Texte intégral
J.-P. Elkabbach-. Je vous remercie d'être là, parce que vous êtes rentrée à l'aube à Paris, après une visite de deux jours en Afghanistan, seule officielle étrangère à Kaboul, seule à avoir parlé avec le président Karzaï. Et au stade, lors de la manifestation, vous représentiez la France aux cérémonies qui marquent le deuxième anniversaire de l'assassinat de Massoud. J'ajoute que vous étiez l'amie de Massoud, que vous l'aviez reçu au Parlement européen à une époque où personne à Paris, ou presque personne, ne voulait le recevoir en dehors de peut-être H. Védrine et C. Poncelet au Sénat. Qu'est-ce qui vous a le plus impressionné à Kaboul ?
- "Tout d'abord, vous me permettrez de dire qu'aujourd'hui est un jour très triste. Aujourd'hui, c'est le 11 septembre, personne n'oubliera jamais la tragédie du World Trade Center. C'est un jour triste aussi, parce que malheureusement, la menace terroriste demeure presque aussi terrifiante qu'elle l'était au lendemain du 11 septembre. Et c'est l'impression que j'ai de ce voyage à Kaboul qui n'a fait que renforcer ce sentiment..."
C'est à dire la présence des terroristes, la menace qui continue de peser et, en même temps, ce qu'on découvre, la résurrection des réseaux Al-Qaida. D'abord Al-Qaida, c'est une succession de réseaux et en même temps, ce qu'on nous montre, l'impression que Ben Laden est vivant... Et on a du vous en parler ?
- "Oui, en ce jour, on ne peut que redire bien sûr aux Américains notre profonde solidarité mais les grandes déclarations ne suffisent pas, il faut que la communauté internationale ait conscience d'un certain nombre de choses. Il faut qu'elle ait conscience qu'aujourd'hui les Taliban ont été certes vaincus mais ils n'ont pas été anéantis..."
C'est à dire qu'ils sont même de retour ?
- "Oui, ils sont de retour dans le Sud, il faut que la communauté internationale comprenne qu'elle doit aider plus efficacement à la reconstruction de l'Afghanistan. Et ce message s'adresse à tout le monde, y compris à la France. La France est très aimée, très attendue. Il faut que la communauté internationale comprenne qu'elle doit demander au Pakistan de cesser son jeu trouble, qui permet aux Taliban de se reconstituer à la frontière. Et puis, il faut surtout qu'on n'oublie pas ce qu'étaient les Taliban, ces nouveaux khmers rouges de l'Asie, cette folie destructrice que rien n'arrêtait. Les femmes privées des droits les plus élémentaires, tout cela, je n'imagine pas un seul instant que l'on puisse l'oublier..."
Très bien, on ne l'oubliera pas - on n'a pas une vision idyllique non plus de ce qui se passe -, mais vous nous dîtes qu'il y a une sorte de double jeu du Pakistan ?
- "Oui, bien sûr, ceci m'a été dit à plusieurs reprises, bien évidemment."
Et B.-H. Lévy l'avait raconté à propos de l'assassinat du journaliste américain D. Pearl, dans un livre qui était très beau... Mais pour l'Amérique, il y a aujourd'hui, comme foyer du terrorisme international, l'Irak. Est-ce que vous revenez avec l'idée qu'il y a peut-être deux lieux, deux fronts, deux menaces : l'Irak et l'Afghanistan, peut-être même l'Afghanistan ?
- "Le front le plus dangereux est certainement l'Afghanistan, disons le Pakistan via l'Afghanistan. Et je voudrais vous dire, en ce jour, que le message que le commandant Massoud était venu nous livrer au Parlement européen est un message plus actuel que jamais. Il était venu dénoncer ce danger du terrorisme. Et ce que je voudrais dire aussi, c'est que tant que le conflit israélo-palestinien perdurera, il restera un brûlot qui alimentera le feu du terrorisme. Et je ne suis pas sûre que l'on en ait suffisamment conscience."
