Texte intégral
(...)
Je voudrais dire toute l'amitié personnelle et aussi la grande sympathie que la France a pour la Slovénie. (...) Effectivement, je crois que l'on peut se féliciter de l'excellence des relations bilatérales entre la France et la Slovénie.
Franc But a rappelé toutes les actions de coopération entre les deux pays qui vont se poursuivre. Mais je pense que ce qui est peut-être encore plus important, c'est que nous partagions la même vision du rôle de l'agriculture dans la société puisqu'il y a, je crois, deux visions de l'agriculture. Il y a une vision qui consiste à considérer l'agriculture, comme une production comme une autre, complètement mondialisée et dans cette vision-là, les hommes et les territoires constituent en quelque sorte une variable d'ajustement. Nous, nous sommes les tenants en Europe d'une vision différente, qui est une agriculture multifonctionnelle, peut-être un mot un peu compliqué, un peu barbare, mais qui veut dire tout simplement qu'une agriculture doit évidemment d'abord produire, mais qu'elle joue un autre rôle pour l'entretien de l'espace, pour l'emploi et, de ce point de vue là, elle contribue fortement à notre identité.
Nous sommes en cette année 2003, dans une circonstance particulière, avec un agenda international et européen très chargé : l'adhésion, bien sûr, de nouveaux pays membres. Je voudrais me féliciter de l'arrivée de dix nouveaux Etats membres et, d'ailleurs, je crois que la topographie future du Conseil des ministres fera que nous siégerons côte à côte au Conseil des ministres de l'Agriculture. Nous avons également la revue à mi-parcours de la Politique agricole commune européenne et puis, enfin, la négociation devant l'Organisation mondiale du commerce, puisque, comme vous le savez, nous avons au mois de septembre, une session ministérielle à Cancun, au Mexique, sur le volet agricole de l'Organisation mondiale du commerce. En deux mots, s'agissant des problèmes agricoles européens aujourd'hui, je voudrais faire d'abord de brèves remarques générales.
La première, c'est qu'il nous faut des politiques agricoles. Je crois que c'est extrêmement important, puisque l'agriculture, comme je l'ai dit, n'est pas un secteur comme un autre. Il nous faut des politiques agricoles fortes, même si nous devons les réformer.
Deuxième observation : je crois qu'il est stupide d'opposer, ce qu'on appelle, le premier pilier, c'est-à-dire les soutiens aux marchés, les aides directes, et le deuxième pilier, que l'on baptise le développement rural. Nous pensons qu'il faut de tout pour faire un monde et qu'il faut des politiques agricoles diversifiées avec des outils diversifiés. Opposer le développement rural aux aides directes du premier pilier n'a pas beaucoup de sens, puisqu'il faut que l'ensemble de ces politiques puissent être menées conjointement.
S'agissant des propositions de la Commission européenne, il y a un certain nombre d'orientations qui vous conviennent. Je pense notamment au renforcement du deuxième pilier. Je pense également à tout ce qui concerne la prise en compte plus importante de l'environnement dans les politiques agricoles. En revanche, il y a un certain nombre de propositions qui ne nous conviennent pas. Je pense notamment au découplage total des aides qui est une très mauvaise idée et qui serait néfaste pour l'agriculture européenne. Je pense également à la baisse du prix du lait qui conduirait en réalité à remettre en cause rapidement le principe même des quotas laitiers. Nous sommes également opposés à la baisse du prix des céréales. Mais nous pensons aussi qu'il y a beaucoup d'autres choses qui pourraient être faites et qui ne figurent pas d'ailleurs dans les propositions de la Commission. Je pense notamment à toutes les mises aux normes en matière d'environnement, de bien-être animal, de sécurités sanitaire et alimentaire. Ce sont des sujets majeurs. Comme vous le savez, l'Europe a le standard le plus élevé au monde, qui d'ailleurs alourdit les coûts de production des paysans européens et il me semblerait tout à fait légitime que l'Union européenne puisse d'avantage financer le coût de cette mise aux normes en matière d'environnement, de bien-être animal et de sécurités sanitaire et alimentaire.
