Déclaration de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, sur le projet gouvernemental de réforme des retraites, notamment la signature de l'accord par la CFDT et l'engagement de la CGT à poursuivre la mobilisation contre ce texte, Montreuil le 16 mai 2003.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Comme vous le savez, plusieurs événements sont intervenus ces dernières heures à propos du dossier des retraites et plus particulièrement concernant le projet de loi du gouvernement dont le sort est loin d'être réglé.
C'est pour vous faire part de notre analyse de la situation que nous vous avons conviés à cette rencontre. Je vous remercie d'avoir pu répondre à cette invitation.
Incontestablement, l'exceptionnelle mobilisation des salariés du privé comme du public, dans les manifestations et les grèves du 13 mai, a inquiété et inquiète encore le gouvernement.
Tout en maintenant son cap il a du, sous cette pression et pour la première fois, accepter une réelle discussion de son projet de loi avec les organisations syndicales en convoquant une séance de négociation marathon qui, bien qu'ayant duré près de 10 heures dans la nuit de mercredi à jeudi, s'est soldée par un constat d'échec tant était grand l'écart entre la philosophie de la réforme et les quelques modifications ou précisions apportées à la marge.
Le gouvernement a maintenu et prétend maintenir un ensemble de dispositions qui, si elles devaient être appliquées, représenteraient une transformation significative des droits à la retraite et, par leur ampleur, seraient parmi les plus douloureuses pour les salariés comparées à la plupart des autres réformes appliquées en Europe.
Nous vous apporterons de nouveaux éléments étayant cette affirmation au cours de notre entretien.
Rendu fébrile par l'impact de cet échec des discussions, c'est alors que le Gouvernement s'est lancé dans les grandes manoeuvres en piétinant les règles élémentaires de la négociation collective. Le Premier Ministre a donné de sa personne pour mettre la dernière main à des conciliabules d'antichambre destinés à contourner la représentativité des interlocuteurs syndicaux et à se sortir de l'impasse dans laquelle il s'était lui-même placé.
Cette attitude délibérée, qui prétend pouvoir conclure un débat sur un enjeu de société aussi lourd que l'avenir des retraités en voulant marginaliser la première organisation syndicale de salariés, illustre une curieuse conception du dialogue social dont le gouvernement se dit pourtant très respectueux.
Sur le dossier des retraites, la CGT s'est appliquée avec constance, tant par ses initiatives que par sa conception du travail en commun, à mettre en pratique sa stratégie du syndicalisme rassemblé. Nous avons réaffirmé cette stratégie lors de notre Congrès et nous continuons à penser que la réflexion et l'action commune des organisations syndicales est une condition nécessaire à une défense efficace des salariés et à de nouvelles conquêtes sociales. Mais la construction de cette convergence qu'attendent avec impatience les salariés de notre pays, suppose des comportements loyaux, des convictions solides et des positions fiables de la part de tous les partenaires syndicaux.
Nous sommes obligés de constater que la CFDT n'a pas eu hier une attitude convenable, et si une telle attitude devait se maintenir elle aurait bien sûr un impact défavorable sur la qualité des relations entre nos deux confédérations.
Sur le fond, la CFDT s'est complètement écartée de la plate-forme commune pourtant portée par près de deux millions de manifestants le 13 mai.
Sur la forme, en se prêtant à son jeu, elle a donné au Gouvernement la possibilité de se sortir momentanément d'affaire en enfonçant un coin dans l'unité.
Nous avons assisté à cette occasion à une caricature du dialogue social à l'opposé du syndicalisme moderne et responsable que souhaitent les salariés de notre pays.
Comme nous, les salariés sont conscients de la nécessité d'une réforme des retraites, mais ils n'admettront pas que celle-ci soit le synonyme d'un abaissement de toutes les pensions et d'un recul de leurs droits, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public.
Je comprends qu'il puisse y avoir de l'émotion dans les rangs de la CFDT, les événements d'hier pouvant porter préjudice à la crédibilité d'ensemble du syndicalisme.
Cela étant dit, la fin du film de l'avenir de nos retraites est loin d'être écrite et la Palme d' Or encore moins décernée.
Notre Commission Exécutive Confédérale d'hier a analysé l'état des mobilisation tout comme les nouvelles conditions réunies pour l'organisation d'une grande manifestation nationale à Paris le 25 mai , dont le rendez-vous est fixé à 12 heures - place de la République.
L'appel unitaire s'est élargi à FORCE OUVRIERE hier soir et à la CFTC ce matin qui ont décidé de s'y joindre.
Ce rendez-vous, un dimanche, permettra de rassembler tous ceux du privé comme du public, jeunes et moins jeunes, qui pensent avec nous que d'autres solutions sont possibles.
Il constituera une nouvelle étape permettant de redire au Gouvernement qu'il doit accepter des négociations sur d'autres bases que celles qu'il a arrêtées dans son projet de loi.
Monsieur FILLON a déclaré ce matin : " qu'il n'y aurait plus de négociation ". La manifestation du 25 mai doit le contraindre à changer d'état d'esprit.
Toutes les initiatives qui sont programmées d'ici là dans les professions et les localités, entre autre le lundi 19 mai journée d'action notamment dans la Fonction Publique, contribueront à élargir encore la préparation du 25 mai à Paris.
Il ne doit y avoir aucune ambiguïté quant à notre attitude pour les jours et les semaines à venir.
Forts de l'inquiétude mais aussi du large désaccord des salariés avec les perspectives tracées par le Gouvernement, nous sommes résolus à réunir toutes les conditions pour obtenir d'autres négociations dessinant une réforme où les retraites seront réellement sauvegardées et améliorées.
A ce titre, nous n'excluons aucune forme d'action, dès lors que les salariés du privé comme du public en seront les artisans.
(source http://www.tresor.cgt.fr, le 26 août 2003)