cas des Comores. Le colonel Azali n'a pas été invité. Est-ce que ce n'est pas une bien mauvaise façon de commencer un sommet de la COI que d'exclure d'entrée de jeu un des dirigeants des pays membres ?
R - J'observe simplement que les Comores seront représentées par un conseiller présidentiel que j'ai rencontré et qui est en liaison permanente avec M. Azali. Donc si M. Azali n'est pas là, les Comores sont là.
Q - Mais pourquoi pas le colonel Azali lui-même alors ?
R - Parce que les conditions dans lesquelles il est arrivé au pouvoir ne sont pas exactement conformes à l'idée qu'on se fait de la démocratie.
Q - La France a donc posé ses conditions
R - La France espère... mais je crois que le colonel Azali a très bien compris que le processus démocratique va très vite se remettre en marche et qu'un certain nombre de décisions - qui étaient d'ailleurs prévues lors des accords de Tananarive - vont pouvoir permettre très vite, je répète, aux Comores d'avoir une vie publique apaisée mais surtout de pouvoir bénéficier de la coopération normale que nous devrions pouvoir reprendre avec les Comores qui en ont, bien entendu, besoin.
Q - Mais le colonel Azali avait pourtant participé au Sommet de la Francophonie à Il avait aussi participé au sommet de l'OUA à Alger. Qu'est-ce qui fait que pour la COI, c'est non ?
R - Parce que les acteurs de cette conférence n'ont pas forcément voulu appliquer les mêmes règles que celles qui ont prévalu à l'OUA.
Q - Les acteurs ou la France
R - On dira les acteurs
Q - Les questions de la crise comorienne fera l'objet d'un huis clos durant le sommet de la COI. Qui a pris cette initiative ?
R - Je crois que c'est d'un commun accord que nous sommes convenus qu'un certain nombre de points font l'objet d'un huis clos pour pouvoir peut-être même se parler plus franchement. Ce sera le cas d'ailleurs lors de la conférence ministérielle sur certains sujets. Nous avons décidé que nous serons moins nombreux, peut-être pour aller plus au fond d'un certain nombre de problèmes On comprendra que la question des Comores et d'Anjouan puisse faire l'objet bien sûr d'un huis clos. Si le sommet des chefs d'Etat peut permettre de faire avancer ce dossier, alors il ne faut pas s'en priver.
Q - Le faire avancer dans quelle mesure ? Faire accepter aux deux parties, Anjouan comme à la Grande Comore, les accords de Tananarive
R - Je crois qu'il s'agit de c'est voir si les voisins, les amis des Comores peuvent aider l'ensemble des acteurs comoriens à trouver la voie de la réconciliation nationale pour préserver ce à quoi la France a toujours dit qu'elle était très attachée, l'intégrité territoriale et la souveraineté de la République Islamique des Comores.
Q - Et si cela échoue, est-ce que la France a l'intention d'engager d'autres actions de conciliation ?
R - Avant de parier sur l'échec, soyons optimiste On en reparlera après
Q - La crise comorienne sera évidemment l'un des thèmes mais pas le seul de ce sommet de la COI. Est-ce que la France a un message particulier à transmettre lors de ce sommet ?
R - Oui Que les pays de l'Océan indien sachent bien utiliser les possibilités que les nouveaux accords de Lomé vont offrir en ce qui concerne la consolidation des intégrations économiques régionales. Et la COI de ce point de vue est bien partie. J'observe que, s'agissant des échanges, les décisions prises en Madagascar et l'Ile Maurice par exemple de réduire de 100 % les barrières tarifaires va dans le bon sens. La mondialisation est souvent diabolisée. Il faut pour autant se préparer, y compris les pays ACP, à s'inscrire dans cette mondialisation. Il faut s'en donner le temps. Il faut aussi s'en donner les moyens Et l'intégration économique régionale en fait certainement partie.