Voilà les quelques mots que je voulais dire. Nous avons un modèle agricole européen original. Il faut en être fiers. Il ne faut pas en être honteux, même si dans la littérature internationale ce modèle est souvent critiqué pour de mauvaises raisons, me semble-t-il. Je suis convaincu que dans une Europe élargie nous aurons la capacité de répondre ensemble aux problèmes de l'agriculture et du développement qui vont ensemble dans ce siècle qui commence.
Q - Je voudrais savoir, Monsieur le ministre, pensez-vous que l'agriculture slovène est préparée pour l'entrée dans l'Union européenne ?
R - J'aurais vraiment beaucoup d'arrogance, de présomption, alors que c'est ma première visite dans le pays et que je suis là seulement depuis deux jours, d'avoir une réponse définitive à cette question. Je suis un homme pragmatique et j'aime voir les choses avant d'exprimer mon opinion. Ce que je peux simplement dire c'est que, tout d'abord, l'agriculture slovène, telle que je l'ai comprise jusqu'à présent, ressemble à l'agriculture de beaucoup d'autres pays membres de l'Union européenne. On pense évidemment à l'Autriche voisine, on pense à l'Italie du Nord, on pense à une grande partie de la France, les Alpes, le Massif central, qui ont une agriculture qui ressemble beaucoup à la vôtre, ce qui veut donc dire que le modèle agricole européen dont j'ai parlé tout à l'heure est pluriel : on a à la fois des agricultures avec de grandes plaines céréalières, on a des zones à handicap naturel avec de petites unités de production et puis, je pense notamment à tous les "Laender" de l'est de l'Allemagne, on a des agricultures, comme disent les agronomes, "latifundiaires" avec de très grandes exploitations. Tout ceci pour dire que le modèle agricole peut s'incarner dans des agricultures elles-mêmes différentes. Moi-même, étant ministre d'un pays qui a un territoire, un climat extrêmement varié, je dis souvent que je ne suis pas ministre de l'Agriculture, mais ministre des Agricultures, tellement il y a d'agricultures différentes dans un pays comme la France. A fortiori sur l'ensemble de l'Union européenne, nous avons des modèles agricoles très différents.
Deuxième observation, je sais pour l'avoir lu, pour m'en être entretenu avec de bons connaisseurs de votre pays, et encore ce matin avec le ministre et l'ensemble de son équipe, qu'il y a eu maintenant, depuis bien des années ici, un énorme travail de fait pour la reprise de l'acquis communautaire et la mise ne place des organisations communes de marché. Je suis absolument convaincu que cet élargissement sera bénéfique pour tout le monde. Ce qui est vrai, je crois qu'il ne faut pas se le cacher, comme à la veille de chaque élargissement, il y a des craintes à la fois dans les dix pays qui nous rejoignent et également dans les quinze pays déjà membres. Je suis une grande partie de mon temps sur le terrain avec des exploitants agricoles en France et beaucoup se disent : " Cet élargissement, ça va être compliqué ! ". Je suis assez philosophe. Je me dis tout d'abord qu'en matière agricole, l'élargissement que nous allons connaître, à partir de l'année prochaine, représente l'équivalent de l'élargissement que nous avons connu dans les années quatre-vingt avec la Grèce, l'Espagne et le Portugal. Car à l'époque, dans ces trois pays, comme dans les neuf autres Etats membres de l'Europe d'alors, il y avait des polémiques, des débats dont vous ne pouvez pas imaginer l'intensité et la dureté, par exemple entre la France et l'Espagne. Vous ne pouvez pas imaginer ce que cela a été. Ce que je constate maintenant c'est que tout ceci fonctionne, qu'il y a eu effectivement des périodes de transition, de mise en place, mais que globalement, cela a été un élargissement "gagnant, gagnant".
Je suis convaincu que pour cet élargissement-là en matière agricole, les choses se passeront de la même manière. Je terminerai en disant que quand tout le monde a peur, il y a deux solutions : soit il faut avoir très peur, soit, au contraire, il ne faut pas avoir peur du tout. Je me range dans la deuxième catégorie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 avril 2003)
Je voudrais dire toute l'amitié personnelle et aussi la grande sympathie que la France a pour la Slovénie. (...) Effectivement, je crois que l'on peut se féliciter de l'excellence des relations bilatérales entre la France et la Slovénie.
