Texte intégral
G. Leclerc - La réforme des retraites rentre dans sa phase décisive, un peu dans la douleur. Les syndicats se rencontrent aujourd'hui, pour organiser la mobilisation. J.-P. Raffarin assure, lui, que la réforme passera car, dit-il, "elle est faite pour les Français".
- "Non, pas du tout. Elle passera peut-être parce qu'il a une majorité au Parlement, mais ce n'est pas une réforme, c'est une régression. Cela m'énerve que ce gouvernement parle tout le temps de réforme. Il ne réforme rien du tout, il recule sur tout ! Aujourd'hui les retraites sont assurées, demain vous ne pourrez pas prendre votre retraite à 60 ans. Sur les médicaments, on vient, en catimini pendant le week-end de Pâques, de dérembourser des médicaments qui sont parfaitement utiles. Et les vraies réformes qu'il faudrait faire sur le fond, en matière d'éducation, de réforme de l'Etat, de formation, il n'y a rien du tout. Donc, le Premier ministre commence un peu à me chauffer les oreilles."
On va revenir sur ces différents points. Mais sur les retraites, il y a un problème financier, il fallait faire la réforme. Or, là, l'alignement du public sur le privé, le fait que l'on maintienne la retraite à 60 ans, le fait qu'on incite les gens à travailler plus longtemps : tout cela est choquant ?
- "Bien sûr, il y a une question de fond : c'est que les gens vivent de plus en plus longtemps - très bien -, mais comme il n'y a pas tellement de gens qui travaillent, cela pose un problème financier. Il faut donc avoir l'honnêteté de reconnaître qu'il faut une réforme. Mais la proposition de messieurs Chirac et Raffarin ne règle pas du tout la question. Même la CFDT, qui est très modérée sur ce dossier, a dit - elle a raison - que sur la question financière, c'est le flou absolu. Vous n'avez pas vu un chiffre ! Donc, ce n'est pas financé. On dit que la retraite à 60 ans est maintenue. Mais ce n'est pas vrai ! Ce qui compte, ce n'est pas simplement l'âge de la retraite, c'est le niveau. Si vous dites aux gens - et en réalité puisque c'est cela qui va être proposé -, que vous pouvez prendre votre retraite à 60 ans, mais que vous n'aurez qu'une partie de votre pension pleine, ils ne le feront pas. Donc il faut revenir à des choses de base. Oui, il faut réformer les pensions, mais à partir de trois principes clairs : premièrement, il faut garantir le système de la répartition et écarter les fonds de pension, alors qu'ils sont réintroduits. Deuxièmement, il faut garantir un minimum de retraite, ce qui n'est pas fait. Et, troisièmement, puisque les syndicats se sont mis d'accord - c'est quand même rarissime ! -, il faut négocier avec eux et non pas imposer les choses."
Autre dossier, autre souci : les dépenses de santé. Il y a là aussi un déficit qui serait de 9 milliards d'euros cette année, ce qui est beaucoup. Et le gouvernement décide le déremboursement partiel de 616 médicaments, de 65 % à 35 %...
- "Je trouve cela tout à fait scandaleux. D'abord, sur le trou de la Sécurité sociale, on peut faire beaucoup de reproches au gouvernement de la gauche sans doute, mais personne ne contestera qu'au moment où la gauche a gouverné, il n'y a plus eu de trou de la Sécurité sociale. La droite revient et le trou réapparaît. Et ces mesures qui sont prises sont tout à fait scandaleuses. Qu'on cesse de rembourser des médicaments inutiles, je trouve cela normal. Mais - on est obligé de citer des noms - que le Zyrtec, le Zovirax, le Primpéran, le Voltarène, cela parle à des centaines de milliers de Français, qui ne prennent pas cela pour se faire plaisir, mais parce qu'ils en ont besoin ! Cela veut donc dire que ces médicaments seront beaucoup moins remboursés. Alors, que va-t-il se passer, concrètement ? Pas du tout des dépenses de santé en moins. Ce qui va se passer, c'est que les gens qui ont besoin d'être soignés, il faut qu'ils se soignent, donc cela va se reporter sur les mutuelles. Les Mutuelles - Monsieur Davant, qui est le président de la Mutuelle l'a dit hier -, à partir du moment où elles vont devoir payer en plus, elles vont augmenter leurs cotisations. Donc les gens vont devoir payer en plus. Simplement, Messieurs Chirac et Raffarin vont dire : "Regardez, c'est superbe, il y a beaucoup moins de trou de la Sécurité sociale !". Mais cela va devenir le "trou des mutuelles", avec l'augmentation des cotisations. En quoi est-ce que l'on aura réglé le problème ? Sans compter qu'il y a quand même 10 % de Français qui n'ont pas du tout de Mutuelle, parce qu'ils n'ont pas les moyens. Et ceux-là, qu'est-ce qu'ils vont faire ? Ils ne vont pas pouvoir se soigner. Donc, je trouve cela absolument scandaleux. Alors, on parle de réformes ? Ce n'est pas du tout des réformes, ce sont des régressions."
