Déclaration de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable, sur la maîtrise du changement climatique et la mise en oeuvre du protocole de Kyoto, Moscou le 29 septembre 2003.

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Circonstance : Ouverture de la conférence internationale sur les changements climatiques à Moscou (Russie) le 29 septembre 2003

Texte intégral

Monsieur le Vice Premier Ministre,
Messieurs les ministres,
Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureuse de pouvoir m'exprimer aujourd'hui devant une assemblée de scientifiques aussi éminents, rassemblant l'expertise mondiale sur ce sujet qui nous préoccupe tous, le changement climatique.
Il est de notre devoir commun, scientifiques, dirigeants politiques, organisations non gouvernementales et médias de poursuivre sans relâche notre effort de compréhension, de dialogue et de mobilisation. Tel est l'objet de cette conférence.
Je voudrais féliciter le comité international d'organisation présidé par le professeur ISRAEL.
Je souhaite également remercier le Vice-Premier Ministre GORDEEV et le gouvernement russe pour cette heureuse initiative qui confirme tout l'intérêt que la Russie porte à la lutte contre le changement climatique.
Le changement climatique est, au delà de toute incertitude, un phénomène avéré, prouvé scientifiquement. Ce n'est plus une menace mais une réalité.
Ces dernières années, le monde a été confronté à de nombreuses reprises à ce que l'on qualifie désormais d'" événements extrêmes ". Leur multiplication comme leur intensification étayent les scénarios que les modèles du GIEC dessinent pour les années et décennies à venir ; périodes de sécheresse plus aiguës, tempêtes plus violentes, inondations plus fréquentes.
Ni la France, ni la Russie n'ont été épargnées. En France, les records de chaleur enregistrés cet été dans la plupart de nos villes et la durée inhabituelle de cette canicule ont eu des conséquences dramatiques sur notre population la plus âgée.
Des milliers d'hectares de fôrets sont partis en fumée, en France comme dans plusieurs pays d'Europe, en particulier au Portugal. Alors que la chaleur commence à peine à s'estomper, nous avons déjà subi de nouvelles inondations dans le sud du pays.
Aujourd'hui la question qui se pose à nous n'est plus de savoir si les activités industrielles des décennies passées ont conduit ou non à un changement climatique d'origine humaine. Tous les scientifiques sérieux et de bonne foi s'accordent sur ce diagnostic. Je constate d'ailleurs que les organisateurs de cette conférence, qui proposent d'offrir un débat approfondi sur les aspects scientifiques des changements climatiques naturels et anthropiques, reconnaissent pleinement et à juste titre cette vérité.
La question qui se pose donc aujourd'hui est celle de la maîtrise du changement climatique.
Comment faire en sorte que le développement économique, nécessaire et souhaité dans tous nos pays à des degrés divers, puisse rester compatible avec la préservation des grands équilibres de la nature et en particulier des équilibres climatiques ?
Il nous faut pour cela relever deux défis majeurs.
Tout d'abord consolider notre compréhension du phénomène. C'est bien sûr à vous mesdames et messieurs les scientifiques que revient cette tâche essentielle, permettez moi ici de saluer en particulier l'engagement remarquable du professeur Pachauri. Vous avez déjà accompli des progrès gigantesques mais de nombreuses incertitudes demeurent sur les contours du changement climatique. Il faut que la modélisation du phénomène soit poursuivie et élargie.
- A cet égard la France estime que le prochain rapport du GIEC devrait étudier des scénarios fortement contrastés,
avec des concentrations de CO2 dans l'atmosphère allant de 500 à 1000 parties par million, pour tenter de mieux cerner l'ampleur des événements extrêmes qui nous menacent.
- Nous souhaitons par ailleurs que les modélisations puissent aboutir à une meilleure appréhension des phénomènes locaux afin de permettre à chaque région du monde, à chaque pays, de travailler sur des politiques de prévention et d'adaptation plus pertinentes.
- Les évènements récents ont montré la vulnérabilité de toutes nos sociétés, industrialisées ou non. Les lourdes perturbations provenant du changement climatique pourraient à l'avenir déclencher des catastrophes en chaîne sur les réseaux énergétiques, les réseaux de transport ou ceux de l'information. Il faut intégrer ces éventualités dans nos modèles pour mieux les prévenir,
