Déclaration de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, de la coopération, et de la francophonie, lors du point de presse conjoint avec M. Leoana Geoana, ministre roumain des affaires étrangères, sur les relations franco-roumaines, l'appui de la France pour l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne en 2007, l'Europe de la défense, le conflit irakien, Paris le 7 mai 2003.

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Circonstance : Visite en France du ministre roumain des affaires étrangères, M. Leoana Geoana : entretien avec M. de Villepin à Paris le 7 avril 2003

Texte intégral

Tout d'abord, j'aimerai vous dire à quel point j'ai été heureux de recevoir aujourd'hui, mon collègue et ami, M. Mircea Geoana, le ministre des Affaires étrangères de Roumanie.
Il existe, vous le savez tous, entre la Roumanie et la France, des affinités profondes, particulières, forgées par l'Histoire. Ces affinités sont fondées sur une culture riche et vivante que les deux pays ont en partage, une culture qu'illustrent, parmi bien d'autres, la vie et l'oeuvre d'Anna de Noailles, Eugène Ionesco ou Tristan Tzara.
La Francophonie dont la Roumanie est l'un des membres actifs constitue l'un des traits d'union entre nos deux pays. Le français est la langue naturelle sinon maternelle d'une grande partie des Roumains, il porte aussi avec lui des valeurs qui nous sont communes.
Sur cette base, nos deux pays ont vocation à développer un partenariat exemplaire. Sur le plan bilatéral, nos relations reposent sur des fondamentaux très solides. Je souhaite leur donner une nouvelle impulsion sur le plan politique mais aussi sur le plan économique et culturel, à travers le dialogue entre nos deux sociétés civiles.
Le ministre de la Culture et de la Communication, Jean-Jacques Aillagon, se trouve aujourd'hui à Bucarest. Les assises de la coopération décentralisée franco-roumaine se tiendront les 8 et 9 septembre prochain à Rodez et marqueront donc une étape importante dans cette direction.
Ce partenariat s'exprime aussi dans le soutien constant et résolu que la France n'a cessé d'apporter à la Roumanie pour son adhésion à l'Union européenne et à l'OTAN.
Sur l'impulsion de la France, l'Union a ainsi confirmé, lors du Conseil européen de Copenhague, l'objectif de l'adhésion de la Roumanie en 2007. J'ai redit à M. Geoana que la Roumanie pouvait compter sur l'appui et l'aide de la France dans cette perspective.
Nous avons bien sûr évoqué, vous l'imaginez, la situation en Irak ainsi que les perspectives au sein de l'Union européenne.
S'agissant de l'Irak, j'ai rappelé à mon collègue roumain les trois lignes directrices qui guident aujourd'hui l'action de la France : répondre à l'urgence humanitaire afin d'alléger les souffrances des populations civiles ; mettre les Nations unies au coeur de tout règlement de la crise ; créer les conditions permettant à l'Irak de retrouver, aussi rapidement que possible, sa pleine souveraineté dans le respect de son unité et de son intégrité territoriale.
Enfin, j'ai redit à M. Geoana combien il est essentiel, après les différences apparues lors de la crise irakienne, de travailler au renforcement de la politique étrangère commune. C'est vrai bien sûr pour le règlement de la crise irakienne. La France ne ménagera pas ses efforts pour que les Européens retrouvent leur unité sur ce dossier. C'est vrai aussi pour la relance d'une dynamique politique au Proche-Orient : pour les Européens, il y a urgence à se mobiliser tous en ce sens et vous savez qu'une volonté très forte existe dans cette direction.
Sur les différents sujets, la France souhaite développer, évidemment, une relation étroite et confiante comme elle l'a toujours fait avec la Roumanie.

Q - Il y a un débat en France sur l'Europe à plusieurs vitesses en utilisant la coopération renforcée pour un noyau de pays qui s'intégreront plus vite. Ceci concerne-t-il l'Europe de la Défense ? Et les pays candidats comme la Roumanie sont-ils invités à participer à cette Europe de la Défense ?
R - Vous le savez, il y aura à la fin du mois d'avril, un sommet réunissant quatre pays, la Belgique, l'Allemagne, le Luxembourg et la France. Il s'agit d'un premier pas dans une concertation très étroite, à la suite d'initiatives prises tant du côté belge que du côté allemand et français, dans le cadre d'une contribution commune pour la Convention sur l'avenir de l'Europe. Dans la situation de l'Europe, il est évident que des efforts supplémentaires doivent être faits dans le domaine de la défense, d'où l'idée de lancer un processus, processus qui doit être ambitieux mais également ouvert et transparent. Bien évidemment nous serons amenés à rendre compte de ce qui aura été fait, de ce qui aura été dit à nos autres partenaires européens de façon à assurer et garantir que ce processus sera bien ouvert et transparent. C'est là l'esprit même de notre Union européenne et par définition, tous les pays qui le souhaiteront pourront participer, adhérer et apporter leur contribution dans ce cadre.

