Interview de M. Hervé Morin, président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale, à LCI le 8 octobre 2003, sur le coût de la réduction du temps de travail, la création de la commission parlementaire sur la canicule, le déficit de la sécurité sociale et sa candidature aux élections régionales.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser-. Il n'y aura pas d'abrogation des 35 heures mais négociation, et pas de loi comme vous l'aviez réclamé le week-end dernier. Ce débat sur les 35 heures, finalement, ce n'a été qu'un feu de paille ?
- "Ce ne doit pas être qu'un feu de paille. La loi sur les 35 heures est une véritable erreur. Une erreur grave pour le pays, que le pays paiera longtemps. C'est une erreur économique - nous sommes le pays qui travaille le moins qui monde -, sociale car on empêche les Français qui veulent travailler, qui veulent augmenter leur pouvoir d'achat de pouvoir le faire, et c'est une erreur culturelle car on a introduit l'idée que le travail était une aliénation. C'est une liberté, c'est aussi un moyen d'épanouissement. Ce ne l'est pas forcément..."
Ce n'est pas là qu'on l'a introduit cette idée.
- "Si, on l'a introduit massivement. Il faut revoir les 35 heures et quand le Premier ministre dit : "je vais laisser aux partenaires sociaux le soin de discuter les adaptations", je me dis, oui, mais d'abord, il faut modifier la loi. Car la loi a introduit de tels verrouillages, a tellement cadenassé le dispositif, qu'il faut d'abord la loi pour décadenasser, libérer tout cela."
Vous ne croyez pas que cela peut être fait subrepticement, à travers des amendements par-ci, par-là ?
- "Nous reposerons les mêmes amendements que nous avions déposés il y a 9 mois, que le Gouvernement avait rejetés. Nous disons qu'il faut maintenir la durée à 35 heures."
On garde l'acquis social.
- "On ne modifie pas la durée légale de 35 heures. Comme ça, ceux qui veulent bosser 35 heures bossent 35 heures. Et nous disons de 35 à 39, on paye la bonification à 25 % pour les salariés. Donc, on incite au travail et on permet aux salariés d'être récompensés. Et pour que cela ne coûte pas plus cher à l'entreprise, on réduit à due proportion le niveau des cotisations sociales. Conclusion : opération blanche pour l'entreprise, souplesse dans les capacités de production, amélioration du pouvoir d'achat des salariés et on maintient la durée légale. Ce dispositif est clair, simple, applicable. Nous dirons au Gouvernement, une nouvelle fois, lors de la session d'automne : "Ayez ce courage", car s'agit simplement d'une question de courage."
La mission d'information ne sert à rien ?
- "Pas à grand-chose, parce que l'on connaît les dégâts des 35 heures. Allez voir les salariés, les artisans, ils vous les donneront. Vous savez combien coûte les 35 heures ?"
Il y a des évaluations diverses !
- "Cela coûte entre 25 et 30 milliards d'euros par an. Est-ce que ces 25 ou 30 milliards d'euro par an, on ne pourrait pas les consacrer à autre chose qu'à payer du loisir ?"
Vous avez une évaluation supérieure à celle du ministre du Budget, qui parlait de 14 milliards.
- "Moi, j'évalue tout, c'est-à-dire que j'évalue l'assurance-maladie, les collectivités locales, les réductions de cotisations sociales, etc. Et le coût pour l'Etat."
Faut-il quand même continuer de baisser les charges ?
- "Je pense qu'il vaudrait mieux baisser les charges sociales que de baisser l'impôt sur le revenu, c'est clair."
Hier, l'Assemblée nationale a créé la commission d'information sur la canicule. Que peut-on apprendre de plus ?
- "Il y a beaucoup de choses à apprendre sur la canicule."
Il y a déjà eu une mission, une évaluation, il y a déjà eu des premières mesures.
- "Il y a beaucoup de choses à apprendre sur la canicule parce qu'elle démontre avant tout deux choses. Premièrement, l'inefficience du système public, c'est-à-dire l'incapacité de l'alerte. Personne ou presque n'est allé devant les télévisions..."
Oh si ...
- "Non, non, pas comme il fallait... entre le 8 et le 10 août pour dire : "Attention, occupez-vous des personnes âgées qui sont seules, faites-les boire..." Des choses aussi simples. "
Les urgentistes sont venus lancer l'alarme.