les prendre en compte chaque fois que nous imaginons l'avenir, en particulier dans les scénarios portant sur des émissions de gaz à effet de serre peu ou pas maîtrisées
Comprendre mais aussi agir, et agir sans attendre.
Le changement climatique est en route et nous oblige à une double réaction, s'adapter et prévenir.
S'adapter tout d'abord car quelles que soient nos décisions politiques et nos actions sur le terrain, les évènements récents nous montrent que les aléas du changement climatiques sont d'ores et déjà hélas inévitables. Il revient aux dirigeants politiques d'en prendre toute la mesure et d'intégrer ce nouveau risque dans nos politiques d'aménagement du territoire et de gestion des risques.
Mais si nous voulons maîtriser au mieux ces aléas, en limiter la portée et les dommages, il faut surtout agir immédiatement et collectivement pour réduire nos émissions.
Pour atteindre une division par 2 des émissions mondiales d'ici à 2050, ce qui signifie de réduire par un facteur de 3 à 5 celles des pays industrialisés, nous devons bien sûr avoir recours aux nouvelles technologies. Mais nous aurions tort de tout en attendre alors que l'on ne sait pas quand elles deviendront opérationnelles. Il convient donc que tous les secteurs d'activité maîtrisent dès maintenant leurs émissions de gaz à effet de serre et leurs consommations énergétiques, à la mesure de ce qui est atteignable. Ce sera autant de moins à compenser par la suite, autant d'économies directes et de dommages climatiques évités. Il faut enfin développer les énergies renouvelables.
Efficacité énergétique, énergies renouvelables et nouvelles technologies vont de pair. Elles sont les pièces maîtresses du développement du vingt et unième siècle.
En ce qui la concerne, la France compte avoir stabilisé en 2010 ses émissions au niveau de celles de 1990. Niveau que nous avons déjà obtenu dès 2001. Cet effort sera consolidé par un nouveau plan d'action qui sera décidé par le gouvernement français avant la fin de l'année.
C'est cette exigence d'urgence et d'action qu'exprime le protocole de Kyoto.
Ce protocole marque la reconnaissance par les pays industrialisés de leur responsabilité en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Il fournit un cadre global et immédiatement applicable pour maîtriser le changement climatique.
L'Union européenne reconnaît ses responsabilités et les assume. Comme vous le savez, la France, avec l'ensemble de nos partenaires de l'Union européenne, a ratifié le protocole de Kyoto et s'est fermement engagée à le mettre en uvre, avant même son entrée en application. Notre engagement est ferme et définitif. Il s'inscrit dans la durée. Il témoigne de notre attachement commun à un mode de développement propre et donc durable, respectueux des équilibres planétaires.
Dans ce nouveau défi collectif que nous nous devons de relever pour préserver le futur de nos enfants, nous souhaitons que la Russie soit à nos côtés.
La Russie, notre grand voisin et notre partenaire privilégié, dont la croissance économique reste vigoureuse et dépasse largement la nôtre, qui dispose de ressources énergétiques immenses; la Russie avec qui nous partageons les valeurs qui fondent nos sociétés modernes peut-elle rester à l'écart de cette mobilisation collective en faveur des générations futures ?
En hébergeant cette conférence scientifique la Russie confirme son intérêt pour la lutte contre le changement climatique. Nous souhaitons qu'elle aille au-delà en ratifiant le protocole de Kyoto.
A ce stade d'ailleurs, la Russie satisfait déjà aux engagements du protocole en termes d'émissions. Par ailleurs, en ratifiant le protocole la Russie et les entreprises russes pourraient bénéficier des mécanismes de flexibilité prévus par le protocole.
En particulier, la France et au-delà l'Union européenne, souhaitent pouvoir développer la coopération avec la Russie, notamment par la mise en uvre de projets dans le domaine de l'énergie. Des initiatives existent mais elles souffrent actuellement de l'incertitude qui pèse sur l'entrée en vigueur du protocole de Kyoto.
Dans ce domaine, la collaboration approfondie que nous appelons de nos vux, ne pourra réellement voir le jour que lorsque cette incertitude sera levée.
En ratifiant le protocole de Kyoto, la Russie permettra son entrée en vigueur dans les meilleurs délais. C'est ainsi qu'elle tiendra pleinement sa place de grande nation industrialisée, dans la mobilisation globale qui s'impose à tous.
Je vous remercie.
(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 8 octobre 2003)