Est-ce qu'à Kaboul, on vous a parlé de Ben Laden, du Mollah Omar et de ce qui est en train de se passer peut-être à la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan ?
- "Nous n'avions pas besoin de cette cassette pour savoir que Ben Laden était encore vivant, de même que le Mollah Omar - je serais tentée d'ajouter de même que S. Hussein. Et aujourd'hui cette gangrène du terrorisme doit absolument être combattue par encore une fois une prise de conscience courageuse et des actes."
Donc la coalition antiterroriste voulue par Bush et à laquelle le président Chirac avait dit qu'on s'associait, doit être toujours active, étant donné ce qui continue en Afghanistan ?
- "Elle doit être toujours active. Alors, bien sûr, de leur côté, les Afghans doivent bien évidemment travailler à restaurer leur unité nationale. C'est le projet d'une constitution démocratique, c'est le projet d'élections, ils ont bien conscience de cela..."
Mais ils ont du retard...
- "Tout à fait, il y a beaucoup de choses à faire de leur côté, ils en sont parfaitement conscients. C'est un peuple très fier, c'est un peuple vraiment merveilleux, un peuple qui a énormément souffert, un peuple qui ne demande rien mais qui demande simplement qu'on l'aide à restaurer sa dignité et sa liberté."
H. Karzaï que vous avez vu, que vous connaissiez déjà, est-ce qu'il resterait au pouvoir et en vie si la coalition internationale quittait l'Afghanistan ?
- "Je n'imagine pas un seul instant que la communauté internationale puisse envisager de quitter l'Afghanistan, ce serait une erreur politique historique..."
Vous direz au président de la République et à M. Raffarin tout à l'heure, puisque vous allez au Conseil des ministres, toutes ces impressions et ces informations et, en même temps, que la campagne militaire en Afghanistan anti-Taliban et antiterroriste doit continuer ?
- "Absolument et qu'elle est plus nécessaire que jamais."
La démocratie devait progresser en Afghanistan avec des élections - elles sont retardées -, avec le désarmement des milices - elles sont surarmées - et on lit ou on entend dire que la production d'opium continue, souvent on la transforme en héroïne pour le commerce ou pour l'exportation. C'est une activité rentable pour l'économie et pour les trafiquants et bandits qui achètent des armes avec les profits de la drogue, on vous l'a dit ?
- "Oui, tout à fait, tout cela est vrai, mais je crois qu'il faut quand même voir la réalité. Si vous me le permettez, prenons par exemple la situation des femmes. Je dois dire que j'ai été désagréablement surprise de voir que la quasi-totalité des femmes, même à Kaboul, portent encore à l'extérieur le fameux tchadri. J'ai interrogé ces femmes et elles m'ont dit que ce qu'il faut voir, c'est l'évolution profonde qui est en train de se produire. Et cette évolution, qu'est-ce que c'est ? Tout simplement, concrètement, toutes les petites filles aujourd'hui vont à l'école, les femmes ont retrouvé les droits les plus essentiels, le droit à l'éducation, le droit de se soigner qu'elles n'avaient pas sous les Taliban, le droit à exercer des professions. Ainsi, par exemple, en Afghanistan, c'est l'un des seuls pays musulmans où les femmes peuvent être juges."
Mais elles sont vigilantes et elles ont intérêt à rester vigilantes et nous à les soutenir...
- "Tout à fait, à la Loya Jirga, 200 femmes participaient à cette grande assemblée. Tout cela, ce sont des signes extrêmement importants et je suis convaincue que peu à peu, le tchadri disparaîtra. Il fait partie de la tradition afghane. Bien sûr, nous, occidentales, nous le considérons comme quelque chose d'épouvantable, comme une prison... Je suis convaincue qu'il disparaîtra et ces petites filles allant à l'école, je vous assure que c'était vraiment un signe très porteur..."
Les experts disent que les hommes de Massoud et de l'Alliance du Nord sont en train de monopoliser le pouvoir et ses avantages au détriment d'autres ethnies, qui sont mécontentes et qui, un jour ou l'autre, vont le faire savoir violemment ?
