déclaration de Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, sur les diverses mesures favorisant la lecture et la diffusion des livres, Saint-Louis le 15 mai 1998.

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Circonstance : Foire du livre de Saint-Louis, le 15 mai 1998

Texte intégral

Monsieur le Député-Maire,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Président, Cher Patrick Rambaud,
Monsieur le Secrétaire général de l'Académie Goncourt,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
C'est, bien sûr, avec un plaisir très vif que je me retrouve parmi vous ce soir à Saint-Louis, en terre familière, pour déclarer ouverte la quinzième foire du livre.
Je sais, pour l'avoir entendu de la part de nombreux écrivains, que ce rendez-vous annuel leur tient particulièrement à cur. Cela vient de la qualité de l'accueil, de l'hospitalité qui leur est généreusement réservée ici. Cela vient aussi des liens particuliers qui, au fil des années, se sont tissés avec le public au point d'avoir donné naissance à de solides amitiés.
C'est peut-être cela la magie des livres. Faire se jouer des rencontres, ouvrir des horizons, éveiller des curiosités. Mais est-ce vraiment un hasard ? Tant de parcours, tant d'histoires particulières et collectives ont été transformés par des lectures. Au point d'avoir donné naissance à des vocations d'écrivain, de voyageurs, ou plus communément, de rêveurs bien éveillés.
Nous nous trouvons actuellement dans une période de mutation, avec l'émergence de la société de l'information. J'ai bien noté que sous le chapiteau, un café littéraire, héritier de la grande et belle tradition, cohabite en parfaite harmonie avec un cyber-café. Ce rapprochement me paraît aller dans la bonne direction. A l'heure des écrans et du réseau, nous avons plus que jamais besoin de l'écrit, de la création écrite.
Opposer ces deux mondes, prédire, dans l'arrivée de l'un la disparition de l'autre, ne peut être que l'expression d'une peur qu'il faut refuser et combattre pour développer au contraire des complémentarités. C'est pourquoi je fais du développement de la lecture l'un des axes essentiels de la politique que je conduis au ministère de la culture et de la communication.
La loi sur le prix unique du livre, dont je n'accepterai aucune remise en cause, a permis de maintenir sur l'ensemble du territoire un réseau dense et diversifié de librairies.
Avec l'aide constante de l'Etat, en jouant de plus en plus souvent le principe de l'intercommunalité, les collectivités ont développé, au cours des quinze dernières années, une politique remarquable en matière d'équipement de lecture publique, dont je veux saluer l'excellence des résultats. Dans bien des villes, la bibliothèque-médiathèque est devenue, grâce au travail des professionnels, le lieu privilégié de la vie culturelle d'un quartier ou d'une localité.
Bien que fragile, parce que soumis aux lois du marché, le monde de l'édition, porteur de la liberté d'expression indispensable au bon fonctionnement de la démocratie, est à la fois le gardien d'un patrimoine littéraire et intellectuel inestimable et le découvreur inlassable de nouveaux textes dont certains seront les classiques de demain.
C'est avec l'ensemble des partenaires de toute la chaîne du livre que je souhaite travailler pour favoriser l'élargissement de l'accès des publics à la lecture, à la culture. Partenaires auxquels j'associe bien évidemment la presse, qui partage les mêmes enjeux.
La lecture est une valeur. Un livre est une valeur. C'est un bien à la fois modeste et puissant. Modeste dans sa forme : une petite brique de papier, que l'on glisse dans sa poche, capitaine clandestin des voyages infinis auxquels il invite. Modeste, oui, mais puissant au point d'effrayer les ennemis de la pensée et de la liberté.
Nous ne le savons que trop, et si nous avions la tentation de l'oublier, il se trouve malheureusement encore toujours des faits déplorables d'actualité pour venir le rappeler. C'est toujours aux livres, c'est d'abord aux livres que s'attaquent ceux que la haine de l'autre gouverne. Pour une raison qui leur est intolérable : quel que soit le style choisi par son auteur, un livre dit toujours " je ". Et c'est toujours au " je " qui est en chacun de nous qu'un livre vient s'adresser lorsque nous sommes lecteurs.
Lire, donner à lire, c'est ouvrir des portes. Vous l'avez réussi d'emblée à Saint-Louis, en faisant se rencontrer l'édition régionale et nationale et en appliquant, tout simplement, les règles de vie quotidienne d'une cité frontalière naturellement ouverte à l'Europe. D'année en année, la représentation des éditeurs et des auteurs suisses et
allemands s'est étoffée, affermissant ainsi des relations sans frontières.
Toutes ces raisons pourraient au fond suffire au succès de la Foire du Livre de Saint-Louis. Mais il en est une autre, à laquelle je suis particulièrement attachée, comme le sont les écrivains et les enseignants.
Je veux parler des actions qui sont entreprises à l'intention de la jeunesse pendant cette manifestation. Les interventions d'auteurs et d'illustrateurs dans les classes constituent autant de temps forts, dont les effets, me dit-on, se font ensuite longuement ressentir à la médiathèque Le Parnasse et dans les librairies. J'attache un prix particulier à ces rencontres qui, à mes yeux, s'inscrivent pleinement dans les programmes d'éducation artistique auxquels je travaille en étroite collaboration avec mes collègues du ministère de l'Education nationale, Claude Allègre et Ségolène Royal.
Je ne vous révélerai rien en vous disant que le goût de la lecture a de plus grandes chances d'être ancré s'il a été contracté jeune. Et cela d'autant plus que si l'acte de lire peut être une source de plaisir infini, il n'en reste pas moins que c'est toujours un effort auquel personne n'échappe vraiment, pas même les grands lecteurs.
Ajouterai-je que la lecture est le meilleur moyen d'apprendre à décrypter les images, à développer son propre imaginaire et à aiguiser son sens critique ?
Je suis convaincue que cette année encore, la Foire du livre de Saint-Louis va connaître un grand succès. Je vous souhaite à tous et à toutes trois belles journées de découvertes que vous poursuivrez pour la plupart en lisant, pour quelques uns en écrivant. Parce qu'il y aura, bien sûr, d'autres rendez-vous.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 2 octobre 2001)