Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
1) La journée scientifique à laquelle vous me conviez aujourd'hui est l'occasion pour moi de vous souhaiter un bon anniversaire, de saluer cinquante ans d'action de votre association au service des personnes souffrant de maladie mentale, avec respect et non sans une certaine émotion.
Votre mouvement est né en 1947 ici même à Clermont Ferrand. Cinq ans plus tard, dans cette même ville, il prenait un essor national. Lorsqu'on lit le remarquable ouvrage de mémoire que vous avez rédigé, " pour une psychiatrie sociale ", on est frappé par la modernité de votre mouvement associatif dès sa conception. En effet, dès l'origine, vous avez souhaité " susciter de l'intérêt pour le développement de l'hygiène mentale, promouvoir les progrès de l'équipement, répandre les notions d'hygiène mentale individuelle, oeuvrer au maximum en faveur de la réadaptation et la protection des inadaptés ". Inadaptés, puisque c'est ainsi qu'à cette époque on désignait les personnes handicapées du fait de troubles psychologiques ou psychiatriques.
Je mesure ce que cela pouvait représenter, dans cette fin des années quarante, lorsque l'hospitalisation psychiatrique à temps complet, de préférence à l'écart des villes, constituait la seule réponse possible à la souffrance psychique.
Ce moment où le secteur psychiatrique commençait à peine à poindre dans quelques lieux avant-gardistes et prés de dix ans avant sa reconnaissance administrative.
Ce moment où les neuroleptiques n'avaient pas encore transformé la vie quotidienne des malades souffrant de psychose.
Votre mouvement s'est attaché à développer des réponses extrêmement souples et d'emblée diversifiées pour redonner une place dans la cité à des personnes hospitalisées, parfois depuis des années.
Votre mouvement a, d'emblée, fait le choix de fédérer des associations régionales ou départementales, d'unir des hommes et des femmes d'horizons divers, représentant la pluridisciplinarité des équipes hospitalières, soignants et administratifs. Elle a cherché à s'adjoindre des représentants de l'État, des magistrats spécialisés, des pédagogues et, in fine, toute personne portant de l'intérêt au développement de l'hygiène mentale.
Votre mouvement s'est, d'emblée, attaché à redonner à l'homme la place première qui est la sienne, devant celle de malade. Il s'est attaché à aider la personne à développer ses potentialités, à s'exprimer à travers des activités sociales ou artistiques. Vous avez organisé des clubs, des expositions d'art parfois dans des lieux prestigieux et bien d'autres manifestationsc'est à ce travail considérable, plus souvent couronné de succès qu'on ne peut le penser, que je suis venue rendre hommage aujourd'hui devant vous.
Je sais que certains d'entre vous se sont opposés en 1975 à la Loi d'orientation en faveur des personnes handicapées au moment de son adoption et dans les années qui suivirent. Elle conférait selon eux, en effet, aux personnes handicapées un statut, certes protecteur, mais aussi parfois susceptible de les installer dans une situation et des les d'exclure de la société.
Trente ans plus tard tout le monde s'accorde à dire que cette Loi a constitué une étape importante : elle a permis la reconnaissance, l'identification des difficultés majeures des personnes handicapées et a contribué à les solvabiliser. 25 % des demandeurs de l'AAH sont des handicapés psychiques et cette prestation leur est accordée dans 80 % des cas. Elle a, par ailleurs, facilité le développement de réponses institutionnelles.
2) Pour autant trente ans plus tard, de l'aveu de tous, il est nécessaire de la réformer, pour qu'elle réponde mieux aux mentalités de ce début de siècle.
Les progrès médicaux, les aspirations des personnes handicapées et de leur famille ont modifié leur place dans notre société. Mais il reste encore beaucoup à faire. Certes l'intégration scolaire, sociale et professionnelle n'est plus un tabou mais sa mise en oeuvre reste encore très drastique. Vous avez su tirer partie de la réglementation existante, et vous avez contribué à la faire évoluer. Pour une meilleure réglementation, vous ferez encore mieux !
La rénovation de la loi de 75 que j'ai entreprise à la demande du Président de la République et du Premier ministre et que je compte présenter avec Jean-François Mattei au conseil des Ministres, avant l'été, affirme ou réaffirme des notions simples :
L'égalité des chances et la non discrimination, la nécessité de faire une place à toute personne dans la société, la lutte permanente contre toute forme d'exclusion.