Justement, le Gouvernement dit qu'il a des difficultés parce qu'il fait des réformes. Les réformes, ce serait "l'esprit de mai", la réforme sur la sécurité, la décentralisation, les retraites, la réforme de l'Etat. Et il dit que ça, ce sont les réformes qu'ils font, sans idéologie, l'opposant au 21 avril, au gouvernement précédent, qui était dans l'impuissance politique.
- "Sans idéologie ! Quand on fait une réforme de droite, on dit que c'est sans idéologie. La décentralisation ? Il aurait fallu rebaptiser cette réforme. Ce n'est pas la loi sur la décentralisation, c'est la loi sur l'augmentation des impôts locaux. Peut-être que certains vont payer un peu moins d'impôts au niveau national, mais au niveau des impôts locaux, comme il y aura de nouvelles dépenses, il va falloir les financer. Donc, je suis tout à fait partisan pour faire de vraies réformes, parce que la France a besoin de bouger, mais sur une base juste. Et ce qui choque de plus en plus de Français, je crois, et en tout cas ce qui me choque en tant que responsable de l'opposition, c'est qu'on nous présente des choses qui, sur le fond, ne vont pas régler les problèmes, mais qui, en tout cas, vont avoir des conséquences négatives en terme de justice, donc aussi en terme économique."
Justement à propos de la situation économique, la fin de la guerre en Irak pourrait favoriser un retour de la croissance. C'est que pense F. Mer...
- "J'ai été aux Etats-Unis, il n'y a pas très longtemps. C'est vrai que la période pré-guerre était très négative. Mais enfin, il y a aussi des questions de fond qui se posent, indépendamment de la guerre. Vous avez les déséquilibres aux Etats-Unis, qui sont massifs ; vous avez les problèmes européens, qui sont aussi massifs. Donc, je souhaiterais que cela reparte. Mais quand vous discutez avec des responsables d'entreprise aujourd'hui, ou avec des salariés, les gens sont inquiets. Et quand vous avez une période d'inquiétude, ce n'est pas bon, parce qu'on manque d'une direction ferme. Bien sûr, une partie des responsabilités est internationale, il ne faut pas nier..."
Mais nous ne sommes pas responsables du ralentissement de l'économie dans le monde, de la guerre en Irak...
- "De cette partie-là, certainement. Mais il y a aussi une partie qui est proprement française."
Là, il dit qu'il n'est pas non plus responsable des factures que vous lui avez laissées ?
- "Les factures, je pense qu'on peut faire des reproches à la gauche, mais personne - en tout de censé - ne lui fait le reproche de ne pas avoir géré correctement l'économie. Je pense que la gauche a montré qu'elle savait gérer l'économie. Non, il ne faut pas repousser aux autres la responsabilité. Et que j'entends effectivement le gouvernement, que ce soit Monsieur Chirac ou Monsieur Raffarin, si cela va mal, au fond, il y a deux causes : soit l'étranger, soit la gauche. Je propose que l'on remonte même à la guerre de 70, ce serait plus clair."
Le congrès du Parti socialiste est dans trois semaines. Certains redoutent un "21 avril" en interne, c'est-à-dire pas de majorité pour F. Hollande, et puis la révolte contre le social-libéralisme qu'avec d'autres, vous incarnez un peu.
- "Le social-libéralisme, je ne sais pas ce que c'est. Je suis de gauche, j'ai toujours été de gauche, j'ai toujours été membre du Parti socialiste, donc ce procès n'a aucun fondement. Ce qui est vrai, c'est qu'un congrès ça sert à quoi ? Cela n'intéresse peut-être pas la majeure partie des Français. Mais cela sert à déterminer une ligne politique, qui va être une ligne de gauche, moderne, et à choisir des dirigeants. Et il vrai qu'il y a lieu de faire une mise en garde, parce qu'on peut craindre une mobilisation militante insuffisante et on peut effectivement craindre un parti qui ne soit pas gouvernable. J'espère que ce ne sera pas le cas. Si c'est le cas, ce serait très ennuyeux, parce qu'aujourd'hui, la seule force d'alternance démocratique à la droite, c'est la gauche et, à l'intérieur de la gauche, le pilier, c'est le Parti socialiste. Et j'attends de ce congrès qu'il soit un congrès de reconquête. Il faut que nous soyons offensifs vis-à-vis du Gouvernement - ce matin, je n'ai pas été tellement tendre -, il faut que nous soyons imaginatifs dans nos propositions - là encore, il y a des progrès à faire -, et puis, il faut que nous soyons unis. Si on fait cela, ce sera un bon congrès et cela préparera les étapes suivantes."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 avril 2003)
- "Non, pas du tout. Elle passera peut-être parce qu'il a une majorité au Parlement, mais ce n'est pas une réforme, c'est une régression. Cela m'énerve que ce gouvernement parle tout le temps de réforme. Il ne réforme rien du tout, il recule sur tout ! Aujourd'hui les retraites sont assurées, demain vous ne pourrez pas prendre votre retraite à 60 ans. Sur les médicaments, on vient, en catimini pendant le week-end de Pâques, de dérembourser des médicaments qui sont parfaitement utiles. Et les vraies réformes qu'il faudrait faire sur le fond, en matière d'éducation, de réforme de l'Etat, de formation, il n'y a rien du tout. Donc, le Premier ministre commence un peu à me chauffer les oreilles."