- "Je dirais simplement que les amis de Massoud sont parfaitement conscients de la nécessité d'un équilibre bien évidemment entre les ethnies, parce que l'Afghanistan a souffert essentiellement justement de ces luttes intestines. Mais j'ai trouvé vraiment des interlocuteurs très conscients de cela et je ne crois pas qu'il y ait trop d'inquiétude à se faire. Simplement, il faut que nous soyons très vigilants et, encore une fois, aider à la reconstruction par des projets ciblés. Les besoins sont énormes... Je comprends très bien que les projecteurs se soient déplacés vers d'autres foyers d'incendie."
Vous voulez dire, n'oublions pas Kaboul ?
- "Tout à fait, pas seulement pour l'Afghanistan, mais pour le monde entier."
Et tout l'Afghanistan, parce qu'il ne faut pas laisser les Taliban prendre le Sud comme c'est le cas et monter tout doucement vers Kaboul et un jour ou l'autre, les Américains partiraient. Il faut dire que vous avez vu les soldats français qui opèrent aux côtés des Américains...
- "Ah, remarquablement !"
Avec un petit message de M. Alliot-Marie, du président de la République, vous avez vu surtout les forces spéciales et les forces secrètes. Est-ce que Karzaï vous a transmis un message pour Paris, l'Elysée et pour nous ?
- "Toutes les personnalités que j'ai rencontrées m'ont toutes vraiment dit leur amitié pour la France, une amitié extrêmement sincère, une très grande attente, une amitié ancienne, une amitié profonde et bien sûr, ils avaient invité dans ces cérémonies l'ancienne présidente du Parlement européen qui avait reçu Massoud, mais aussi le membre du gouvernement français."
Vous ne vous êtes pas absentée longtemps. Vous retrouvez les dossiers et les angoisses du ministère de l'Industrie. Vous savez qu'en ce moment il y a des frictions - je ne sais pas si ça s'est aggravé parce que vous n'étiez pas là -, mais en tout cas ça s'est aggravé : à propos d'Alstom par exemple, M. Monti, le commissaire, durcit les exigences de Bruxelles contre le plan de sauvetage établi par le Gouvernement. Est-ce qu'on prépare un réaménagement, une révision de ce plan ou on va essayer de passer en force ?
- "Sur ce sujet, ce que je voulais dire, c'est que mes convictions européennes sont bien connues, elles n'ont pas changé. Mais c'est le contexte économique qui a changé. Aujourd'hui, la concurrence n'est plus intra-européenne, elle est mondiale. Et les règles de Bruxelles à cet égard sont trop rigides : c'est valable pour le Pacte de stabilité dont on a un peu trop oublié qu'il était le Pacte de stabilité et de croissance ; et c'est valable pour Alstom. De quoi s'agit-il, pour Alstom ? Le Gouvernement français a fait un énorme sacrifice pour sauver 110.000 emplois - européens, ne l'oublions pas, les emplois ne sont pas seulement en France. Qui oserait le lui reprocher ?"
Mais vous allez tenir compte de ce que demande MM. Prodi et Monti ?
- "Mais bien sûr, nous allons négocier, nous allons discuter avec la Commission pour réaménager le plan, dans le sens, bien sûr, qui puisse tout à fait concilier la Commission. Mais nous leur demandons simplement un peu de patience. L'objectif, quel est-il ? L'objectif est de retrouver la croissance. N'oublions pas les engagements que nous avons pris à Lisbonne. A Lisbonne, nous nous sommes engagés au retour de la croissance européenne. Et ça, c'est un objectif que nous devons poursuivre résolument, que le Gouvernement français poursuit résolument. Et je suis convaincue nous tenons le bon bout."
On dit qu'il y a une initiative commune en matière de croissance et d'emploi au niveau européen. Elle est pour quand ?
- "Absolument, je pars dans quelques instants avec le Premier ministre, J.-P. Raffarin, F. Mer et F. Fillon, pour discuter avec T. Blair justement de cette initiative. Et nous avons un sommet franco-allemand le 18 septembre prochain. La croissance sera au coeur de ce rendez-vous. Comme vous le voyez, tout cela est très européen."