Q - Mais les échanges au sein de la COI restent extrêmement faibles aujourd'hui. Le secrétaire général de la COI le reconnaît lui-même
R - C'est bien pour cela qu'il faut pousser les feux en ce qui concerne l'abaissement des barrières tarifaires. Il faut sans doute aussi se donner un autre objectif - c'est peut-être ça le grand message - c'est améliorer les relations entre la COI et les grandes organisations régionales qui la bordent, la SADC d'un côté, et l'Indian Ocean Rim de l'autre
Q - On a encore du mal à voir comment un DOM comme la Réunion peut très concrètement coopérer avec les pays qui l'entourent Du fait du statut notamment cela pose des problèmes
R - La loi d'orientation qui va être présentée très prochainement ne modifie pas le statut mais je crois qu'elle va dans le sens fortement souhaité par les élus des départements d'outre-mer - c'est le cas à la Réunion - qui veulent pouvoir échanger plus, échanger mieux avec leurs voisins, concerter, contracter dans des domaines divers qui peuvent être économiques, sociaux, culturels, dans leur champ de compétence bien sûr. Dès lors que la concertation avec l'Etat est soutenue, pouvoir se sentir plus libre en quelque sorte.
Q - Donc c'est ce que Lionel Jospin appelait "coopération directe accrue avec les Etats qui entourent les DOM", quand il était aux Antilles
R - C'est ce qu'il a dit aux Antilles il y a 15 jours. C'est ce qu'il redira quand la présentation de la loi sera faite. C'est ce qu'il redira peut-être à la Réunion s'il y vient. Et je crois comprendre qu'il a envie de venir.
Q - Il y a quand même des barrières. La Réunion par exemple ne va pas pouvoir faire partie du grand projet de la COI qui est la zone de libre échange.
R - C'est une question qui va être discutée en tenant compte des souplesses que le fameux article 299.2 du Traité d'Amsterdam autorise. Je suis convaincu qu'on va trouver le moyen de surmonter cette contradiction qui veut que la COI c'est en effet un morceau d'Europe, la Réunion en l'occurrence, et trois pays ACP.
Q - Est-ce que ça signifie qu'un DOM comme la Réunion peut à travers de la France adhérer à l'Indian Ocean Rim que vous citiez tout à l'heure, à la SADC ?
R - Vous savez que la France aimerait, pour elle-même et pour la Réunion en particulier, pourquoi pas intégrer ces grands ensembles qui vont avoir un rôle de plus en plus important sur le plan économique, peut-être même sur le plan politique. Je pense que les avancées que la loi d'orientation va permettre en affirmant mieux peut-être l'identité des départements d'outre-mer, en permettant peut-être aux élus aussi de s'appliquer davantage dans cette relation, devraient permettre à ces ensembles de porter un autre regard sur la demande française d'intégration. C'est aussi un peu dans notre esprit, ces changements qui vont intervenir facilitent l'intégration de la France, donc de la Réunion, dans ces grands ensembles.
Q - Vous brisez les tabous
R - Voilà !
Q - Est-ce qu'on peut aller aussi loin que ce que suggèrent les parlementaires Lise et Tamaya ? Ils envisagent que le président du Conseil régional ou du Conseil général puisse négocier des traités ou des accords nationaux avec un Etat étranger
R - Si c'est dans le cadre d'une concertation avec l'Etat français. Il ne s'agirait pas que les élus engagent l'Etat au-delà de ses propres compétences ou de ses propres moyens. Mais si la concertation est prévue, on peut imaginer que l'Etat donne délégation aux élus pour le représenter et signer à sa place. La contrepartie, vous l'avez compris, c'est une concertation très étroite du début à la fin du processus.
Q - Si je vous comprends bien, la loi d'orientation n'ira pas aussi loin que ça
R - Je pense qu'elle peut réserver de bonnes surprises. Vous verrez...
Q - Les traités pourraient être valables à ce moment-là uniquement pour le DOM qui a signé ou pour l'ensemble du territoire français ?
R - Le cadre sera le même, mais la loi n'a d'intérêt que si elle prend mieux en compte les réalités des départements d'outre-mer et même - les réalités de tel ou tel département d'outre-mer dans leur environnement régional. C'était la revendication des élus. Je crois qu'ils ont bonne chance d'espérer être satisfaits.
Q - Dans ce nouveau cadre, quel rôle peut avoir la Commission de l'Océan Indien ?
R - De pouvoir peut-être consolider sa fonction politique.
Q - C'est une priorité qui va s'exprimer
R - Ce n'est peut-être pas une priorité, mais c'est une innovation. Je crois bien que, lors de la conférence à laquelle je participais à Maurice en avril 98, lorsque la France a pris la présidence, ce fut la première occasion pour parler politique. On a parlé Comores déjà. Il est évident qu'entre ministres et chefs de l'Etat on parlera aussi politique. Il est vrai que notre ambition serait que la concertation diplomatique entre pays de la COI soit plus soutenue.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 décembre 1999)
R - J'observe simplement que les Comores seront représentées par un conseiller présidentiel que j'ai rencontré et qui est en liaison permanente avec M. Azali. Donc si M. Azali n'est pas là, les Comores sont là.