On va revenir sur ces différents points. Mais sur les retraites, il y a un problème financier, il fallait faire la réforme. Or, là, l'alignement du public sur le privé, le fait que l'on maintienne la retraite à 60 ans, le fait qu'on incite les gens à travailler plus longtemps : tout cela est choquant ?
- "Bien sûr, il y a une question de fond : c'est que les gens vivent de plus en plus longtemps - très bien -, mais comme il n'y a pas tellement de gens qui travaillent, cela pose un problème financier. Il faut donc avoir l'honnêteté de reconnaître qu'il faut une réforme. Mais la proposition de messieurs Chirac et Raffarin ne règle pas du tout la question. Même la CFDT, qui est très modérée sur ce dossier, a dit - elle a raison - que sur la question financière, c'est le flou absolu. Vous n'avez pas vu un chiffre ! Donc, ce n'est pas financé. On dit que la retraite à 60 ans est maintenue. Mais ce n'est pas vrai ! Ce qui compte, ce n'est pas simplement l'âge de la retraite, c'est le niveau. Si vous dites aux gens - et en réalité puisque c'est cela qui va être proposé -, que vous pouvez prendre votre retraite à 60 ans, mais que vous n'aurez qu'une partie de votre pension pleine, ils ne le feront pas. Donc il faut revenir à des choses de base. Oui, il faut réformer les pensions, mais à partir de trois principes clairs : premièrement, il faut garantir le système de la répartition et écarter les fonds de pension, alors qu'ils sont réintroduits. Deuxièmement, il faut garantir un minimum de retraite, ce qui n'est pas fait. Et, troisièmement, puisque les syndicats se sont mis d'accord - c'est quand même rarissime ! -, il faut négocier avec eux et non pas imposer les choses."
Autre dossier, autre souci : les dépenses de santé. Il y a là aussi un déficit qui serait de 9 milliards d'euros cette année, ce qui est beaucoup. Et le gouvernement décide le déremboursement partiel de 616 médicaments, de 65 % à 35 %...
- "Je trouve cela tout à fait scandaleux. D'abord, sur le trou de la Sécurité sociale, on peut faire beaucoup de reproches au gouvernement de la gauche sans doute, mais personne ne contestera qu'au moment où la gauche a gouverné, il n'y a plus eu de trou de la Sécurité sociale. La droite revient et le trou réapparaît. Et ces mesures qui sont prises sont tout à fait scandaleuses. Qu'on cesse de rembourser des médicaments inutiles, je trouve cela normal. Mais - on est obligé de citer des noms - que le Zyrtec, le Zovirax, le Primpéran, le Voltarène, cela parle à des centaines de milliers de Français, qui ne prennent pas cela pour se faire plaisir, mais parce qu'ils en ont besoin ! Cela veut donc dire que ces médicaments seront beaucoup moins remboursés. Alors, que va-t-il se passer, concrètement ? Pas du tout des dépenses de santé en moins. Ce qui va se passer, c'est que les gens qui ont besoin d'être soignés, il faut qu'ils se soignent, donc cela va se reporter sur les mutuelles. Les Mutuelles - Monsieur Davant, qui est le président de la Mutuelle l'a dit hier -, à partir du moment où elles vont devoir payer en plus, elles vont augmenter leurs cotisations. Donc les gens vont devoir payer en plus. Simplement, Messieurs Chirac et Raffarin vont dire : "Regardez, c'est superbe, il y a beaucoup moins de trou de la Sécurité sociale !". Mais cela va devenir le "trou des mutuelles", avec l'augmentation des cotisations. En quoi est-ce que l'on aura réglé le problème ? Sans compter qu'il y a quand même 10 % de Français qui n'ont pas du tout de Mutuelle, parce qu'ils n'ont pas les moyens. Et ceux-là, qu'est-ce qu'ils vont faire ? Ils ne vont pas pouvoir se soigner. Donc, je trouve cela absolument scandaleux. Alors, on parle de réformes ? Ce n'est pas du tout des réformes, ce sont des régressions."