Franc But a rappelé toutes les actions de coopération entre les deux pays qui vont se poursuivre. Mais je pense que ce qui est peut-être encore plus important, c'est que nous partagions la même vision du rôle de l'agriculture dans la société puisqu'il y a, je crois, deux visions de l'agriculture. Il y a une vision qui consiste à considérer l'agriculture, comme une production comme une autre, complètement mondialisée et dans cette vision-là, les hommes et les territoires constituent en quelque sorte une variable d'ajustement. Nous, nous sommes les tenants en Europe d'une vision différente, qui est une agriculture multifonctionnelle, peut-être un mot un peu compliqué, un peu barbare, mais qui veut dire tout simplement qu'une agriculture doit évidemment d'abord produire, mais qu'elle joue un autre rôle pour l'entretien de l'espace, pour l'emploi et, de ce point de vue là, elle contribue fortement à notre identité.
Nous sommes en cette année 2003, dans une circonstance particulière, avec un agenda international et européen très chargé : l'adhésion, bien sûr, de nouveaux pays membres. Je voudrais me féliciter de l'arrivée de dix nouveaux Etats membres et, d'ailleurs, je crois que la topographie future du Conseil des ministres fera que nous siégerons côte à côte au Conseil des ministres de l'Agriculture. Nous avons également la revue à mi-parcours de la Politique agricole commune européenne et puis, enfin, la négociation devant l'Organisation mondiale du commerce, puisque, comme vous le savez, nous avons au mois de septembre, une session ministérielle à Cancun, au Mexique, sur le volet agricole de l'Organisation mondiale du commerce. En deux mots, s'agissant des problèmes agricoles européens aujourd'hui, je voudrais faire d'abord de brèves remarques générales.
La première, c'est qu'il nous faut des politiques agricoles. Je crois que c'est extrêmement important, puisque l'agriculture, comme je l'ai dit, n'est pas un secteur comme un autre. Il nous faut des politiques agricoles fortes, même si nous devons les réformer.
Deuxième observation : je crois qu'il est stupide d'opposer, ce qu'on appelle, le premier pilier, c'est-à-dire les soutiens aux marchés, les aides directes, et le deuxième pilier, que l'on baptise le développement rural. Nous pensons qu'il faut de tout pour faire un monde et qu'il faut des politiques agricoles diversifiées avec des outils diversifiés. Opposer le développement rural aux aides directes du premier pilier n'a pas beaucoup de sens, puisqu'il faut que l'ensemble de ces politiques puissent être menées conjointement.
S'agissant des propositions de la Commission européenne, il y a un certain nombre d'orientations qui vous conviennent. Je pense notamment au renforcement du deuxième pilier. Je pense également à tout ce qui concerne la prise en compte plus importante de l'environnement dans les politiques agricoles. En revanche, il y a un certain nombre de propositions qui ne nous conviennent pas. Je pense notamment au découplage total des aides qui est une très mauvaise idée et qui serait néfaste pour l'agriculture européenne. Je pense également à la baisse du prix du lait qui conduirait en réalité à remettre en cause rapidement le principe même des quotas laitiers. Nous sommes également opposés à la baisse du prix des céréales. Mais nous pensons aussi qu'il y a beaucoup d'autres choses qui pourraient être faites et qui ne figurent pas d'ailleurs dans les propositions de la Commission. Je pense notamment à toutes les mises aux normes en matière d'environnement, de bien-être animal, de sécurités sanitaire et alimentaire. Ce sont des sujets majeurs. Comme vous le savez, l'Europe a le standard le plus élevé au monde, qui d'ailleurs alourdit les coûts de production des paysans européens et il me semblerait tout à fait légitime que l'Union européenne puisse d'avantage financer le coût de cette mise aux normes en matière d'environnement, de bien-être animal et de sécurités sanitaire et alimentaire.