Elle est pour quand ?
- "Elle est pour le plus rapidement possible. Elle est absolument nécessaire, c'est au niveau européen que nous devons relancer la croissance pour les emplois et vraiment, je crois que c'est tout à fait essentiel."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 septembre 2003)
- "Tout d'abord, vous me permettrez de dire qu'aujourd'hui est un jour très triste. Aujourd'hui, c'est le 11 septembre, personne n'oubliera jamais la tragédie du World Trade Center. C'est un jour triste aussi, parce que malheureusement, la menace terroriste demeure presque aussi terrifiante qu'elle l'était au lendemain du 11 septembre. Et c'est l'impression que j'ai de ce voyage à Kaboul qui n'a fait que renforcer ce sentiment..."
C'est à dire la présence des terroristes, la menace qui continue de peser et, en même temps, ce qu'on découvre, la résurrection des réseaux Al-Qaida. D'abord Al-Qaida, c'est une succession de réseaux et en même temps, ce qu'on nous montre, l'impression que Ben Laden est vivant... Et on a du vous en parler ?
- "Oui, en ce jour, on ne peut que redire bien sûr aux Américains notre profonde solidarité mais les grandes déclarations ne suffisent pas, il faut que la communauté internationale ait conscience d'un certain nombre de choses. Il faut qu'elle ait conscience qu'aujourd'hui les Taliban ont été certes vaincus mais ils n'ont pas été anéantis..."
C'est à dire qu'ils sont même de retour ?
- "Oui, ils sont de retour dans le Sud, il faut que la communauté internationale comprenne qu'elle doit aider plus efficacement à la reconstruction de l'Afghanistan. Et ce message s'adresse à tout le monde, y compris à la France. La France est très aimée, très attendue. Il faut que la communauté internationale comprenne qu'elle doit demander au Pakistan de cesser son jeu trouble, qui permet aux Taliban de se reconstituer à la frontière. Et puis, il faut surtout qu'on n'oublie pas ce qu'étaient les Taliban, ces nouveaux khmers rouges de l'Asie, cette folie destructrice que rien n'arrêtait. Les femmes privées des droits les plus élémentaires, tout cela, je n'imagine pas un seul instant que l'on puisse l'oublier..."
Très bien, on ne l'oubliera pas - on n'a pas une vision idyllique non plus de ce qui se passe -, mais vous nous dîtes qu'il y a une sorte de double jeu du Pakistan ?
- "Oui, bien sûr, ceci m'a été dit à plusieurs reprises, bien évidemment."
Et B.-H. Lévy l'avait raconté à propos de l'assassinat du journaliste américain D. Pearl, dans un livre qui était très beau... Mais pour l'Amérique, il y a aujourd'hui, comme foyer du terrorisme international, l'Irak. Est-ce que vous revenez avec l'idée qu'il y a peut-être deux lieux, deux fronts, deux menaces : l'Irak et l'Afghanistan, peut-être même l'Afghanistan ?
- "Le front le plus dangereux est certainement l'Afghanistan, disons le Pakistan via l'Afghanistan. Et je voudrais vous dire, en ce jour, que le message que le commandant Massoud était venu nous livrer au Parlement européen est un message plus actuel que jamais. Il était venu dénoncer ce danger du terrorisme. Et ce que je voudrais dire aussi, c'est que tant que le conflit israélo-palestinien perdurera, il restera un brûlot qui alimentera le feu du terrorisme. Et je ne suis pas sûre que l'on en ait suffisamment conscience."
Est-ce qu'à Kaboul, on vous a parlé de Ben Laden, du Mollah Omar et de ce qui est en train de se passer peut-être à la frontière entre le Pakistan et l'Afghanistan ?
- "Nous n'avions pas besoin de cette cassette pour savoir que Ben Laden était encore vivant, de même que le Mollah Omar - je serais tentée d'ajouter de même que S. Hussein. Et aujourd'hui cette gangrène du terrorisme doit absolument être combattue par encore une fois une prise de conscience courageuse et des actes."