- "La deuxième chose, c'est les failles du système de santé. On a un système dont on dit que c'est le meilleur du monde, etc. La réalité - moi, j'ai beaucoup parlé avec P. Pelloux, le président du Syndicat des urgentistes, avec qui nous travaillons régulièrement -, c'est que les urgences, grosso modo, même si c'est fait de bric et de broc, arrivaient à s'occuper des patients. La seule chose, c'est qu'après, on ne pouvait même pas envoyer des patients dans les services, parce qu'il y avait 40 % des lits qui étaient fermés. Donc, il y a un système hospitalier qu'il faut adapter et deuxième élément, il faut que l'on ait un service public qui fonctionne. La réalité, c'est que cela montre qu'il n'y a pas que des problèmes d'argent, il y a souvent des problèmes de structures."
La loi de santé publique, qui est un peu faite de bric et de broc, parce qu'il y a beaucoup de choses dedans, prévoit, par exemple de transmettre par Internet les certificats de décès à l'Inserm.
- "Ce n'est pas suffisant. La réalité, c'est que cette loi de santé publique est une loi où il y a tellement de choses qu'il n'y a plus rien. La réalité, c'est qu'il y a 100 priorités. Est-ce que vous croyez que l'on peut créer 100 priorités ? Nous pensons, nous, qu'il aurait fallu, au contraire, déterminer 4 ou 5 grandes priorités de santé publique."
Lesquelles ?
- "L'alcool, le cancer, la lutte contre le tabac... En bref, des choses aussi simples que cela. Et non pas 100, qui vont du saturnisme..."
Mais à Paris ça existe.
- "Oui, bien sûr, mais on va enquiquiner l'ensemble de la population alors que le saturnisme est lié à des habitats dégradés, etc. On va donc appliquer une loi générale et absolue pour l'ensemble de la population, alors qu'il y a simplement quelques points à traiter. Généralement, on donne au préfet un rôle qui n'est pas le leur, et enfin, on ne reconnaît pas le rôle des associations qui luttent contre l'alcool, etc. Pour l'instant, nous avons fait des propositions, le Gouvernement ne les a pas entendues, donc le groupe UDF ne votera pas ce texte et votera contre."
Qu'est-ce qui pourrait vous faire revenir sur votre décision ?
- "Que le Gouvernement nous entende."
Sur quels points précis ?
- "Sur les priorités, la nécessité de reconnaître les acteurs, etc."
Le déficit de la Sécurité social est abyssal - selon le terme consacré -, 14 milliards. Là, vous êtes prêt à prendre des mesures ou à accepter des mesures drastiques ?
- "La réalité, c'est qu'il faut bien se mettre dans la tête que l'assurance-maladie est forcément de plus en plus coûteuse. Tout pousse à ce que les dépenses de santé augmentent : le vieillissement de la population, les techniques, les médicaments. Demain, vous aurez des médicaments sur le marché - qui commencent à l'être - qui coûtent 15 000 euros par an. Ce qu'il faut, c'est avoir un pays performant, donc capable de produire assez de richesse - d'où la question des 35 heures -, pour pouvoir l'affecter à ce qui est la priorité. Cela ne me choque pas que l'on mette de plus en plus d'argent dans la santé, mais il faut qu'on en ait les moyens."
Serez-vous personnellement candidat aux régionales et est-ce qu'il y aura des listes UDF partout ?
- "La réalité est simple : nous avons envie de faire en sorte qu'il y ait une alternative pour les Français. Tout l'objectif de l'UDF, c'est cela, c'est sortir de cette logique où le PS et l'UMP - le RPR avant - se passent le pouvoir..."
Une troisième gauche ?
- "Sauf que depuis 30 ans, le PS et le RPR se sont passés le pouvoir et que depuis 30 ans, à chaque élection suivante, les Français leur ont dit que ça n'allait pas. Donc, nous pensons qu'il y a une alternative à cela. Cette alternative, c'est F. Bayrou qui, pour nous, l'incarne. Donc, bien entendu, nous voulons nous faire entendre et faire entendre aux Français un discours assez simple, un discours de vérité et de changement."
L'UDF a été au pouvoir et est au pouvoir.
- "Ah bon ?"
Vous avez un ministre !
- "Oui, un sur trente-neuf. Il est très bon d'ailleurs."
Absolument. Vous ne pouvez donc pas dire que vous être exclus du pouvoir.
- "Ce n'est pas un mystère que de dire que l'UDF n'est pas vraiment associée à la politique du Gouvernement."
Et vous voulez vous faire entendre ?
- "Nous voulons nous faire entendre. Donc, soit l'UMP nous reconnaît et on arrivera à des listes d'union. Sinon..."
Vous êtes candidat en Haute-Normandie ?
- "Je le serai au moins pour une chose : je veux défendre l'idée de la réunification de la Normandie."
(Source http://www.udf.org, le 16 octobre 2003)