Q - Mais pourquoi pas le colonel Azali lui-même alors ?
R - Parce que les conditions dans lesquelles il est arrivé au pouvoir ne sont pas exactement conformes à l'idée qu'on se fait de la démocratie.
Q - La France a donc posé ses conditions
R - La France espère... mais je crois que le colonel Azali a très bien compris que le processus démocratique va très vite se remettre en marche et qu'un certain nombre de décisions - qui étaient d'ailleurs prévues lors des accords de Tananarive - vont pouvoir permettre très vite, je répète, aux Comores d'avoir une vie publique apaisée mais surtout de pouvoir bénéficier de la coopération normale que nous devrions pouvoir reprendre avec les Comores qui en ont, bien entendu, besoin.
Q - Mais le colonel Azali avait pourtant participé au Sommet de la Francophonie à Il avait aussi participé au sommet de l'OUA à Alger. Qu'est-ce qui fait que pour la COI, c'est non ?
R - Parce que les acteurs de cette conférence n'ont pas forcément voulu appliquer les mêmes règles que celles qui ont prévalu à l'OUA.
Q - Les acteurs ou la France
R - On dira les acteurs
Q - Les questions de la crise comorienne fera l'objet d'un huis clos durant le sommet de la COI. Qui a pris cette initiative ?
R - Je crois que c'est d'un commun accord que nous sommes convenus qu'un certain nombre de points font l'objet d'un huis clos pour pouvoir peut-être même se parler plus franchement. Ce sera le cas d'ailleurs lors de la conférence ministérielle sur certains sujets. Nous avons décidé que nous serons moins nombreux, peut-être pour aller plus au fond d'un certain nombre de problèmes On comprendra que la question des Comores et d'Anjouan puisse faire l'objet bien sûr d'un huis clos. Si le sommet des chefs d'Etat peut permettre de faire avancer ce dossier, alors il ne faut pas s'en priver.
Q - Le faire avancer dans quelle mesure ? Faire accepter aux deux parties, Anjouan comme à la Grande Comore, les accords de Tananarive
R - Je crois qu'il s'agit de c'est voir si les voisins, les amis des Comores peuvent aider l'ensemble des acteurs comoriens à trouver la voie de la réconciliation nationale pour préserver ce à quoi la France a toujours dit qu'elle était très attachée, l'intégrité territoriale et la souveraineté de la République Islamique des Comores.
Q - Et si cela échoue, est-ce que la France a l'intention d'engager d'autres actions de conciliation ?
R - Avant de parier sur l'échec, soyons optimiste On en reparlera après
Q - La crise comorienne sera évidemment l'un des thèmes mais pas le seul de ce sommet de la COI. Est-ce que la France a un message particulier à transmettre lors de ce sommet ?
R - Oui Que les pays de l'Océan indien sachent bien utiliser les possibilités que les nouveaux accords de Lomé vont offrir en ce qui concerne la consolidation des intégrations économiques régionales. Et la COI de ce point de vue est bien partie. J'observe que, s'agissant des échanges, les décisions prises en Madagascar et l'Ile Maurice par exemple de réduire de 100 % les barrières tarifaires va dans le bon sens. La mondialisation est souvent diabolisée. Il faut pour autant se préparer, y compris les pays ACP, à s'inscrire dans cette mondialisation. Il faut s'en donner le temps. Il faut aussi s'en donner les moyens Et l'intégration économique régionale en fait certainement partie.
Q - Mais les échanges au sein de la COI restent extrêmement faibles aujourd'hui. Le secrétaire général de la COI le reconnaît lui-même
R - C'est bien pour cela qu'il faut pousser les feux en ce qui concerne l'abaissement des barrières tarifaires. Il faut sans doute aussi se donner un autre objectif - c'est peut-être ça le grand message - c'est améliorer les relations entre la COI et les grandes organisations régionales qui la bordent, la SADC d'un côté, et l'Indian Ocean Rim de l'autre
Q - On a encore du mal à voir comment un DOM comme la Réunion peut très concrètement coopérer avec les pays qui l'entourent Du fait du statut notamment cela pose des problèmes
R - La loi d'orientation qui va être présentée très prochainement ne modifie pas le statut mais je crois qu'elle va dans le sens fortement souhaité par les élus des départements d'outre-mer - c'est le cas à la Réunion - qui veulent pouvoir échanger plus, échanger mieux avec leurs voisins, concerter, contracter dans des domaines divers qui peuvent être économiques, sociaux, culturels, dans leur champ de compétence bien sûr. Dès lors que la concertation avec l'Etat est soutenue, pouvoir se sentir plus libre en quelque sorte.