Q - Lorsque vous dites que le processus de la réunion du 29 avril est ouvert et transparent, est-il ouvert à tout le monde après cette réunion ?
R - L'idée de cette réunion à quatre a été lancée par nos amis belges.

Q - C'est donc une réunion à quatre le 29 avril ?
R - Jusqu'à nouvel ordre, c'est bien l'esprit et évidemment, il s'agit de garder ce processus ouvert et transparent comme je l'ai dit. Nous avons tous conscience qu'il faut faire davantage, dans un esprit de complémentarité avec ce qui existe déjà et en particulier avec l'OTAN.

Q - S'il n'y a pas de doute entre la Roumanie et la France concernant leurs liens traditionnellement forts, peut-on parler de relations de confiance ?
R - La rencontre d'aujourd'hui en témoigne et nous sommes tous désireux de regarder vers l'avant. Nous sommes forts du chemin que nous avons fait au long des siècles ensemble. Nous sommes forts des relations très profondes qui existent entre nos deux sociétés, entre la société roumaine et la société française. C'est dire qu'il y a une dimension essentielle dans la relation entre la Roumanie et la France, ce sont les peuples. Nous sommes forts aujourd'hui de pouvoir avancer avec cette demande, cette urgence, cet appétit qui apparaît au niveau des peuples. Qu'il puisse y avoir des difficultés le long de la route, je dirai que c'est bien naturel. Que nous ayons à coeur de les surmonter et d'être encore plus forts, je crois que c'est le sens même de l'entretien que nous avons eu aujourd'hui, qu'il s'agisse des difficultés qui ont pu naître à l'occasion de la Cour pénale internationale, de la crise irakienne. Nous sommes là pour en parler et nous avons, je crois, tous les deux une conviction, c'est que, dès lors que nous nous parlons, dès lors que nous travaillons ensemble, que nous nous voyons, nous avons la capacité de régler les problèmes et je crois que la volonté est bien la même, de part et d'autre.

Q - Les Américains veulent écarter la France du processus de reconstruction de l'Irak sur le plan économique. Quel est votre réaction à cette mesure récemment adoptée par la chambre des représentants aux Etats-Unis?
R - Je crois que la réunion que nous avons eue à Bruxelles entre l'Union européenne et l'OTAN a clairement montré qu'il y a une aspiration de toute la communauté internationale et c'est particulièrement vrai de l'Union européenne, de faire en sorte que la reconstruction économique et politique de l'Irak, le moment venu, puisse s'engager avec le soutien de tous. En particulier, dans le cadre des Nations unies qui doivent avoir un rôle central, ne serait-ce que parce qu'il est important que la légitimité de la communauté internationale soit engagée. Je l'ai souvent dit, la reconstruction de l'Irak ne sera pas une chose facile. L'Irak a été une épreuve et nous avons tous vu le drame, la crise, le côté tragique de ce que nous vivons au cours des dernières semaines. Il y a fort à parier que l'Irak restera une inquiétude, un souci, une épreuve pour la communauté internationale encore pendant de longs mois et peut-être des années. Pour affronter ces épreuves, nous avons besoin d'une communauté internationale unie. C'est bien le sens de toutes les concertations que nous avons entre nous, à l'échelle de l'Europe, c'est le sens des conversations et des entretiens que j'ai pu avoir avec le Secrétaire d'Etat américain. Je crois qu'il y a là, une donnée de simple bon sens qui est que l'on est plus fort lorsque l'on est uni. Je le redis aussi : nous avons d'autres défis dans cette région du Moyen-Orient et, en particulier, trouver une solution à la crise israélo-palestinienne. Cette urgence-là, qui s'affirme tous les jours sur le terrain, nous devons être également capables de la traiter. Là encore, il faudra être unis.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 avril 2003)