Justement, le Gouvernement dit qu'il a des difficultés parce qu'il fait des réformes. Les réformes, ce serait "l'esprit de mai", la réforme sur la sécurité, la décentralisation, les retraites, la réforme de l'Etat. Et il dit que ça, ce sont les réformes qu'ils font, sans idéologie, l'opposant au 21 avril, au gouvernement précédent, qui était dans l'impuissance politique.
- "Sans idéologie ! Quand on fait une réforme de droite, on dit que c'est sans idéologie. La décentralisation ? Il aurait fallu rebaptiser cette réforme. Ce n'est pas la loi sur la décentralisation, c'est la loi sur l'augmentation des impôts locaux. Peut-être que certains vont payer un peu moins d'impôts au niveau national, mais au niveau des impôts locaux, comme il y aura de nouvelles dépenses, il va falloir les financer. Donc, je suis tout à fait partisan pour faire de vraies réformes, parce que la France a besoin de bouger, mais sur une base juste. Et ce qui choque de plus en plus de Français, je crois, et en tout cas ce qui me choque en tant que responsable de l'opposition, c'est qu'on nous présente des choses qui, sur le fond, ne vont pas régler les problèmes, mais qui, en tout cas, vont avoir des conséquences négatives en terme de justice, donc aussi en terme économique."
Justement à propos de la situation économique, la fin de la guerre en Irak pourrait favoriser un retour de la croissance. C'est que pense F. Mer...
- "J'ai été aux Etats-Unis, il n'y a pas très longtemps. C'est vrai que la période pré-guerre était très négative. Mais enfin, il y a aussi des questions de fond qui se posent, indépendamment de la guerre. Vous avez les déséquilibres aux Etats-Unis, qui sont massifs ; vous avez les problèmes européens, qui sont aussi massifs. Donc, je souhaiterais que cela reparte. Mais quand vous discutez avec des responsables d'entreprise aujourd'hui, ou avec des salariés, les gens sont inquiets. Et quand vous avez une période d'inquiétude, ce n'est pas bon, parce qu'on manque d'une direction ferme. Bien sûr, une partie des responsabilités est internationale, il ne faut pas nier..."
Mais nous ne sommes pas responsables du ralentissement de l'économie dans le monde, de la guerre en Irak...
- "De cette partie-là, certainement. Mais il y a aussi une partie qui est proprement française."
Là, il dit qu'il n'est pas non plus responsable des factures que vous lui avez laissées ?
- "Les factures, je pense qu'on peut faire des reproches à la gauche, mais personne - en tout de censé - ne lui fait le reproche de ne pas avoir géré correctement l'économie. Je pense que la gauche a montré qu'elle savait gérer l'économie. Non, il ne faut pas repousser aux autres la responsabilité. Et que j'entends effectivement le gouvernement, que ce soit Monsieur Chirac ou Monsieur Raffarin, si cela va mal, au fond, il y a deux causes : soit l'étranger, soit la gauche. Je propose que l'on remonte même à la guerre de 70, ce serait plus clair."
Le congrès du Parti socialiste est dans trois semaines. Certains redoutent un "21 avril" en interne, c'est-à-dire pas de majorité pour F. Hollande, et puis la révolte contre le social-libéralisme qu'avec d'autres, vous incarnez un peu.
- "Le social-libéralisme, je ne sais pas ce que c'est. Je suis de gauche, j'ai toujours été de gauche, j'ai toujours été membre du Parti socialiste, donc ce procès n'a aucun fondement. Ce qui est vrai, c'est qu'un congrès ça sert à quoi ? Cela n'intéresse peut-être pas la majeure partie des Français. Mais cela sert à déterminer une ligne politique, qui va être une ligne de gauche, moderne, et à choisir des dirigeants. Et il vrai qu'il y a lieu de faire une mise en garde, parce qu'on peut craindre une mobilisation militante insuffisante et on peut effectivement craindre un parti qui ne soit pas gouvernable. J'espère que ce ne sera pas le cas. Si c'est le cas, ce serait très ennuyeux, parce qu'aujourd'hui, la seule force d'alternance démocratique à la droite, c'est la gauche et, à l'intérieur de la gauche, le pilier, c'est le Parti socialiste. Et j'attends de ce congrès qu'il soit un congrès de reconquête. Il faut que nous soyons offensifs vis-à-vis du Gouvernement - ce matin, je n'ai pas été tellement tendre -, il faut que nous soyons imaginatifs dans nos propositions - là encore, il y a des progrès à faire -, et puis, il faut que nous soyons unis. Si on fait cela, ce sera un bon congrès et cela préparera les étapes suivantes."
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 avril 2003)