Donc la coalition antiterroriste voulue par Bush et à laquelle le président Chirac avait dit qu'on s'associait, doit être toujours active, étant donné ce qui continue en Afghanistan ?
- "Elle doit être toujours active. Alors, bien sûr, de leur côté, les Afghans doivent bien évidemment travailler à restaurer leur unité nationale. C'est le projet d'une constitution démocratique, c'est le projet d'élections, ils ont bien conscience de cela..."
Mais ils ont du retard...
- "Tout à fait, il y a beaucoup de choses à faire de leur côté, ils en sont parfaitement conscients. C'est un peuple très fier, c'est un peuple vraiment merveilleux, un peuple qui a énormément souffert, un peuple qui ne demande rien mais qui demande simplement qu'on l'aide à restaurer sa dignité et sa liberté."
H. Karzaï que vous avez vu, que vous connaissiez déjà, est-ce qu'il resterait au pouvoir et en vie si la coalition internationale quittait l'Afghanistan ?
- "Je n'imagine pas un seul instant que la communauté internationale puisse envisager de quitter l'Afghanistan, ce serait une erreur politique historique..."
Vous direz au président de la République et à M. Raffarin tout à l'heure, puisque vous allez au Conseil des ministres, toutes ces impressions et ces informations et, en même temps, que la campagne militaire en Afghanistan anti-Taliban et antiterroriste doit continuer ?
- "Absolument et qu'elle est plus nécessaire que jamais."
La démocratie devait progresser en Afghanistan avec des élections - elles sont retardées -, avec le désarmement des milices - elles sont surarmées - et on lit ou on entend dire que la production d'opium continue, souvent on la transforme en héroïne pour le commerce ou pour l'exportation. C'est une activité rentable pour l'économie et pour les trafiquants et bandits qui achètent des armes avec les profits de la drogue, on vous l'a dit ?
- "Oui, tout à fait, tout cela est vrai, mais je crois qu'il faut quand même voir la réalité. Si vous me le permettez, prenons par exemple la situation des femmes. Je dois dire que j'ai été désagréablement surprise de voir que la quasi-totalité des femmes, même à Kaboul, portent encore à l'extérieur le fameux tchadri. J'ai interrogé ces femmes et elles m'ont dit que ce qu'il faut voir, c'est l'évolution profonde qui est en train de se produire. Et cette évolution, qu'est-ce que c'est ? Tout simplement, concrètement, toutes les petites filles aujourd'hui vont à l'école, les femmes ont retrouvé les droits les plus essentiels, le droit à l'éducation, le droit de se soigner qu'elles n'avaient pas sous les Taliban, le droit à exercer des professions. Ainsi, par exemple, en Afghanistan, c'est l'un des seuls pays musulmans où les femmes peuvent être juges."
Mais elles sont vigilantes et elles ont intérêt à rester vigilantes et nous à les soutenir...
- "Tout à fait, à la Loya Jirga, 200 femmes participaient à cette grande assemblée. Tout cela, ce sont des signes extrêmement importants et je suis convaincue que peu à peu, le tchadri disparaîtra. Il fait partie de la tradition afghane. Bien sûr, nous, occidentales, nous le considérons comme quelque chose d'épouvantable, comme une prison... Je suis convaincue qu'il disparaîtra et ces petites filles allant à l'école, je vous assure que c'était vraiment un signe très porteur..."
Les experts disent que les hommes de Massoud et de l'Alliance du Nord sont en train de monopoliser le pouvoir et ses avantages au détriment d'autres ethnies, qui sont mécontentes et qui, un jour ou l'autre, vont le faire savoir violemment ?
- "Je dirais simplement que les amis de Massoud sont parfaitement conscients de la nécessité d'un équilibre bien évidemment entre les ethnies, parce que l'Afghanistan a souffert essentiellement justement de ces luttes intestines. Mais j'ai trouvé vraiment des interlocuteurs très conscients de cela et je ne crois pas qu'il y ait trop d'inquiétude à se faire. Simplement, il faut que nous soyons très vigilants et, encore une fois, aider à la reconstruction par des projets ciblés. Les besoins sont énormes... Je comprends très bien que les projecteurs se soient déplacés vers d'autres foyers d'incendie."