Q - Donc c'est ce que Lionel Jospin appelait "coopération directe accrue avec les Etats qui entourent les DOM", quand il était aux Antilles
R - C'est ce qu'il a dit aux Antilles il y a 15 jours. C'est ce qu'il redira quand la présentation de la loi sera faite. C'est ce qu'il redira peut-être à la Réunion s'il y vient. Et je crois comprendre qu'il a envie de venir.
Q - Il y a quand même des barrières. La Réunion par exemple ne va pas pouvoir faire partie du grand projet de la COI qui est la zone de libre échange.
R - C'est une question qui va être discutée en tenant compte des souplesses que le fameux article 299.2 du Traité d'Amsterdam autorise. Je suis convaincu qu'on va trouver le moyen de surmonter cette contradiction qui veut que la COI c'est en effet un morceau d'Europe, la Réunion en l'occurrence, et trois pays ACP.
Q - Est-ce que ça signifie qu'un DOM comme la Réunion peut à travers de la France adhérer à l'Indian Ocean Rim que vous citiez tout à l'heure, à la SADC ?
R - Vous savez que la France aimerait, pour elle-même et pour la Réunion en particulier, pourquoi pas intégrer ces grands ensembles qui vont avoir un rôle de plus en plus important sur le plan économique, peut-être même sur le plan politique. Je pense que les avancées que la loi d'orientation va permettre en affirmant mieux peut-être l'identité des départements d'outre-mer, en permettant peut-être aux élus aussi de s'appliquer davantage dans cette relation, devraient permettre à ces ensembles de porter un autre regard sur la demande française d'intégration. C'est aussi un peu dans notre esprit, ces changements qui vont intervenir facilitent l'intégration de la France, donc de la Réunion, dans ces grands ensembles.
Q - Vous brisez les tabous
R - Voilà !
Q - Est-ce qu'on peut aller aussi loin que ce que suggèrent les parlementaires Lise et Tamaya ? Ils envisagent que le président du Conseil régional ou du Conseil général puisse négocier des traités ou des accords nationaux avec un Etat étranger
R - Si c'est dans le cadre d'une concertation avec l'Etat français. Il ne s'agirait pas que les élus engagent l'Etat au-delà de ses propres compétences ou de ses propres moyens. Mais si la concertation est prévue, on peut imaginer que l'Etat donne délégation aux élus pour le représenter et signer à sa place. La contrepartie, vous l'avez compris, c'est une concertation très étroite du début à la fin du processus.
Q - Si je vous comprends bien, la loi d'orientation n'ira pas aussi loin que ça
R - Je pense qu'elle peut réserver de bonnes surprises. Vous verrez...
Q - Les traités pourraient être valables à ce moment-là uniquement pour le DOM qui a signé ou pour l'ensemble du territoire français ?
R - Le cadre sera le même, mais la loi n'a d'intérêt que si elle prend mieux en compte les réalités des départements d'outre-mer et même - les réalités de tel ou tel département d'outre-mer dans leur environnement régional. C'était la revendication des élus. Je crois qu'ils ont bonne chance d'espérer être satisfaits.
Q - Dans ce nouveau cadre, quel rôle peut avoir la Commission de l'Océan Indien ?
R - De pouvoir peut-être consolider sa fonction politique.
Q - C'est une priorité qui va s'exprimer
R - Ce n'est peut-être pas une priorité, mais c'est une innovation. Je crois bien que, lors de la conférence à laquelle je participais à Maurice en avril 98, lorsque la France a pris la présidence, ce fut la première occasion pour parler politique. On a parlé Comores déjà. Il est évident qu'entre ministres et chefs de l'Etat on parlera aussi politique. Il est vrai que notre ambition serait que la concertation diplomatique entre pays de la COI soit plus soutenue.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 décembre 1999)