Voilà les quelques mots que je voulais dire. Nous avons un modèle agricole européen original. Il faut en être fiers. Il ne faut pas en être honteux, même si dans la littérature internationale ce modèle est souvent critiqué pour de mauvaises raisons, me semble-t-il. Je suis convaincu que dans une Europe élargie nous aurons la capacité de répondre ensemble aux problèmes de l'agriculture et du développement qui vont ensemble dans ce siècle qui commence.
Q - Je voudrais savoir, Monsieur le ministre, pensez-vous que l'agriculture slovène est préparée pour l'entrée dans l'Union européenne ?
R - J'aurais vraiment beaucoup d'arrogance, de présomption, alors que c'est ma première visite dans le pays et que je suis là seulement depuis deux jours, d'avoir une réponse définitive à cette question. Je suis un homme pragmatique et j'aime voir les choses avant d'exprimer mon opinion. Ce que je peux simplement dire c'est que, tout d'abord, l'agriculture slovène, telle que je l'ai comprise jusqu'à présent, ressemble à l'agriculture de beaucoup d'autres pays membres de l'Union européenne. On pense évidemment à l'Autriche voisine, on pense à l'Italie du Nord, on pense à une grande partie de la France, les Alpes, le Massif central, qui ont une agriculture qui ressemble beaucoup à la vôtre, ce qui veut donc dire que le modèle agricole européen dont j'ai parlé tout à l'heure est pluriel : on a à la fois des agricultures avec de grandes plaines céréalières, on a des zones à handicap naturel avec de petites unités de production et puis, je pense notamment à tous les "Laender" de l'est de l'Allemagne, on a des agricultures, comme disent les agronomes, "latifundiaires" avec de très grandes exploitations. Tout ceci pour dire que le modèle agricole peut s'incarner dans des agricultures elles-mêmes différentes. Moi-même, étant ministre d'un pays qui a un territoire, un climat extrêmement varié, je dis souvent que je ne suis pas ministre de l'Agriculture, mais ministre des Agricultures, tellement il y a d'agricultures différentes dans un pays comme la France. A fortiori sur l'ensemble de l'Union européenne, nous avons des modèles agricoles très différents.
Deuxième observation, je sais pour l'avoir lu, pour m'en être entretenu avec de bons connaisseurs de votre pays, et encore ce matin avec le ministre et l'ensemble de son équipe, qu'il y a eu maintenant, depuis bien des années ici, un énorme travail de fait pour la reprise de l'acquis communautaire et la mise ne place des organisations communes de marché. Je suis absolument convaincu que cet élargissement sera bénéfique pour tout le monde. Ce qui est vrai, je crois qu'il ne faut pas se le cacher, comme à la veille de chaque élargissement, il y a des craintes à la fois dans les dix pays qui nous rejoignent et également dans les quinze pays déjà membres. Je suis une grande partie de mon temps sur le terrain avec des exploitants agricoles en France et beaucoup se disent : " Cet élargissement, ça va être compliqué ! ". Je suis assez philosophe. Je me dis tout d'abord qu'en matière agricole, l'élargissement que nous allons connaître, à partir de l'année prochaine, représente l'équivalent de l'élargissement que nous avons connu dans les années quatre-vingt avec la Grèce, l'Espagne et le Portugal. Car à l'époque, dans ces trois pays, comme dans les neuf autres Etats membres de l'Europe d'alors, il y avait des polémiques, des débats dont vous ne pouvez pas imaginer l'intensité et la dureté, par exemple entre la France et l'Espagne. Vous ne pouvez pas imaginer ce que cela a été. Ce que je constate maintenant c'est que tout ceci fonctionne, qu'il y a eu effectivement des périodes de transition, de mise en place, mais que globalement, cela a été un élargissement "gagnant, gagnant".
Je suis convaincu que pour cet élargissement-là en matière agricole, les choses se passeront de la même manière. Je terminerai en disant que quand tout le monde a peur, il y a deux solutions : soit il faut avoir très peur, soit, au contraire, il ne faut pas avoir peur du tout. Je me range dans la deuxième catégorie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 avril 2003)