Vous voulez dire, n'oublions pas Kaboul ?
- "Tout à fait, pas seulement pour l'Afghanistan, mais pour le monde entier."
Et tout l'Afghanistan, parce qu'il ne faut pas laisser les Taliban prendre le Sud comme c'est le cas et monter tout doucement vers Kaboul et un jour ou l'autre, les Américains partiraient. Il faut dire que vous avez vu les soldats français qui opèrent aux côtés des Américains...
- "Ah, remarquablement !"
Avec un petit message de M. Alliot-Marie, du président de la République, vous avez vu surtout les forces spéciales et les forces secrètes. Est-ce que Karzaï vous a transmis un message pour Paris, l'Elysée et pour nous ?
- "Toutes les personnalités que j'ai rencontrées m'ont toutes vraiment dit leur amitié pour la France, une amitié extrêmement sincère, une très grande attente, une amitié ancienne, une amitié profonde et bien sûr, ils avaient invité dans ces cérémonies l'ancienne présidente du Parlement européen qui avait reçu Massoud, mais aussi le membre du gouvernement français."
Vous ne vous êtes pas absentée longtemps. Vous retrouvez les dossiers et les angoisses du ministère de l'Industrie. Vous savez qu'en ce moment il y a des frictions - je ne sais pas si ça s'est aggravé parce que vous n'étiez pas là -, mais en tout cas ça s'est aggravé : à propos d'Alstom par exemple, M. Monti, le commissaire, durcit les exigences de Bruxelles contre le plan de sauvetage établi par le Gouvernement. Est-ce qu'on prépare un réaménagement, une révision de ce plan ou on va essayer de passer en force ?
- "Sur ce sujet, ce que je voulais dire, c'est que mes convictions européennes sont bien connues, elles n'ont pas changé. Mais c'est le contexte économique qui a changé. Aujourd'hui, la concurrence n'est plus intra-européenne, elle est mondiale. Et les règles de Bruxelles à cet égard sont trop rigides : c'est valable pour le Pacte de stabilité dont on a un peu trop oublié qu'il était le Pacte de stabilité et de croissance ; et c'est valable pour Alstom. De quoi s'agit-il, pour Alstom ? Le Gouvernement français a fait un énorme sacrifice pour sauver 110.000 emplois - européens, ne l'oublions pas, les emplois ne sont pas seulement en France. Qui oserait le lui reprocher ?"
Mais vous allez tenir compte de ce que demande MM. Prodi et Monti ?
- "Mais bien sûr, nous allons négocier, nous allons discuter avec la Commission pour réaménager le plan, dans le sens, bien sûr, qui puisse tout à fait concilier la Commission. Mais nous leur demandons simplement un peu de patience. L'objectif, quel est-il ? L'objectif est de retrouver la croissance. N'oublions pas les engagements que nous avons pris à Lisbonne. A Lisbonne, nous nous sommes engagés au retour de la croissance européenne. Et ça, c'est un objectif que nous devons poursuivre résolument, que le Gouvernement français poursuit résolument. Et je suis convaincue nous tenons le bon bout."
On dit qu'il y a une initiative commune en matière de croissance et d'emploi au niveau européen. Elle est pour quand ?
- "Absolument, je pars dans quelques instants avec le Premier ministre, J.-P. Raffarin, F. Mer et F. Fillon, pour discuter avec T. Blair justement de cette initiative. Et nous avons un sommet franco-allemand le 18 septembre prochain. La croissance sera au coeur de ce rendez-vous. Comme vous le voyez, tout cela est très européen."
Elle est pour quand ?
- "Elle est pour le plus rapidement possible. Elle est absolument nécessaire, c'est au niveau européen que nous devons relancer la croissance pour les emplois et vraiment, je crois que c'est tout à fait essentiel."
(Source :premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 septembre 2003)