Il nous faut, sans nier le besoin de structures institutionnelles, protectrices, s'engager plus résolument dans un mouvement d'intégration des personnes handicapées dans la cité comme vous essayer de le faire depuis le début. Il nous faut proposer à ces personnes par définition fragiles des lieux de vie, au sens premier du terme. Et l'hôpital, lieu de soin, ne peut être en aucune façon à long terme un lieu de vie.
Mais il nous faut toujours garder à l'esprit que le handicap psychique présente des particularités dont il nous faut tenir compte, que la demande de soins par les patients est souvent difficile et que la vie en milieu ordinaire ne doit pas être synonyme d'isolement et de solitude.
3) La nécessité d'une collaboration étroite
J'ai été sensible à la qualité de l'échange que j'ai pu avoir cette semaine avec votre président, Clément BONNET. Cela m'a permis de mieux appréhender le rôle que vos associations sont amenées jouer : elles sont créatrices de lien social pour les personnes que vous accompagnez. Je suis convaincue, comme vous, de la place que peut jouer l'art dans la construction de l'identité sociale de chacun. Je suis convaincue que des actions qui paraissent minimes, des micro projets peuvent jouer un rôle essentiel en matière d'insertion et permettent de lutter efficacement contre l'isolement et la désespérance. La dichotomie entre maladie et handicap a conduit pendant des années à considérer que les personnes malades n'avaient pas forcément besoin d'un accompagnement social, n'étaient pas des handicapés et à l'inverse les personnes handicapées n'avaient pas forcément besoin de soins.
Les études internationales et notamment celles sur la classification internationale des handicaps, votre propre réflexion ont permis de sortir de cette logique binaire pour prendre en compte le handicap que peut générer toute maladie qui dure plusieurs années.
Comme vous, je souhaite que nous puissions sortir d'une logique statique pour parler de projet personnalisé, de projet de vie ou même de parcours de vie permettant le développement des potentialités de la personne.
Il nous faudra une nouvelle révolution culturelle mais je suis persuadée que les associations telles que la votre contribueront à changer les mentalités, à reconnaître à tout homme une place dans notre société.
La nouvelle législation réformant celle de 1975 a la même ambition. Je souhaite qu'elle vous conforte dans vos convictions, dans votre détermination et dans vos actions. Ensemble, pour toute personne mais d'abord pour les plus fragiles, continuons à oeuvrer pour le meilleursans vouloir l'impossible.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 8 avril 2003)
Mesdames et Messieurs,
1) La journée scientifique à laquelle vous me conviez aujourd'hui est l'occasion pour moi de vous souhaiter un bon anniversaire, de saluer cinquante ans d'action de votre association au service des personnes souffrant de maladie mentale, avec respect et non sans une certaine émotion.
Votre mouvement est né en 1947 ici même à Clermont Ferrand. Cinq ans plus tard, dans cette même ville, il prenait un essor national. Lorsqu'on lit le remarquable ouvrage de mémoire que vous avez rédigé, " pour une psychiatrie sociale ", on est frappé par la modernité de votre mouvement associatif dès sa conception. En effet, dès l'origine, vous avez souhaité " susciter de l'intérêt pour le développement de l'hygiène mentale, promouvoir les progrès de l'équipement, répandre les notions d'hygiène mentale individuelle, oeuvrer au maximum en faveur de la réadaptation et la protection des inadaptés ". Inadaptés, puisque c'est ainsi qu'à cette époque on désignait les personnes handicapées du fait de troubles psychologiques ou psychiatriques.
Je mesure ce que cela pouvait représenter, dans cette fin des années quarante, lorsque l'hospitalisation psychiatrique à temps complet, de préférence à l'écart des villes, constituait la seule réponse possible à la souffrance psychique.
Ce moment où le secteur psychiatrique commençait à peine à poindre dans quelques lieux avant-gardistes et prés de dix ans avant sa reconnaissance administrative.
Ce moment où les neuroleptiques n'avaient pas encore transformé la vie quotidienne des malades souffrant de psychose.
Votre mouvement s'est attaché à développer des réponses extrêmement souples et d'emblée diversifiées pour redonner une place dans la cité à des personnes hospitalisées, parfois depuis des années.
Votre mouvement a, d'emblée, fait le choix de fédérer des associations régionales ou départementales, d'unir des hommes et des femmes d'horizons divers, représentant la pluridisciplinarité des équipes hospitalières, soignants et administratifs. Elle a cherché à s'adjoindre des représentants de l'État, des magistrats spécialisés, des pédagogues et, in fine, toute personne portant de l'intérêt au développement de l'hygiène mentale.
Votre mouvement s'est, d'emblée, attaché à redonner à l'homme la place première qui est la sienne, devant celle de malade. Il s'est attaché à aider la personne à développer ses potentialités, à s'exprimer à travers des activités sociales ou artistiques. Vous avez organisé des clubs, des expositions d'art parfois dans des lieux prestigieux et bien d'autres manifestationsc'est à ce travail considérable, plus souvent couronné de succès qu'on ne peut le penser, que je suis venue rendre hommage aujourd'hui devant vous.
Je sais que certains d'entre vous se sont opposés en 1975 à la Loi d'orientation en faveur des personnes handicapées au moment de son adoption et dans les années qui suivirent. Elle conférait selon eux, en effet, aux personnes handicapées un statut, certes protecteur, mais aussi parfois susceptible de les installer dans une situation et des les d'exclure de la société.
Trente ans plus tard tout le monde s'accorde à dire que cette Loi a constitué une étape importante : elle a permis la reconnaissance, l'identification des difficultés majeures des personnes handicapées et a contribué à les solvabiliser. 25 % des demandeurs de l'AAH sont des handicapés psychiques et cette prestation leur est accordée dans 80 % des cas. Elle a, par ailleurs, facilité le développement de réponses institutionnelles.
2) Pour autant trente ans plus tard, de l'aveu de tous, il est nécessaire de la réformer, pour qu'elle réponde mieux aux mentalités de ce début de siècle.
Les progrès médicaux, les aspirations des personnes handicapées et de leur famille ont modifié leur place dans notre société. Mais il reste encore beaucoup à faire. Certes l'intégration scolaire, sociale et professionnelle n'est plus un tabou mais sa mise en oeuvre reste encore très drastique. Vous avez su tirer partie de la réglementation existante, et vous avez contribué à la faire évoluer. Pour une meilleure réglementation, vous ferez encore mieux !
La rénovation de la loi de 75 que j'ai entreprise à la demande du Président de la République et du Premier ministre et que je compte présenter avec Jean-François Mattei au conseil des Ministres, avant l'été, affirme ou réaffirme des notions simples :
L'égalité des chances et la non discrimination, la nécessité de faire une place à toute personne dans la société, la lutte permanente contre toute forme d'exclusion.
Il nous faut, sans nier le besoin de structures institutionnelles, protectrices, s'engager plus résolument dans un mouvement d'intégration des personnes handicapées dans la cité comme vous essayer de le faire depuis le début. Il nous faut proposer à ces personnes par définition fragiles des lieux de vie, au sens premier du terme. Et l'hôpital, lieu de soin, ne peut être en aucune façon à long terme un lieu de vie.
Mais il nous faut toujours garder à l'esprit que le handicap psychique présente des particularités dont il nous faut tenir compte, que la demande de soins par les patients est souvent difficile et que la vie en milieu ordinaire ne doit pas être synonyme d'isolement et de solitude.
3) La nécessité d'une collaboration étroite
J'ai été sensible à la qualité de l'échange que j'ai pu avoir cette semaine avec votre président, Clément BONNET. Cela m'a permis de mieux appréhender le rôle que vos associations sont amenées jouer : elles sont créatrices de lien social pour les personnes que vous accompagnez. Je suis convaincue, comme vous, de la place que peut jouer l'art dans la construction de l'identité sociale de chacun. Je suis convaincue que des actions qui paraissent minimes, des micro projets peuvent jouer un rôle essentiel en matière d'insertion et permettent de lutter efficacement contre l'isolement et la désespérance. La dichotomie entre maladie et handicap a conduit pendant des années à considérer que les personnes malades n'avaient pas forcément besoin d'un accompagnement social, n'étaient pas des handicapés et à l'inverse les personnes handicapées n'avaient pas forcément besoin de soins.
Les études internationales et notamment celles sur la classification internationale des handicaps, votre propre réflexion ont permis de sortir de cette logique binaire pour prendre en compte le handicap que peut générer toute maladie qui dure plusieurs années.
Comme vous, je souhaite que nous puissions sortir d'une logique statique pour parler de projet personnalisé, de projet de vie ou même de parcours de vie permettant le développement des potentialités de la personne.
Il nous faudra une nouvelle révolution culturelle mais je suis persuadée que les associations telles que la votre contribueront à changer les mentalités, à reconnaître à tout homme une place dans notre société.
La nouvelle législation réformant celle de 1975 a la même ambition. Je souhaite qu'elle vous conforte dans vos convictions, dans votre détermination et dans vos actions. Ensemble, pour toute personne mais d'abord pour les plus fragiles, continuons à oeuvrer pour le meilleursans vouloir l'impossible.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 8 avril 2003)